Laïka FATIEN
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Laïka, vous êtes issue d'un père ivoirien et d'une mère hispano-marocaine, ce métissage a-t-il joué un rôle dans votre culture musicale ?
Je ne sais pas, car en fait je n'ai jamais connue mon père et je n'ai appris que très tard que j'avais du sang ivoirien. Cela a peut être joué un rôle mais inconsciemment. A la maison nous écoutions toutes formes de musiques folkloriques, grecques, russes etc… Nous écoutions aussi du rock, comme Elvis Presley ou bien encore les Platters, mais à aucun moment du jazz…

Comment en êtes vous arrivé à cette musique alors ?
Par ma tante, la sœur de ma mère qui sortait beaucoup et qui aimait beaucoup la musique. J'ai commencé par écouter des instrumentistes, pas de chanteuses (Laïka cite Miles Davis, John Coltrane etc…). A l'âge de douze ans j'ai commencé à sortir avec elle de temps en temps, elle était l'amie de Paco Serri à l'époque, donc nous bougions beaucoup, je me souviens de concerts d'Eddy Louis, je commençais vraiment à " baigner " dans le milieu. Vers mes 14-15 ans elle a commencé à m'offrir des disques de chanteuses ; le premier était un album de Billie Holiday ensuite Carmen Mac Rae et Sarah Vaughan. C'est cette dernière que j'ai le plus longtemps écoutée puis je suis revenue à Billie. Depuis peu je redécouvre Carmen et je n'écoute pratiquement plus qu'elle, c'est ma chanteuse !

Vocalement parlant vous inspirez vous d'elle ?
Vocalement non mais sa façon de dire les textes me plaît.
Je n'ai pas sa voix, elle est inimitable ….
Sa façon de dire les textes me touche, elle ne dit rien par hasard.

Est-ce votre collaboration avec Claude Bolling qui a été le déclenchement de votre carrière ?
Ma carrière je ne sais pas ce que c'est en fait !
Je ne me vois pas dans une carrière, je ne sais pas trop où me positionner, je chante point. Je ne pense pas du tout à l'avenir, c'est bizarre le mot carrière je ne l'utilise jamais parce que je ne sais pas comment l'utiliser. Avant Claude Bolling j'avais un groupe, un quartette avec lequel nous faisions des standards et tous les morceaux que nous aimions.
Il y a 22 ans j'ai passé une audition pour le Big Band de Claude Bolling au sein duquel je me suis retrouvée durant 7 ans, cela a été mon école, une bonne école !

Pouvez vous nous parler de vos contacts avec Claude Bolling ?
Ils étaient très bons. On entend pas mal de critiques sur le personnage, mais je n'ai personnellement rien de négatif à dire sur lui. Musicalement ce n'est pas du tout ma tasse thé, sa façon de penser et jouer la musique….C'est un gros nounours, il est gentil ce monsieur.

Vous avez également un parcours de comédienne, est ce une voie que vous souhaiterez poursuivre parallèlement à la musique ?
Parallèlement c'est impossible, j'arrêterai la musique pour reprendre le théâtre. J'avais complètement arrêté de chanter pendant 3 ou 4 ans car c'est impossible de faire les deux.
Quand je chante, je n'entre pas dans un personnage, je suis moi-même. De toute façon je n'ai pas le temps, si je joue dans une pièce il faut la travailler, je ne me vois pas faire un concert deux jours avant.

Aux USA il y a beaucoup de pièces de théâtre musicales, ce n'est pas un concept qui vous intéresserez ?
Non, je n'aime pas trop les comédies musicales. J'en ai faite une au Palais de Chaillot, c'était bien, ça a duré 3 semaines et je n'avais pas envie que cela s'arrête, mais c'était parce que je travaillais avec une bonne équipe. Ceci dit il y a dans les comédies musicales un truc superficiel que je n'aime pas et où je ne trouve pas ma place. En plus j'aime les rôles denses, je n'aime pas les choses légères dans quoique ce soit, dans la vie etc….
Je déteste la légèreté, je suis une fille lourde, très lourde (rires) !

Pouvez vous nous parler de votre nouveau disque " Look at me now ! ", cela faisait longtemps que vous n'aviez enregistré ?
C'est un producteur qui m'a envoyé un email il y a trois ans, j'avais trouvé cela bizarre comme façon de me contacter…
Puis nous avons eu des discussions téléphoniques puis nous nous sommes rencontrés…
Je n'avais pas spécialement envie d'enregistrer si ce n'est pour donner du travail à mes musiciens, car ils sont comme ma famille…
Quand nous avons fait le disque, il était bien préparé car nous jouions le répertoire depuis des années.
L'enregistrement a été fait 1 an après la date prévue car j'attendais mon deuxième enfant et mon producteur a préféré que je prenne mon temps.

Sur l'album on retrouve un subtil mélange de titres originaux et de reprises, comment s'est passé le choix des morceaux ?
Tous simplement parce que se sont des morceaux qui me parlent, je ne me préoccupe pas de savoir si c'est un morceau des Beatles ou pas, je m'en fou…. Il faut qu'il y ait une couleur qui me plaise et surtout un texte, le reste, savoir en quelle année le titre a été écrit m'importe peu sauf si cela peut m'aider dans mon travail d'écriture et de recherche.
Par exemple pour " Eleonore Rigby ", ça m'intéresse de savoir qui est le personnage, j'ai été déçue de savoir qu'elle n'existait pas. Mais cela m'a permis de savoir que je ne m'adresserai pas forcement à une personne lorsque j'interprèterai ce morceau mais à tout le monde.

En tout cas vous devez vous approprier un titre comme si c'est vous qui l'aviez écrit ?
Oui bien sûr !

Vos textes sont ils autobiographiques ?
Non ! Une chanson comme " Zigaboogaloo " n'est pas autobiographique, je l'ai faite en pensant à un ami musicien à qui il est arrivé un truc terrible. Il aurait pu vraiment devenir fou, alors je me suis questionné sur la folie et j'ai écrit sur ce thème , je ne parle pas de " péter les plombs " mais vraiment d'aller de l'autre côté.

Pensez vous dans le futur enregistrer de façon plus chronique ?
Non je n'aime pas ça, penser que je vais enregistrer de façon chronique, j'ai un problème avec ça.
Ceci dit je suis très contente de mon producteur, c'est un mec génial, respectueux, il a toutes les qualités pour être producteur. Il commence déjà à me parler de notre prochain disque que nous devrions enregistrer l'été prochain. Je suis déjà à la recherche de nouveaux morceaux, je vais ouvrir d'autres choses en moi forcément donc c'est super, je vais devoir puiser au fond de moi même.

Quoiqu'il en soit il faut qu'il y ait une recherche spirituelle ?
C'est évident !
Il est hors de question que je fasse des standards, je ne comprends pas les musiciens et les chanteurs à qui on dit " Tiens ça serait bien que tu fasses un album bossa ou des titres de Duke Ellington ". Moi je stresserai, je ne le ferai pas, par exemple un album de Cole Porter, d'abord je ne sais même pas si je trouverai douze de ses titres que je pourrai interpréter….
C'est pour cela qu'il y a des mélanges, d'abord il y a tellement de bons morceaux, des Beatles à Joe Henderson.

Vous pourriez vous passer de la scène ?
Je serai malheureuse mais je pourrai m'en passer. Il y a plein de choses dont je pourrai me passer. Comme je suis quelqu'un de grave je pense tout de suite aux choses essentielles dont je ne pourrai pas me passer.

 
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Interview réalisée au NANCY JAZZ PULSATIONS le 21 octobre 2004 par David BAERST

 

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