Guy, dans un premier temps, pourrais-tu me parler de tes origines exactes ?
Je suis né dans un petit village à côté de Bruges mais, depuis une quinzaine d’années, je vis à Gand.
Il s’agit de la ville où tout se passe pour moi, c’est là que se situent mes propres racines du blues…
Avant de te passionner pour le blues, écoutais-tu d’autres genres musicaux ?
J’avais la chance de vivre dans un petit village où se trouvait une maison de la jeunesse.
Elle bénéficiait d’une importante collection de vinyles… avec des disques datant des années 1960 jusqu’à la fin du XXème siècle. Je les écoutais tout le temps, surtout les plus anciens…
Comme tu peux t’en douter, c’était toujours les albums de blues qui avaient ma préférence.
D’ailleurs, je pense que c’est le blues qui m’a trouvé plutôt que l’inverse.
Je conserve, de ma découverte de cette musique, un sentiment extraordinaire. C’est comme si une maladie s’était emparée de moi, une bonne maladie (rires) !
Jouais-tu déjà d’un instrument de musique avant de découvrir le blues ?
Cela s’est passé quasi simultanément. Lorsque j’étais âgé de 16 ans, c’était le début du mouvement grunge avec des groupes tels que Nirvana, Pearl Jam etc…
A la même période, il y avait également un véritable revival pour la musique des années 1960 (Bob Dylan, Neil Young…). Je me suis donc lancé dans l’apprentissage de la guitare, mais il m’était difficile de trouver des jeunes de mon âge… avec lesquels je pouvais jouer du blues.
Je me suis donc toujours exercé avec des musiciens plus âgés. Au début c’était un petit peu frustrant mais, avec le recul, je me rends compte que cela a été très formateur. En effet, il s’agissait de gens talentueux et plus matures que moi. Ils m’ont donné l’inspiration suffisante afin de continuer à faire du blues.
A partir de quand as-tu décidé de te produire sous ton propre nom, en tant que Lightnin’ Guy ?
Entre mes 16 ans et la trentaine, j’étais membre de différents groupes de blues. Tous ne se produisaient qu’à une échelle locale ou régionale.
Pour moi, le blues est comme le bon vin. Tu dois savoir être patient pour le goûter, attendre qu’il soit à l’apogée de son évolution. Ce n’est donc qu’en 2008 que j’ai commencé à me produire sous le nom de Lightnin’ Guy & The Mighty Gators. C’était aussi la première fois que j’osais présenter mon propre style, à la guitare et à l’harmonica. Une combinaison entre la musique de Chicago et celle de la Nouvelle Orléans. Quand tu commences, tu cherches toujours à imiter tes musiciens préférés… avec une certaine frustration.
Aujourd’hui je produis mon propre son qui découle de toutes mes expériences passées au sein de différents groupes, ainsi que de mes écoutes attentives de beaucoup de vinyles de blues.
Quand tu es patient et que tu laisses le bon moment arriver, ça fini toujours par marcher (rires) !
Le blues est une musique très riche, constituée d’une multitude de « sous-familles ». De ton côté tu te plais d’ailleurs à naviguer entre plusieurs registres. Quels sont donc les artistes qui ont eu le plus d’influence sur toi , ceux qui te touchent le plus ?
Il y a, en effet, beaucoup de différents styles de blues…
L’un de mes artistes préférés demeure Hound Dog Taylor, d’ailleurs j’ai eu la chance d’enregistrer un album dédié à son œuvre sur le label Dixiefrog. Sa musique est complètement folle, chargée d’énergie… C’est le sens même du blues. Un groupe qui donne tout ce qu’il a et qui fait oublier aux gens leurs soucis. Cette musique évoque la fête mais reflète également des expériences vécues.
C’est une chose très importante à mes yeux…
J’aime beaucoup le côté acoustique avec des artistes tels que Mississippi John Hurt ou Fred McDowell. En ce qui concerne l’harmonica, je suis un admirateur de James Cotton et Junior Wells.
De plus, je suis très amateur de slide guitar et me retrouve tout à fait dans ce que fait John Mooney qui vient de Louisiane.
Au niveau des songwriters, j’apprécie la démarche d’Anders Osborne… un suédois qui vit aussi en Louisiane, une influence qui se reflète dans son jeu lorsqu’il se produit en live.
Il y a beaucoup d’artistes de blues que j’aime, comme les trois King (Albert, BB et Freddie) et tant d’autres…
Il y a de nombreux groupes actuels qui s’inspirent d’un blues énergique, tel que celui que produisait Hound Dog Taylor ou des artistes issus du sud profond des USA. Parmi les plus connus nous pouvons citer les Black Keys. T’intéresses-tu également à cette scène ?
Oui…
Même en Belgique il y a des groupes issus de cette mouvance, comme Black Box Revelation également constitué par deux musiciens.
Dans ce registre, tout a commencé avec The White Stripes…
J’aime beaucoup Seasick Steve car il a donné un nouvel élan « cool » au blues. En Belgique et aux Pays-Bas, il est considéré comme un vieil homme qui joue de manière traditionnelle, tout en proposant quelque chose de nouveau et en restant cool. Cela plait aux jeunes…
Toute cette vague est une aubaine pour le blues car grâce à ces artistes, toute une nouvelle génération va peut être s’ouvrir au blues et chercher à en connaitre les racines !
C’est quelque chose de très positif !
Le blues belge regorge de grands talents qui, souvent, ne parviennent pas à rencontrer la reconnaissance qu’ils méritent en dehors des frontières belgo-néerlandaises. Cela représente-t-il une grande frustration pour cette scène ?
Oui, il nous est assez difficile de monter des tournées à l’étranger car les organisateurs continuent de privilégier les artistes américains. La seule réponse que je peux apporter à cela est de continuer à travailler le plus possible et de donner des concerts de qualité. Ce n’est que de cette manière que j’arriverai à percer, petit à petit…
Pour moi, ça commence à « bouger » en Allemagne, en Autriche et en France. J’ai eu la chance de pouvoir représenter la Belgique lors de l’European Blues Challenge de Berlin, ce qui m’a ouvert des portes. Il faut être patient et beaucoup travailler…
Dans le passé, certains groupes tels que El Fish ou The Electric Kings ont donné des concerts en France. Cependant, il ne s’agissait jamais de grandes tournées comme peuvent les connaitre les artistes américains qui viennent parfois jusqu’à deux fois par an.
Nous n’avons pas encore cette chance mais tout va bien… A titre personnel j’ai le temps, je suis encore jeune (rires) !
Ton album live « Plays Hound Dog Taylor » est paru sur le label français Dixiefrog. T’intéresses-tu aux musiciens de blues de l’hexagone, en connais-tu ?
Je connais les groupes Awek et Blues Power Band…
J’ai aussi beaucoup d’admiration pour Bo Weavil et son côté très « old school ».
Bien sûr, il y a aussi Nico Wayne Toussaint et Tia & The Patient Wolves. Je sais que cette dernière travaille « très dur » et suis content de constater que cela marche de mieux en mieux pour elle.
Il y a vraiment des frontières dans le monde de la musique. S’il est difficile pour des belges de jouer en France… il est également compliqué pour les français d’obtenir un bon statut en Belgique, sans parler des Pays-Bas. C’est vraiment dommage… mais c’est la triste réalité…
As-tu déjà donné beaucoup de concerts en France ?
Il s’agit actuellement de ma première vraie tournée mais, par le passé, j’ai déjà joué dans la région lilloise, au Chorus Blues de Douzy et dans quelques autres endroits…
L’European Blues Challenge de Berlin m’a permis de rencontrer Aurélie Roquet (On The RoaD Again) qui était très intéressée pour faire ma promotion en France… Elle représente une structure très solide, c’est une bonne chose pour moi !
Peux-tu me présenter plus en détails tes différents concepts musicaux ?
Le premier groupe que j’ai fondé est Lightnin’ Guy & The Mighty Gators dont le style musical était, dans un premier temps, un mélange de blues de Chicago et de la Nouvelle-Orléans. Pui nous nous sommes forgé notre propre identité.
Comme j’aime aussi la guitare acoustique, j’écris de plus en plus de chansons qui me permettent de me produire en solo. C’est un projet que je mène depuis deux ans et qui vient de me permettre de sortir un nouveau disque « Blood For Kali » (édité par le label belge Parsifal Records, nda).
Faire des concerts en solo demande une certaine énergie, c’est une approche totalement différente.
Enfin, j’ai mon concept hommage à Hound Dog Taylor qui est né suite à la demande d’un festival aux Pays-Bas. Ce concert a été un grand succès et il se retrouve, aujourd’hui, transposé sur disque et DVD.
Enfin, je suis très fier de mon programme « Blues In Schools » qui est un show éducatif pour des élèves d’âges différents. Je leur explique l’histoire du blues, illustrée par des morceaux que j’interprète avec mes musiciens. Dans le cadre du festival Blues Sur Seine, je donnerai trois concerts dans des écoles françaises durant le mois de novembre 2012.
J’ai tellement reçu de la part du blues que, maintenant, je souhaite donner à mon tour de ma personne pour cette musique. Ceci afin de susciter de nouvelles vocations chez les jeunes et de permettre de garder le blues vivant (rires) !
Ces jeunes sont-ils très réceptifs lorsque tu vas à leur rencontre ?
Oui, ils sont étonnés d’apprendre qu’il s’agit des racines de ce qu’ils écoutent à la radio (hip-hop, r&b…).
L’emballage est différent mais il s’agit de la même famille. Le blues est le père du rock and roll et l’oncle de la soul, de la disco et du funk. Quand les jeunes apprennent cela, ils deviennent plus ouverts.
Il est important pour moi de démontrer que le blues est une musique qui véhicule des sentiments. Elle est souvent écrite par des personnes qui se sentent mal mais c’est dans le but de se sentir mieux…
Je suis heureux de constater qu’après ces concerts, de nombreux élèves m’ajoutent sur Facebook et continuent de s’intéresser à ce qui est, pour eux, un tout nouveau style de musique.
Avoir la possibilité de transmettre le flambeau du blues de cette manière est une chose dont je suis particulièrement fier.
Tu viens de sortir, successivement, un hommage à Hound Dog Taylor ainsi qu’un disque acoustique en solo. As-tu déjà des idées pour tes prochains enregistrements ?
En décembre, je vais commencer à enregistrer le premier album studio (après trois disques enregistrés en public) du groupe Lightnin’ Guy & The Mighty Gators.
J’ai de nombreuses chansons de prêtes mais je trouve difficilement le temps d’organiser des sessions, parce que je donne beaucoup de concerts.
Je me suis enfin bloqué une période, qui me permettra de me consacrer à 100% sur ce disque avec le groupe. Je veux qu’il soit le meilleur possible et souhaite parvenir à l’imposer sur la scène européenne. J’ai beaucoup d’autres idées en tête mais le temps passe si vite (rires) !
Je suis content d’être actuellement en France pour y donner un concert… je veux en profiter un maximum, demain sera un autre jour…
As-tu une conclusion à ajouter ?
Je suis Au Camionneur à Strasbourg pour y donner un concert. Une chose qui me permet d’enregistrer cette interview pour Route 66... Je considère cela comme un bon début en France. J’espère revenir à de très nombreuses occasions car les gens sont vraiment cools ici. De plus les concerts se font toujours dans de très beaux endroits… c’est une chose de très appréciable ! Merci beaucoup…
www.lightninguy.com
Remerciements : Philippe Langlois (Dixiefrog)
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