Kelly Joe Phelps
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST


D'où venez-vous et quand avez-vous commencé à jouer de la musique ?

Je vis à Seattle, dans l'état de Washington sur la côte ouest des Etats-Unis. J'ai abordé la musique pour la première fois à douze ans quand mon père m'a appris à jouer de la guitare. Ce furent mes débuts et depuis je n'ai pas cessé d'apprendre. même trente ans plus tard.

D'où vous viennent vos influences dans la musique : le folk, le blues ?

Mes influences proviennent de toute une série de guitaristes. Naturellement des gens tels que Chet Atkins, Jim Kroshi, John Donvido. Et j'ai passé pas mal de temps à étudier le jazz, à écouter les musiciens du jazz. D'ailleurs moins de guitaristes que des gens tels que John Coltrane, Miles Davis, Ornette Colman. Chez les guitaristes : Dan Martino, Joe Pass. Je me suis également appliqué à jouer librement ma musique, afin d'en arriver au point où je pouvais tenter d'incorporer toutes ces influences dans un seul ensemble, avec le chant en même temps. Le champ de mes influences est très large et diversifié.

Pourquoi avez-vous décidé d'apprendre la guitare ?

Cela provient de toutes les influences que j'ai pu recevoir. Quand je joue de la guitare, je ne pense pas toujours au fait que je joue effectivement de la guitare, du moment que j'enchaîne les notes de musique. J'ai tant joué que les notes directement sortent de ma tête. J'essaye de ne pas songer à l'idée que je suis en train de jouer de la guitare, mais que je désire produire ces notes au moment voulu, avec le climat souhaité. Si j'ai une guitare entre les mains, c'est juste parce que je l'ai attrapée.

Pourquoi êtes-vous seul sur scène ? Avez-vous déjà joué au sein d'un groupe ?

J'ai fait partie de groupes. J'éprouve un certain sentiment de liberté lorsque je joue tout seul. J'apprécie beaucoup cela. Je me laisse assez facilement à improviser. Tant que d'autres musiciens ne sont pas impliqués, je n'ai pas à me soucier de leur montrer où je veux aller : je peux me lancer dans toutes les directions. C'est cette liberté que j'aime tellement dans mes solos. Quand on joue avec d'autres personnes, elles peuvent nourrir votre inspiration. Mais c'est une chose ou l'autre.

Comment pouvez-vous définir votre style ? Ce n'est pas plus du blues que du folk !

Il est très ardu de se définir. Je me suis toujours considéré que un musicien traditionnel. Je peux prétendre cela parce que ma définition de la musique traditionnelle est très large. Pour ne parler que des musiques de l'Amérique, cela inclus les hillbillies, les interprètes de banjo, Rosco Home Conduct Bucks, par exemple. Des gens comme Bob Dylan, Fred Mac Dowell, Robert Johnson, Son House. Tout ça, c'est réellement la musique traditionnelle. Quand j'écoute des personnages tels que Fred Mc Dowell, Robert Johnson, Son House, Skip James, je ne pense pas automatiquement au blues. Ce n'est pas ainsi que la musique m'atteint. Ce sont simplement différentes formes de la musique traditionnelle. Elles tirent leurs racines de la terre. Je sais bien que Bob Dylan s'est penché aux mêmes sources pour les faire siennes. D'une certaine manière les jazzmen ont su évoluer à partir du même matériau.

Tout cela ramène à la musique traditionnelle. Quand on me demande ce que je joue, je ne parle pas de " folk music ", sauf si on me cherche aussi loin que vous !

Vous êtes aussi compositeur ; d'où vous viennent vos inspirations ?

Le plus souvent, quand j'écris mes chansons, cela me vient d'écrivains et de poètes plutôt que de compositeurs. Tout simplement parce que j'apprécie la manière avec laquelle les écrivains utilisent les mots. Ils s'obligent à adapter les mots à ce qu'ils veulent exprimer en fonction de ce qu'ils ressentent. En tant que compositeur, je tente de m'en inspirer. En matière de guitare, je suis la trace des grands guitaristes. Quant à l'écriture de chansons, c'est plutôt de grands écrivains qui m'ont toujours inspiré et non des compositeurs. C'est avant tout une question de qualité, surtout actuellement. Je trouve que les compositeurs modernes tentent d'appliquer aux mots la forme qu'ils ont prévu pour la musique. Auparavant cela n'était pas le cas. Les anciens bals populaires, les vieilles chansons européennes se basaient avant tout sur une histoire et la musique s'y soumettait. Afin de remonter aux meilleures sources, je préfère aller du côté des écrivains que des compositeurs.

Que pensez-vous de la situation actuelle des musiques " folk " ?

Voilà une question à laquelle il est sincèrement difficile de répondre. L'environnement général pour ce genre de musiques me semble particulièrement favorable. En même temps, je suis incapable de désigner les vraies raisons pour lesquelles c'est ainsi. J'ai du mal à me prononcer. A force de tournées autour du monde, j'atterris dans des endroits où la réception est formidable. Autant ailleurs cela pouvait être épouvantable. Dans chacun des cas, je ne saurais pas être catégorique. Je suppose qu'en définitive les gens sont certainement plus au courant qu'ils ne l'ont jamais été. Au final, cette couverture des événements dans le monde, j'ignore si elle fonctionne à coup sûr. Je ne sais pas si vous me suivez. Il y a des moments où je me demande ce que je peux bien venir faire dans certains lieux où personne n'écoute ce que je fais. Alors qu'aussi bien ailleurs les gens refusent de me laisser quitter la scène. Il m'est donc impossible de généraliser. Est-ce que la musique " roots " se porte bien ? Cela peut être vrai quelque part et totalement faux ailleurs. Probablement que cela a toujours été ainsi.

Etes-vous curieux envers des musiques étrangères venant d'Irlande par exemple ?

Bien entendu ! J'essaye d'en saisir autant que possible. Je trouve certaines musiques de culture africaine absolument fascinantes. Aussi bien que les musiques irlandaises. Je viens aujourd'hui d'écouter un album de musique folk de Roumanie qui est incroyable ! On trouve dans ces styles tout un monde d'inspirations. Récemment encore, j'écoutais des enregistrements de musique populaire venant du Viêt-nam. Il y a toujours d'autres sources d'inspiration et de matériel musical.

Quand la musique " folk " apparaît, elle a déjà évolué depuis tant d'années par la transmission entre les générations. A l'opposée de la musique " pop " qui ressemble plus à des papillons volant sur un mur. " Pfu !!! et encore un autre : Pff !!!"

Pouvez-vous évoquer l'élaboration de votre dernier album ?

Sur mon dernier album, cela a été la première fois que je me suis associé avec d'autres musiciens. J'avais envie de me focaliser plutôt sur l'écriture des chansons que sur mon style de guitare. Il me semblait qu'avec d'autres musiciens, je pourrais tenter d'expérimenter un son amélioré et c'est bien ce qui est arrivé. Pourtant je joue encore en solo pendant mes tournées, la plupart du temps. Cette collaboration durant l'enregistrement m'a ouvert des portes dans mon approche de la guitare. Au lieu de me concentrer uniquement sur la guitare j'ai écouté ce que fait la batterie, la base et le reste. J'ai élargit mon esprit à des sons nouveaux que je peux reproduire à la guitare.

Quels sont vos impressions sur votre passage à Strasbourg ?

Simplement que j'ai beaucoup de chance de pouvoir chanter et jouer de la guitare. Ce n'est pas un moyen facile de gagner sa vie ou de faire carrière. Ce soir les gens ont manifesté énormément de plaisir à m'écouter. J'ai sincèrement apprécié cela, donc je me sens incroyablement veinard de pouvoir être là, contrairement à nombre de mes amis.

 

 
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Les liens :

kellyjoephelps.com

Interview réalisée au
festival Jazz d'Or à Strasbourg
le 18 novembre 2002

Propos recueillis par David BAERST et Jean-Luc

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