Nda : Devenu un habitué de l’émission, M.Soul (Marcel Soulodre) était de retour dans le studio de Route 66 le 25 mai 2016. A cette occasion, l’artiste canadien nous a présenté son dernier album en date « This Time The Girl’s In Trouble ». Un disque presque entièrement constitué de compositions personnelles (en dehors d’une reprise du traditionnel « Delia’s gone » et de la chanson de The Spinners « I’ll be around »), qui lorgnent toutes du côté des racines de la musique américaine. Particulièrement disert, le chanteur-guitariste nous a offert un véritable voyage durant une heure…qui s’est rapidement avérée trop courte. Voici transcrits quelques moments croustillants, issus de cette nouvelle rencontre.
Marcel, avec ce nouveau disque, tu te présentes sous l’étiquette « new vintage americana ». Est-ce de la sorte que tu définis ta musique ?
Oui, en tout cas c’est de cette manière que je perçois ce nouvel album. Cela fait plus de 30 ans que je gagne ma vie en faisant de la musique, donc j’ai eu le temps de toucher à de nombreux registres issus de la culture sonore américaine. Même si on ne peut pas dire de moi que je suis un jazzman ou un interprète de chansons de Broadway. Par contre, je me suis aventuré dans la country music, dans le blues, dans le rhythm & blues, dans la musique folk et dans le rock’n’roll…Les fondations de ce disque reposent sur le rock américain, j’ai nommé ce style « new vintage ». Un ami de Montréal m’a dit que le résultat lui faisait penser à du Bob Dylan ou encore aux Rolling Stones. C’est, en fait, à lui que l’on doit la paternité de l’étiquette « new vintage » que j’ai trouvée très chouette ! Je pense qu’elle témoigne réellement de ce que j’ai voulu accomplir avec ces chansons.
Je trouve que le morceau « I found it on the wall » a même, lors de certains passages, des accents musicaux qui font penser à Lou Reed. Es-tu un appréciateur de sa musique et de celle du Velvet Underground ?
J’adore Lou Reed ! C’est l’un de mes auteurs préférés et j’ai souvent interprété ses chansons sur scène. A Winnipeg, cela vexait même certains de mes fans qui n’aimaient pas cet artiste. J’ai découvert le Velvet Underground il y a très longtemps. Ce groupe n’a pas vendu beaucoup de disques de son vivant mais, chaque personne qui en a acheté un, a par la suite fondé son propre combo. Je fais partie de ceux-là !
Possèdes-tu la première version de l’album dit à la banane, « The Velvet Underground & Nico » (1967), dont la pochette est signée Andy Warhol ?
Mon frère l’avait, effectivement, acheté à sa sortie. Sous son influence, je me suis également procuré un exemplaire du disque. A la mort de mon frère, j’ai récupéré le sien…j’en possède donc deux…
En France, nous t’avons principalement découvert via ton show « Wanted Man »…durant lequel tu reprends, avec brio, une partie du répertoire de Johnny Cash. Cependant, cela a masqué ta propre personnalité artistique. Estimes-tu retrouver cette dernière avec ce disque ?
Oui, absolument ! Le show Johnny Cash m’a, cependant, été très utile car il m’a permis de connaitre un grand succès au canada et aux Etats-Unis. Quand j’ai décidé de m’installer en France, en tant qu’auteur et compositeur, j’avais déjà sorti trois albums en français…en pensant que c’est ce qu’il fallait faire pour réussir dans le monde francophone. Puis, je me suis rendu compte qu’il y avait une solide appréciation pour la country music en Alsace et en Allemagne. On m’a donc suggéré de remonter le spectacle « Wanted Man » de ce côté-ci de l’Atlantique. Aujourd’hui il tourne toujours, nous avons d’ailleurs quelques concerts de planifiés en Suisse la semaine prochaine. Nous avons vraiment participé à de nombreux grands festivals avec « Wanted Man ». C’est ce show qui m’a permis de m’établir en France. Sans lui, je ne sais pas si j’aurais pu y arriver. Je déteste le mauvais théâtre et c’est pour cela que je continue de soigner ce spectacle et de le rendre meilleur possible. Que les spectateurs soient, ou non, des grands fans de Johnny Cash…je tiens à ce que tous se rendent compte qu’il y a un gros travail qui a été accompli. Nous essayons d’interpréter les chansons de manière rigoureuse d’un point de vue technique mais nous essayons, aussi, d’y ajouter de l’âme et une certaine dimension. Mes premiers disques enregistrés en France m’ont permis de voir si je pouvais trouver le studio, l’équipe technique et les musiciens qui me correspondaient le mieux. Une fois ce test passé, j’ai pu me lancer dans l’élaboration d’un projet plus personnel. Je suis très content des gens qui m’entourent… La chose la plus ironique est que j’ai sorti trois albums de compositions en français au Canada et que, maintenant que je vis en France, je ne sors que des disques en anglais…
Quel est le climat que tu as souhaité instaurer au sein de cet album ?
Je tenais à ce que cet album rappelle l’autoroute et l’été… J’écoute rarement la musique à la maison. Je fais de la musique chez moi mais j’en écoute très peu… C’est derrière le volant que j’aime découvrir de nouveaux disques. Je tenais donc à créer quelque chose qui fasse penser à l’été et au fait de parcourir les kilomètres à cette période l’année. Lorsque j’étais enfant, nous étions parfois jusqu’à dix dans notre véhicule. C’était donc toujours la « bagarre » pour décider la station de radio que nous allions écouter. Bien sûr, c’était systématiquement mon père qui tranchait et qui prenait la décision finale (rires) ! Il était très branché country alors que nous souhaitions davantage écouter du rock’n’roll. Au final, nous nous mettions toujours d’accord grâce à Roy Orbison.
Es-tu toujours accompagné par les mêmes musiciens que ceux avec lesquels tu as commencé en France, lorsque tu t’es installé dans notre pays ?
Pour la plupart oui ! Notre premier guitariste, Maxime Roncart a été, malheureusement, contraint d’arrêter la musique en raison de problèmes aux oreilles (acouphènes). C’est un excellent musicien, très imaginatif,qui n’est jamais banal comme cela peut être le cas chez 99% de ses homologues. Il trouvait toujours les bonnes idées… Je suis vraiment désolé pour lui mais je sais qu’il va très bien et qu’il va bientôt être papa. Je lui tire un grand coup de chapeau car son talent a été pour moi un très beau cadeau. A la batterie, nous avons Jonathan Haessler qui m’accompagne depuis mes débuts en Europe. Lionel Galonnierest une véritable découverte pour moi, c’est un formidable percussionniste. Il joue sur la plupart des pistes de mon dernier CD. A la basse et aux harmonies vocales, il y a Philippe Laiss qui s’est fait connaitre au sein des Roadriders. Il s’est, également, occupé de l’enregistrement et du mixage de l’album. Sur un morceau, Pascal Kempf est venu nous prêter main forte au saxophone. Enfin, pour les chœurs, nous avons pu compter sur le talent de Sabrina Rauch qui est, avant tout, comédienne mais qui chante aussi très bien. C’est, d’ailleurs, elle qui tient la place de June Carter dans le spectacle « Wanted Man ». Sa voix étant complémentaire de la mienne, je lui ai demandé de venir la poser sur quelques chansons. Ceci nous a permis d’éviter l’excès de testostérone sur les pistes vocales (rires) !
En t’installant en France, as-tu été agréablement surpris par les connaissances des autochtones pour les musiques américaines ou, au contraire, as-tu été déçu ?
Cela dépend… Je pense que la culture américaine est très appréciée ici, même si cela me semble être à un degré moindre qu’en Allemagne. Il y a, cependant, des personnes comme toi qui m’étonnent toujours par l’étendue de leurs connaissances en termes de musiques américaines. Des gens qui ne se contentent pas des banalités et qui se passionnent pour des choses qu’il faut aller chercher très loin. Je suis avide rencontres... De ce fait, je profite également de mon métier d’artiste afin de faire découvrir de nouvelles choses aux spectateurs lorsque je suis sur scène…
On connait tes grandes connaissances en matière de musique américaine. Tu t’intéresses aussi à la chanson française mais connais-tu des sons propres à d’autres continents ?
Oui, je m’intéresse à la musique de l’Europe de l’est. Notamment la musique Klezmer que j’ai découverte au Canada au début des années 1980. Je me suis, alors, aperçu que certains de mes copains en jouaient dans leur cercle familial. Sinon, j’aime beaucoup ce qui se fait en Amérique du Sud…c’est très vaste ! C’est comme aux Etats-Unis, une musique peut être différente d’un bout à l’autre du Texas… C’est, notamment, le cas du blues. Celui de Caroline est très différent de celui du Mississippi ! Blind Willie McTell n’a rien à voir avec Mississippi Fred McDowell…Winnipeg avait la réputation, dans les années 1950-1960, d’être la capitale du rock’n’roll au Canada. Beaucoup de grand artistes en sont issus… C’est peut être lié au climat… Il y fait -30° trois mois par an et on y trouve de la neige pendant six mois. Deux options s’offrent donc à nous. Soit on travaille sur des voitures et des motos, soit on fait de la musique. Pour ma part, j’ai opté pour la seconde solution…
La pochette de l’album est très réussie et marque par son originalité. Evoque-t-elle quelque chose de particulier pour toi ?
Après avoir enregistré une vingtaine de chansons pour ce disque, j’ai réalisé un premier tri parmi celles-ci. Le titre « This time the girls in trouble » était, alors, dans les derniers. J’envisageais de placer « My sweet Mary Ann » en première position. La première chanson citée m’est venue car l’une de mes amies avait toujours des disputes avec son copain. Je l’ai donc écrite pour elle et j’ai décidé de la mettre en tête du disque puis de donner son nom à ce dernier. L’ensemble du disque est lié aux relations hommes-femmes et sa pochette évoque le besoin de se protéger que peuvent ressentir certaines femmes. J’ai donc eu l’idée de ce masque à gaz…
L’album a-t-il été enregistré en France ?
Oui mais le mastering a été réalisé au canada par une personne avec laquelle je travaille depuis dix ans, bien que je l’ai jamais rencontrée. Il s’agit de Guy Hébert…
Es-tu parvenu à conserver le contact avec ton public d’Amérique du Nord ?
Absolument et les réseaux sociaux m’ont bien aidé pour cela. D’ailleurs, l’album sera également disponible dans ma ville de Winnipeg. En tant qu’artiste indépendant, il n’est pas facile d’arriver à être correctement distribué. Heureusement, je peux compter sur le soutien d’un libraire-disquaire local qui a déjà reçu des précommandes pour ce CD. Il n’est, d’ailleurs, pas impossible que je fasse une tournée en Amérique du Nord au printemps 2017…
Puis-je me permettre de te laisser le soin de conclure la présente interview ?
Avec plaisir… Je souhaite simplement remercier l’émission Route 66 de m’avoir, à nouveau, accueilli. Je tiens à dire à tout le monde que, lorsque je veux écouter la radio, c’est systématiquement sur cette émission que je me branche. Elle est de haut de gamme !
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