Nda : Si, au début des années 1960, les Beach Boys sont devenus les ambassadeurs musicaux du surf…il se pourrait bien qu’aujourd’hui Képa le devienne pour le skateboard (ou, à l’inverse, qu’il se transforme en ambassadeur du blues aux yeux de tous les skateboarders). Après une première carrière passée sur une planche, ce jeune homme totalement voué à ses passions a décidé d’en débuter une deuxième guitare en mains. Loin de toute chapelle et dénué de tout égocentrisme, il se produit à travers le monde avec pour seul objectif de sensibiliser un maximum de néophytes à certaines mélopées fleurant bon le terroir américain.
Tu as commencé à te faire connaitre dans un milieu qui semble assez éloigné du blues, celui du skateboard. Peux-tu, dans un premier temps, revenir sur ce cursus de sportif ?
Il est vrai que je me suis fait connaitre dans l’univers du skateboard. Une discipline qui est, un petit peu, à part. En effet, elle n’est pas régie par une fédération à part entière…même s’il existe une Fédération Française de Roller Sports. On peut dire qu’elle est, davantage, dirigée par des « privés »… S’il est exact que j’ai fait du skate, je ne me considère absolument pas comme un sportif. Ceci, parce que je ne possède aucune notion d’entrainement ou de préparation spécifique. Je considère plutôt le skateboard, comme une discipline artistique à part entière.
Durant cette période de ta vie, étais-tu déjà amateur de musique et, en particulier, de blues ?
Au départ, j’étais plus un amateur de rock. Mon meilleur ami avait reçu, en héritage de son père décédé, de nombreux bacs de vinyles. Il possédait une très grande discothèque constituée d’albums de rock. C’est grâce à cette dernière que, vers l’âge de 12 ou 13 ans, j’ai découvert le « vieux » rock. Une musique qui, il faut l’avouer, n’était pas de ma génération. Le blues est venu plus tard, à force de maturité et d’écoutes. Mes goûts se sont affinés et j’en suis arrivé à écouter du vieux blues. En toute franchise, je n’apprécie pas cette musique depuis très longtemps. Ce sont certains artistes qui m’ont ouvert des portes. C’est par leur biais que j’ai pu réaliser qu’elle était la véritable influence des groupes de rock que j’aimais. Si le chicago blues ne me touche pas (ces trois accords infinis qui se répètent), le blues interprété par les vieux roublards du sud des USA (et par extension le blues africain, la musique du Mali ou d’Ethiopie par exemple) me marque énormément. J’ai aussi une tendresse particulière pour les sonorités indiennes, ces longs accords et ces harmonies…Il s’agit, dans le fond, de musiques relativement pauvres (aujourd’hui, dans chaque musique, il y a au moins six ou sept accords différents) qui se jouent souvent sur un seul accord. C’est une chose qui me parle vraiment…
Et tu es un adepte des instruments à résonateurs métalliques…
Les guitares en acier représentent toute la période du blues que j’aime. A l’époque, il s’agissait en fait, du seul ampli qui existait…bien avant l’électrification du genre. A l’arrivée de la guitare électrique, nombreux sont ceux qui ont abandonné leurs vieilles guitares National. J’adore ce son qui reste très connoté Hawaii et blues traditionnel. J’adore cela, même si j’essaye de « rafraichir » ce registre. Je m’inspire mais je ne copie pas car je ne suis pas noir et je n’ai pas eu une vie de merde. Je n’ai pas la prétention de dire que je joue du blues pur et dur…Je n’oublie pas qui je suis et d’où je viens.
Quels sont, justement, les artistes qui ont eu la plus grande influence sur toi ?
Cela ne fait que trois ans que je joue de la guitare « résophonique » et de de l’harmonica. C’est en découvrant Bukka White que je suis tombé dans le blues. Au départ, je n’arrivais pas à savoir s’il jouait en électrique ou en acoustique. C’est en tombant sur des photos que j’ai compris, même si j’ignorais encore tout de ce système de résonnance. J’étais fasciné et, c’est à force de recherches, que j’ai commencé à maitriser l’instrument et ses systèmes d’accordage. Pour moi, il se situe plus à mi-chemin entre un banjo et une guitare qu’une guitare à part entière. Je me suis mis à me passionner et à en acheter…
As-tu débuté en tant qu’autodidacte, sans entrainement particulier…comme dans le skateboard ?
Oui, exactement. J’ai suivi le même cheminement, je suis un pur autodidacte. Au départ, j’essayais « d’imiter » pour, simplement, m’amuser. C’était comme dans le skate, une discipline pour laquelle je n’ai pris aucune leçon et pour laquelle ne n’avais pas fixé d’objectif particulier. C’était pour m’amuser, comme pour le skate, j’y ai passé de nombreuses heures que je n’ai pas vu passer.
Quel est l’élément déclencheur qui t’a poussé à en faire une activité professionnelle ?
C’est un ami photographe, Kévin Métallier, qui m’a forcé la main pour que je vienne interpréter quelques titres durant l’une de ses expositions. Il m’a poussé à bout pour que j’accepte (rires) ! C’était le pire concert de ma vie mais, à partir de celui-là, j’en ai donné 30 ou 35 autres dans la même année. Des gigs que je n’ai pas cherchés car je ne pensais, vraiment pas, vivre de cette activité un jour. Au bout d’un certain temps, je me suis dit que ça vaudrait, peut-être, la peine d’essayer d’aller plus loin. En effet, à ma grande surprise, ma musique plaisait aux différents auditoires auxquels je me confrontais. J’ai pris de plus en plus de plaisir à en donner aux gens…
Après ces quelques premières années de pratique. Trouves-tu des similitudes entre ton approche du skateboard et ton approche de la musique ?
Pour moi, il s’agit de la même chose… J’y retrouve cette liberté que je recherche tant. Ce sont des moyens qui permettent de créer, de s’amuser et d’être en pleine confiance…
Tu m’avouais être rebuté par le chicago blues. A l’inverse, qu’est-ce qui te touche le plus dans le blues acoustique traditionnel ?
C’est la « pauvreté » de la musique en elle-même. Ce côté dénudé qui me plait beaucoup… Les structures des morceaux me plaisaient aussi davantage que celles du chicago blues. Cela doit être lié au fait que ces artistes n’avaient eu aucune formation. Cela a donné naissance à des choses spéciales qui, parfois, se ressemblent et qui, d’autres fois, sont totalement différentes. C’est une musique très intuitive dont les structures m’intéressent beaucoup. Le rock et le rock indé s’inspirent plus de cette musique que du chicago blues. C’est, en tout cas, mon impression…bien que je ne sois pas musicologue.
Es-tu touché, justement, par la musique d’artistes qui se sont inspirés de ce vieux blues rural et qui ont essayé de le repousser dans ses retranchements (à l’initiative de labels tels que Fat Possum par exemple) ?
Je suis absolument fan de cela ! Je me considère comme étant dans la lignée d’artistes tels que R.L. Burnside ou T. Model Ford… C’est cet aspect du blues qui me fascine. Je suis heureux de constater qu’il m’arrive de toucher des gens qui ne connaissent pas cette musique. Ce sont, le plus souvent, des jeunes qui ont entre 20 et 25 ans (dans une moindre mesure des gens âgés de 60 à 70 ans) qui se mettent à apprécier ce registre musical. Je suis persuadé que si ce dernier était plus médiatisé, son cercle d’amateurs serait énorme ! C’est une musique qui devrait être plus aimée, je regrette qu’elle soit restée marginale. Il y a cette connotation de musique « has been » alors que, sans être à la mode, elle est toujours à la page. Des musiciens tels que Junior Kimbrough devraient être davantage mis en valeur !
As-tu « attiré » quelques amis skateboarders dans ton amour du blues ?
Je n’ai pas cette prétention là, mais j’ai de bons retours émanant de certains d’entre eux. Je constate que les plus jeunes sont agréablement étonnés. Lorsque ces derniers me font part de leur surprise après un concert, c’est le plus beau compliment que je puisse entendre !
Tu me disais que le skateboard est, pour toi, un art à part entière. Cette discipline t’a-t-elle aidé dans ton approche de la scène et de tes concerts ?
Je ne pense pas que la scène ait grand-chose à voir avec le skateboard. Par contre la guitare si ! C’est une question d’intuition et de feeling, il n’y a pas de règle. Il faut se débrouiller avec ce que l’on a. Dans le skate, notre seule contrainte est d’être sur une planche… Avec une guitare c’est pareil, il faut faire avec. Sur scène, je fais comme je peux. Je n’ai aucune ligne directrice et ne fais rien de spécial. Tout est question de feeling !
Le fait d’être sur scène se compare-t-il, pour toi, a une grande figure libre. Tes morceaux peuvent-ils se déstructurer puis se restructurer d’un concert à l’autre ?
Etant seul sur scène, je conserve au maximum la structure originelle de mes morceaux. Je tiens à garder un maximum d’ordre afin de ne pas produire quelque chose de trop répétitif. Je me lâche plus à la fin de mes gigs, en jouant davantage sur l’improvisation ou en proposant des reprises. Il m’arrive, à ce moment-là, d’inviter des gens sur scène. Je dis toujours que je ne sais pas jouer de musique, ni lire les notes, c’est pour cela que je me sens incapable de jouer les morceaux des autres.
Peux-tu évoquer ta discographie, à ce jour ?
J’ai fait un premier album qui, à la base, ne devait pas sortir car je l’avais simplement enregistré pour moi. Il se nomme « No Goat Cheese ». C’est un peu un « nom à la con » et je vous laisse la surprise d’en écouter la raison (rires) ! Puis j’en ai fait un deuxième, « Hello Babe ! », qui est uniquement sorti sur internet. Le dernier en date est paru en CD, il s’agit de « Low-Low Wind ». Mon prochain disque, à paraitre, n’a été enregistré qu’avec l’aide d’une guitare douze cordes. C’est un disque purement instrumental qui sortira en 2016.
Ta technique s’est-elle, à ton avis, affinée en trois ans ?
Je le pense, car j’ai pas mal joué. Lorsqu’on passe du temps sur quelque chose, on s’améliore forcément. Je pense que j’ai dû évoluer, ce qui est normal. C’est pareil pour la scène, je comprends de plus en plus comment ça marche…
Que cherches-tu à exprimer à travers tes compositions ?
Tous les vieux bluesmen que j’ai écouté (et qui m’ont fasciné) utilisent des paroles simples. Cette simplicité touche tout le monde. En résumé ce sont des gens simples, qui mènent une vie simple et qui chantent des choses simples. Je m’inspire de cela et je ne cherche pas à écrire des textes d’une complexité incroyable. J’utilise des mots faciles et j’évoque des anecdotes qui sont drôles ou tristes. Je n’essaye pas de faire des rimes complètement dingues, ce n’est pas une chose pour moi ça…
Souhaites-tu ajouter une conclusion à cet entretien ?
Je remercie Marine Jorda qui travaille et passe énormément de temps avec moi. Je ne la remercieraijamais assez pour tout ce qu’elle fait aujourd’hui à mes côtés (booking, son etc…). Merci aussi à mes sponsors de skateboard (Vans, Element et Rebel) qui continuent de me suivre dans mon aventure musicale…
Remerciements : Marine Jorda pour la photo
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https://kepa.bandcamp.com
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