Joe, vous êtes en tournée actuellement avec Nils Landgren,
avec lequel vous avez enregistré l'album "Creole Love Call"
(ACT, 2005). Etait-ce une chose particulière pour vous de travailler
avec un musicien scandinave?
Et bien, en fait, je ne peux pas t'affirmer si Nils est un musicien scandinave
(rires) !
Ceci parce que lorsque je joue avec quelqu'un, je ne regarde pas d'où
il vient.
Dans le cas de la musique, c'est la similarité des goûts qui
prime.
Je ne regarde jamais d'où vient un musicien
Quels sont vos rapports avec la Nouvelle-Orléans
et la Louisiane en général ?
Ma famille, du côté maternelle, est originaire de la Nouvelle-Orléans.
Leur village était en fait situé à 75 miles à
l'ouest de cette ville.
Ma famille a rejoint le Texas avec 500 à 700 autres créoles
dans les années 1920. Ceci pour trouver de meilleures conditions
de vie et échapper aux ouragans. Ils ont été confrontés
en 1927 à la grande inondation. C'est à ce moment là
que beaucoup de gens sont partis pour échapper à l'eau montante,
tout était inondé
.
Ma famille a ainsi fait partie de la première vague de départs.
Une deuxième vague de 2000 personnes s'est réfugié
à Houston. L'eau a toujours été un problème
en Louisiane.
Qu'est-ce qui a fait que vous soyez attiré
par ce projet musical, enregistré à la Nouvelle-Orléans
avec Nils Landgren ?
Dans le cas de " Creole love Call ", cela remonte à
7 ans en arrière quand j'ai décidé d'aller ou plutôt
de retourner à mes origines, où je suis né
.
Je vivais en Californie depuis 41 ans et je sentais Los Angeles se détacher
de ses origines, de la musique américaine. Cette ville, aujourd'hui,
est la ville des célébrités et des stars, ce qui
n'a rien à voir avec la musique.
J'ai trouvé que c'était le moment pour moi de retourner
à l'endroit où les gens posèrent dans le passé
nos racines.
Que ce soit en France, en Allemagne, au Brésil ou dans tout autre
pays, c'est le même problème. Les gens souhaitent retrouver,
à un moment, leurs origines de naissance.
J'avais alors regardé comment devenir propriétaire à
la Nouvelle-Orléans. Mais on m'a dit que c'était idiot car
je risquais d'être à un moment donné victime d'inondations.
Que la Nouvelle-Orléans deviendrait un lac
.
Je ne me suis donc jamais installé là-bas et cette ville
est devenu un lac. Heureusement que j'ai écouté les conseils
qu'on m'a donnés.
Pour en revenir à l'album, j'adore la musique américaine.
C'est ma musique et je voulais retrouver un endroit où je pouvais
ressentir toutes les composantes de la musique afro-américaine.
Je n'avais jamais eu l'occasion de le réaliser car j'ai dû
faire d'autres choix tout au long de ma vie.
Je ne me suis jamais essayé au free jazz car je sais que Dieu m'a
offert un cadeau avec le jazz, le blues, le rythm and blues, la soul music,
le gospel. Grâce à cela je me sens riche intérieurement.
C'est pourquoi je peux affirmer que dire " Hey, tu ne sais pas
quoi faire, je vais faire quelque chose pour toi ! " c'est idiot.
Je fais ce que je sais faire parce que sinon ça ne sert à
rien que je sois ici.
C'est ce que je fais, parce qu'il faut être stupide pour essayer
quelque chose d'autre de ce que tu sais faire.
Vous êtes pianiste et arrangeur comme Allen
Toussaint, est-ce une comparaison qui vous plaît ?
Allen Toussaint et moi même avons beaucoup de choses en commun.
Tu sais, il y a de cela 35-36 ou 37 ans, je me demandais : "Pourquoi
est-ce que je joue de la façon dont je joue?"
Parfois je n'arrive pas à jouer de la façon dont j'aimerai
jouer. J'aimerai jouer de différentes façons.
Essayer de jouer avec des musiciens de New-York, de Boston, de Chicago,
de Seattle, d'Europe. Je ne peux pas jouer de toutes ces façons
car il faut jouer la musique que tu ressens au plus profond de toi.
J'ai réalisé que j'avais les racines de la Louisiane dans
le sang. C'est pour cela que je joue de la façon dont je joue et
je ne peux rien faire pour l'arrêter !
En ce qui concerne Allen Toussaint et moi ceci est vraiment une similarité.
Quand j'écoute "Jelly Roll" Morton (célèbre
pianiste louisianais né en 1890 et décédé
en 1941, pionnier d'un certain style de jazz moderne américain,
Nda), je me dis que nous avons la même approche que lui par
rapport à la musique.
J'ai les mêmes sensations et la même profondeur à force
de l'avoir écouté encore et encore. Quand d'autres musiciens
me rejoignent et qu'ils jouent avec le mauvais feeling puisqu'ils n'ont
simplement pas le feeling, j'arrête de jouer du "Jelly Roll"!
Remerciements: A Eric Doidy et Frédéric
Adrian pour leur sympathie. Merci aussi au réalisateur Bob Swaim,
ami de longue date de Joe Sample et passionné de musique qui a
assisté à l'entretien (see you Mr Swaim!).
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