L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST | ||
Nda : « Dans les situations critiques, quand on parle avec un calibre bien en pogne, personne ne conteste plus. Y’à des statistiques là-dessus. ». Heureusement, il n’a pas été nécessaire d’appliquer cette citation du scénariste-dialoguiste Michel Audiard le 27 mars 2015 au Grillen de Colmar. Pourtant, voyant les minutes s’égrainer, je pensais bien que cette interview de Johnny Montreuil, prévue à la fin de son soundcheck, ne se réaliserait jamais sans que je menace l’artiste d’un pistolet emprunté à un film de Georges Lautner. Après avoir tranquillement établi sa setlist, le chanteur-contrebassiste est (enfin) venu à ma rencontre à 20h30 (heure à laquelle le concert était censé débuter) pour répondre à mes questions. Il faut dire qu’entre une route interminable et des balances plus longues de prévue, le timing a eu de quoi prendre du plomb dans l’aile. Pas de quoi ébranler le bonhomme qui en a vu d’autres et qui a gentiment décidé de prendre sur lui afin de respecter son engagement. L’entretien a donc été enregistré sereinement, durant une quinzaine de minutes qui n’ont fait que me conforter dans mon apriori ultra positif du personnage. D’ailleurs, pour être tout à fait honnête, j’aurais accepté de patienter encore plus longtemps afin d’en savoir plus sur celui qui, avec « Narvalo City Rockerz »(label Les Facéties de LuluSam) arrive à produire un album particulièrement atypique et suintant d’authenticité. Un disque qui nous conduit dans la banlieue parisienne et qui nous fait croiser, sur fond de nostalgie, les faux durs et autres loulous des quartiers populaires. Une ambiance attachante, portée par des musiciens dont dextérité a de quoi impressionner. Que Johnny Montreuil réussisse son pari urbain et (qu’avec son gang) il aille loin, très loin. Il est l’archétype même de l’artiste…capable de sortir la chanson française actuelle de son marasme… Johnny, afin de débuter cet entretien, peux-tu me présenter les musiciens qui constituent le groupe qui t’accompagne ? Avant de te lancer dans la pratique de la contrebasse, tu as été guitariste. Peux-tu, de ce fait, revenir précisément sur ton apprentissage musical ? Appréciant la contrebasse depuis longtemps (un amour qui s’est développé lorsque j’ai découvert le rockabilly et le rock’n’roll), aussi bien pour son apparence que pour le son qu’elle produit, je recherchais déjà un spécialiste de cet instrument pour ce groupe. A la fin de cette première aventure, au début des années 2010, j’ai décidé de me lancer moi-même dans la pratique de la contrebasse. Depuis, c’est avec elle que je m’accompagne même si j’ai toujours une guitare qui « traine » sur scène (avec laquelle je continue de composer). J’aime toujours en jouer et m’en aider afin de trouver des idées musicales... Donc, au final, j’aime vraiment bien jouer de la contrebasse (rires) ! C’est donc le rockabilly et le rock’n’roll qui t’ont amené à te plonger davantage dans la découverte de la contrebasse. Quelles musiques écoutais-tu auparavant ? Tu évoquais Georges Brassens qui était, bien que trop peu de gens lui confèrent cette qualité, un maitre du swing. Qu’est-ce qui t’a le plus touché chez lui ? Pour en revenir au groupe Los Carayos, peux-tu me parler de ce concept qui a marqué son époque et me dire si tu as eu l’occasion de l’intégrer ? C’était magnifique et je pense que nous nous imprégnons beaucoup de cette énergie dans ce que nous faisons actuellement. Nous utilisons aussi un violon, une mandoline ainsi qu’un harmonica. Nous ne cherchons nullement à copier quoique ce soit mais nous nous permettons, tout de même, de reprendre une chanson de Los Carayos. Schultz avait vraiment composé de grandes choses pour ce groupe, notamment quelques blues magnifiques… L’ayant connu, je savais que c’était un projet qui lui tenait particulièrement à cœur et qu’il plaçait au-dessus de tout. Il était très amer que le groupe s’arrête aussi brutalement… Il y a une autre passion qui se devine à travers ton pseudonyme. Il s’agit de celle que tu voues à Johnny Cash qui, je le crois, est venue assez tardivement… Puis il a eu cette espèce de punk qui possédait un superbe sens de l’écriture. C’était un grand raconteur d’histoires et il savait y amener une verve populaire en utilisant ce son. J’ai trouvé cela « mortel » ! Sans comprendre de quoi il parlait, sa voix seule me touchait. J’ai beaucoup aimé sa collaboration avec Rick Rubin qui l’as conduit à enregistrer la série d’albums « American Recordings » (six albums édités à compter de 1994, nda). Je me suis immergé dans sa musique, allant jusqu’à reprendre certains de ses morceaux au départ du projet Johnny Montreuil. Revenons, justement, sur ce projet de Johnny Montreuil et de ce personnage que tu as créé. En quoi est-il différent de ta propre personnalité ? As-tu cherché à inventer quelqu’un qui semble tout droit sorti d’une bande-dessinée et qui, à titre personnel, me fait penser aux personnages issus des univers graphiques de Tramber & Jano (comme Kebra) ou de Frank Margerin (comme Lucien, Ricky etc.) ? Cela me permet de rencontrer beaucoup de monde et de vivre avec un certain décalage que j’assume complètement et qui me plait. Je ne connais aucun problème de schizophrénie entre ce personnage que j’incarne en chantant et ce que je suis dans la vie. D’ailleurs ce n’est pas vraiment éloigné… En tout cas cela me permet de concilier une vie artistique et quelque chose de plus intime, c’est marrant… A une période de ta vie, tu as été éducateur auprès de jeunes en difficulté. Cette fonction a-t-elle pu t’apporter quelque chose dans ta carrière artistique ? Je suis voisin avec des roms (puisque j’ai ma caravane à côté de leur camp) et il y a un lien qui s’est tissé facilement. Il ne faut pas avoir peur des gens qui, d’un premier abord, peuvent faire peur. Il faut aller vers les autres. Une chose que je fais aussi à travers la musique, que ce soit dans un bar ou sur une plus grosse scène. Je souhaite partager, avant tout, de bons moments avec les gens et de ne pas tomber dans un égocentrisme exacerbé. Cette fonction d’éducateur m’a appris la valeur du « vivre ensemble » et le fait de savoir réfléchir sur moi-même. Elle m’a enseigné des choses sur la psychologie et la sociologie et m’aide à essayer d’avoir un maximum de recul sur ce qui se passe et de ne pas mettre des coups de poing et de tête partout. Il ne faut pas avoir peur de son prochain. Ce qui se passe actuellement est le début de la merde. Les gens ont peur les uns des autres, chose qu’il ne faut absolument pas… Revendiques-tu ou es-tu touché par le lien qui est souvent fait entre ta musique et celle de Sanseverino ? On sent, à travers ta musique et tes propos, que tu cherches à redonner ses lettres de noblesse à une certaine culture populaire et aux musiciens de bar. Souhaites-tu à briser les frontières qui peuvent exister entre une certaine intellectualisation des choses et ce que l’on qualifie, souvent injustement, de ringard ? C’est le côté populaire de la banlieue qui, pour moi, évoque beaucoup de poésie. Il y a quelque chose qui me touche beaucoup dans mon entourage. Les gens que je vois dans mon quotidien, ceux avec lesquels je prends le bus, transmettent beaucoup de sensibilité. Ils viennent de partout et vivent ensemble dans des endroits qui, comme Montreuil, sont chargés d’histoire. J’ai envie de parler d’eux, de leur vie et j’ai envie de les faire marrer, de les émouvoir… Je m’adresse à eux… S’ils ne sont pas touchés par ce que je fais, je rate peut-être quelque chose. Bien sûr, d’autre gens peuvent être sensibilisé par ce que je fais mais c’est vraiment à des amis et des gens issus de ce coin que je m’adresse… Pour conclure cet entretien, peux-tu me dire quelles sont tes aspirations pour l’avenir ? Avoir la chance de travailler avec cette musique, avec ce que l’on raconte est une chose formidable. Je tiens à faire vivre et travailler ce groupe le plus longtemps possible, tout en gardant l’énergie que nous possédions à la base. J’espère que, géographiquement parlant, nous irons le plus loin possible. Si nous pouvons continuer à avoir la chance de travailler comme nous le faisons, nous pouvons y prétendre. Aller dans tous les coins les plus reculés de banlieue et de France serait formidable. C’est une passion qui est en marche et il faut que cela reste une passion, même si elle nous fait crouter. Je ne veux pas que tout cela tombe dans une forme train-train. C’est, avant tout, une aventure ! Remerciements : Olivier Moulin (Les facéties de LuluSam) https://fr-fr.facebook.com/johnnymontreuil |
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facebook.com/johnnymontreuil Interview réalisée Propos recueillis par En exclusivité !
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