Laurent Vernerey
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Laurent, pour débuter cet entretien, peux-tu me dire pourquoi tu t'es spécifiquement orienté vers la basse quand tu as décidé de te lancer dans la musique ?
Spécifiquement je ne sais pas…

Je pense que ce sont tes oreilles qui te mènent à cela, il y a des gens qui doivent entendre les fréquences basses et d'autres les fréquences hautes (rires). Le fait de choisir tel ou tel instrument doit aussi probablement correspondre au caractère des individus.
Moi, c'était la basse, on a qu'à en déduire ce que l'on veut (rires).

Cela remonte-t-il à longtemps ?
Maintenant oui, mais j'ai commencé tardivement. C'est à dire en 1984-85.

Etais-tu déjà sensible à cet instrument quand, plus jeune, tu écoutais des disques ?
Je pense qu'il y a des personnes qui entendent plus l'infrastructure que les autres choses et c'est mon cas. Encore une fois j'ai du mal à expliquer cela. Je ne suis pas rivé sur la basse sinon je jouerais beaucoup mieux. J'aime faire de la musique en fait et il se trouve que c'est la basse.

Jeune, je n'entendais que ça, c'était dans mon oreille…
En plus il se trouve que c'était à une époque où la basse était bien mise en valeur, la mode était à des artistes tels que Joe Jackson, Police ainsi qu'à la vogue Funk.

Justement, peux-tu me parler de tes influences musicales ?
Elles sont très variées donc j'aurais du mal à te préciser tout cela.
J'aimais les Beatles, les artistes du label Motown etc…
C'est très difficile à dire, d'ailleurs j'aime l' " esprit chanson " ainsi que le Jazz.

On retrouve ta trace, pour la première fois, à la fin des années 80 aux côtés de Bill Deraime donc assez rapidement après que tu aies débuté la basse. Comment s'est passée cette première expérience avec le milieu professionnel ?
Ça s'est bien passé!
Il faut dire que je jouais déjà dans les Clubs depuis un moment. En fait j'ai très peu étudié mais me suis très vite mis à me produire en public. C'est d'ailleurs une très bonne façon d'étudier, surtout pour la basse qui n'est pas forcément un instrument de virtuose. Surtout de la façon dont je la pratique.

Je me suis donc très rapidement orienté vers les Clubs où je me produisais aux côtés de Claudia Philips, Mauro Serri et Jean-Jacques Milteau. C'est justement Mauro qui a fait la connexion avec Bill Deraime qui, à l'époque, avait besoin d'un bassiste.

Le Blues était déjà une musique importante à tes yeux à ce moment-là ?
Oui mais sans être un spécialiste. J'adore ce genre comme plein d'autres. Je ne me revendique pas de tel ou tel style, j'ai du mal avec les étiquettes.

Ceci dit, plus tu avances, plus tu vois que le Blues est une musique d'un abord simple mais qui, comme toutes les choses simples, notamment au niveau harmonique, nécessite d'y mettre beaucoup de cœur, de swing ou de groove.

C'est vraiment très intéressant de s'y plonger et il y a tant de gens qui s'y expriment si bien, comme BB King dont nous parlions hors micro.

Tu dis que tu n'es pas un virtuose pourtant tu t'es vite retrouvé dans le groupe d'un grand virtuose du violon et du Jazz, à savoir Didier Lockwood. Je sais que c'est une étape très marquante dans ta carrière, pourrais-tu, un peu, y revenir ?
J'étais jeune et cette expérience m'a fait faire de nombreux concerts et voyages, sans parler des dimensions humaine, culturelle, musicale et amicale du personnage. Je partageais aussi ces moments avec Jean-Marie Ecay et Loïc Pontieux, ce qui ne gâche rien. Le fait de me produire avec de tels musiciens m'a fait prendre une grande confiance en moi ce qui est très important dans un parcours.

Tu sais : quand il y a un virtuose sur scène, il faut aussi qu'il y ait des gens qui bâtissent derrière quelque chose qui soit solide. C'est une autre forme de virtuosité à la limite. Je ne cherche pas à me dénigrer ou à dénigrer ceux qui font comme cela.
On apprend que c'est un rôle important qui est apprécié même des gens qui voient la musique et leurs instruments différemment.

Quand j'ai commencé avec Didier, je ne pensais pas savoir grand-chose et c'est là que j'ai réalisé que c'est comme une discussion avec des gens. On peut parler avec tout le monde même si on ne partage pas le même langage ou les mêmes opinions politiques.

A partir du moment où on s'exprime et que l'on passe de bons moments, ça devient vraiment agréable. On apprend alors que les personnes peuvent t'apprécier même si tu es soit disant moins fort ou expérimenté.
Cette période de la vie m'a permis d'enfoncer le clou de la confiance tout en essayant de faire du mieux que je pouvais, à un moment précis.

A cette époque tu as voyagé à travers le monde entier, as-tu pu alors t'intégrer aux groupes de musiciens locaux et participer à des " jam sessions " ?
M'intégrer, je ne sais pas mais j'ai fait beaucoup de " jams ". Comme Didier Lockwood était souvent invité, nous allions aussi beaucoup le voir. C'était formidable.

Je me souviens d'une prestation à Goa où il y avait Ravi Shankar et même des groupes folkloriques en Indonésie ou en Amérique du Sud. Cela fait aussi partie de l'ouverture " d'oreille " et d'esprit, c'est très important.

Par la suite il y a eu de nombreuses collaborations. Parmi celles-ci il y en a une qui me tient particulièrement à cœur c'est celle avec Jean-Jacques Milteau, lors de l'enregistrement de son album " Memphis " produit par Sébastian Danchin…
Je connaissais Jean-Jacques depuis 1987-88. Nous jouions souvent à l'Utopia et lors de concerts à travers toute la France, en alternance avec un autre bassiste, Guy Delacroix.

Un jour il m'a proposé de devenir directeur musical de ce projet dans lequel j'étais un des rares français (cet album avait été réalisé avec la crème des musiciens de Memphis, notamment de la firme STAX, Nda). Mon travail était de finir les morceaux avec lui, penser aux " couleurs " et aux structures musicales…

Avec Jean-Jacques et Sébastian nous n'étions que 3 français à travailler sur ce projet mais cela s'est très bien passé. Il faut dire que les musiciens américains étaient vraiment des mecs super !

Pour anecdote, as-tu participé au re-câblage du fameux Royal Studio (studio mythique de la grande période soul des années 60 qui n'était presque plus utilisé, Nda) aux côtés du producteur Jay Newland ?
Oui ! Si je me souviens bien, il a dû passer une nuit blanche la veille du premier jour d'enregistrement (rires).

Ta collaboration avec Claude Nougaro a aussi été importante à tes yeux…
Oui c'était de 1993 à 1999 sur scène avec Maurice Vander, Arnaud Dunoyer de Segonzac, Loïc Pontieux, puis Denis Benarrosh etc…

Puis j'ai participé au disque " Embarquement immédiat " avec Yvan Cassar. Malheureusement je n'ai pas pu faire la tournée qui a suivi car j'avais d'
autres engagements. J'y ai simplement participé à la fin, vers 2001...

Encore une belle période avec un artiste qui était tellement au top de l'expression que s'en était très marquant. En plus c'était avec tous mes amis…
J'avais appris son répertoire qui était une mine d'or niveau textes et musiques, sans parler du contact avec le pianiste Maurice Vander. Vivre une telle expérience, aussi jeune, c'était miraculeux…

Aujourd'hui tu as intégré le groupe de Johnny Hallyday, comment cela s'est-il passé ?
C'est Yvan Cassar (Le directeur musical de JH, Nda) qui m'a proposé de faire cette tournée au dernier moment car le groupe était " en panne " de bassiste.

Comment vis-tu, au quotidien, un rassemblement de personnalités aussi diverses puisque dans ce groupe il y a aussi bien des américains, que des anglais, que des canadiens ?
Au bout du compte ça devient pareil car les amitiés se forment de la même manière. Il y a juste la barrière de la langue, surtout pour le sens de l'humour, qui est parfois un peu difficile. Ils sont tous extrêmement professionnels, donc ça ne peut que bien se passer. Ils sont vraiment bons…

Enfin il y a Johnny qui est profondément humain et d'une très grande gentillesse.
Depuis que je l'accompagne, tous les soirs, sur scène je comprends pourquoi son public est tellement fidèle...

Aimerais-tu, dans l'avenir, t'engouffrer davantage dans le domaine de la production et t'occuper d'autres artistes ?
J'ai " tâté " la production, sans vraiment en faire, aux côtés de Jean-Jacques Milteau et quelques autres copains comme ça, juste pour rigoler.

Ça peut être intéressant mais c'est beaucoup de pression, de désaccords entre la prod' et les artistes. Je pense qu'il faut vraiment avoir la confiance de tous, ce qui n'est jamais gagné. Je ne voudrais pas passer pour le branleur de service mais je m'aperçois qu'être un musicien qui travaille est une chose très agréable.
On t'appelle pour faire quelque chose, qu'à priori, tu sais faire et qui est vraiment très sympa. Tu passes un bon moment en studio ou en concert, tu vas manger, tu rigoles. De ce fait, je ne suis pas frustré de ne pas encore faire de production.

Ceci dit, si un jour je rencontre des gens avec lesquels cela se passe vraiment bien, ce sera volontiers!

Pour toi, la musique est-elle toujours une chose mouvante, en perpétuelle évolution et, si oui, est-ce ce qui t'intéresse le plus ?
Oui et c'est d'ailleurs le reflet de ma discothèque où il y a plein de choses différentes.
Ce que j'aime c'est la musique. Un coup c'est du Rock, un coup c'est de l'Africain, un coup c'est du Jazz, du Blues…

C'est l'expression qui me passionne. J'aime les gens qui me touchent et il n'y a, à mon sens, pas de barrières de styles. Je ne me considère pas comme un spécialiste d'un genre mais je pense être sensible à tous les climats et au groove. Si une chose ne m'intéresse pas au départ, je fais tout mon possible pour la comprendre.

C'est pour cette raison que j'ai travaillé avec tant d'artistes différents (Le parcours de Laurent l'a amené à travailler avec des gens aussi divers que Liza Minnelli, Roger Hogdson de Supertramp, Zachary Richard, Pascal Obispo, le Paris Jazz Band, Barbara etc …il a plus de 500 participations à des albums à son actif, Nda).

Je ne prétends pas beaucoup varier mon jeu de basse mais c'est peut être aussi une caractéristique propre à cet instrument. C'est le même rôle, il faut juste s'adapter aux nuances de chacun.

As-tu un rêve en terme de collaboration ?
Non car si c'est une personne que je ne connais pas encore, je pourrais m'apercevoir que c'est un con ou je ne sais pas quoi (rires).
Par contre j'aurais vraiment aimé jouer sur les anciens disques de Stevie Wonder ou de gens comme lui…
Malheureusement c'est trop tard donc impossible.

C'est pour cette raison que je n'ai pas de rêve sinon celui de continuer à faire de la musique avec des gens que j'aime bien.
Si, en plus, il y a du monde aux concerts, qu'on est bien payé, qu'il y a des filles et qu'on se fait un bon restaurant après…tu vois (rires) !
En fait ce n'est pas lié à un artiste en particulier, je peux me retrouver à jouer toute ma vie dans un Club avec des copains et ce sera génial.

As-tu déjà eu de mauvaises surprises en ce qui concerne tes contacts avec certaines vedettes ?
Non je n'ai aucun mauvais souvenir, franchement…
Ça peut paraître un peu idéaliste ou faux et pourtant…

Dans une tournée comme celle-ci, aux côtés de Johnny, tout est-il écrit ou les musiciens ont-ils une possibilité de pouvoir s'exprimer comme ils le souhaitent ?
Nous avons carte blanche, sachant que le bon sens fait qu'il faut prendre la direction que tout le groupe pense être la bonne. Nous avons chacun trouvé nos parties pendant les répétitions et Yvan Cassar a dirigé tout le monde. Ce n'est pas du tout brimé ou trop cadré.
Dans cette tournée nous n'avons pas du tout l'impression d'être rivés à une partie ou quelque chose comme ça. J'ai l'impression de jouer ce que je veux tout le temps.

Pour conclure, puisque tu enregistres beaucoup, as-tu une appréhension par rapport à l'avenir du disque ?
Je ne connais pas vraiment le sujet mais, quand on voit ce qui ce passe, j'ai vraiment l'impression de faire partie d'une des dernières générations qui a connu la belle période.

Cependant je pense que c'est plus une mutation qu'un réel désastre ; même si la période actuelle semble bien trouble. J'ai eu la chance de ne jamais être victime de cela. De toute façon il ne faut jamais avoir peur et il faut s'adapter!

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Interview réalisée au Rhénus de Strasbourg le 10 février 2007

Propos recueillis par David BAERST

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