L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST | ||
Bob,
nous sommes dans l'ancien repaire de Mesrine, rebelle s'il en est. Dans
la musique,qu'est ce que ça signifie d'être un rebelle aujourd'hui
? Aujourd'hui, en ce qui me concerne, être rebelle c'est ne surtout pas faire parti du show biz tout en s'en servant puisque malgré tout les disques sont distribués dans les grandes enseignes. Ce soir,je suis là mais tout à l'heure je serai sur France Inter, bien que ce soit toujours un peu en marge. C'est une émission à part et France Inter est l'une des dernières radios nationales qui passe toutes les musiques. Être rebelle aujourd'hui, c'est faire comme moi, produire ses disques,
les enregistrer, trouver le studio qu'il faut et qui ne coûte pas
trop cher, chercher ses tournées soi-même. Être rebelle aujourd'hui c'est continuer à faire la musique
que j'ai toujours aimé faire. Ce n'est pas la même qu'il
y a 30 ans mais c'est dans la même lignée. Aujourd'hui être rebelle c'est aussi être indépendant
comme on l'est tous. Il y a pas mal de groupesdans ce genre qui se bagarrent,
qui tournent et qui ne demandent rien à personne et surtout pas
au show biz
. Notre public vient quand même nous voir jouer parce qu'il aime.
Au contraire quand on termine les concerts les gens nous demandent
" quand est ce que tu reviens ? Ne nous laisse pas tomber ! ".
Ils voient que mes cheveux grisonnent et blanchissent et se disent que
Bob un jour il va en avoir marre. Mais j'en ai pas marre moi, ça
va pas ? Ce qui m'intéresse c'est ça, ma musique, mon rock inspiré par les racines du blues avec une couche de modernisme par ci par là. Ceci sans me servir des machines parce que j'estime que les musiciens sont là et qu'ils sont faits pour jouer. Je ne dénigre pas les gens qui s'en servent mais je préfèrerai toujours un musicien qui joue avec son âme et son cur. C'est ton troisième opus sur Dixiefrog,
comment est-tu entré en contact avec le staff du label ?
C'est vrai que les budgets comme pour " Lost Territories
", partir à Los Angeles pendant 2 mois au frais de la princesse,
à l'occasion la princesse s'appelait EMI, c'est fini. Voilà donc, après avoir fait le disque on part en tournée
et on essaye d'avoir un maximum de concerts pour pallier à cette
absence de médias, en tout cas les télés et radios
formatées.
Maintenant l'album est là, Dominique Desseigne avait envie de
faire la pochette. C'est un vieux pote, un pote à Gilles Mallet
mon guitariste, ce sont des amis d'enfance. Peux-tu nous parler des compositions qui constituent
le premier disque de ce double CD ? C'est juste une époque, ce n'est pas mes favoris sinon je te ferai
4 albums ou 10.
C'est une histoire de famille, je me suis laissé aller à ce qui me touchait au plus près. J'ai pas mal écrit sur ma vie de ci de là. Sur ce disque je parle de tout, d'une voisine qui écoute de la disco à fond, du chien de l'autre voisin qui aboie et qui me réveille à 6 heures du mat' alors que je me suis couché à 4 heures. J'y parle aussi des bruits parce que j'habite dans le port du Havre où les habitations se mêlent aux ateliers. Derrière chez moi il y a un atelier qui retape les containers qui partent sur les bateaux, mais maintenant ça s'est calmé car j'ai vraiment gueulé en menaçant de balancer de la dynamite, désormais ils font moins de bruit. Il y a que des histoires comme cela ; les murs des entrepôts de l'autre côté de la rue que je vois trembler et je vois les fantômes des dockers qui hurlent la nuit ; les mouettes qui chantent et qui pleurent le matin et le soir ; le bruit des cargos ; tout cela est là dedans. Le titre " No futur is now " parle des gens qui gouvernent
le monde, le no futur des punks pour moi il est aujourd'hui. Ce bouquin m'a tellement touché que j'ai essayé de créer une chanson dessus. C'est l'histoire d'une petite mexicaine dont un petit italien, Bandini, tombe amoureux. Pour moi Dolores c'est la femme de Jimmy Tramp, tu vois le bordel que je te fais là (rires). Ce Jimmy Tramp est un pauvre mec qui a tout perdu comme d'autres et qui est devenu SDF, Dolores c'est elle, la femme qui se bat pour nourrir ses mômes, il y a tout ça dans cet album. Le morceau " Pat's Garage ", c'est mon garagiste qui s'appelle Patrice. Si vous n'avez pas de pognon, venez au Havre chez Patrice il vous réparera votre bagnole, vous paierez quand vous pourrez. Il est comme ça, il a toujours les mains graisseuses, noires. Il bosse 12 heures par jour et il a toujours du mal à joindre les deux bouts, il n'a jamais un rond en poche. Il va même devoir vendre son garage car on habite un ancien quartier de dockers. Comme il n'y a plus de dockers (800 aujourd'hui contre 10.000 il y a 20 ans), c'est sinistré et qu'il y a plein de mecs au chômage dans le quartier qui ne peuvent pas payer les notes de réparation de leurs bagnoles ; Pat les leur répare . Il y a aussi " Pauline ", Pauline c'est ma voisine qui ne s'appelle pas Pauline mais je ne lui dirai pas sinon elle va être triste. Il y a plein de trucs comme ça ; " Just like a hobo ", des fois tu as un coup de blues, t'en a marre de la vie et tu veux te barrer sur la route, laisser tes soucis derrière toi comme faisaient les hobos en montant dans un train aux USA dans les années 30-40 à la sauvette, s'arrêtant de ville en ville pour faire un petit boulot. Bien que maintenant je ne peux plus me sentir dans cette situation car j'ai ma petite femme qui est là et qui travaille avec moi, j'ai mon groupe, je ne peux plus laisser tomber qui que ce soit, je suis obligé d'aller de l'avant. C'est un album qui marque tes 30 ans de carrière,
pourtant tu as commencé bien avant. Tu as connu le rock'n'roll
du Golf Drouot jusqu'à maintenant. Aujourd'hui tu t'inscris comme
une référence pour des groupes tels que Jesus Volt et Classic
and Troubles, qu'est ce que ça te fais d'avoir traversé
toutes ces époques et qu'est ce qui t'aura le plus marqué
dans ta carrière ? J'ai tout connu dans le rock de cette époque là à aujourd'hui, môme j'ai vu les débuts du rock'n'roll et ça m'a touché en plein. De Presley, Bill Haley, Little Richard à aujourd'hui avec les Nashville Pussy et John Spencer Blues Explosion que j'adore, j'ai une vision de cette musique très large, je n'ai pas d'illères. Je peux écouter Tom Waits, Rickie Lee Jones, les Pretenders, MC5 puis repartir vers Otis Redding et Robert Johnson avec Eddie Cochran entre les deux. J'aime découvrir les nouveaux groupes et j'ai cette vision de
la musique et du rock assez large. Si je peux être une référence pour les groupes que tu as cité c'est tant mieux. J'en suis content parce que je me dis que j'ai servi à quelque chose et qu'il n'y a pas eu que des suiveurs de Téléphone, Trust et Starshooter. Mon deuxième album s'était bien vendu (près de 80.000
exemplaires), juste après ça s'est cassé la gueule
parce qu'il y a eu le premier album de Téléphone, puis Trust,
Bijou, Starshooter. Tout cela a fait que les amateurs de rock de ce pays
se sont dispersés, préférant écouter du rock
en français. C'est difficile et comme je suis un peu fainéant, je pense que pour faire sonner le français c'est tout un travail que je ne ferai pas naturellement. Donc j'écris mes textes en anglais, ce n'est ni du Shakespeare ni de la grande littérature mais c'est de l'anglais facile à comprendre car le rock est un truc simple. Un truc qui doit pouvoir toucher le cur des gens immédiatement. C'est ce que j'essaye de faire. Cette marginalité, le fait d'avoir immédiatement
écrit en anglais, a pu t'handicaper dans ta carrière ? Il n'y avait que des Hell's Angels dans la salle qui jouaient au billard,
nous on mettait Dave Edmunds dans le juke box et eux arrivaient derrière
pour mettre Motorhead. Manuvre m'a dit que je devrais chanter en
français sinon je serai à la traîne par rapport à
Téléphone, Bijou et tous les autres. Aurais-tu autre chose à ajouter ? Quand un groupe fait un album, c'est un album pas un seul titre, on ne
peut pas dire qu'on connaît tel groupe en ayant copié un
titre sur internet, même si vous achetez ce titre sur internet. Un grand merci à Nadia et Dom Sarraï Desseigne, à
Mimie (the rock'n'roll woman !) et bien sûr à Bob
pour son authenticité, sa gentillesse, sa " soul " et
son inégalable passion. |
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Les liens : Le site de Little Bob Interview réalisée à Paris Porte de Clignancourt 18ème - 18 avril 2005 Propos recueillis par David BAERST |
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