Nda : Artiste solo confirmé, ayant déjà enregistré trois albums sous son propre nom, Jesse Aycock est également membre du groupe Hard Working Americans.
De surcroit, il collabore avec nombre de ses amis musiciens de la scène de l’Oklahoma (Pilgrim, Paul Benjaman, John Moreland, Annie Oakley etc.) pour lesquels il réalise des sessions en tant que guitariste.
Personnage poétique, semblant tout droit sorti de l’utopie hippie des sixties, il se dénote également par la qualité de ses textes… qu’il met en valeur par le biais de musiques qui lorgnent aussi bien du côté de la musique folk traditionnelle que du côté des sons psychédéliques.Doté d’un calme olympien, il s’est confié au micro de Route 66 avec une grande sérénité…le temps des quelques questions qui suivent.
Jesse, de quelle manière pourrais-tu te présenter puis évoquer la manière dont s’est déroulée ton enfance et, plus particulièrement, ton éducation musicale ?
Je suis Jesse Aycock et je suis, actuellement, en visite en France afin d’y donner des concerts dans le cadre de l’Oklahoma Roots Revue 2016. Je vis à Tulsa où je suis né et où j’ai grandi. Je reste donc fidèle à cette ville. Je suis issu d’une famille d’artistes, puisque mon père est un chanteur et auteur-compositeur de folk music. Ma mère, quant à elle, est peintre. Elle est très influencée par le mouvement impressionniste. J’ai aussi un frère plus jeune que moi. Il est, également, musicien et s’inspire du mouvement folk anglais. C’est un spécialiste du picking mais il pratique aussi la batterie. A titre personnel, je joue de la musique et j’écris des chansons. Je suis, également, sideman pour d’autres artistes. Il m’arrive fréquemment d’accompagner d’autres groupes en tant que guitariste ou guitariste steel.
Ton père est donc, également, un musicien appartenant à cette fameuse scène de Tulsa…a-t-il enregistré des disques ?
Oui, mon père a toujours écrit des chansons. Il a commencé cet exercice alors qu’il n’était âgé que d’une vingtaine d’années. Il donne des concerts et a enregistré des disques…Cependant, cette activité n’est pas son métier à part entière…comme cela peut l’être pour moi ou mon frère.
Je dis cela alors que le fait de faire de la musique n’est pas, à mon sens, un vrai métier.Mon père continue à exercer cette passion, juste par amour et il écrit continuellement des chansons. C’est une chose magnifique et j’en suis très admiratif. Il possède un vrai style…
En dehors de la musique de ton père, quelles ont été tes premières influences ?
Bien sûr, mon père possédait une grande collection de disques…des vieux vinyles. Il écoutait beaucoup Crosby, Stills, Nash & Young ainsi que Bob Dylan, The Byrds. Tous ces artistes étaient diffusés en permanence à la maison et j’ai grandi en les écoutant. Tous les grands classiques de la musique américaine y passaient et j’y ai été sensibilisé dès mon plus jeune âge. Ces influences m’ont marqué très tôt et, au fur et à mesure que je grandissais, j’ai commencé à développer mes propres goûts. Ainsi, le premier groupe dont je suis devenu un admirateur, en le découvrant par moi-même, est The Black Crowes. C’est le premier combo que j’ai choisi et il a, également, contribué à amplifier ma passion pour la musique. Je me suis intéressé à ses origines et j’ai cherché à en savoir davantage sur les propres influences des musiciens qui le constituent. C’est de cette manière que j’ai découvert des groupes tels que Led Zeppelin ou Humble Pie. J’adore le rock’n’roll autant que la musique folk, tout en m’intéressant à de nombreux autres styles. Mes goûts sont très diversifiés.
Tu évoques les Blacks Crowes et cela ne me surprend guère. En effet, la première fois que je t’ai vu à travers des vidéos, j’ai été frappé par ton style qui me rappelle beaucoup celui de Chris Robinson. Je trouve même que ta voix est assez proche de la sienne…
J’adore les Black Crowes car ils écrivent de belles chansons. Pour moi, qui suis un songwriter issu de la musique folk, c’est une chose très importante. Tu peux être le meilleur guitariste au monde, si tu n’as pas de bonnes chansons tu ne pourras pas montrer l’étendue de tes capacités. La place de l’écriture est très importante à mes yeux. A ce titre, je considère les Black Crowes comme l’un de nos derniers grands groupes de rock.
Pour en revenir à ta famille musicale, quelles sont pour toi les caractéristiques principales du Tulsa Sound ?
C’est une chose un peu difficile à expliquer car personne ne possède, vraiment, la signification exacte de ce style. Il faut dire que ce dernier se nourrit d’éléments musicaux différents. Pour nous, qui venons de Tulsa, nous estimons que le son que nous produisons est issu de l’héritage culturel de notre région. Ce dernier est, à chaque fois, mêlé à nos personnalités artistiques et à nos goûts respectifs. Tout réside dans l’âme que nous y mettons, ainsi que dans le rythme que nous utilisons. J’estime, également, que notre musique est assez proche de celle qui se pratique à Memphis ou à Muscle Schoals. Comme ces dernières, elle est marquée par notre terroir et elle est basée sur le rythme de la batterie. Notre registre est très rythmique…
Et comment définirais-tu l’état d’esprit qui règne à Tulsa ?
L’esprit de Tulsa… J’imagine qu’il est lié à notre communauté de musiciens. C’est une chose très difficile à décrire. J’ai beaucoup voyagé et, partout, j’ai rencontré des gens formidables et des musiciens très soudés. Cela existe dans de nombreux endroits mais, cependant, il y a une chose qui rend la scène de Tulsa unique. Il s’agit de cette sorte d’échange qui se pratique d’un point de vue musical. Il y a des registres très différents (comme le jazz, la country music, le blues, le rock, la folk music…) qui sont présents mais nous n’hésitons pas à faire tomber ces frontières et nous jouons régulièrement tous ensemble. C’est aussi ce mélange qui fait que notre son soit devenu si spécifique.
En fait, pour en revenir à ta précédente question, je pense que c’est de là que provient le Tulsa Sound. Bob Wills, le célèbre artiste de western swing, a vécu à Tulsa durant une période de sa vie. Il en a profité pour enrichir la musique qu’il produisait, avec son groupe The Texas Playboys, en se rendant dans les clubs noirs de la ville. Il y rencontrait des artistes de jazz ou de blues et n’hésitait pas à jouer avec eux. A cette époque, ce n’était pas une pratique courante mais ces gars-là l’ont fait. Ils ont, à leur manière, contribué à l’éclosion du rock’n’roll en agissant de la sorte. Ils ont développé leur son en s’inspirant des musiciens de jazz. Ce mélange de musiques, réalisé par des personnalités venues d’horizons divers, continue d’être la « marque de fabrique » du Tulsa Sound.
Finalement, en ce qui concerne la musique, on ne peut pas comparer Tulsa à une autre ville américaine…
Des gens disent que Tulsa pourrait devenir le prochain Nashville, ou le prochain Austin. Cependant Tulsa n’est rien d’autre que Tulsa. J’ai passé du temps à Nashville ainsi qu’à Austin. J’adore ces deux endroits. Cependant, je ne compare en rien ces villes à la mienne car cette dernière possède sa propre authenticité. Chaque personne qui vient jouer de la musique dans notre communauté est la bienvenue. Il est devenu difficile de vivre dans certaines villes où le coût de la vie a augmenté et où il existe une véritable compétition entre musiciens. C’est aussi, un peu, le cas à Tulsa mais, malgré tout, cette ville demeure unique dans sa manière d’appréhender la musique et les musiciens.
Peux-tu me parler de ton groupe, The Hard Working Americans ?
Ce groupe se produit, maintenant, depuis environ 4 ans. Chaque membre a déjà connu des expériences au sein d’autres formations. Nous avons réuni toutes nos compétences musicales qui vont de l’écriture de chansons folk jusqu’au rock.
Notre chanteur, Todd Snider, vient du circuit des songwriters de folk et il a connu d’autres registres à travers différents combos. Je le considère comme l’un des meilleurs dans son style et, lui aussi, n’hésite pas à mélanger les registres dans sa musique. Il fait tout ce qu’il aime et cela lui réussit particulièrement. Il est à l’origine de ce projet avec le bassiste Dave Schools de Widespread Panic dont est, également, issu notre batteur Duane Trucks (frère de Derek Trucks, nda). Puis, Chad Staehly a rejoint le projet aux claviers. Il joue avec Todd depuis des années…
Dans ce groupe, tout s’est fait par le biais des connaissances que nous possédons. Ainsi, le guitariste Neal Casal s’est joint au projet. Le groupe a enregistré un premier album en 2014 (après un EP en 2013, nda) puis a décidé de partir en tournée.
C’est alors que l’idée d’intégrer un deuxième guitariste est venue à l’ordre du jour. J’avais rencontré Neal à quelques occasions et c’est lui qui a suggéré aux autres membres de me confier cette tâche. Il m’a contacté dans ce but et depuis, je joue avec eux. Nous prenons beaucoup de plaisir à nous produire dans ce groupe qui est, pour nous tous, une sorte de projet bis puisque nous nous produisons tous principalement sous nos propres noms. Dès que nous en avons la possibilité, nous continuons d’enregistrer et de donner des concerts. C’est un concept fabuleux que j’ai la chance de partager aux côtés d’excellents musiciens, qui sont aussi des personnalités particulièrement attachantes. Nous prenons beaucoup de bon temps !
Qu’exprimes-tu à travers tes textes ?
Oh, la manière dont j’écris dépend habituellement de l’endroit où je me trouve et des évènements qui m’entourent. Le plus souvent, il s’agit d’une combinaison d’expériences que j’ai pu vivre. J’essaye, cependant, de rendre mes textes les plus ouverts possible. Ainsi, ils peuvent être interprétés de manières différentes.
Je fais en mesure de ne pas être trop abstrait, mais je tiens à ce que les gens qui m’écoutent puissent être dirigés vers plusieurs interprétations. C’est mon approche de l’écriture…
Quels sont tes projets ?
Je travaille sur des titres en solo. J’ai déjà quelques chansons de prêtes et j’espère les voir aboutir l’an prochain. Je suis très occupé actuellement car je travaille sur d’autres projets parallèles. Par exemple, je prépare un album pour ma petite amie qui est également auteur-compositeur-interprète. Elle s’appelle Lauren Barth et elle possède un énorme talent. Je tiens à l’aider dans la production de son prochain disque dès que je rentrerai chez moi. Pour l’an prochain, j’ai encore beaucoup d’autres projets et de nombreux enregistrements de prévus. J’espère, avec tout cela, pouvoir trouver le temps de passer un peu de temps à la maison…
Souhaites-tu ajouter une conclusion ?
Le fait de tourner à longueur d’année est une chose formidable. Enfin, se produire ici nous réjouit tous. C’est incroyable de pouvoir donner des concerts aussi loin et d’être confrontés à un tel accueil du public, ainsi qu’à la gentillesse des gens que nous rencontrons. Voyager à l’autre bout de la planète pour jouer sa musique est une sensation magique. Se faire des amis et jouer de la musique, vraiment, quel truc incroyable !!!
Remerciements : Marie Lintz & Jérémy Durand (V2C Développement), Dom Ferrer.
www.jesseaycock.com
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