Nda : Outre la dégaine, James Leg partage avec Lemmy Kilmister une authentique attitude rock’n’roll et une gentillesse non feinte. Sûr que le glorieux aîné aurait apprécié le bonhomme…A quelques semaines de la sortie de son nouvel album « Blood On The Keys » (label Alive Records), le chanteur et pianiste a profité d’un moment de relâche afin de m’accorder une interview. Assis devant son café, dans un bar de la capitale européenne, le rocker romanesque y est revenu sur un destin qui aurait pu être tout autre.
S’il a travaillé avec des pointures (Dan Auerbach des Black Keys, qui a produit l’album « A Touch Of Someone Else’s Class » de son groupe Black Diamond Heavies en 2008, ou le trio Left Lane Cruiser en compagnie duquel il a enregistré « Painkillers » en 2012) il y démontre, avant tout, qu’il est un artiste unique.
Dans quelques jours, James Leg repartira à l’assaut des scènes européennes et américaines afin de livrer de nouvelles prestations insolites. Il serait de bon ton de ne pas le rater…
James, peux-tu revenir sur ta jeunesse dans le Tennessee et évoquer le milieu au sein duquel tu as grandi ?
Je suis né à Port Arthur, dans le sud-est du Texas. Pour être plus précis, cette ville se situe dans le comté de Jefferson.
Alors que je n’étais qu’un enfant, mon père a décidé d’aller vivre dans le Tennessee. Là aussi, c’était dans le sud-est de cet état et plus exactement à Chattanooga.
Il avait, alors, décidé d’intégrer ce que l’on appelle une « Bible School ». C’est-à-dire un établissement consacré à l’étude de la Bible. On y suit une sorte de séminaire à l’issue duquel on devient prédicateur. J’ai donc grandi dans le Tennessee, en passant beaucoup de temps à l’église, jusqu’à l’âge de 15 ou 16 ans. Puis, j’ai emprunté un chemin différent…
Tes premiers souvenirs musicaux doivent, de ce fait, être liés à la musique sacrée ?
Tu sais, il y a toujours eu de la musique dans notre maison. A l’église, ma mère chantait et jouait du piano, mon père chantait et j’ai, pour ma part, commencé l’apprentissage du piano alors que je n’avais que 6 ans. Nous vivions donc complètement entourés par la musique. C’était alors exclusivement du gospel ou de la musique classique…
Je me souviens très bien, lorsque j’étais très jeune, avoir parcouru la route qui relie le Tennessee au Texas avec ma famille. Dans la voiture, mon père cherchait une station de radio et, bien sûr, il ne tenait pas particulièrement à tomber sur des registres non religieux. Son choix s’est, cependant, arrêté au moment où nous avons entendu la voix de Ray Charles dans les haut-parleurs. J’ai été marqué par cela car, à l’époque, nous n’écoutions que du gospel… Je me souviens parfaitement de ce moment !
Le Tennessee est un état qui a marqué l’histoire de musiques telles que le blues, la soul, la country et le rock’n’roll. Dans l’un de ces registres, quel est le premier artiste que tu as pu voir en chair et en os ?
Hum… Je crois que le premier concert auquel j’ai pu assister était un show de Willie Nelson, à moins qu’il s’agissait de celui du groupe Aerosmith…
Tous les grands artistes passaient dans le Tennessee mais, en ce qui concerne la musique liée à cette région des Etats-Unis, mon premier gig devait être celui d’Uncle Lightnin’ qui est un combo originaire de Chattanooga. Il pratique une musique qui est une sorte d’americana alternatif. C’est, à la fois, très roots et rock’n’roll. Tous les membres qui le constituent ont des parcours et des goûts différents. C’est ce qui fait sa richesse et j’étais très fan de cette musique. Pour moi, le vrai son du Tennessee allie le gospel à la country music, au bluegrass et à toutes ces choses.
Tu me disais précédemment avoir commencé l’apprentissage du piano à l’âge de 6 ans. As-tu suivi des cours en particulier ou as-tu appris à jouer de cet instrument en suivant les conseils de ta mère ?
J’avais un professeur alors que j’avais 6 ans. Au bout de quelques années j’en ai changé et mon deuxième éducateur a dit à mes parents qu’il était inutile qu’ils mettent un sou de plus dans mon apprentissage de l’instrument, car je ne travaillais pas assez. J’ai poursuivi en jouant seul, à l’oreille, car il y avait toujours un piano à la maison. C’est ainsi que j’ai continué…
Quelle a été la réaction de ta famille, lorsqu’elle a appris que tu avais décidé de te lancer professionnellement dans la musique profane ?
(rires) Je ne peux pas exactement répondre à cette question car j’avais déjà quitté la maison familiale à ce moment-là. Je devine, cependant, le chamboulement que cela a pu apporter (rires) ! Mon père m’a dit qu’il était fier de moi, même s’il préfèrerait que je ne joue pas toutes ces musiques du diable…
Avant d’intégrer ton premier groupe (en 1999), The Immortal Lee County Killers, jouais-tu déjà sous ton propre nom ?
En effet, avant cette expérience il m’était déjà arrivé de me produire sous mon vrai nom qui est John Wesley Myers. Je n’avait, alors, jamais enregistré…je me contentais de donner des concerts et de parcourir les routes avec mon piano. Ce dernier a, par ailleurs, été totalement détruit durant cette période (rires).Avec The County Killers, je n’ai pas passé davantage de temps en studio. Ce n’est qu’avec mon deuxième groupe, Black Diamond Heavies, que j’ai réalisé mes premières sessions.J’avais rencontré ce combo à Nashville, alors que je me produisais avec The Immortal Lee County Killers, nous sommes rapidement devenus amis.
Les autres membres de Black Diamond Heavies étaient Van Campbell (percussions) et Mark Porkchop Holder (guitare et harmonica). Quels sont les meilleurs souvenirs que tu conserves de cette époque de ta vie ?
Oh…il y en a tellement que beaucoup d’entre eux ont dû tomber dans les oubliettes… Avec Van Campbell et Mark Holder nous avons, pendant des années, ratissé le sud des Etats-Unis en long et en large. Puis nous avons voyagé à travers le monde. Grâce à cette expérience, j’ai pu visiter la planète…ce qui est formidable !
Par la suite, tu as débuté ta propre carrière sous le nom de James Leg. Pourquoi as-tu pris cette décision ?
James Leg est un surnom que j’ai toujours porté. Je l’utilise, aujourd’hui, comme un masque. Il reflète la partie sauvage que je possède. Celle qui s’exprime sur scène… Cette dernière n’a rien à voir John Wesley Myers qui est un homme beaucoup plus calme dans le privé. Je crois que le fait d’avoir un masque est une bonne chose…
Après « Solitary Pleasure » (2011) et « Below The Belt » (2015), tu signes ton retour discographique avec un nouvel album sous ton propre nom, « Blood On The Keys » (Alive Records). Peux-tu me présenter ce disque ?
Oui, nous avons enregistré « Blood On The Keys » en janvier 2016 à Cincinnati, dans l’état de l’Ohio. J’y ai convié quelques musiciens rencontrés durant mes tournées européennes. Ainsi, on peut y retrouver le batteur Matgaz du groupe Mars Red Sky. Je le connais depuis un certain temps, mais c’est la première fois qu’il vient jouer sur l’un de mes albums. C’est quelqu’un qui vit en Europe mais qui passe pas mal de temps aux Etats-Unis. Avant ce disque, j’ai employé plusieurs batteurs différents. Le résultat de cette collaboration avec Matgaz est chargé d’énergie. De plus, il donne l’impression que nous jouons ensemble depuis très longtemps, ce qui n’est pas le cas. Cet album suit le chemin tracé par « Solitary Pleasure » et « Below The Belt » car il sonne live et nous l’avons enregistré avec du matériel léger. Comme ses prédécesseurs, il creuse le sillon de ce qu’est vraiment la musique de James Leg, tout en n’hésitant pas à partir dans différentes directions musicales.
Y-a-t-il des réminiscences de gospel sur ce disque ?
J’y ai pensé, en me disant, pourquoi ne pas traiter tel ou tel sujet dans un environnement musical qui fasse penser au gospel. Au final, je ne peux pas dire si on en trouve ou pas. Le mieux et que chacun écoute le disque afin de se forger sa propre opinion. Il est vrai, qu’à ce jour, le gospel reste une influence que l’on peut trouver sur chacun de mes enregistrements…
Où puises-tu ton inspiration ?
La vie mec, la vie… J’écris en m’inspirant de mon propre parcours...J’estime ne pas avoir le talent nécessaire pour devenir un bon créateur d’histoires, de fictions et de choses telles que celles-ci. Je transcris donc ce que je vois et relate certaines expériences que j’ai pu vivre.
Je considère ton registre musical comme un mélange de ceux de Screamin’ Jay Hawkins, Howlin’ Wolf, Little Richard et des Stooges. Serait-ce une bonne définition pour toi ?
C’est une définition très flatteuse ! Merci beaucoup ! Bien sûr, j’écoute beaucoup les disques de tous ces gens. Dans le fond, je suis simplement un mec qui fait ce qu’il peut avec une voix qui n’est pas très jolie. Ma musique est brute… Je crois que ce qui m’intéresse le plus dans cet art est la sincérité, la vérité et l’énergie. Si, par exemple, tu crois en quelque chose et que tu arrives à bien faire passer ton message, j’y croirai aussi. C’est ce que j’essaye de faire lorsque je pratique la musique…
Tu dégages une impressionnante énergie lorsque tu es sur scène. Que ressens-tu face à un public ?
C’est quelque chose de très physique. C’est même similaire à de l’électricité. J’ai beaucoup de mal à l’expliquer. Lorsque je commence à entendre la batterie, c’est comme si quelque chose se tordait en moi. C’est réellement une expérience sauvage…
Chaque concert est-il différent pour toi ?
Oui, c’est certain (rires) ! Ce qu’il y a d’intéressant mec, c’est que tu passes continuellement d’un endroit à l’autre. Cet été, par exemple, j’ai pu me produire sur des scènes énormes et dans de grands festivals…le tout avec des sonos démentielles et sous un déluge de lumières. Deux jours après une prestation telle que celle-ci, je pouvais me retrouver à jouer dans le coin d’un pub après avoir déplacé quelques tables. J’apprécie les sensations que procurent ces deux configurations, qui sont opposées. J’aime bien, par exemple, me produire dans des petits endroits…avec un public assis sur le sol et un spectateur qui t’apporte soudainement une bière. J’affectionne autant cette proximité que le fait de jouer devant une foule imposante.
De quels artistes es-tu proche actuellement ?
Il y en a pas mal finalement. Par exemple dans ta propre région, c’est-à-dire en Alsace, j’ai pris l’habitude de travailler avec Dirty Deep. J’espère que nous allons, bientôt, éditer un 45 tours commun. Nous sortons de studio où nous avons réalisé quelques sessions dans cette perspective. Nous avons, aussi, pris l’habitude de donner des gigs ensemble. Nous aurons prochainement l’occasion de nous revoir outre Atlantique, puisque nous serons séparément à l’affiche du Deep Blues Festival à Clarksdale, dans le Mississippi. Puis, nous donnerons quelques concerts communs aux USA. Je ne peux pas omettre d’évoquer les membres du groupe anglais The Magick Godmothers qui est actuellement en tournée. Waouh, ils sont tellement bons…je te conseille de jeter une oreille attentive sur leur musique !
Je tiens également à citer The Bonnevilles. C’est encore un groupe anglais très impressionnant, qui se démarque dans un registre blues et punk-rock.
Tu citais Dirty Deep, qui est devenu l’un des fleurons d’une nouvelle scène musicale française. Cette dernière allie le blues à une énergie très rock. Maintenant que tu connais un peu mieux cette scène, peux-tu me dire ce que tu en penses ?
Je crois que j’aime de nombreux styles musicaux différents et qu’il est toujours dangereux de vouloir appartenir à une scène en particulier, surtout si tu souhaites traverser les années. Je pense sincèrement qu’il est préférable de passer à travers tout cela et de se contenter de faire ses chansons. Ceci en se tenant à l’écart des microphénomènes de mode qui pourraient te pousser dans une direction en particulier, puis te couler lorsque cette mode est passée.
De ce fait, comment qualifies-tu ta musique ?
Si quelqu’un me pose cette question dans la rue, je lui réponds que je fais du rock’n’roll ou du rock’n’soul. Ceci parce que je tiens à rester fidèle à ces racines que sont le rock’n’roll, la soul music et le blues. Je fais toujours en sorte de parsemer ma musique de ces ingrédients et j’espère que cela se remarque. Je suis originaire du sud des Etats-Unis et j’essaye même, parfois, d’ajouter des éléments de country music afin de satisfaire certains de mes fans.
A quelle cadence écris-tu tes chansons, es-tu toujours plongé dans de nouveaux projets ?
Oui, j’écris continuellement. Il m’arrive souvent de faire cela durant mes périodes de concerts mais, étant donné qu’il me faut un piano, ce n’est pas toujours facile car ce dernier est soit sur scène, soit dans le van de tournée. Donc, durant ces moments, je me contente souvent d’aligner des mots. Puis, à mon retour, je m’assieds tranquillement devant mon instrument et je mets les textes en musique. C’est à ce moment-là que naissent mes mélodies, dès que je me lève. En principe, avant mes enregistrements, je travaille durant deux semaines afin de finaliser les démos de mes chansons…
Que souhaiterais-tu ajouter, en conclusion, à l’attention de ton public français ?
J’espère vous voir très bientôt au détour d’un concert. Je me déplace beaucoup et de plus en plus à travers la France. Donc, à très bientôt (rires) !
Remerciements : Victor Sbrovazzo (Dirty Deep)
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