Nda : Ancien accompagnateur de vedettes, se produisant pour le compte de la firme Atlantic Records, Leburn Maddox a signé sa première tournée française en ce début d’année 2015. Etalant une palette musicale pour le moins éclectique (blues, soul, funk, reggae, rock), il était, pour l’occasion, accompagné par le Nico’ ZZ Band. Le chanteur-guitariste américain a ainsi prouvé qu’il met un point d’honneur à relancer une carrière, arrêtée durant une dizaine d’années pour des raisons familiales. Une belle manière d’exorciser les moments sombres d’une existence pourtant vouée corps et âme à la musique.
Leburn, d’où es-tu exactement originaire ? 
Je m’appelle Leburn Maddox et je suis né à Philadelphie aux Etats-Unis…
Peux-tu me parler de l’apprentissage musicalque tu as suivi lorsque tu étais enfant ?
Bien sûr, pas de problème ! Enfant, j’adorais déjà la musique et mes parents m’ont donné un violoncelle alors que j’avais 8 ans. J’en ai joué pendant environ deux ans puis j’ai découvert le rock’n’roll lorsque les Beatles et les Rolling Stones ont commencé à percer aux USA. De ce fait, j’ai décidé de mettre de côté cet instrument. En effet, à partir de ce moment-là, je voulais absolument une guitare. Chose qui a été possible bien que nous n’avions pas suffisamment d’argent pour que je puisse prendre des cours. J’en ai donc appris les rudiments en autodidacte. J’étais très mauvais durant des années et je me considère toujours comme un mauvais instrumentiste mais… ceci est ma vie (rires) !
En dehors des Beatles, des Stones et de tous ces groupes britanniques… avais-tu déjà, à ce moment-là, une attirance particulière pour la musique afro-américaine ?
Oui, bien sûr. Enfant, je me souviens que ma mère n’écoutait que du gospel à la maison. Le dimanche, elle allumait la radio et se délectait de cette musique. Par contre, mon père était particulièrement porté sur le jazz et le blues. C’est par son intermédiaire que j’ai découvert Muddy Waters, Howlin’ Wolf ou des jazzmen tels que le pianiste Ramsey Lewis et le trompettiste Lee Morgan ainsi, bien sûr, que Miles Davis. Parallèlement, j’ai commencé à me passionner pour James Brown, The Four Tops, The Temptations et toute la soul music de cette période. Ceci dit, à l’arrivée des Beatles, j’ai vraiment été saisi par l’invasion musicale britannique. Voir tous ces groupes à la télévision était vraiment une chose excitante et cela m’a donné l’envie de me perfectionner à la guitare.
Bien sûr, mon père m’a rapidement sensibilisé au fait que les chansons des Yardbirds ou de John Mayall puisaient leurs origines dans le terroir noir américain. Il m’a dit : « fils, ce n’est pas de la musique anglaise… c’est de la musique noire américaine et certaines de ces chansons ont été créées par Muddy Waters par exemple ». Aussi, il sortait l’un des disques de ce dernier et me faisait découvrir les interprétations originales. J’en ai été bouleversé et il m’a fait comprendre que cela était mon héritage. Par la suite j’ai débuté ma carrière. A l’âge de 18 ans, j’ai réalisé ma première tournée au sein d’un groupe de soul de Philadelphie. Il était composé de 4 chanteurs et s’appelait Ice Blue. Nous tournions beaucoup et je me souviens que nous passions à chaque fois deux semaines dans des villes différentes du Canada, au nord du Québec par exemple. Nous n’étions jamais chez nous, c’était notre vie…
C’était ta première expérience professionnelle mais te souviens-tu du groupe amateur avec lequel tu as commencé ? (rires)
Mon premier groupe… oui, j’avais 14 ans. J’ai grandi dans un quartier où tous mes copains étaient blancs et portaient de longs cheveux. Avec certains d’entre eux j’ai fondé un power trio que j’ai nommé Ice Wall. Nous avions donné notre premier concert à l’occasion d’un anniversaire et j’avais été payé en recevant deux packs de six bières (rires) !
Dans quelles circonstances as-tu rejoint le label Atlantic Records ?
Après la fin de mes contrats au Canada, alors que j’avais 18 ou 19 ans, je suis revenu aux Etats-Unis. Là, lors d’une discussion téléphonique avec ma cousine, cette dernière m’a appris que son mari venait d’intégrer le groupe The Jimmy Castor Bunch. Jimmy Castor était quelqu’un qui avait débuté sa carrière dans les années 1950 et c’est lui qui a remplacé Frankie Lymon au sein du groupe The Teenagers à la mort de ce dernier. Elle m’a aussi dit que The Jimmy Castor Bunch était à la recherche d’un nouveau guitariste. Elle m’a confirmé qu’une audition allait se dérouler. Je me suis donc rendu à New-York et de là j’ai rejoint le groupe à l’occasion d’un concert qu’il donnait dans le Connecticut. Je devais alors avoir 20 ans et J’ai été invité backstage lors de ce show que le combo livrait en première partie de Marvin Gaye. Il devait y avoir 12.000 personnes dans le public…
J’ai pris des notes concernant toutes les chansons interprétées ce soir-là, afin de me préparer pour l’audition qui se déroulait deux semaines plus tard. J’étais sûr de moi et je disais à tous mes amis que j’avais déjà ce job en poche. J’ai vite déchanté le jour J, lorsque je me suis retrouvé au milieu de dix guitaristes qui désiraient le même poste que moi. De plus j’avais une guitare de fortune qui été loin d’avoir les mêmes qualités que les Gibson Les Paul et Fender Stratocasterde mes concurrents. John Pruitt, le collaborateur de Jimmy, a malgré tout apprécié mon style puis m’a regardé pour me dire que j’avais gagné ma place. J’ai sauté de joie, ri et crié de toutes mes forces. Deux semaines plus tard j’étais en tournée avec le groupe en Caroline du Sud. Nous faisions les premières parties de Larry Graham Central Station. Larry Graham est pour moi le plus grand bassiste de funk encore en activité. C’était incroyable et nous jouions, là aussi, devant des publics constitués de 12.000 personnes. J’ai donc commencé à travailler pour la firme Atlantic lorsque Jimmy y enregistrait ses disques.
C’était, à l’époque, le plus grand label de la planète. Des artistes tels que Led Zeppelin, Aretha Franklin, The Spinners et d’autres fantastiques musiciens y étaient signés. Ceci m’a permis de tourner à travers tous les USA les trois années suivantes. C’était à chaque fois dans des grands stades couverts habituellement réservés aux manifestations sportives. Nous partagions la scène avec des figures emblématiques de la soul music et du funk (telles que Chaka Khan, Patti LaBelle, The Commodores, Bill Withers, Kool & The Gang) mais aussi avec des groupes de rock comme Steppenwolf, Blondie et bien d’autres. Pour un ancien petit garçon, venu de Philadelphie, cela représentait vraiment un rêve devenu réalité. J’ai célébré mon 21ème anniversaire dans un tour bus qui traversait les Etats-Unis de l’état de New-York à la Californie. Il nous est arrivé alors de loger à Hollywood, dans un hôtel appelé le Sunset Marquis, qui était « squatté » par les stars du rock. J’y ai croisé Debbie Harry du groupe Blondie ou encore Johnny Winter… C’était vraiment une période fantastique pour le funk, la soul, le rhythm and blues. C’était une éducation incroyable pour moi, cela m’a beaucoup appris…
Lorsque tu fais le point sur toutes les collaborations que tu as pu entreprendre. Quelles sont celles qui te laissent les meilleurs souvenirs ?
Elles sont toutes mes favorites pour des raisons diverses et variées ! Je dirai, cependant, que la plus exceptionnelle remonte à l’époque durant laquelle je vivais à Santa Cruz en Californie. J’y ai rencontré alors, dans un club, un musicien qui voulait simplement participer à une jam en ma compagnie. Il était assez âgé et m’a dit qu’il accompagnait régulièrement John Lee Hooker. De ce fait, à deux ou trois reprises, certains musiciens du légendaire bluesman (comme sa pianiste Liz Fischer ou encore son bassiste Larry Hamilton) ont commencé à se joindre à notre jam session qui commençait à se ritualiser. Un jour, tout ce beau monde m’a proposé de faire la première partie d’un concert de John Lee Hooker. J’ai accepté avec joie et, après ma prestation, on m’a proposé d’assurer le premier morceau du set de John Lee car son guitariste avait du retard. J’ai donc joué avec « The Hook » même si, en arrivant, son accompagnateur habituel m’a rapidement débranché de son ampli (rires) ! Cela reste un souvenir fantastique ! 
Une autre fois, dans un petit club de Beverly Hills, un jeune homme aveugle est venu à ma rencontre. Il aimait mon son et a émis le désir de faire une jam avec moi. Je luis ai donc demandé s’il savait jouer et s’il avait une guitare. Il m’a dit qu’il ne l’avait pas emmenée et j’ai décidé de lui prêter l’un de mes instruments. Il était assez réservé et il m’a répondu, lorsque je lui ai demandé ce qu’il souhaitait jouer, qu’il voulait faire du blues. Nous avons donc commencé et j’ai été totalement stupéfait par ses qualités. Plus tard, il est devenu célèbre et c’est là que j’ai pris conscience que ce jeune homme était Jeff Healey. Je ne sais pas pourquoi mais, en Californie, de nombreuses vedettes venaient participer à des jams que j’animais. Ainsi, j’ai pu partager la scène avec David Paich du groupe Toto ou encore les membres de Fishbone qui venaient s’intégrer à mes concerts. De cette manière, j’ai vécu des moments incroyables qui ont marqué ma vie à jamais. Ainsi, j’ai même joué avec Joss Stone… J’ai vraiment eu beaucoup de chance de pouvoir faire de la musique, auprès de tous les artistes formidables que j’ai eu l’occasion de citer depuis le début de cet entretien.
Toutes ces personnes se distinguent dans des registres musicaux sensiblement différents. T’es-tu servi de cet éventail sonore pour te forger ton propre registre ?
Toutes ont eu une influence sur moi mais mes racines sont réellement la soul, le blues et le funk. Ces magnifiques personnes m’ont aidé dans ma compréhension de la musique et dans la manière de l’appréhender. J’aime définir mon style comme un « mélange sacré » de soul, funk, blues et reggae… auquel je peux ajouter du rock que je sais jouer très fort (rires) !
As-tu une idée du nombre de disques sur lesquels tu figures ?
J’ai enregistré mon premier disque avec le groupe de Jimmy Castor, The Jimmy Castor Bunch. Durant cette période, Jimmy était sous contrat avec Atlantic Records. Il signait également des productions pour ce label. De ce fait, j’ai pu enregistrer trois albums en compagnie de Jimmy Castor et, toujours pour Atlantic, j’ai réalisé des sessions pour un disque de Sherman Garnes qui était l’une des voix (la basse) du groupe The Teenagers. Lorsque j’ai déménagé en Californie, j’ai découvert et je suis tombé amoureux du reggae. Une musique avec laquelle je n’avais eu aucune relation auparavant.
Avec des jeunes noirs, nous avons commencé à nous produire dans ce registre en tant qu’artistes de rue sur Venice Beach. Cette expérience a duré quelques semaines. Je me souviens que l’un des gars jouait des bongos et des percussions et était doté d’une voix incroyable. De fil en aiguille, nous nous sommes fait une réputation locale et avons joué dans tous les lieux branchés de Venice Beach. Au final cette collaboration, qui a duré deux ans, nous a permis de tourner sur toute la côte californienne. Nous donnions aussi des concerts dans les Universités de l’état, de Santa Barbara à San Diego en passant par San Francisco. Notre notoriété est devenue telle que nous avons été amenés à faire des premières parties pour des grandes vedettes du reggae comme Burning Spear, The Wailers, Augustus Pablo etc… C’était aussi une période formidable !
Aujourd’hui, tu pourrais te reposer sur ton passé et rester tranquillement chez toi. Pourtant, tu continues de donner des concerts à travers le monde. Qu’est-ce qui te motives le plus ?(rires)
Pour te dire la vérité, je suis parti vivre en Angleterre. En effet en 1995 ou 1996, alors que je tournais en Chine et à Hong-Kong, j’ai rencontré une très jolie jeune femme et en suis tombé amoureux. Elle était anglaise et nous avons décidé, avant de nous marier de vivre ensemble pendant quelques mois à Londres. Cela me convenait aussi en tant que musicien car Londres est une scène musicale très importante… Nous nous sommes donc mariés puis elle a décidé d’ouvrir un pub-restaurant. Malheureusement pour moi, j’ai ainsi passé les dix années suivantes à travailler dans cet établissement situé à proximité d’Oxford. J’ai été contraint de mettre une croix sur ma carrière et me suis contenté d’être le meilleur mari possible et un bon père.
Mon mariage a touché à sa fin il y a quatre ans. J’étais très malheureux durant une année mais après 365 jours de cris et de larmes je me suis souvenu qui j’étais, un musicien professionnel ainsi qu’un homme de scène! J’ai repris ma guitare et vers 2010/2011 je suis rentré en contact avec un agent en Allemagne (à savoir Tony Tilotta de Live Sound Agency). Ce dernier m’a offert l’opportunité de renaitre de mes cendres. J’ai ainsi donné de nombreux concerts en Allemagne, Suisse, et Autriche avant de refaire de la scène au Royaume-Unis. Tony m’a aussi mis en relation avec certains de ses amis et homologues italiens. J’ai travaillé dans ce pays avec d’excellents musiciens locaux que je considère aujourd’hui comme des frères (le batteur Jacopo Coretti et le bassiste Walter Cesarani).
Depuis je tourne régulièrement en Italie et, via mes témoignages postés sur ma page Facebook, des espagnols m’ont envoyé des messages. Grâce à ces derniers, je donne maintenant des concerts dans la péninsule ibérique depuis deux ans. C’est en Angleterre, où je l’avais invité sur scène, que j’ai rencontré Nico ZZ. Il en a résulté un moment merveilleux qui a rendu le public particulièrement heureux, très saoul mais très heureux (rires) ! Une véritable relation amicale s’est nouée entre nous et il m’a demandé si je serais intéressé par quelques dates en France en sa compagnie. J’étais charmé par cette idée…Au bout de deux mois il m’a confirmé qu’une tournée se préparait. Il m’a annoncé que trois concerts étaient déjà signés. Deux jours plus tard nous en étions à cinq, puis à dix… c’était fantastique. Nous effectuons actuellement notre première tournée française commune sous l’appellation Leburn Maddox & Nico’ZZ Band. Je l’ai surnommé le « Cool Zen Tour » (rires) !
Attends-tu quelque chose departiculier de cette tournée qui, en ce qui te concerne, est la première en France ?
Oui, j’attends de rendre le public très heureux avec notre musique. S’il l’est, je serai tout aussi heureux. C’est ce que j’appelle la grande boucle de l’amour. J’espère aussi en profiter pour passer du bon temps et pour parfaire mon français (rires) !
Quels sont tes projets à court terme ?
Au mois de mai, je serai de retour en Espagne où je me suis fait un nom et où il m’arrive de passer à la télévision. J’y donnerai, notamment, un concert dans un club très connu à Tarifa. Il y a un centre de rétention dans cette ville. C’est pourquoi, avec l’accord des responsables du club et des autorités pénitentiaires, je donnerai un show caritatif afin de venir en aide aux émigrés africains qui croupissent dans ce camp, ces pauvres réfugiés… Puis, je passerai quelques semaines en Indes pour de nouveaux concerts. Après une vingtaine d’années passées loin des USA, je compte y signer mon retour avant l’été. J’y donnerai quelques shows en Californie. Voilà déjà de quoi occuper une bonne partie de mon année !
Souhaites-tu ajouter une conclusion à l’attention de ton public français ?(Leburn s’exprime alors dans la langue de Molière, nda)
Bonjour, bonsoir comment ça va…ça va bien ? Fantastique ! Venez passer avec moi de bons moments sur scène !
Remerciements : Nico’ZZ et Benoit Van Kote
http://www.leburnmaddox.com
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