Jean-Marc Henaux
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : En plus de porter haut les couleurs du blues français, au sein du groupe Shake Your Hips, Jean-Marc Henaux s’est imposé comme l’un des meilleurs harmonicistes de nos contrées. Si son jeu (alliant sobriété et imagination) reste solidement attaché aux valeurs musicales prodiguées par ses maitres, l’instrumentiste sait le rendre accessible au plus grand nombre tout en le popularisant auprès d’un jeune public. Ce pédagogue a, récemment, décidé d’enrichir son cursus en formant un duo en compagnie de l’émérite chanteur et guitariste Alain Giroux. Une expérience qui le conforte dans son statut de valeur montante du blues hexagonal et qui l’amène à amplifier la cadence de ses prestations scéniques. C’est au lendemain de l’une d’entre elles qu’il a répondu à mes questions, en usant parcimonieusement de son éternel sens de l’humour.

Jean-Marc, dans quelles circonstances as-tu décidé de te lancer dans la pratique de l’harmonica ?66
Je voulais, en fait, me lancer dans la pratique de la musique en commençant par la guitare. Chose que j’ai faite alors avoir douze ou treize ans. J’étais déjà un passionné de blues et de blues-rock mais, cependant, je suis tombé sur un professeur qui m’a fait acheter une guitare classique… avec laquelle il me forçait à faire des arpèges. Cela ne correspondait absolument pas à ce que je voulais jouer et, au bout d’un an, j’ai tout arrêté. Plus tard, en grand fan de blues que j’étais resté, je n’arrivais plus à contenir mon envie d’en pratiquer. Je me suis donc dit « putain, il faut que je me trouve un instrument pas cher, que je me lance et, si par malheur j’arrête, je n’aurais pas dépensé une fortune ».
Donc, alors que j’étais étudiant à Montpellier (j’avais 17 ou 18 ans), je me suis acheté un harmonica. N’ayant pas de télé dans ma chambre, je passais mon temps libre à essayer de reproduire ce que faisaient certains bluesmen que j’écoutais sur des cassettes audio. Je rembobinais et réécoutais en boucle ces enregistrements, dans le but d’assimiler un maximum d’informations. C’est ainsi que tout a débuté.

Par la suite as-tu, malgré tout, essayé de te perfectionner en faisant appel à un professeur ?
J’étais autodidacte et continuais à me baser sur des cassettes et des disques compacts (car je ne suis pas si vieux que cela). Puis, j’ai eu la chance de rencontrer un musicien qui vivais non loin de chez mes parents, à Nîmes. C’était un canadien (nommé Marc Cornelissen), musicien professionnel, qui jouait de la musique cajun au violon et au piano. Il avait beaucoup de talent et était intéressé par l’harmonica. De ce fait, nous avons fait le « deal » qui suit. J’allais chez lui afin qu’il m’apprenne la musique et, en échange, je lui montrais ce que je savais faire à l’harmonica. Tous les dimanches matins, je faisais une heure de route pour le rejoindre. J’ai passé de très bons moments avec lui et il m’a enseigné plein de « trucs ».
Puis, j’ai suivi le cursus normal en intégrant mes premiers groupes et je suis « monté » à Paris où j’ai commencé à participer à des jams. Naturellement, je me suis mis à fréquenter l’Utopia où j’ai rencontré Greg Zlap. De fil en aiguille, tout s’est mis en place…

Quels étaient, à cette époque-là, tes harmonicistes de prédilection ?
J’étais un vrai amateur de blues et, de ce fait, j’écoutais principalement Sonny Boy Williamson, Little Walter et tous les autres « grands classiques ». Par la suite j’ai découvert Rod Piazza ainsi que Nico Wayne Toussaint. Ce dernier a donc été le premier français auquel je me suis intéressé.
C’est la pochette de son deuxième album « My Kind Of Blues » (Dixiefrog – 1998) qui m’avait titillé car on y voyait uniquement sa main, tenant un micro Green Bullet. Cette image m’a marqué et j’ai, tout de suite, deviné qu’il s’agissait là d’un excellent disque de blues. Puis j’ai découvert Jean-Jacques Milteau et tout s’est enchainé…

De quelle manière les différents membres de Shake Your Hips se sont-ils connus, comment ce groupe a-t-il vu le jour ?
Lorsque l’idée m’est venue de fonder ce groupe, je jouais déjà avec le guitariste Olivier Raymond depuis 3 ou 4 ans. J’avais envie, avec lui, de me lancer dans le chicago blues. J’ai recruté un bassiste après l’avoir vu lors d’une jam et le batteur a été engagé après avoir répondu à une annonce. Quant à notre chanteur, Fred, je l’ai découvert alors qu’il se produisait dans un autre groupe. Il avait vraiment toutes les qualités requises pour se lancer dans le registre que nous voulions aborder, alors qu’il ne s’intéressait pas spécialement au blues au départ. En cours de route, nous avons changé de batteur et, de ce fait, avons été rejoints par Olivier Ferrie qui avait déjà connu une expérience de groupe à mes côtés. Le bassiste d’origine, Daniel Boissinot, a décidé de se mettre en retrait de la musique et a été remplacé par Jérôme Ferrie, le frère d’Olivier. Ce remplacement s’est fait naturellement et, dès lors, notre parcours a pris une autre ampleur.Le groupe s’est beaucoup affiné depuis ses débuts, en 2005…

Quels sont les qualificatifs qui correspondraient le mieux à la musique que vous faites ?
Nous avons, à ce jour, connu trois périodes. La première était complètement imprégnée de chicago blues (avec des reprises arrangées à notre sauce). La deuxième a été marquée par l’arrivée de nos premières compositions, qui lorgnaient vers le blues-rock. Aujourd’hui, notre troisième période est plus « vintage ». Au lieu de continuer dans la voix rock, comme beaucoup de groupes le font actuellement, nous avons décidé de revenir à du chicago blues pur et dur, ainsi qu’à des titres emprunts de soul music des années 1950/1960.

Au début de l’année 2013, vous avez représenté la France dans le cadre de l’International Blues Challenge de Memphis. Que vous a apporté ce voyage initiatique au pays qui a vu naitre la musique que vous pratiquez ?
La plupart des membres de Shake Your Hips n’étaient jamais allé au Etats-Unis auparavant. Se rendre à Memphis, alors que nous adorons cette musique, a donc été une chose très particulière à nos yeux. A titre personnel, c’était vraiment une belle expérience. Au-delà du concours, nous y avons fait de belles rencontres et y avons vu de très bons bluesmen (du gars, seul dans la rue avec sa pauvre guitare, jusqu’à des groupe hyper talentueux, se produisant dans le club de BB King). Nous avons bien sûr plongé nos mains dans le Mississippi, ce qui a un côté magique. Nous avons, aussi, visité le musée Stax et enregistré au studio Sun sur le matériel d’époque (batterie, micros et des amplis des années 1940/40 par exemple). C’est un rêve qui s’est réalisé…

Tu viens d’évoquer la qualité des artistes vus sur place. Peux-tu revenir, en détails, sur les plus belles rencontres que tu as pu y faire ?
J’ai pu y rencontrer de formidables harmonicistes, dont Dennis Grueling… qui est probablement l’un des meilleurs quand il s’agit d’aborder le répertoire de Little Walter. Je peux aussi citer Bob Corritore ainsi que Cassie Taylor (qui est la fille d’Otis Taylor). Croiser tous ces gens-là, voire de manger avec eux est vraiment une chose bizarre. En règle générale, nous avons plutôt l’habitude de les voir sur Youtube (rires) !
De manière générale, nous y avons croisé d’excellents groupes qui se produisent dans un registre traditionnel. D’ailleurs, c’est ce style que les gens préfèrent là-bas. Jouer « à l’ancienne », c’est ce qui marche le mieux aux Etats-Unis !66

Tu joues, actuellement, en duo avec le guitariste Alain Giroux. Que représente-t-il pour toi ?
Cette expérience me fait penser au film « Crossroads » (réalisé par Walter Hill en 1986, nda), qui évoque la rencontre entre un vieux bluesman du Mississippi (nommé Blind Dog Fulton, nda) et un jeune guitariste qui part à la recherche de la 30ème chanson (perdue) de Robert Johnson. Il y a un truc un peu initiatique, dans ce long-métrage, que je retrouve aux côtés d’Alain. Avant cette collaboration, je n’avais jamais joué en duo. Du coup, je fais quelque chose de très différent de ce que j’ai l’habitude d’effectuer avec Shake Your Hips. Pour moi, c’est vraiment une belle expérience…

De quelle manière votre collaboration est-elle née ?
C’est en donnant un cours à un élève (qui apprend aussi la guitare auprès d’Alain Giroux) qu’un jour, j’ai ouvert la porte et que je l’ai vu. Je ne le connaissais, alors, que de nom. Même lorsque je vivais à Paris (pendant 13 ans) je ne l’avais jamais rencontré, malgré le fait que nous jouions dans les mêmes endroits et que nous connaissions les mêmes personnes (patrons de clubs, musiciens…). J’ai trouvé cela marrant et nous avons interprété un ou deux morceaux ensemble. L’idée de faire quelque chose en duo est rapidement venue à nous. Nous avons donné un ou deux concerts puis la machine s’est mise en route. Il se passe une chose magique entre nous. En effet, j’ai l’impression que nous y trouvons chacun notre compte. Nous sommes, en tout cas, repartis sur une dynamique de voyages…

Depuis que vous vous êtes rencontrés quels sont, selon toi, les plus grands enseignements qu’il t’a apporté (compte tenu de sa grande expérience) ?
Il dit souvent une phrase que j’aime bien et que j’ai pris l’habitude de répéter à mes élèves : « il faut faire simple et de bon goût ». Je me suis aperçu, en jouant avec lui, que c’est la base de notre métier. Faire simple et sincère,tout en ayant une complicité scénique (dans les regards, dans la gestuelle et dans la musique). C’est ingrédients sont à la base d’une magie qui opère lorsqu’ils sont réunis. C’est une chose qui est aussi, peut-être, liée à notre différence d’âge. C’est notre côté « vieux machin et jeune excité » (rires) !

Tu viens de faire référence aux cours d’harmonica que tu prodigues. Cet instrument connait-il un grand engouement auprès des jeunes actuellement ?
Je ne pense pas qu’il y a un grand engouement, mais ça va mieux qu’il y a quelques années. Il faut dire qu’on entend de plus en plus cet instrument dans les publicités et au cœur des bandes-originales de films. A une époque, il passait plus pour un jouet. Tout le monde en possédait un à la maison et faisait « pouet pouet » dedans. Aujourd’hui, il y a des artistes qui ont démontré qu’on pouvait vraiment faire de la musique avec.
Au niveau du grand public, il est indéniable que lorsqu’un Christophe Mae saisi un harmonica… cela touche une audience qui ne s’y intéressait pas avant. Quand Greg Zlap joue avec Johnny, cela ne laisse pas insensible et a un impact important sur les gens. Plus que nous ne pouvons le faire dans notre milieu blues…
Il y a donc un certain engouement même si, je le vois parmi mes élèves, les gens qui se lancent dans cette pratique ont plutôt aux alentours de 40 ou 50 ans. Je commence tout juste à avoir des élèves qui ont 12 ou 13 ans, c’est un phénomène assez nouveau que j’appelle « l’effet télévision ».

Que ce soit sous ton propre nom, avec Alain Giroux ou avec les Shake Your Hips. Quels sont tes projets ?
Il y en a pas mal… Avec Alain, nous allons nous produire dans différents festivals et avons des concerts de prévus jusqu’en juin 2015… si, toutefois, il vit jusqu’à là (rires) !
Je vais aussi donner de nombreux gigs au sein du groupe Shake Your Hips (des dates sont planifiées jusqu’à décembre 2014). De plus, nous avonsun projet d’album qui devrait être enregistré en août de cette année. Il sera composé de titres originaux que nous faisons déjà sur scène. Ces morceaux ont été écrits par nous-mêmes mais aussi par Bernard Sellam (du groupe Awek). De mon côté, je vais donner des cours dans un stage d’harmonica et participer à des sessions pour un artiste qui m’a demandé de participer à son album (chanson française). C’est déjà pas mal (rires) !

As-tu quelque chose à ajouter afin de conclure cette interview ?
Je suis très content de t’avoir rencontré car nous n’avions jamais eu l’occasion de nous croiser auparavant, alors que je suis régulièrement ce que tu fais. Je suis aussi très content d’être venu à Colmar qui est une très belle ville… Je te souhaite encore, dans le futur, plein de belles émissions et de belles rencontres. Ne change rien car tu fais un excellent boulot pour les musiques roots américaines. Puis en ce qui nous concerne, moi et Alain, pourvu que ça dure (rires) !

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Interview réalisée au
Salon Guitarmaniaks
Colmar le 31 mai 2014

Propos recueillis par
David BAERST

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