L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST | ||
Cela été une bonne surprise de voir ton fils Bernard t'accompagner. Etait-ce prémédité ? - Non mais j'avais interrompu ma tournée pendant 15 jours et comme je reviens tout juste de Chicago, nous n'avons pas eu le temps d'être ensemble. Ces derniers jours, nous avons répété ensemble avec la section de cuivres présente ici. En plus il voulais être avec moi et moi avec lui. Il voulais venir jouer avec moi devant ce public, mais surtout avec son papa et c'est un honneur pour moi. Je pense que cela lui fait très plaisir de montrer à tout le monde ce dont nous sommes capables ensemble. A mon avis, ce qu'il fait est génial et je pense que beaucoup de gens vont comprendre qui est "Bernard Allison" tout comme ils peuvent savoir qui je suis et peut-être que cela peut amener plus de monde à nous connaître. Nous allons continuer comme cela autant que possible car Bernard a quand même son propre groupe et même avec un groupe, il est difficile pour lui d'avoir la chance de trouver quelqu'un pour le soutenir avec une grande promotion autour de son nom. Mais nous nous battons pour cela et le moindre est que je l'aide avec mon audience en faisans savoir comment nous sommes bien ensembles. Une nuit comme celle de ce soir, beaucoup de gens vont en parler et ce sont ces auditeurs qui nous encouragent, nous les musiciens, à continuer. C'est ce qui nous rend heureux. Tu viens de sortir un album live : est-ce que la scène répond à un besoin vital pour toi ? - Si j'ai besoin de la scène ? Oh oui ! Mais vous savez, si vous ne voyez pas Luther Allison à côté de la scène avec les gens, dans la rue, dans les boutiques ou n'importe où... c'est que je vais en France, à Paris, à Pigale, là où sont les magasins de musique où je tape le bouf avec des inconnus, peu m'importe. S'il y a quelque chose que je ne veux jamais perdre, c'est de pouvoir entrer en contact avec les gens, avec tous les gens qui veulent me rencontrer. Si je peux leur apprendre quelque chose sur la guitare, ils sont les bienvenus, ce n'est pas un problème. Seras-tu un jour trop fatigué pour jouer le blues ? - En fait, mentalement, non ! Physiquement, je ne peux pas me prononcer. Ca, c'est le boulot de Dieu. S'il vient un jour où je suis incapable de jouer, tout énergique que vous m'ayez vu ce soir, j'espère qu'on comprendra et que l'on dira : quand il en était capable, il l'a fait et maintenant il a peut-être vieilli ! Cela peut venir d'un seul coup : les rhumatismes... Un accident est vite arrivé, qui peut le savoir ? Mais pour le moment, je suis l'homme le plus heureux du monde car j'ai l'énergie. Je ne suis pas fatigué malgré mes 57 ans. Je crois être un modèle pour les jeunes, spécialement pour les amateurs de musique. Je sais que beaucoup de jeunes pensent que, parce que tu es un bluesman où un rocker, tu as besoin de whisky et de drogues. Je n'ai jamais touché à la drogue et cela ne risque pas de m'arriver ! A présent j'ai arrêté le whisky et maintenant j'ai beaucoup plus d'énergie. J'ai une énergie folle ! Je peux dire à tous les jeunes musiciens, sportifs ou autre : vous n'avez pas besoin de drogue ou de whisky (qui est aussi une drogue) ! Ce dont nous avons besoin, ce sont des amis pour nous soutenir, des instruments pour jouer ensemble et de l'argent pour acheter ces instruments. Avec eux à nos côtés, on peut y arriver. Aussi longtemps qu'ils seront là pour me soutenir, je ne les laisserais pas tomber et je ne laisserais pas le whisky, le vin ou n'importe quelle drogue nous séparer. Est-ce que le blues a un message à délivrer, comme le fait le rap aujourd'hui ? - Ca, c'est parfaitement clair ! Je veux dire que le blues est à la base de toute musique commerciale. Le rap a été inventé par les bluesmen il y a des années et par moi y compris. Je peux me mettre à jouer et à chanter de différentes manières sans pour autant avoir à prendre le style du rap. J'en suis capable mais je n'en ai pas besoin. Ce que je peux dire sur les gens qui disent qu'ils n'aiment pas le rap est qu'avant de prendre une décision irrévocable, ils doivent imaginer les rappers en train de chanter positivement d'amour, de rencontres et pas de violence. Pourquoi faut-il parler de violence quand on ne peut éviter la violence de toute façon, c'est ainsi depuis l'origine du monde ! Je ne veux pas que les gens réagissent ainsi : "je suis noir et si tu ne m'aime pas, je vais te buter..." Non ! Faire du rap, c'est communiquer. Beaucoup de noirs aux Etats-Unis, par exemple, sont perdus car tout ce qu'ils avaient à quoi s'identifier était la musique et un peu le sport. Nous avons créé le funk. Les jeunes blacks adorent le funk, le rock'n roll, qui est entré dans le monde des blancs. Il y a eu d'abord Chuck Berry, Little Richard, Fats Domino, Bo Diddley et ensuite sont venus Jerry Lee Lewis, Bill Halley, Clapton et tout ceux qui sont plus haut sur l'échelle, les Rolling Stones et tant de groupes de rock. Pourtant quand on regarde la situation actuelle, combien de ces vieilles stars du rock'n roll reviennent au blues ? Les jeunes rockers ne peuvent revenir au blues avant d'avoir compris d'où il venait. Alors qu'un jeune black comme Bernard, par exemple, beaucoup de gens vont dire qu'ils n'aiment pas ce qu'il fait, ses albums, etc ... Il faut arrêter ça ! S'il était blanc, il l'adoreraient ! Parce qu'il a quelque chose de différent, de fort, de spécial et qu'il vient du blues. Il est capable de jouer comme Steevie Ray Vaughan mais quand il joue comme SRV, il joue comme son père ou comme Albert King !
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Les liens : le 20 février 1997 à la
Laiterie de Strasbourg Propos recueillis par Jean-Luc |
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