Jean-Jacques, votre dernier album "Blue 3rd"
a été enregistré à New York, comment s'est
passée votre rencontre avec la Grosse Pomme ?
En fait, nous avons enregistré à l'écart de New York.
Cette ville était le centre de ralliement car les différents
intervenants du disque en sont originaires. Nous nous sommes mis au vert
pour enregistrer de l'autre côté de la rivière, dans
le New Jersey où les studios pullulent.
L'idée de départ était de trouver un endroit où
l'on puisse avoir un son d'harmonica plus intime que celui que l'on trouve
sur l'album "Memphis". C'est à dire quelque chose qui
ne nécessite pas de souffler comme un sourd. J'ai donc construit
l'idée du disque avec mon producteur et ami Sébastian Danchin
autour de cela. Quelque chose de plus intériorisé que "Memphis".
Nous avons donc cherché des artistes qui puissent s'inscrire dans
cette démarche et un endroit où l'on puisse enregistrer
dans les meilleures conditions possibles.
En parlant de Sébastian Danchin, pouvez-vous
nous raconter votre rencontre ?
Sébatien, c'est quelqu'un qui m'avait interviewé lors d'un
de mes passages à l'Olympia en 1999. J'avais beaucoup apprécié
son interview de moi dans "Jazzman" où il avait remarquablement
"traduit" ce que je voulais exprimer. Après l'avoir appelé
pour le remercier, il m'a demandé pourquoi j'avais si peu enregistré
avec des américains. Nous avons donc monté un projet autour
de Memphis qui est pour moi la ville symbolique de la musique que j'aime,
entre blues, rock et soul.
C'est quelqu'un de compétent au possible sur ce genre de domaine,
et un puit de science en général. D'ailleurs, il a été
un des plus jeunes français à obtenir un doctorat. Il a
écrit des bouquins comme "L'encyclopédie de la Soul
Music" ou encore un ouvrage de 1000 pages sur le guitariste Earl
Hooker. Il est très "pointu" et a vécu aux USA.
C'est donc vraiment l'alter ego qu'il me fallait pour ce genre de projets.
Le choix des musiciens était prémédité
à l'avance ?
Nous voulions Terry Callier, Gil Scott Heron et N'Dambi en tant que vocalistes.
Je souhaitais aussi avoir Howard Johnson au tuba et au sax baryton. J'aime
beaucoup de côté grave de ces instruments, à l'opposé
de l'harmonica d'une certaine manière. Je l'avais rencontré
à Montréal, il y a quelques années et son attitude
m'avait plu.
Il y a aussi un musicien new yorkais que je voulais absolument rencontrer
depuis des années : le guitariste Hugh Mc Craken qui aussi bien
joué avec Mc Cartney, James Brown qu'avec Aretha Franklin, Paul
Simon, etc...
C'est d'ailleurs lui qui a monté l'équipe sur New York aux
côtés du directeur musical Benoît Sourisse qui a fait
tous les claviers. D'autres plans de guitares ont été enregistrées
en France avec Manu Galvin.
Sur
ce disque, on retrouve aussi le personnage à la mode dans le milieu
musical, Jay Newland. Pouvez-vous nous parler de ce monsieur ?
Nous avions contacté Jay pour l'album "Memphis". D'ailleurs,
grâce à lui le studio Royal a été recablé
en une nuit. Il a travaillé des années durant avec des jazzmen
et beaucoup de bluesmen. A Memphis, il nous avait fait écouter
une maquette déjà très aboutie d'une jeune fille
qui s'est avérée être Nora Jones.
Le résultat était si satisfaisant que la maison de disques
lui a fait produire une partie de l'album. Du coup, entre "Memphis"
et "Blue 3rd", il avait vendu pour 14 millions d'albums. Il
n'a pas changé pour autant et reste toujours aussi sympa.
Comment s'est déroulée votre dernière
tournée au Mexique ?
Lorsque nous organisons de telles tournées à l'étranger,
soit nous travaillons avec des promoteurs locaux, soit nous nous appuyons
sur les instances françaises à l'étranger, qui malheureusement
disparaissent de plus en plus (centres culturels français, etc
...). Cette tournée au Mexique en 4 semaines nous a permis de jouer
en duo avec Manu Galvin.
Nous sommes partis avec dans notre musette un ou deux morceaux mexicains
que nous avions pris la précaution d'apprendre avant. Nous nous
sommes produits dans des salles très diversifiées et intéressantes.
Du Hard Rock Café de Mexico, au Palaciao National de Guadalarala,
soit dans des clubs de jazz aux salles en velours rouge. L'accueil a été
très sympathique. Nous commençons à avoir l'habitude
des tournées à l'étranger, mais les mexicains nous
ont particulièrement touché.
Vos voyages, de l'Afrique du Sud au Mexique, vous
ont toujours musicalement influencés. Comment retravaillez-vous
les styles locaux pour les retranscrire à votre façon ?
Je ne sais pas si j'y arrive ... Si vous voulez, pour moi, c'est comme
prendre des photographies. Certains font des albums photo, moi je me fais
en album souvenir dans ma tête. Je déforme certainement les
choses à la longue, comme la musique sud-africaine. Mais cela n'a
pas une grande importance dans la mesure où on a la motivation
et un rendu, qu'il s'agisse d'une photo, d'un film ou d'une musique.
Avez-vous des projets qui vont dans ce sens. Nous
parlions de l'Océanie tout à l'heure ...
Oui. Nous sommes déjà allés deux fois en Nouvelle
Calédonie. J'espère mener ce projet à terme pour
la rentrée. Nous sommes en bonne voie pour faire quelques concerts
en Nouvelle Zélande, puis pourquoi pas en Australie. C'est très
agréable de pouvoir rencontrer les gens chez eux aux quatre coins
du monde. C'est un privilège que j'apprécie.
C'est en tout cas un métier que vous n'envisagez
pas de faire sans tourner ?
Il est clair que je ne me vois pas passer ma vie dans un studio d'enregistrement.
Même s'il s'agit là-aussi d'un travail intéressant.
Chaque jour est différent, les gens que l'on rencontre sont différents.
Je prends toujours le temps de partager une discussion. C'est un réel
privilège.
Remerciements : Marie Llamedo, Harry Lapp
et toute l'équipe du Festival de Jazz de Strasbourg.
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