Mama Rosin
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Fondé à Genève en 2007, Mama Rosin chamboule le microcosme de la musique cajun en y intégrant une énergie rock’n’roll et un état d’esprit proche de celui qui animait la scène punk à la fin des années 1970.Ce regard neuf, s’il fait exploser les frontières, constitue avant tout un formidable tremplin pour les sons cadiens. Ces derniers pourraient très bien retrouver ainsi un second souffle, tout en portant un discours prosélyte à l’attention d’une jeune génération de spectateurs.En plus de tournées incessantes, le trio (constitué par le chanteur-guitariste-banjoïste Robin Girod, le mélodéoniste-chanteur-guitariste Cyril Yeterian et le batteur Xavier Bray) a fondé son propre label et s’apprête à ouvrir sa boutique au cœur de la deuxième plus grande agglomération suisse.  Une démarche qui n’est pas sans rappeler celle de Jack White avec Third Man Records.  Il a fort à parier, qu’avec une telle débauche d’efforts et de passion, ce pendant européen connaisse le même succès…

Pour débuter, pouvez-vous revenir sur la création du groupe et votre rencontre ?
Robin : Avec Cyril, nous faisons de la musique de tous types depuis longtemps. Un jour, nous avons découvert un vieux « blues de blancs et de noirs ». Il s’agissait de la musique cajun et nous avons littéralement « tripé » dessus. Nous avons donc fini par nous « plugger » et par trouver un son « old school » qui soit bien crade et qui corresponde à ce style cajun que nous aimons (principalement celui des années 1930 à 1950).  Nous voulions que notre musique soit chaleureuse et se rapproche au maximum de cette influence de départ. Une batteuse, Vanina Fisher, a commencé à jouer avec nous. Elle a participé à nos quatre premiers albums avant d’être remplacée par Xavier qui a poursuivi la route en notre compagnie.  Mama Rosin est né en 2007 et nous avons, aujourd’hui, six albums à notre actif… et toujours une grande fatigue qui nous suit (rires) !mr

Avant de découvrir la musique cajun, vous étiez-vous déjà immergés dans l’univers d’autres versants musicaux qui en sont proches… je pense, plus spécifiquement, au blues bien sûr ?
Cyril : Oui, d’autant plus qu’il s’agit d’une musique plus facile d’accès.Le blues mais aussi le jazz sont des registres majeurs. Nous pouvions facilement nous en procurer des disques et en étions, naturellement, devenus fans. C’était d’ailleurs le cas des musiques traditionnelles (irlandaises par exemple) dans leur globalité. Nous nous estimons chanceux d’être tombés sur la musique cajun et le zydeco car c’est un genre plus confidentiel, dont les enregistrements ne sont pas forcément faciles à trouver en Europe.  Nous avons été particulièrement touchés par le fait que cette musique est une forme de blues mais en plus compréhensible. C’est un genre de punk hyper joyeux qui est contemporain du blues, pour ne pas dire qui en est le cousin. Nous nous sommes immédiatement dit que c’est ce que nous voulions faire !

Avant de vous lancer dans cette musique, quels étaient vos univers musicaux respectifs ? 
Robin : Comme n’importe quel adolescent, nous étions sous l’influence des vinyles de nos papas. Bien sûr, nous étions aussi confrontés à l’impact des radios « pourries » qui sévissaient à l’époque. En ce qui nous concerne, c’était NRJ… Ce n’était donc pas facile de s’en sortir, musicalement parlant, entre MTV et NRJ… à moins d’avoir des parents qui soient ouverts et qui te permettent de découvrir des groupes tels que les Beach Boys, Led Zeppelin etc…  J’ai donc écouté ce genre de trucs et, de manière générale, nous avons « vachement » été portés par le rock…

D’où vient ce nom de Mama Rosin ?
Cyril : C’est, à l’origine, le titre d’un vieux morceau qui appartient au répertoire cajun, tout en étant une véritable « bizarrerie » au milieu de tout cela (cet air traditionnel avait été remis au « goût du jour » en 1999, sur le disque « Chez Les Cajun », par le Cajun All Stars… un groupe constitué par Michael Doucet, Cindy Cashdollar et Sonny Landreth, nda).  C’est un mélange assez génial qui met en scène un accordéon cajun interprétant un air de rumba.  C’est une inconnue au bataillon, Little Yvonne LeBlanc, qui interprète la chanson à l’origine (en 1956 avec Nathan Abshire, nda) avec une voix incroyable, qui ferait penser qu’elle n’avait que douze ans au moment de l’enregistrement.  Le résultat donne un grand mélange qui détonne dans cette musique. C’est trop exotique pour être cajun et c’est très « casse gueule ».Nous avons adoré cette chanson et nous nous sommes dit qu’elle pourrait très bien nous représenter. D’autant plus que notre idée première était de mélanger plusieurs styles, afin d’en extraire un son qui nous soit propre… punk et rock’n’roll.Ce nom c’est nous, tout simplement...

La scène cajun est assez évolutive, dans la mesure où beaucoup de groupes cherchent actuellement à mélanger les registres typiquement louisianais à d’autres musiques. Vous sentez-vous proches de certains d’entre eux ? 
Cyril : Oui… Nous avons été invités, juste avant de créer le groupe Mama Rosin, par les enfants de la famille Savoy… qui sont un peu les ambassadeurs de cette musique.Sur place, en Louisiane, nous avons pu « jammer » avec beaucoup d’artistes et c’était vraiment cool de découvrir ce monde-là. Nous sommes tombés amoureux de cette culture à l’époque où elle existait encore véritablement. Actuellement, nous avons davantage l’impression d’être au milieu d’américains avec, en filigrane, une culture qui tente de survivre malgré elle… grâce à quelques jeunes qui se battent.  On se trouve un peu à « contre-courant » de ce qui se fait aujourd’hui qui est, à notre goût, un peu trop « propre » et qui fait penser à une « fuite en avant » technique. Ce que nous aimons vraiment, ce sont les bases. Même si ce n’est pas toujours très bien joué, ça sonne tellement vivant et tellement vrai…  C’est vers cet aspect que nous sommes allés…  Nous sommes restés éloignés de cette scène un certain temps (tout en découvrant des groupes qui eux-mêmes nous connaissent). Une boucle s’est bouclée lorsque nous avons été invités à un festival, à Lafayette, en avril dernier. C’était génial car, à cette occasion, nous avons retrouvé tout le monde. Nous avons fait nos expérimentations et les gens « hallucinaient » en voyant que nous nous branchions dans des amplis par exemple. C’était une superbe rencontre avec le public local et je pense que cela a donné quelques idées à certains cajuns (rires). Peut-être vont-ils, à leur tour, essayer d’aller « ailleurs » avec cette musique. Cette volonté est, en tout cas, assez récente chez eux… 
Robin : Je serais curieux de savoir à quels groupes tu penses lorsque tu parles de cette évolution…

C’est une chose que j’ai pu constater chez divers groupes qui peuvent mélanger la musique cajun au hip-hop par exemple (TK Soul, Lil Jabb…)… 
Cyril : Oui, c’est vrai !La culture zydeco a naturellement évolué vers le hip-hop et le new r & b. Ce n’est pas trop ce que nous écoutons. D’ailleurs, nous n’écoutons pas beaucoup de choses récentes mais nous savons que ça existe. Chez les cajuns, à Lafayette plus précisément, il y a une scène où quelques groupes essayent de faire des « trucs », mais c’est très récent. Il y a plein de gens qui aiment mais ce n’est pas vraiment notre cas. C’est trop propre et ça a perdu de ses tripes… cela s’éloigne de ce qu’était cette musique à l’origine.
Robin : Lorsque nous étions à Lafayette durant ce festival, nous avons revu des musiciens rencontrés lors de notre premier voyage. Ce sont toujours les mêmes. Ils reforment de nouveaux groupes…  On en a vu un qui était particulièrement « classe », qui mêlait les influences cajuns roots avec un style de jeu très swing, soul et New-Orleans. Il s’agit de The Revelers…  Nous sommes trois dans le groupe et sommes tous restés scotchés, de A à Z, devant ce concert qui se déroulait dans un bar. C’était « monstrueux »… Je pense qu’il y a effectivement des groupes incroyables qui sont en train de se former sur les ruines de cette musique modernisée dans les années 1980/90. J’aimerais bien que l’on puisse faire venir ces combos en Europe (The Revelers, The Lost Bayou Ramblers…). Il y en a qui sont vraiment forts…

Il y a quelques années le groupe canadien The Clumsy Lovers avait remis au goût du jour des rythmes traditionnels, lorgnant du côté du bluegrass et de la musique cajun, en les mariant à un rock plus contemporain (notamment en reprenant des standards de Lynyrd Skynyrd, The Beatles etc…). Aviez-vous suivi cette première forme évolutive ? 
Cyril : Ah non, nous ne connaissons pas ce groupe mais allons chercher à le découvrir…66

En dehors de la famille Savoy, avez-vous eu l’opportunité de croiser la route d’autres héritiers de musiciens célèbres qui (eux aussi) perpétuent la tradition familiale (je pense, par exemple, à l’accordéoniste Jimmy Thibodeaux qui est le neveu du violoncelliste Rufus Thibodeaux) ?
Cyril : Si nous n’avons pas forcément rencontré des sommités ou des descendants, lors de notre voyage qui remonte à sept ans, nous avons souhaité aller à la rencontre de vieux blacks susceptibles de nous raconter des histoires sur ce qui se passait à l’époque. De copains nous avaient emmenés voir deux ou trois autres personnes qui parlaient le français. C’était impressionnant car elles étaient âgées… Sinon, nous avons rencontré un gars qui est vraiment incroyable. Il s’agit de Walter Mouton (né en 1938, nda) …  Ce dernier joue dans la même salle (Breaux Bridge’s La Poussière Club, nda) depuis 40, 50 ou 60 ans sans jamais avoir voulu qu’on l’enregistre (il n’a en effet gravé qu’un seul 45 tours, « The Scott Playboys Special », avec son groupe en 1970, nda). De ce fait, on ne peut trouver que des bootlegs directement captés dans cette salle. C’est un monument incroyable et ça nous a vraiment fait quelque chose de le voir…
Robin : Nous avons aussi rencontré Ray Abshire, le frère de Nathan Abshire qui est l’un des plus grands mélodéonistes Cajuns. C’est d’ailleurs lui qui jouait sur la version originale de la chanson « Mama Rosin ».  Ray est également très bon et il avait donné un superbe concert dans un registre assez roots. C’était très agréable d’assister à une performance « old school » de ce style. Lors de notre dernier passage en Louisiane, il est venu nous voir, nous féliciter et nous embrasser après l’un de nos concerts. Il était touché de constater qu’il existe aussi des mélodéonistes en Suisse…

Vous avez la particularité d’interpréter une grande partie des chansons du groupe en dialecte cajun. Est-ce quelque chose qui s’acquiert facilement ? 
Robin : C’est un peu comme si un bluesman français, à force de l’avoir écouté, se mettrait à chanter à la manière de Robert Johnson. Il y a un peu de mimétisme et tu y ajoutes ce que tu aimes bien. Nous en parlions tout à l’heure, avec Charles qui est l’un des membres du groupe Moriarty. Il nous disait que je chante presque davantage comme CharlElie Couture que comme des cajuns. Il faut dire que nous sommes fans de chanteurs francophones aux phrasés bizarres (Serge Gainsbourg, Arno, CharlElie Couture…). Je pense, qu’au fil du temps, nous avons fini par former notre propre langage qui est un mélange de ce que l’on écoute… que ce soit cajun, anglais, créole. Lorsque nous sommes en Louisiane, nous nous rendons compte que nous ne parlons pas le même cajun que les autochtones. C’est comme lorsqu’un bluesman parisien, spécialisé dans la musique de Robert Johnson, part dans le Mississippi. Les habitants de cet état vont rapidement se rendre compte qu’il ne parle pas le même anglais qu’eux. C’est donc assez délicat…  Pour nous, cela a surtout été une rampe de lancement… nous propulsant vers une nouvelle liberté dans notre langage.

Vous êtes membres d’un trio constitué de multi-instrumentistes. Ceci-dit, la basse n’apparait que très rarement dans votre œuvre. Comptez-vous encore vous passer de cet instrument ?
Cyril : Sur notre dernier album, il y a tout de même un peu de guitare baryton et de basse. Après 6 ou 7 ans à écumer les scènes en trio, nous n’avons jamais voulu de basse car cet instrument nous limiterait à quelque chose de différent. Dans notre configuration actuelle nous pouvons vraiment aller là où nous voulons. C’est amusant que tu nous parles de cela car, il y a quelques jours, nous nous sommes dit que pour faire de grosses scènes (comme c’est de plus en plus le cas, surtout l’été dans le cadre de festivals) ce serait bien de bosser notre répertoire avec un bassiste. Cela ne ferait pas de mal au son, en général, lors de manifestations en plein air.

Vous avez fondé votre propre label Moi J’Connais. Est-ce principalement pour promouvoir des artistes peu connus du grand public ou pour conserver votre propre liberté artistique ?
 Robin : Notre but de départ n’était pas spécifiquement de sortir nos propres disques ou ceux d’autres artistes.  En fait, c’est un concours de circonstances ou plutôt une suite logique qui nous y a conduits.  Quand on voit à quel point tout s’écroule dans le domaine des disques…  Les firmes font des choix de merde, le monde de la musique est totalement périmé. Nous avons juste voulu créer un label imputrescible pour le futur. Ceci en y mettant tout ce qu’on aime, rééditer des choses, sortir des enregistrements de groupes de potes. Nous n’imaginions pas que ça marcherait à ce point et maintenant nous nous retrouvons avec, sur les bras, un vrai label que l’on doit gérer au quotidien. Il compte déjà une bonne vingtaine de sorties…  Quand tu aimes la musique et que tu as envie de défendre ce qu’elle est, il faut te bouger (organiser des concerts, aider les autres groupes, créer un label…).Le secteur musical s’écroule… c’est comme la chute de l’empire romain en occident. Ce soir, nous jouerons sur la même scène que Lilly Wood & The Pricks qui, parmi tant d’autres, est un pur produit commercial totalement fabriqué de toutes pièces. Ils font de la musique pour te rincer l’âme et tu en sors totalement stérilisé. C’est une chose contre laquelle nous nous sommes battus instinctivement. D’où notre groupe, notre musique et même la rencontre avec le groupe Moriarty dont les membres possèdent une ligne de conduite proche de la nôtre. Le label est né de ce besoin… 
Cyril : C’est l’esprit « do it yourself » appliqué à la musique. Le fait d’être indépendants de toute influence maléfique extérieure est le moteur de nos vies… « be yourself » (rires) !

Quelle serait votre réaction si le « grand » public venait à s’intéresser en masse à votre travail et, surtout, si une major company souhaiterait vous signer ? 
Cyril : C’est marrant que tu parles de ça… c’est une bonne question à laquelle il ne nous sera pas vraiment possible de répondre… tant que l’on nous aura pas proposé la chose. D’un côté nous clamons vraiment l’indépendance, mais nous nous rendons aussi compte à quel point il est épuisant d’être son propre patron dans tout ce que l’on fait.  Finalement, aujourd’hui, le mot major ne veut plus vraiment dire la même chose qu’auparavant. Cela dépend de la personne sur qui tu tombes… tout est discutable… Nous ne sommes fermés à rien, car il ne faut pas l’être.  Nous verrons bien ce qui arrivera mais je pense que, dans l’absolu, si plein de gens s’intéressent à nous ce sera tant mieux. Quant au fait d’être approché par une major, je pense que ce serait tout de même une chose un peu déroutante au début. On verra !

Pour en revenir au label Moi J’Connais, on y retrouve des noms de personnes aujourd’hui disparues (Jessie Mae Hemphill, Precious Bryant…). S’agit-il d’enregistrements réalisés spécialement pour ce label, avant leurs disparitions, ou avez-vous récupéré des bandes déjà existantes ? 
Robin : Chacune de ces sorties à sa propre histoire…  Cela passe simplement par l’envie d’avoir un disque qui n’existe plus. Tu te dis « je le veux, j’en ai besoin, je ne veux pas de MP3, je veux le vinyle… ». Tu remontes donc par différents biais (un membre de la famille comme le mari de Jessie Mae Hemphil ou par quelqu’un qui connait quelqu’un) pour tomber sur la personne, sur sa descendance ou sur le label qui possède les bandes. Pour Jessie Mae Hemphil nous avons eu les licences nécessaires et avons réalisé un disque à partir d’une sélection de chansons tirées des deux CD que nous possédions (Face A : 1erCd, Face B : 2ème CD). C’est une sorte de « best of », notre compilation proposant deux sons différents. Pour Precious Bryant nous avons « dealé » avec son label dans le but d’obtenir certains morceaux constituant une compilation représentative de nos goûts personnels. D’autres enregistrements sont des bootlegs, d’autres de vraies sorties officielles (Human Expression…). Tout cela dépend… si nous n’obtenons pas de matrice (comme dans la grande majorité des cas), nous nous démerdons afin de tout faire sonner le mieux possible.
Cyril : A la fin des années 1990, il y a eu un gros effort de fait sur l’impression en CD de plein de vieux enregistrements. Donc le travail de nettoyage (et de remasterisation) des bandes a déjà été réalisé par le passé. Cela nous a facilité la tâche pour certaines sorties, car des mecs avaient déjà bossé avec le master auparavant. Il nous suffit juste d’en refaire un pour le vinyle.  Aujourd’hui, de manière générale, nous avons plutôt de bons retours en ce qui concerne le son de nos disques.

Afin d’évoquer votre actualité discographique la plus brulante, j’aimerais revenir sur votre rencontre avec Jon Spencer. Pouvez-vous évoquer les circonstances qui vous ont permis de travailler avec lui ?
 Robin : On ne le connaissait pas très bien, notre génération n’était pas celle qui a pris la musique du Jon Spencer Blues Explosion dans la gueule à l’âge de 15 ans. C’est arrivé trop tôt pour nous et, du coup, nous écoutions d’autres choses. En fait, c’est lui qui est tombé sur l’un de nos disques… alors qu’il tournait avec l’un de ses groupes (Heavy Trash en l’occurrence) en Europe. Une fois rentré aux Etats-Unis, comme il est très regardant sur les premières parties, il nous a proposé de faire une prochaine tournée avec lui en Allemagne. Suite à cette expérience, il savait que nous étions sur le point d’enregistrer un nouveau disque. Il voulait faire un truc avec nous et nous a demandé ce que nous souhaiterions (enregistrement en Louisiane par exemple…). Il nous a, finalement, proposé de réaliser la chose soit à Berlin, soit chez lui à New-York. L’élaboration du projet s’est montée sur une année (tractations, discussions sur le contenu, nouveaux concerts communs en Suisse etc…). Puis nous nous sommes retrouvés en novembre 2011 dans le studio de son pote Matt Verta-Ray (également membre du groupe Heavy Trash) à New-York. Jon avait le rôle de réalisateur-producteur alors que Matt était à la technique.  Nous avons passé 10 jours dans cette petite pièce et c’était superbe ! Jon a fait un gros travail au niveau du mix. Pendant les sessions il gérait principalement l’osmose qu’il pouvait y avoir entre nous. C’était excellent et il a, bien évidemment, joué quelques trucs.Il est parvenu à donner du corps à notre disque. Nous sommes très contents du résultat final…

Plus précisément, de quelle manière se matérialise cette « Jon Spencer’s touch » ? 
Robin : C’est difficile à définir…  Je pense qu’il y a une vraie touche, même si je ne sais pas si c’est la sienne (celle de ses propres disques). Je pense que c’est quelqu’un qui a connu beaucoup d’expériences et qui n’a pas voulu nous faire sonner comme le Jon Spencer Blues Explosion, comme Heavy Trash ou comme d’autres disques sur lesquels il s’était investi auparavant. Il a donné une vraie couleur à notre album. Une couleur que ce dernier conservera et qui sera toujours la même lorsqu’on l’écoutera  dans dix ans.  Ce n’est pas le son d’une époque, c’est celui de ce moment passé à New-York… qui a été figé dans le temps. On y trouve énormément de compressions, de distorsions et de réverbs…On y trouve aussi des morceaux plus calmes. D’ailleurs, nous venons de sortir une version canadienne du CD avec trois titres bonus, absents de la version européenne. Il s’agit de morceaux paisibles. Nous n’avons vraiment pas cherché à faire un truc noise ou agressif. Il en ressort une sorte de chaleur, quelque chose de très blues dont nous sommes vraiment contents.

Avez-vous déjà eu des retours d’artistes traditionnels cajuns en ce qui concerne ce disque ?
Cyril : Ils aiment bien car ils trouvent que ça va vraiment loin. Ils ne s’attendaient pas à ce résultat.  En fait, ils sont fiers de constater que l’on joue leur musique en la faisant différemment. Ils disent que c’est génial, autant sur scène que sur disque. Ils nous remercient aussi de faire parler d’eux par ce biais. S’ils peuvent gentiment laisser poindre une petite touche de jalousie, ils sont contents car le mélange qui caractérise notre musique sensibilise un nouveau public aux sons cajuns traditionnels. Pour certains, nous sommes même des espèces d’héros modernes venus de l’étranger (rires) ! Aujourd’hui, ils comptent vraiment sur nous, c’est marrant… nous avons une vraie mission !
Robin : J’étais, hier, au magasin Born Bad à Paris. Le gars me disait qu’il vendait beaucoup de nos disques et que, grâce à cela, beaucoup de ses clients découvrent la musique cajun. C’est aussi le cas dans certains milieux rock’n’roll un peu coincés. Souvent, lorsqu’ils voient un accordéon, les mecs partent en courant. Ceci alors que certains vieux morceaux traditionnels peuvent sonner plus rock’n’roll que du Elvis… ou que n’importe quel enregistrement sorti du studio Sun…
Cyril : La première sortie de notre label, « Hypnotic Cajun & Obscure Zydeco », est liée à nos premiers concerts sur la scène garage et rock’n’roll. Les gens qui ne partaient pas pendant nos sets nous demandaient à leurs issues ce qu’est notre musique. On a donc, à leur attention, fini par graver des disques à l’arrache… avec les morceaux que l’on préfère (pas forcément ceux auxquels on pense systématiquement lorsque l’on parle de musique cajun).C’est cela qui nous a donné l’idée de faire ces disques en vinyle. Nous avons réussi notre pari car le résultat plait aux gens qui ne pensaient pas aimer le cajun. Cette compilation a déjà été pressée trois fois, elle met en évidence les racines de ce dont nous sommes tombés amoureux.

Le public américain est-il surpris de voir cette musique portée aujourd’hui par un trio suisse ?
Cyril : A l’instar des musiciens, lors de notre tournée d’avril dernier, nous avons ressenti un sentiment de fierté parmi ce public. Sur un point de vue strictement musical, les gens ont adoré. Ils n’avaient jamais entendu ce mélange mais ils ont beaucoup aimé. Nous n’avons eu que des bons retours !
Robin : Je me permets même de dire que le fameux Steve Riley (qui a donné des cours à Cyril en Europe) est resté toute la soirée au bar, ce qui est unique. A l’issue du concert il l’a même pris dans ses bras en lui disant « mais tu es simplement le meilleur joueur de mélodéon du monde ! ».Il avait une bière dans le nez mais monsieur Steve Riley a dit ça (rires) !
Cyril : Il est connu pour ne jamais rester après les concerts. Après notre prestation, il est rentré chez lui bourré et a appelé la directrice du festival international de Lafayette pour lui dire « Mais ces gars que tu as fait venir, ils sont monstrueux… c’est génial, je veux faire leur première partie en Europe ! ». C’est drôle, d’autant plus qu’il est bien plus connu que nous dans les milieux cajuns…

Souhaiteriez-vous, justement, faire venir certains artistes de Louisiane afin de les présenter au public européen ?
Cyril : Il y a déjà un « milieu » qui s’occupe de cela en Europe. Nous n’en faisons pas vraiment partie car les gens qui constituent ce « milieu » sont très attachés aux traditions. De ce fait, ils ne sont pas ouverts à ce que nous faisons… contrairement aux gens de Louisiane.  Les autoproclamés « francadiens » qui font venir des groupes chez nous ne nous aiment pas de trop… Donc, nous ne marchons pas sur leurs plates-bandes, sachant que tous ces artistes ont l’occasion de venir en Europe par leur biais. Ce qui serait marrant, c’est d’en faire venir qui soient proches de notre esthétisme et de les faire jouer au milieu d’autres groupes de rock. Ce serait génial et nous y songeons depuis un moment!

Nous parlions de Jon Spencer mais une autre belle rencontre a pu aboutir, celle avec le groupe Moriarty. De quelle partie vient l’idée de cette collaboration ?
Cyril : L’idée est commune…  Nous nous sommes rencontrés dans un festival il y a quelques années. Nous sommes restés en contacts et ils nous ont souvent (plusieurs étés de suite) invités à partager des scènes avec eux en France. A chaque fois, cela s’est très bien passé…  Un jour, nous nous sommes dit que l’alchimie était trop parfaite pour que cela ne soit pas gravé. Moriarty joue super bien, tout est basé sur la retenue et c’est très propre. Ils ont cette chose à apporter alors que nous nous reflétons davantage un côté crasseux et énergique. Nous savions, qu’ensemble, nous pouvions trouver un juste milieu et que chaque groupe pouvait apporter une chose à l’autre. Nous avons donc décidé de nous retrouver 3 jours en studio (à Paris en janvier 2013) afin de graver un 45tours. Nous pensions enregistrer cinq titres pour en garder deux mais finalement nous ne pouvions rien « jeter ». Du coup, c’est un 25cms (l’excellent « Moriarty Meets Mama Rosin », nda) qui est sorti en lieu et place du 45tours prévu. Cette collaboration est donc venue naturellement, elle était dans l’air…

De quelle manière s’articulent les concerts que vous faites en commun. Chacun fait un set puis vous vous retrouvez pour le final, jouer vous ensemble d’autres morceaux que ceux issus du disque ?
Cyril : Oui nous jouons d’autres chansons ensemble et nous revisitons le répertoire des uns et des autres. Ce soir nous ferons 6 ou 7 titres en commun…  Chaque groupe a apporté et arrangé des morceaux. Il y a aussi quelques reprises...  Il y a, notamment, une cover d’un combo que nous venons de sortir sur Moi J’Connais (à savoir le groupe sixties de Los Angeles, Human Expression). Nous étions totalement là-dedans et nous nous sommes dit « pourquoi on ne reprendrait pas un morceau de ce que l’on vient de sortir » puisque nous adorons ces gars. On va donc le jouer ce soir !

Quels sont vos projets ?
Robin : Nous avons énormément bougé donc on va essayer de se calmer. D’autant plus que nous avons envie de nous professionnaliser, dans la mesure où nous aimerions bien nous organiser (rires) ! Notre nouveau disque est presque terminé… en tout cas de notre côté. Il marque une nouvelle collaboration. « Bye Bye Bayou » est notre « gros » disque et nous estimions qu’il n’était pas nécessaire de revenir avec un Mama Rosin. Ce sera donc un Mama Rosin plus deux invités prestigieux et géniaux. Ces derniers ont « tripé » en écoutant « Bye Bye Bayou » et se sont dit qu’il serait intéressant de faire un projet « fuck top z’haricots cajun » avec ces petits suisses.  Ils sont de New-York et de Detroit mais je ne te donnerai leurs noms qu’une fois ton enregistreur éteint.  Lorsque cet album sera terminé nous tournerons probablement avec eux. Puis notre duo avec Cyril, les Frères Souchet, va certainement enregistrer un deuxième album en deux jours. Nous avons également de gros concerts à venir en Suisse et nous travaillons toujours pour notre label. Notre batteur Xavier prépare un projet solo mais il ne le dit à personne, nous n’en avons eu que quelques bribes. Enfin, nous allons un peu respirer et laisser venir. Pendant six ans nous avons fait le tour du monde, je crois que c’est le moment que le monde vienne à nous (rires) !
Cyril : A force d’avoir tourné dans tous les sens, nous ressentons le besoin de trouver une espèce « d’existence » chez nous. Cela a mis du temps car nul n’est prophète en son pays. Nous avons enfin de très bons retours en Suisse.Nous avons aussi pour autre projet de créer notre QG à Genève. Il regroupera les bureaux du label, un petit magasin de disques etc…Il faudra que tu passes, la prochaine interview ce sera là-bas, avec une boisson chaude !

Auriez-vous une conclusion à ajouter à l’attention de vos admirateurs colmariens, parmi lesquels figure le plus grand… Nicolas Jeanniard, président de la Fédération Hiéro ?
Robin : Il faut lui dire, plus particulièrement à lui et à ses potes, qu’on leur promet qu’on sera là et que nous donnerons l’un des meilleurs concerts de notre vie à Colmar. Il n’est d’ailleurs pas impossible, qu’à cette occasion, nous fassions débarquer les invités de notre projet new-yorkais version 2. On promet un « vrai concert cool » à Nicolas car on se réjouit déjà de cette date. Nous nous étions vus au Binic Folk Blues Festival… Il était venu avec son fils et voulait entendre la chanson « Marinière » qui n’était pas prévue dans le set ce soir-là. Du coup, nous lui avions interprétée durant notre soundcheck… je m’en rappelle bien (rires) !  Donc à bientôt pour manger de la choucroute !

Remerciements : Jakob Graf (Mazurka), Stéphanie Collard et Caroline Hollard (service de presse du Nancy Jazz Pulsations)

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Interview réalisée
Chapiteau du Parc de la Pépinière
Nancy Jazz Pulsations
le 12 octobre 2013

Propos recueillis par
David BAERST

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