Jean-Jacques Milteau 1
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Jean-Jacques MILTEAU & MANU GALVIN

Comment se déroule votre tournée ?

- (J-J M.) En fait on tourne tout le temps donc d'un album à l'autre, on ne voit pas la différence. C'est à dire que la musique nous donne l'occasion d'aller voir les gens chez eux, ce qui est évidement un privilège.

Etes-vous déjà en train de projeter un futur album ?

- (J-J M.) Oh, vous savez, les albums, c'est la réalisation d'une chose très ponctuelle ! En ce moment il y a tellement de choses passionnantes qui se passent à la fois au niveau d'Internet, de la vidéo que finalement le disque, ça devient presque quelque chose de réducteur. Je laisse ça à plus longue échéance pour y réfléchir. Pour le moment, je m'amuse beaucoup à tourner avec Manu et en fait on se balade quasiment dans le monde entier. En duo, qui est une formule très agréable et très maniable pour tout le monde et ça, j'aimerais en faire quelque chose.

Aimez-vous faire la tournée des petites salles ?

- (Manu) Oui beaucoup, moi j'adore les petites salles. J'aime bien et Jean-Jacques aussi, sentir le public - le sentir dans le bon sens du terme - je parle d'avoir les gens près de vous. Ca, c'est très agréable. Il nous est arrivé de faire des salles beaucoup plus grandes - le duo se prête aussi à ça. Cela n'est pas spécifique aux petites salles, cela fonctionne aussi dans les endroits plus importants - mais j'aime bien la proximité du public.

- (J-J M) Ce n'est pas uniquement un problème de taille de salle mais de format. Il paraît que le nouvel Olympia, par exemple, est exactement pareil à l'ancien. C'est vrai que c'est une salle extraordinaire parce que même s'il y a 2000 personnes dedans, on a une sensation d'avoir plein de monde. Mais bon, nous ne sommes que de modestes joueurs de blues.

Quelles ont été vos influences majeures ?

- (J-J M) En fait, le blues, c'est ce qui nous a déclenchés. Moi, j'en suis sûr, Manu je le suborde fortement à sa façon de jouer et à ses goûts. Il a un fort penchant pour Muddy Waters et BB King donc je pense que c'est ce qui l'a impressionné quand il était adolescent. Pour moi ça date aussi de l'adolescence. C'est une musique que j'ai découvert dans les années 60, à l'époque des groupes anglais et du folk revival américain. A ce moment- là, on retournais les pochettes et on y parlais de tas de gens : de Big Bill Bronzy à Jimmy Reed dont on n'avait jamais parlé en Europe. Enfin moi puisque j'étais ados, j'avais 14, 15 ans et j'essayais de trouver les disques. Le premier que j'ai entendu était Sonny Terry qui était extrêmement typé dans son style : à la fois blues et en même temps avec un côté très campagnard, un espèce de pont avec le siècle précédent. Le deuxième, c'est Sonny Boy Williamson et ça, je ne m'en suis jamais remis.

- (Manu Galvin) Il a déjà cité les principaux. C'est vrai que B.B. King et Muddy Waters sont les gens qui, lorsque je les ai écouté pour la première fois, on fait comme un déclic en moi : oh, je veux jouer exactement comme ça ! Bon, maintenant, on a fait son chemin ... Mais effectivement que B.B. King, Muddy Waters même des gens avec un étiquette plus jazz comme Kenny Burell par exemple mais qui est très teintée de blues. Mais en fait je m'aperçois que ce que j'aime chez les musiciens, c'est quand j'arrive à retrouver le blues, quand ça fait partie de leur discours musical : des gens comme Georges Benson, Robben Ford, Mareck Halton. Mais les premiers sont quand même B.B. King indiscutablement.

Pour quelle raison avez-vous choisi l'harmonica ?

- Vous savez, quand vous souriez en jouant de l'harmonica, cela ne se voit pas. C'est une des raisons pour laquelle les gens jouent de la guitare : c'est sûr qu'auprès des filles c'est beaucoup plus séduisant quand vous êtes adolescents. Bon, il se trouve que moi, on m'avais piqué ma guitare, en Angleterre, quand je dormais dehors ... Cela m'a donné l'occasion d'apprendre un peu plus l'harmonica et la question que se posent les gens, c'est de savoir que si Elvis Plesley avais joué de l'harmonica, est-ce que cela aurais marché pour lui ? Donc je pense qu'il y a une symbolique de la guitare, en tout cas au niveau du rock et indéniablement on peut chanter en jouant de la guitare et en même temps c'est un instrument harmonique donc il y a une plus grande richesse. Mais c'est vrai que l'harmonica a beaucoup de défauts qui sont en réalité des qualités. C'est-à-dire qu'il est petit donc il ne fait pas peur, on l'a toujours sur soi, il ne coûte pas cher, il est extrêmement expressif parce qu'il est très près de la voix, du souffle, c'est un instrument qui se joue aussi bien en soufflant qu'en aspirant, donc on respire la musique. Ca c'est quelque chose d'unique dans la musique et il a cette expressivité, cette tonalité très particulière et surtout un enfant, quand il voit un harmonica, il n'hésite pas à le prendre et à souffler dedans alors qu'un saxophone, cela lui fait beaucoup plus peur. Il y a cette espèce de proximité, je dirais même une intimité entre le public et l'instrument. Chacun a eu un harmonica dans sa jeunesse et ce côté là est très sympa.

Voyez-vous beaucoup de talents se développer en France autour de l'harmonica ?

- Oui, bizarrement - je dirais bizarrement car ce pays n'a aucune raison de développer spécialement l'harmonica, si ce n'est les efforts que je fais depuis des années aidé justement par des gens comme Greg Zlapzinski. Il y a énormément de gens qui jouent bien et quelques uns d'entre eux se détachent parce qu'ils ont une particularité, un style, une forme d'expression parce qu'effectivement à partir du moment où on sait jouer d'un instrument, après il faut en faire son instrument, sa musique, son mode d'expression. Pour Greg, c'est le cas; il y a un harmoniciste comme Michel Hellblin qui est extrêmement original dans le sud-ouest. Il y a beaucoup d'autres harmonicistes en France que je ne citerais pas parce qu'ils sont trop nombreux et qui on une façon de s'exprimer à eux. Alors il y a tout une époque où on imite et c'est nécessaire, il faut absolument imiter les grands. Moi je parlais de Sonny Boy, c'est mon maître. Mais maintenant il y a des harmonicistes beaucoup plus virtuoses qui sont fréquemment imités par des gens plus jeunes. Je crois qu'il faut imiter et qu'ensuite il faut trouver son style et s'exprimer avec.

Que voulez-vous apporter de plus au blues ?

- Je n'ai pas cette prétention. Je ne crois pas que j'amènerais quoique ce soit de mieux au blues, simplement je joue du blues avec une grande tendresse pour les gens qui l'ont joué au départ mais je ne me suis jamais considéré comme un bluesman. Je crois que quand on est né dans le XIII arrondissement à Paris, ce serais ridicule de s'identifier avec un bluesman du Mississippi du début du siècle qui a eu une vie, un environnement certainement beaucoup plus rude. Même aux Etats-Unis, un type qui est né à New York, je vois mal comment il peut jouer du blues de la même manière que faisaient les gens du Sud. Je crois que c'est un idiome, une expression particulière et en fait, avec les années,  c'est devenu une espèce de folklore mondial. Je veux dire qu'à partir du moment où ça a été diffusé par les groupes de rock-blues anglais des années 60, tout le monde s'est mis à comprendre ce que s'était et je crois qu'on peut jouer du blues n'importe où dans le monde : au Brésil ou au Japon, tout le monde sait exactement ce que c'est, il y a des groupes de blues et voilà. Donc c'est une sorte de folklore et puis les gens dont on parlais, par exemple Manu Galvin, que ce soit Clapton, Robben Ford ou Robert Cray, je veux dire que ce sont des gens qui n'ont pas une racine totalement blues et qui s'expriment à partir d'élément blues, c'est -à-dire ce qu'on aime bien entendre; mais qui en fait sont des gens qui font de la musique, des chansons ou du rock. Donc le blues pur, pour moi, a disparu ou disparaît avec ses derniers représentants : John Lee Hooker, B.B. King, des gens comme ça qui malheureusement sont très vieux maintenant. Mais il y a derrière d'autres formes de musiques qui sont fortement inspirées de ce blues et bien ma foi c'est ce qu'on fait aussi : on s'inspire de ce mode d'expression.

Et le blues à la française ( Paul Personne, Patrick Verbeke) ?

- Oui, oui, mais ils font partie de la même génération de gens comme Robert Cray ou Steeve Ray. Ils ont à peu près le même âge et ils s'expriment à partir d'un idiome blues. Mais Paul Personne, c'est des chansons qu'il fait, Patrick Verbeke aussi ! Il ne chante pas " My Baby left me ". Il fait des chansons en s'inspirant d'un idiome blues alors c'est plus facile pour les marchands de disques de caser ça dans le blues et puis c'est plus facile à trouver pour les gens qui veulent trouver les disques. Mais pour moi, c'est pas du blues, je crois que Patrick serait d'accord avec moi. Le blues qu'on aime s'éteins malheureusement d'une certaine manière et derrière renaît une autre musique qui est fortement inspirée de ça. Mais je ne sais pas si on peut encore appeler ça du blues; plutôt du rock que du blues.

 

 
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jjmilteau.com

Interview réalisée le 23 janvier 1998 à l'Espace Athic d'Obernai

Propos recueillis par Jean-Luc

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