L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST | ||
Peux-tu te présenter sommairement à
nos auditeurs ? Je suis passionné par tout ce qui ressemble de près ou de loin à une guitare slide. Que ce soit une guitare National resonator, une guitare hawaïenne ou une guitare Weissenborn. Tous ces instruments sur lesquels ont fait glisser quelque chose dessus, je les trouve aussi intéressant que d'écouter chanter un oiseau qui s'envole. C'est joli, ça peut être sexy ou bien violent. C'est là qu'est le blues, pour moi. Une expression sublimée
des sentiments du musicien. Pas besoin d'être né au Mississippi,
de reprendre Robert Johnson de manière classique ou de jouer du
pop blues à la Eric Clapton, c'est juste exprimer ses sentiments. Comment t'es venu cet amour du blues ? Pourquoi
d'être orienté spécifiquement vers les instruments
à corde ? Après, j'ai eu la chance de pouvoir récupérer sa
guitare. Vers cinq ans, je gratouillais n'importe comment. J'accordais
comme ça sonnait. C'était déjà de l'open tuning,
mais je ne le savais pas. Le blues est venu après. C'est la musique qu'écoutais mon
père, ainsi que beaucoup de musique country comme Johnny Cash.
Mais pas la country de Nashville avec le Hillbilly et son Stetson fluorescent,
la chemise à paillettes et la cravate texane
J'écoutais
aussi du Neil Young qui joue pas mal en slide. Il t'a fortement influencé et tu l'as rencontré.
Peux-tu nous parler du bonhomme ? J'ai eu la chance de suivre un de ses stages de musique cette année
à Toulouse. C'était la première fois de ma vie que
je suivais un cours de guitare. Je dois dire que mon approche de la musique
n'est pas basée sur la technique mais sur l'expression maximale
de ma sensibilité, de mes sentiments et sur le rythme. Tu es autodidacte, ce qui est formidable car le
blues est avant tout une musique de feeling. Taj Mahal a été un des premiers
à incorporer à son blues des éléments venant
de la " world music ". Tu n'hésites pas à reprendre des
poèmes de grands écrivains pour les mettre en musique. D'où
cela t'est venu ? Je prends les textes de ces poètes romantiques et je fais mon
petit mélange pour inventer une musique. Si une idée intéressante apparaît, je la mets de
côté et j'approfondis ensuite. Si, par contre, ça
ne marche pas du tout - comme ça arrive plus souvent qu'on ne le
veuille - je laisse tomber. Tant pis, un beau texte est avant tout fait
pour être lu, pas forcément pour être chanté.
A l'inverse, as-tu déjà repris des
thèmes musicaux pour y rajouter tes propres textes ? Tu es aussi proche de la musique venant de Madagascar
Quelle est l'histoire de la guitare slide ?
C'est tout ! Tu pourrais nous parler des différents
instruments avec lesquels tu te produis ? On peut jouer à un niveau très faible et quand même
arriver à un volume très fort, ce qu'une guitare acoustique
ou une guitare électrique ne peuvent pas produire. En 2004, j'ai construit une guitare. Elle est du style Weissenborn, dont le joueur le plus connu est Ben Harper. Pour faire cette guitare, j'ai utilisé du koa, un acacia d'Hawaï. Sa particularité est d'être totalement en bois. Son manche est creux jusqu'au bout. On la tient uniquement à plat sur les genoux. Pas mal de bluesman s'inspirent de leurs racines
pour trouver leur instrument. Tu fais pareil car tu joues aussi de l'épinette
des Vosges ! Peux-tu nous parler d'un de tes morceaux ? Une guitare acoustique est limitée par la longueur des cordes
et par la façon de jouer. En principe, peu de variations sont possibles.
Je viens tout juste de recevoir une nouvelle barre d'un gars qui me fait
l'immense plaisir de me fournir en slide. Il s'agit d'Ian McWee.
Un anglais considéré comme le luthier du bottleneck. Par moments, vous n'aurez pas l'impression d'entendre une guitare mais soit un tabla, la percussion d'Inde, soit un cithare indien, soit une guitare hawaïenne. J'utilise un accordage en double do. C'est-à-dire que ma première corde est accordée en do, après : un sol, un do et deux do. La particularité de la basse de ce do-là est de vibrer à 63 hertz, ce qui fait vibrer les femmes " intimement " . Ce n'est pas aussi puissant que vous pouvez le croire. Il faut remarquer à ce sujet que les filles ont une perception propre à elles. Je les observe quand je joue ainsi. Elles portent leur attention sur le rythme. Les mecs sont plus concentrés sur le jeu de la main droite. Encore une petite chose assez marrante ! Tu as aussi repris " Cypress Grove "
de Skip James ? " When your knee bone's achin' and your body cold ", c'est-à-dire quand les os de tes genoux te font mal et que ton corps est très froid. En 2004, j'ai subi une grosse crise de poly-arthrite qui m'a immobilisé complètement. Mes genoux, mes chevilles et mes coudes étaient gonflés. J'étais handicapé, tel une loque. A présent, tout va bien mieux. J'ai repris le ski, je marche en montagne. Pas de soucis. Cette chanson m'a tellement touché que j'en ai fait une version plus personnelle. Normalement, elle se joue avec un accordage en ré mineur, soit donc une tonalité très triste. Je l'ai accordé en ré majeur. J'incorpore petit à petit des sonorités d'Inde. Ce qui est assez pénible pour les auditeurs quand on joue de la guitare slide, c'est qu'on utilise les accordages complètements différents de la guitare conventionnelle. L'accordage standard, impossible de me le rappeler car je ne l'utilise pas. Tout le monde se base sur la grosse corde : mi, la, ré, sol, si et mi. Si on fait sonner les cordes à vide, cela donne un mi onzième diminué ou quelque chose dans le genre - ce qui est inaudible. Pour jouer de la guitare comme ça, il faut bouger les doigts dans
tous les sens. Les bluesmen d'Hawaï, d'Afrique et tous les pays colonisés
qui ont reçus la guitare dans les bras, ont utilisé une
technique différente. Le moins de mécanique possible pour
régler les cordes (et donc le minimum de clefs et de tours). Ils
ont trouvé ce qu'on appelle l'accord ouvert de sol (alias "
open tuning " NDLR). C'est un sol naturel qu'on obtient en grattant
les cordes. As-tu un projet de disque en cours ? On va mixer la musique baroque du moyen âge avec le luth et la musique hip hop blues. Un violoniste, David Van Haaren, joue de la mandoline sur une chanson en indien, alors qu'il est plutôt spécialisé dans le violon manouche. J'ai également la chance de disposer d'Aurélie Jung, du groupe Iona, qui est actuellement en Inde pour apprendre le chant. Une chanteuse exceptionnelle. Ces gens me font l'honneur de m'accompagner de temps en temps. J'adore jouer avec des musiciens beaucoup plus forts que moi. Quand on est tiré vers le haut, on peut aller de l'avant ! As-tu quelque chose à ajouter pour terminer
? J'aimerais vraiment que l'instrument fasse partie de mon corps. Que mes muscles ne connaissent pas seulement ce phénomène physiologique : O/1, fermé/ouvert. Que je puisse être juste en dessous de l'ouverture, juste en dessous de la fermeture. Pour que - hop ! - d'un seul coup, je puisse sortir une note ou une harmonique cachée et créer de l'étonnement et de la subtilité. Pour que le blues progresse et moi également. Que je puisse vraiment m'exprimer. Ce qui me tient vivant, c'est la musique.
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Les liens : Site internet : jimpetit.com Interview réalisée le 1er février 2006 dans les studios de radio RDL Propos recueillis par David BAERST En exclusivité ! Interview
de Jim Petit |
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