Jimmy Johnson
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

(c) David BAERST 

Avez-vous apprécié le concert de ce soir ?

- J'ai eu autant de plaisir qu'il était possible d'en avoir. J'apprécie toujours les concerts où que je soit.

Définissez-vous votre style comme du Chicago Blues ?

- Je ne fait pas de catégories. Je joue à ma manière. C'est vous qui trouvez des catégories. Je viens de Chicago mais je joue mon blues comme je le sens.

Quelle fut votre première influence musicale ?

- Vous connaissez Arthur Big Boy Crudup, John Lee Hooker, Muddy Waters et Sonny Boy Williamson ? B.B. King est venu un petit peu plus tard.

Comment en êtes-vous arrivé à jouer de la guitare ?

- Je pense que c'est parce que j'aime la guitare, bien que j'aie commencé par le piano. La guitare était mon instrument préféré mais mon père ne pouvais m'en acheter une. Je suis ensuite allé au lycée il y avait un piano sur lequel j'ai appris à jouer.

Quels ont été vos meilleurs partenaires en musique ?

- C'est difficile à dire car j'aime tout le monde. Chacun est un être à part. J'ai appris de tous ceux avec qui j'ai joué.

Qu'apporte au blues la jeune génération ?

- J'imagine qu'ils font ce que fait n'importe qui d'autre car chacun a sa manière de jouer. Par exemple quand vous écoutez Melvin c'est lui qui joue et quand vous m'écoutez c'est bien moi qui joue. Si vous nous mettez tous les deux derrière une couverture, si je me met à jouer, vous saurez duquel il s'agit ! La chose la plus importante à savoir en ce qui concerne la musique est ce qu'on appelle dire la vérité; vous voyez ? La Vérité. Jouer comme on le ressent. Je ne veux pas jouer comme n'importe qui. Je dois probablement sonner de temps à autres comme Albert King, ou un autre, mais c'était ce que je ressentait sur le moment.

Ecoutez-vous d'autres styles musicaux que le blues ?

- Absolument. J'écoute de tous les genres de musique. A l'exception peut-être de la country, du classique, de la cornemuse, de l'opéra et du rap. Et encore, pour moi ce n'est pas de la musique, c'est tout à fait autre chose. Mais tout le reste, je l'écoute : pop, rock - le soft, pas le hard rock. J'écoute beaucoup de jazz bien qu'il y en aie plusieurs catégories : pop jazz, funk jazz, strait head jazz et fusion jazz, donc je ne suis pas un très grand fan.

Etes-vous encore en train d'apprendre à jouer ?

- On apprend toujours. Une fois que l'on s'arrête, c'est qu'il est temps de finir. Il faut continuellement apprendre.

De quelle manière trouvez-vous l'inspiration ?

- Il y a plusieurs moyens. Je vais vous l'expliquer. Vous ne faites jamais une tâche de la même manière. Cela prend des formes différentes. A certains moments une chanson peut venir à moi d'une idée que vous avez soulevée, cela peut être une expérience vécue ou une musique sans forcément des mots avec.

Serez-vous toujours capable de sortir des albums ?

- Je pourrais toujours jouer de la musique. On peut toujours écrire de nouvelles chansons bien qu'on ne puisse jamais savoir si elles sont vraiment bonnes. Certains des titres que j'ai écris me font particulièrement plaisir alors que pour d'autres c'est différent. On ne peut pas toujours s'y prendre de la même manière, sinon on s'ennuie. Composer est très compliqué car on ne peut pas exprimer  de la même manière ce qu'on a dit la fois précédente avec la même musique. Il est donc assez difficile de composer encore que je me débrouille assez bien. Quand on sort des musiques originales, cela plaît plus au public car c'est des choses qu'il n'a jamais entendues avant. Mais si vous copiez la musique d'un autres en y mettant d'autres mots, je n'aime pas ça. Ce n'est vraiment pas facile de composer, mais comme j'en suis capable je continue à le faire.

Y a-t-il des problèmes sociaux qui vous interpellent ?

- Bien sûr ! Je me sens toujours concerné par la politique car il s'agit du monde dans lequel je vis. J'ai des enfants et des petits-enfants que j'aime beaucoup. C'est pourquoi je me sens très concerné par ce monde dans lequel ils vont devoir vivre. Parce que ma vie ne m'interpelle pas autant que leur vie à eux. J'ai eu une belle vie mais eux ont toute leur vie devant eux et le monde est assez dingue.

Quand on parle de drogues, c'est ridicule. Vous savez qui fourni la drogue ? Le système, le gouvernement; eux savent qui fournit la drogue ! Comment peuvent-ils être aussi stupides et laissez toute cette drogue envahir le pays ? Une chose que nous n'aurons probablement pas à faire est de vivre avec la drogue car c'est une histoire de grosses boîtes, de dollars. Quand beaucoup de dollars sont dans le coup, on ne peut pas y toucher. Ce qu'il reste à faire, car on ne peut pas empêcher la drogue de rentrer, est d'aller vers les gens et de les mener à ne pas utiliser la drogue. Mais personne ne semble s'impliquer là-dedans de toute manière.

Il y a des gens pour dire aux autres que la drogue est bonne comme certains l'ont déjà fait avec moi. "  Ecoute, là j'ai du shit, si tu en prends tu joueras mieux ! " Pensez-vous que je suis assez stupide pour le croire ! La drogue me ferait jouer mieux ? Non ! Cela me ferait croire que je joue mieux mais c'est comme avec l'alcool. Tu sais comment jouer, ce que tu dois jouer mais tu ne pourras jamais jouer mieux que ce que tu sais. Si tu ne sais pas jouer tu en seras toujours incapable. Ce n'est pas la drogue qui te fera jouer. Je n'ai jamais eu besoin de drogues, d'alcool.

Je suis peut être un musicien mais qu'ont-ils tous à venir me serrer la main et à m'y fourrer leurs trucs ? Quand ils me voient ils pensent que tous les musiciens boivent ! Si je ne boit pas de whisky ils pensent que je prend de la drogue et espèrent m'en fourguer. Au début ils vous donnent la drogue et quand tu as commencé ils ne te donnent plus rien ! Mais s'ils y a quelque chose que je ne prendrais jamais de la vie c'est bien la drogue ou l'alcool. C'est ce qui détruit la plus grande partie de notre jeunesse.

Je ne peut pas tellement parler de votre pays car je ne sais pas vraiment ce qu'il s'y passe mais je connais très bien mon pays. Je ne sais pas très bien vers où iras mon pays dans les cinquante prochaines années. Peut être arrivera-t-on à revenir en arrière si quelqu'un commence maintenant mais mon pays est frappé par le destin !

Il y a d'après moi une autre chose qui est très mauvaise dans les rapports entre les blancs et les noirs en Amérique. Ils ne devraient pas être ainsi. Ici en France que vous ayez un père noir ou une mère riche, vous êtes un citoyen. Aux Etats-Unis pour quelle raison devrait-on parler de " noir-américain " ? Pourquoi ne puis-je pas être américain ? Pourquoi vouloir m'enfermer dans des catégories ? Après on a cette séparation en catégories. On est très séparés. Les noirs vivent là et les blancs ici. Pourquoi font-ils en sorte en vous vivez ici ou là ? Ensuite il y a cette haine des noirs pour les blancs et la haine des blancs pour les noirs. Ils veulent protéger leurs enfants des noirs.

Vous savez ce que signifie : " retour de feu " ? Souvenez-vous des vieux fusils qu'il fallait bourrer de poudre par la gueule avec un bâton ? Ces vieux tromblons causaient parfois des retours de feu qui vous emportaient la tête. Les armes d'aujourd'hui n'ont probablement plus ce problème. Quand on enseigne aux enfants noirs la haine des blancs, vous savez où cela mène ? A se tuer entre eux ! C'est la même chose avec les jeunes blancs à l'école. Ce qui se passait quand j'étais jeune, vous n'en avez jamais entendu parler. Des enfants qui tuent des enfants ! Est-ce que cela ne vous interpelle pas ? A cause des parents qui ont appris à leur enfants la haine des gens des autres quartiers. Quand on commence à avoir la haine, on devient capable de tuer n'importe qui. Les enfants ne se rendent pas compte : ils croient en ce qu'on leur apprend. Les blancs protègent leurs enfants : " Ne reste pas avec les noirs ! " ou " Je vais t'apprendre à utiliser ce pistolet pour te protéger ! " Se protéger de qui ? Se protéger de soi-même ! C'est pareil chez les noirs. Voilà pourquoi on a tant de gros problèmes, de terribles problèmes et je ne peux rien y faire. Je suis figé !

Je suis content d'avoir pu en parler sans être interrompu. Lors de certaines interviews, les journalistes ne veulent pas de politique, ils ne veulent parler que de musique. Je me sens toujours concerné par mon environnement et ce qui peut arriver au monde dans les jours suivants. Que peut-il arriver ? Est-ce que les choses vont s'améliorer, se détériorer ou rester ainsi ?

 

 
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Interview réalisée le 23 mai 1998 à la Laiterie de Strasbourg

Propos recueillis par Jean-Luc

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