Linda Lee Hopkins
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Américaine mais française d’adoption, Linda Lee Hopkins est considérée à juste titre comme une grande voix du gospel. Une appellation flatteuse mais, pourtant, réductrice en ce qui la concerne. En effet, cette native de Caroline du Nord, élevée à la soul music, est dotée d’une carrière éclectique qui est associée à bon nombre d’artistes américains ou français (Ray Charles, Gloria Gaynor, Al Jarreau, Percy Sledge, Michel Jonasz, Bernard Lavilliers, Eddy Mitchell, Bob Sinclar et même Prince dont elle a assuré une première partie à Paris). En tournée avec The Spirit and Truth Singers (à savoir le batteur Yoan Gian, le claviériste Kevin Jubert, le bassiste Jean-Pierre Thierry et les choristes Sarah Gueritault, Vanessa Maugez et Samantha Lavital), la chanteuse m’a reçu en amont d’un concert dans le cadre de l’édition 2019 du Jazz Festival de Munster. Une occasion pour elle de revenir sur son passé et d’évoquer quelques-uns de ses projets.

Linda, vous êtes née en Caroline du Nord. De quelle manière votre enfance s’y est-elle déroulée ?
Je n’y ai, en fait, passé que très peu de temps puisque je n’étais âgée que de 18 mois lorsque mon père a pris la décision d’installer la famille dans le Delaware. Cet état est le deuxième plus petit des USA, mais il est surtout le premier en termes d’avantages fiscaux. De ce fait, beaucoup d’entreprises européennes s’y sont installées, afin de profiter de ces taxes particulièrement basses et avantageuses.66

Durant votre enfance, avez-vous évolué dans un environnement familial propice à la musique ? Vos parents étaient-ils, eux-mêmes, musiciens ?
Mon père était chanteur dans un groupe du gospel. Il répétait à la maison… Cela m’a ouvert des horizons en ce qui concerne la musique. Puis, j’ai grandi en subissant toute la culture musicale américaine des années 1960-1970…une très bonne époque (rires) !

Etiez-vous, en ce qui vous concerne, membre d’un ensemble de gospel au sein d’une congrégation ?
J’ai grandi dans les églises comme presque tous les afro-américains, c’est un passage obligatoire chez nous (rires) ! Il s’agit de nos racines même si, arrivé à l’âge adulte, on peut faire un autre choix de vie.

Votre apprentissage vocal s’est, de ce fait, déroulé de manière totalement naturelle…
Oui, je ne suis pas une chanteuse qui a étudié la musique. Je n’ai jamais pris un seul cours de chant. J’ai simplement suivi le chemin de mon père, de manière complètement naturelle…

En dehors du gospel, quels sont les premiers sons qui vous ont touchée ?
Durant les années 1960, les Etats-Unis baignaient dans une grande vague soul… C’est la musique de la Motown qui me touchait le plus ! J’écoutais beaucoup Smokey Robinson & The Miracles, Diana Ross & The Supremes, Marvin Gay et des gens tels que ceux-ci. En dehors de la Motown j’étais, bien sûr séduite par le talent d’Aretha Franklin ou de Patti LaBelle…de grands artistes !

Quelles sont les circonstances qui vous ont conduite à devenir une chanteuse professionnelle ?
C’est en 1980 que j’ai débuté de manière professionnelle. Auparavant j’étais fonctionnaire et c’est mon ex mari qui m’a poussée à devenir chanteuse. De ce fait, j’ai intégré un groupe constitué de musiciens fantastiques. Nous avons travaillé plusieurs années ensemble, puis le goût de la musique ne m’a plus lâchée. Je ne suis jamais retourné en arrière (rires) !

Vous avez, au fil du temps, gravi de nombreux échelons jusqu’à parvenir à de prestigieuses collaborations. Avez-vous dû longuement batailler pour faire vos preuves ?
Je suis une artiste qui donne beaucoup d’elle-même. Du coup, ces diverses expériences ont été réalisées grâce au bouche-à-oreille. Des gens qui me découvraient, parlaient de moi à d’autres artistes etc. Je me souviens d’une phrase de Ray Charles qui disait « be all things to all men ». Il voulait dire par là, qu’il faut toujours savoir s’adapter. C’est ce que je fais et, grâce à cela, tout le monde m’a appelée pour travailler avec moi. Ceci dans des domaines qui vont du gospel à la house music, en passant par la soul, le jazz etc. J’ai même participé à des séances de country music (rires) !

Quels sont, selon vous, les faits les plus marquants de votre carrière américaine…avant que vous vous installiez en France ?
Il y en a eu davantage en France, où j’ai participé à de nombreux projets différents et où j’ai multiplié les collaborations. Aux USA, je travaillais principalement avec mes groupes. Nous jouions, par exemple, dans un casino d’Atlantic City. C’est ici, que ma carrière a pris plus d’ampleur.

Aux Etats-Unis, vous avez également chanté aux côté de Norman Hutchins (célèbre pasteur et chanteur de gospel). Etait-ce alors que vous viviez encore de l’autre côté de l’Atlantique ou à l’occasion de voyages dans votre pays de naissance, alors que vous étiez déjà installée en France ?
Je l’ai rencontré grâce à ma nièce, qui fréquente son église. Cela remonte à il y a quelques années. Depuis, à chaque fois que je reviens aux USA, j’assiste à ses cultes du dimanche. Petit à petit, je l’ai connu personnellement et il est devenu un bon ami.

Pouvez-vous me décrire l’ambiance inhérente à ses cultes ?
Waouh (rires) ! C’est quelque chose de très spirituel…Le prédicateur porte des paroles qui nous touchent et nous font vibrer. En effet, la musique ne fait pas tout à elle seule. Dans nos vies chrétiennes, ces paroles nous mettent en connexion avec le Saint Esprit. C’est comme si nous ressentions la joie de Dieu dans nos corps et dans nos cœur. C’est une chose magnifique !

Pourquoi, et dans quelles circonstances, vous-êtes vous installée en France ?
Dans un premier temps, j’ai vécu à Saint-Martin (dans les Antilles Françaises) pendant 5 ans. Durant les 6 derniers mois que j’y ai passé, j’ai rencontré un gendarme en déplacement professionnel sur l’île. Puis il est retourné à Paris mais m’a suppliée pour que je le rejoigne…afin de me faire visiter la ville. C’est, exactement, le 27 juin 1991 que je m’y suis rendue. Depuis, je suis toujours en France (rires). Je ne vis plus avec lui mais c’est grâce à lui que je me suis installée dans ce pays que j’avais déjà visité dans les années 1970. J’étais alors résidente de Londres, où j’ai habité durant un an et demi. J’en avais, alors, profité pour traverser la Manche en bateau…

A-t-il été facile de vous intégrer à la scène musicale française, de quelle manière vous y êtes-vous prise ?
Cela a été relativement facile, à partir du moment où j’ai pris cette décision. C’est-à-dire environ un mois après mon installation en France. J’ai appelé mon premier contact qui était basé à Saint-Etienne. Il s’agissait du mari d’une copine américaine de Saint-Martin. Ce dernier m’a fixé un rendez-vous dans un bar parisien où nous avons fait le bœuf. Le patron de l’endroit m’a engagée dès le lendemain… Parmi les musiciens qui étaient, alors, à mes côtés il y avait deux frères qui étaient respectivement le bassiste et le batteur du groupe. Ils m’ont, eux aussi, présentée à d’autres personnes… Comme je le disais, en ce qui me concerne, tout s’est toujours fait du bouche à oreille…

Avez-vous côtoyé d’autres chanteuses de renom alors installées à Paris (comme Carole Fredericks qui était la plus connue d’entre toutes) ?
Oui, je connais très bien Joniece Jamison qui est devenue l’une de mes grandes copines ! Au final, il n’y en a pas tant que ça qui sont parvenues à percer… Pour en revenir à Carole Fredericks, je ne l’ai pas connue très longtemps mais je l’ai, en effet, rencontrée…

De quels artistes français êtes-vous, aujourd’hui, la plus proche ?
Ben L’Oncle Soul…c’est comme un petit frère pour moi ! Il est vraiment très sympa !

Pouvez-vous revenir sur votre parcours français, durant lequel vous avez touché à de nombreux univers musicaux différents ?
J’ai collaboré avec Bob Sinclar, nous avons fait deux grands titres ensemble. J’étais aussi directrice artistique de la chorale de gospel qui était considérée comme la plus grande d’Europe (Gospel Pour 100 Voix). Avec cette dernière nous avions participé à une émission de télévision (Champs-Elysées) durant laquelle nous accompagnions Eddy Mitchell. Nous avons, également, enregistré une autre émission de télévision qui était entièrement consacrée à Johnny Hallyday. Je garde, aussi, un très bon souvenir de Nino Ferrer qui était vraiment très sympa. Dans d’autres registres il y a également eu Ophélie Winter, Christophe Maé etc. Au final, cela représente beaucoup de monde !

Vous qui touchez à beaucoup d’univers musicaux différents, ne craignez-vous pas d’être trop « étiquetée » chanteuse de gospel. Est-ce une appellation que vous revendiquez ou souhaiteriez-vous un peu en sortir ?
C’est, et je suis désolée de le dire, une mentalité qui est très française. Lorsque je dis que je suis chanteuse, les gens me rétorquent systématiquement que je dois interpréter du jazz ou du gospel. Ici, je ne peux pas être autre chose, ce qui est dommage… Je puise pourtant mes principales influences dans le rhythm & blues. C’est en France que j’ai, en fait, vraiment commencé à interpréter du gospel professionnellement. Ce n’était absolument pas le cas aux Etats-Unis…

La scène soul est, justement, bien développée en France avec des artistes tels que Ben L’Oncle Soul ou le groupe Malted Milk. Que pensez-vous d’eux ?
Je connais bien Ben, j’ai chanté sur l’un de ses albums. Nous nous sommes rencontrés lors de cette collaboration et, à cette occasion, il m’a permis de rencontrer son guitariste-compositeur qui travaille aujourd’hui avec moi sur un nouveau projet. Il s’agit d’un futur album qui intégrera de nombreuses chansons teintées de blues et de gospel.

S’agira-t-il d’un album exclusivement constitué de morceaux originaux ?
Oui, nous avons prévu douze ou treize titres. Nous y retrouverons quelques invités dont je ne peux pas encore évoquer les noms. Pour le moment, nous avons onze chansons en boite !

En tant qu’américaine installée en France, quelle est votre vision actuelle des Etats-Unis ?
Je ne suis pas trop portée vers la politique… Disons que la situation actuelle des Etats-Unis n’est pas très agréable… Je me concentre sur la France, donc je ne puise mes informations qu’à travers les médias et mes amis d’outre Atlantique. En tant qu’américaine, je peux simplement dire que je ne trouve pas que ce pays traverse une bonne période…

Outre l’album à venir, avez-vous d’autres projets immédiats (collaborations, tournées…) ?
J’ai plein de projets ! Cependant, je ne sais pas si j’ai le droit d’en parler… Je peux simplement dire que j’ai intégré un groupe vocal qui interprétera des chansons françaises qui ont eu un impact mondial (« Ne me quitte pas », « La vie en rose », « La mer »…). Ces titres seront aussi bien chantés en anglais qu’en français. Nous sommes trois filles et trois garçons, accompagnés par deux musiciens. Il y aura des arrangements novateurs, c’est vraiment très intéressant ! C’est quelque chose de neuf, nous n’avons pas encore donné un seul concert pour le moment. J’envisage aussi de collaborer avec une artiste française qui souhaite remonter sur scène, mais je ne peux pas en dire plus (rires) !

Votre culture musicale est très riche et le gospel est une musique qui est, en soit, très riche. On y trouve beaucoup de choses différentes alors que les français n’en connaissent réellement que qu’une infime partie. N’est-ce pas frustrant, pour vous, de vous retrouver face à un public qui réclame souvent les mêmes titres incontournables ?
Ma manière de remédier à la chose est de faire ces chansons connues, en les arrangeant de façon plus moderne. Du coup, je peux glisser des morceaux moins connus dans mon répertoire. Ces derniers sont, alors, mieux acceptés. Les seules chansons de gospel qui sont connues en France ne sont plus chantées depuis longtemps aux Etats-Unis. Pour nous, aux Etats-Unis, le gospel s’est modernisé. On peut même y trouver des traces de hip-hop ou de rock. Ici, ce sont toujours les tubes de Louis Armstrong qui sont réclamés (rires) ! Ces chansons cultes, par contre, nous ne les faisons plus…

Quels sont vos souhaits pour l’avenir ?
Je souhaite que les gens comprennent que le gospel n’est pas forcément qu’une musique joyeuse. On y trouve un vrai message… Le gospel reflète les paroles de Dieu. Ces dernières apportent la joie dans nos cœurs et dans nos âmes. Il faut aussi être sensible aux paroles, pas qu’à la musique. J’aimerais que les gens comprennent ces paroles…

Pour votre prochain album, avez-vous justement été attentive à la teneur des textes. Quels sont les sujets que vous avez souhaité évoquer ?
J’y évoquerai les expériences que j’ai vécues tout au long de mon existence. J’y explique que c’est Dieu qui m’a sortie de situations difficiles et que je lui reste fidèle… Dans ma musique, je raconte ma vie…

Remerciements : Jean-Pierre Vignola

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Interview réalisée au
Jazz Festival - Munster
le 30 mai 2019

Propos recueillis par

David BAERST

En exclusivité !


 

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