Jan Mittendorp
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Guitariste, tourneur, producteur et créateur de l’un des labels de blues européens les plus prestigieux (Black & Tan Records), Jan Mittendorp possède de nombreuses cordes à son arc. On doit à ce hollandais, la découverte d’artistes tels que Big George Jackson, Doug MacLeod, David Philips et, bien sûr Boo Boo Davis (parmi tant d’autres). Infatigable défenseur des traditions américaines, il n’hésite cependant pas à bousculer les règles du jeu. En effet, il est également à la tête de Instrumental Blues Records et de BLu ACiD Records. Avec cette dernière structure, il combine les sons traditionnels à des sonorités actuelles…nées des prouesses technologiques que peut nous offrir notre époque. Rencontre avec cet aussi discret qu’essentiel acteur de la scène blues internationale.

Jan, te souviens-tu du premier contact que tu as eu avec la musique ?
(rires) Oui, je devais avoir 10 ou 12 ans. Auparavant, je chantais déjà au sein d’un chœur de garçons…mais c’était il y a très longtemps ! 66
C’est donc aux alentours de mes 12 ans que je me suis vraiment mis à écouter de la musique. Je me suis rapidement plongé dans les sons américains. Dans un premier temps, je me délectais des disques du groupe Creedence Clearwater Revival qui m’ont, naturellement, conduit vers ceux de John Lee Hooker. Je n’ai jamais été un grand fan de musique pop, c’est toujours le jazz et le blues qui ont eu ma préférence et cela dès le départ…

Quels sont les premiers bluesmen que tu as eu l’occasion de voir en live ?
A cette époque, dans la ville où je vivais, il y avait de nombreux artistes de blues qui venaient se produire en concert. En effet, beaucoup de vieux bluesmen venaient, alors, en Europe afin d’y effectuer des tournées. J’ai donc vu des gens tels que Jimmy Witherspoon, Doctor Ross, Muddy Waters (en ce qui concerne ce dernier c’était au North Sea Jazz Festival), Sonny Terry & Brownie Mc Ghee etc.

A cette période, comment se comportait la scène hollandaise ?
Dans les années 1970, cette musique était très populaire dans mon pays. Il faut dire, que de nombreux musiciens américains venaient alors s’installer en Hollande, en Allemagne et, bien sûr, en France. Des gens comme Champion Jack Dupree ou Memphis Slim, par exemple, résidaient sur le vieux continent. De ce fait, ils fréquentaient tous les grands festivals européens. Leur son était très pur et n’était pas influencé par le rock britannique qui a changé la face de la musique. Je ne dis pas que cela est bien ou mal, mais quelqu’un comme Rory Gallagher a modifié l’image du blues en déployant davantage de solos de guitare électrique.

Aujourd’hui, la situation est-elle différente ?
Oui, je le pense. Mon opinion personnelle est que, comme toute forme d’art vivant, le blues est voué à se transformer. La génération d’artistes tels que Boo Boo Davis est sur le point de disparaitre. Plus personne, aujourd’hui, ne chante ou ne joue une musique qui soit le reflet de sa propre vie. Les gens, actuellement, jouent de la musique mais ne la vivent pas comme c’était le cas auparavant. C’est comme le dixieland ou le jazz, beaucoup de gens peuvent s’aventurer dans ces registres mais peu en possèdent la vraie culture.

Quand et pourquoi as-tu décidé de fonder ton propre label, Black & Tan Records ?
Comme pour beaucoup de choses dans lesquelles je me suis aventuré, j’estime que ce n’est jamais meilleur que lorsque tu le fais toi-même. Il ne sert à rien de toujours attendre après les autres… Je me suis lancé dans le booking car je voulais jouer. Il en a été de même pour mon label. Je tenais à mettre en avant des artistes tels que Boo Boo Davis et quelques autres. Je l’ai fait car, à cette époque, personne n’était vraiment intéressé par cela. J’ai donc décidé de me lancer…

 

Depuis la fondation de Black & Tan, quelles sont les plus belles rencontres dont tu te souviens ?
C’est très difficile à dire, j’ai été confronté à tant de belles choses et à tant de formidables personnalités… J’ai vu beaucoup de musiciens et je n’arrive pas à en mettre un plus particulièrement en avant. Avec Boo Boo Davis, nous avons fréquenté tous les festivals les plus prestigieux et je considère cela comme un grand honneur. Le fait de se retrouver dans les mêmes backstages que quelqu’un comme Solomon Burke est très gratifiant. Il était l’un de mes héros et le rencontrer dans de telles circonstances a été formidable. Ceci-dit…je ne peux rien mettre en avant en particulier. C’est un tout !

Actuellement, existe-t-il un autre label de blues en Hollande ?
Non, pas au sens strict du terme. Le fait de monter un label est très compliqué, ne serait-ce que pour la structure en elle-même. Il n’y a plus autant de magasins de disques qu’auparavant et d’autres voies ont été trouvées pour rendre la musique accessible aux gens (internet avec iTunes ou Spotify…).

Comment l’idée de mixer le blues t’est-elle venue ?
Je pense que chaque forme d’art a besoin de se renouveler et de se mélanger à d’autres choses. Si tu utilises une forme musicale, puis que tu la répètes à l’infinie, tu risques de ne pas la servir. Il me semble impensable, en 2017, de continuer à enregistrer des disques comme dans les années 1950. Si tu fais de la musique aujourd’hui, tu te dois de t’intéresser aux nouvelles technologies. Ne serait-ce que pour voir ce qu’il peut se passer… Le fait de créer quelque chose de nouveau constitue une excellente expérience !

Pour toi, il s’agit donc d’une évolution naturelle du blues ?
Oui ! Quand Muddy Waters est arrivé à Chicago, il a commencé à jouer de la guitare électrique alors que cela n’était pas encore habituel. Certains se sont alors écrié qu’il s’agissait de la fin du blues. Je suis persuadé que si Howlin’ Wolf ou Muddy Waters étaient encore en vie, ils utiliseraient des ordinateurs. Les artistes sont ouverts, ce sont surtout les fans qui sont les plus réticents au changement. En faisant cela, ils contribuent pourtant à tuer une forme de tradition vivante…

En ce qui concerne ta carrière, de quoi es-tu le plus fier ?
Je ne sais pas… Je suis simplement fier d’être à la base de ce que nous réalisons tous ensemble. Le fait de pouvoir voyager à travers le monde et de vivre de notre passion. Je suis également fier d’avoir pu contribuer à l’essor de la carrière de Boo Boo Davis en Europe. Aux Etats-Unis, il n’y a aucun respect pour ce que font des artistes tels que lui. Il n’y a guère plus de respect pour leurs personnes et pour ce qu’ils représentent. En Europe, ils sont considérés et peuvent gagner de l’argent. Je suis fier de pouvoir les aider à vivre. A titre personnel, je ne suis pas particulièrement porté sur le succès financier.

Quel serait ton rêve pour l’avenir ?
Tout simplement de pouvoir continuer à exercer ce métier…
Boo Boo Davis (présent lors de l’entretien) : Le rêve est le nom du jeu que nous pratiquons…

Remerciements : Marina Daviaud (On The Road Again)

www.blackandtanrecords.nl

 
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Interview réalisée
Au Camionneur - Strasbourg
le 24 mars 2017

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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