Larry Garner
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Bien que l’ayant vu à de nombreuses reprises sur scène auparavant, ce n’est que le 18 avril 2005 que j’ai fait la connaissance de Larry Garner, alors confortablement installé dans un fauteuil du mythique Jazz Club Lionel Hampton (que l’on appelait, en tout cas, encore comme cela) à Paris. Une première interview qui m’a permis de me rendre compte que, derrière ce géant du blues de Louisiane, se cache un homme d’une profonde humanité. Par la suite, nos chemins se sont recroisés à l’occasion de moments qui sont devenus inoubliables. Par exemple, lorsqu’il a été l’invité de l’émission Route 66 le 12 novembre 2008 ou le 17 mai 2010 (alors que le volcan islandais l'Eyjafjöll ne cessait de déverser sa poussière et d’encombrer l’espace aérien) quand je suis parvenu, in extremis, à le faire quitter une tournée anglaise afin d’être l’invité surprise de la première édition de la Paname Blues Night…pour un final qui doit encore faire vibrer les murs du New-Morning à Paris. Vous aurez bien sûr compris que, quelles que soient les circonstances, Larry Garner est toujours partant lorsqu’il s’agit de célébrer le blues. Il le démontre une nouvelle fois, en compagnie de son comparse texan Neal Black, en sortant l’excellent album « Guilty Saints » (Dixiefrog). Un disque doté d’une haute teneur musicale mais aussi marqué par l’excellence des textes créés par ces deux grands songwriters. Il est donc inutile de vous faire part de l’enthousiasme qui était le mien, en cette soirée du 11 juin 2016, lorsque j’ai enfin pu retrouver cette personnalité de Bâton-Rouge pour l’entretien qui suit…

Larry, quelques années se sont passées depuis notre dernière rencontre. Pour débuter, j’ai simplement envie de te demander comment tu te portes ?
 Je vais bien et toi ? Tu sais, je continue de voyager et de jouer du blues…bref, je poursuis simplement ma voie et je fais mon métier. Rien n’a changé, je reste celui qui joue du blues…66

Entre toi et la France, c’est une longue histoire musicale… Que représente ce pays pour toi ?
 Les français ont toujours fait preuve d’un certain perfectionnisme en ce qui concerne la culture. Ils l’aiment sous différentes formes. C’est toujours un plaisir de venir ici, car la musique y est appréciée. C’est, réellement, l’un des meilleurs endroits au monde…

Tu es de retour afin de promouvoir un nouveau CD, « Guilty Saints » (Dixiefrog, 2016), enregistré en compagnie du chanteur-guitariste texan Neal Black. Comment ce disque est-il né, as-tu été surpris par le fait de recevoir cette proposition ?
Oui, car au moment d’être contacté pour ce projet, je ne connaissais pas encore très bien Neal. C’est Philippe Langlois, du label Dixiefrog, qui nous a suggéré de travailler ensemble. Il estimait que notre rencontre pouvait également être intéressante car nous sommes, tous les deux, des songwriters. Il était curieux de voir ce qu’il serait possible de tirer d’une telle rencontre et j’ai été, immédiatement, d’accord avec lui. Neal m’a donc appelé et nous sommes restés étroitement en contact. Nous avons, chacun, écrit des morceaux de notre côté et avons échangé au sujet de la couleur musicale que nous souhaitions donner au disque. Je pense, sincèrement, que c’est un très beau projet et je suis fier de ce CD. Pour le moment, toutes les personnes qui l’ont écouté ont un avis favorable sur celui-ci. Je suis heureux du résultat, tout est ok !

Si tu ne connaissais pas bien le personnage avant de travailler avec lui, avais-tu déjà eu l’occasion d’écouter la musique de Neal ?
Simplement par le biais de Youtube, site sur lequel j’ai pu découvrir ses vidéos. Sinon, je voyais souvent passer son nom sur les listes envoyées par Philippe Langlois, puisque nous sommes deux artistes de son catalogue. Je ne le connaissais pas plus que cela…

Comme toi, Neal est un très bon chanteur et guitariste. Bien sûr, vous partagez aussi la passion de l’écriture. Que penses-tu de son style, maintenant que tu t’es familiarisé avec ce dernier ?
Je l’aime beaucoup ! Il est différent du mien car, s’il est bluesy, il n’est pas forcément proche du blues que je produis. N’étant absolument pas fermé sur les styles de musiques différents du mien, je peux te dire que je prends beaucoup de plaisir à l’écouter. De plus, Neal écrit d’excellentes chansons… Je les adore !

De quelle manière avez-vous procédé avant l’enregistrement du CD, en ce qui concerne l’écriture des morceaux. Comment les tâches ont-elles été réparties ?
 Je vis en Louisiane alors que Neal s’est installé en France. De ce fait, nous échangions nos points de vue par téléphone ou par e-mails interposés. Il me lançait des idées et je faisais la même chose de mon côté. Une véritable émulation s’est produite entre nous.

Peux-tu revenir sur votre première rencontre ?
La première rencontre s’est déroulée à Carpentras où nous avons enregistré le CD. C’était un instant formidable et j’ai été très touché par la cordialité de Neal. Nous avons mangé ensemble et bu quelques verres avant de découvrir le studio (Vega Studios, nda). Ce dernier a, aussi, été une grande surprise pour moi. Il est très performant. Ceci à l’image des gens qui ont collaboré avec nous sur ce projet, qu’il s’agisse des ingénieurs du son ou des musiciens. Le travail s’est avéré devenir rapidement aussi passionnant qu’agréable et tout a été mis en boite en 5 ou 6 jours d’enregistrements. Quelques ajouts ont été réalisés dans un autre studio (Phantome Studios à Baudonvilliers, nda) par la suite, avant que l’affaire ne soit définitivement ficelée.

Le fait de travailler avec un autre artiste leader est-il facile, cela a-t-il été naturel pour toi ?
C’est naturel, à partir du moment où l’autre musicien possède du talent. Si tu dois travailler avec une personne à laquelle tu dois tout apprendre ou montrer, c’est beaucoup plus compliqué. Neal est comme moi, il a du métier et maitrise énormément de ficelles de notre profession. Il a, constamment, des idées qui se révèlent systématiquement être bonnes. C’est très facile lorsque tu travailles avec quelqu’un qui sait où il va…

Vous n’avez passé que quelques jours en studio. De ce fait, la plupart des prises ont-elles été réalisées dans les conditions du live ?
C’est du live en studio, chose qui n’est pas tout à fait comparable au live sur scène. Il nous arrivait donc de faire certaines corrections mais, encore une fois, tout s’est révélé être facile…

As-tu un souhait en particulier concernant ce nouvel album ?
Oui, j’aimerais que les gens apprécient la démarche artistique qui a été menée. Tous mes disques ont systématiquement livré plusieurs facettes de ma musique de prédilection, sans rester ancrés dans le blues traditionnel à 12 mesures. J’ai été très heureux de rencontrer, en la personne de Neal, quelqu’un qui possède la même démarche intellectuelle que moi. Je ne cherche, bien sûr, pas à travailler avec une personne qui fasse du métal où dont le registre soit diamétralement opposé au mien. Neal navigue entre le blues, la country music et toutes les sonorités que j’aime. Je souhaiterais que le reste du monde n’écoute que ces types de musiques !

Pour ce disque, es-tu resté fidèle à 100% à ton style ou as-tu été contraint de t’adapter un minimum à celui de Neal ?
A la base, mon style et celui de Neal ne sont pas très éloignés. Il est un peu plus marqué par la country que moi mais cela ne me pose aucun problème. Je peux facilement travailler avec quelqu’un possédant un tel profil et, d’ailleurs, je sais également composer des morceaux de country. Travailler avec Neal a été un grand plaisir et une expérience qui m’a permis d’apprendre beaucoup de choses. Elle m’a aidé à « grandir » encore un peu. J’en suis très heureux !

Pour toi, Neal est-il l’archétype du musicien texan ? 66
Je ne saurais pas vraiment répondre à cette question. Je peux simplement dire qu’il est né au Texas… Tout ce qui est sûr, c’est que c’est un musicien qui vient du Texas !

Pour ta part, tu vis toujours en Louisiane. Penses-tu qu’il existe une réelle succession pour le blues dans cet état ?
Ce qui se passe pour le blues actuellement et la même chose qui se passe pour le rock. Aujourd’hui, il devient difficile d’aller à un concert de blues et d’entendre quelque chose qui se rapproche au maximum de cette musique au sens stricte du terme. La Louisiane ne fait pas exception à la règle. Il s’y passe tout ce qu’il se déroule ailleurs. Le blues évolue et se fond de plus en plus dans la scène rock. Il est encore possible d’écouter des artistes qui restent accrochés aux traditions séculaires, mais ils deviennent largement minoritaires. La plupart des musiciens naviguent, maintenant, entre la tradition musicale de la Louisiane et la scène rock.

Sur l’un de tes albums, en l’occurrence « Here Today Gone Tomorrow » qui date de 2008, il y a une chanson que j’apprécie particulièrement. Elle s’intitule « Keep singing the blues ». Il s’agit d’un blues parlé, sur lequel tu donnes une véritable leçon de vie à un jeune homme en lui démontrant que sans le blues…aucune musique actuelle n’existerait vraiment.
Oui, « Keep singing the blues »… J’ai initialement enregistré cette chanson en 1994 pour l’album «You Need To Live A Little » paru sur le label Verve-Gitanes. Le contenu de ce titre m’est venu alors que je m’étais arrêté dans une station-service. Un jeune homme était là et se montrait très irrespectueux des autres utilisateurs. Il écoutait de la musique en ayant mis le volume au maximum et les basses résonnaient partout. Lorsque je lui ai demandé pourquoi il faisait cela, il m’a répondu qu’il ne pouvait pas faire autrement…tout en me traitant de vieux. Son comportement m’a un peu énervé mais m’a, immédiatement, donné l’idée d’écrire la chanson « Keep singing the blues ».

Que souhaiterais-tu dire, en premier lieu, à un jeune homme qui déciderait de commencer à jouer de la musique ?
Je lui dirais simplement de pratiquer, pratiquer, pratiquer et de ne pas oublier les anciens qui ont posé les bases de notre musique. D’écouter des gens tels que Albert King, Albert Collins, Freddie King… S’il veut jouer le vrai blues, il faut d’abord qu’il écoute les vrais bluesmen. Il faut vraiment travailler, travailler et encore travailler. Il ne faut pas qu’il soit « effrayé » par les gens qui lui donneront certains conseils. Il faut simplement qu’il fasse sa musique…

Quels sont tes projets ?
Parmi mes prochains projets il y a une émission de radio que je ferai depuis chez moi. En effet, actuellement, mon hobby préféré est de ramener les CD des gens que je rencontre sur la route lorsque je suis en tournée. Quand je rentre à la maison, je fais toujours en sorte de les présenter au louisianais. Ces derniers n’ont pas forcément l’occasion de voyager en France, en Allemagne ou encore en Norvège. Ainsi, ils pourront découvrir ce qui se fait en Europe…via ces disques que les gens me donnent. Comme cela, les habitants de mon état pourront découvrir, par exemple, la qualité du blues français.

Souhaites-tu ajouter quelque chose à l’attention de ton public français ?
Oui… Je vous aime et je vous remercie pour l’engagement dont vous faites preuve afin de garder le blues vivant, ainsi que toute la culture en règle générale. Ne laissez personne arrêter cela…Merci !

Merci beaucoup à toi Larry…
« C’est un plaisir pour moi » (rires) !

NB : Les caractères en italique ont été prononcés en français durant l’interview.

Remerciements : Sophie Louvet, Camille Groh (Music For Ever Production)

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Interview réalisée à
Wood Stock Guitares - Ensisheim
le 11 juin 2016

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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