Marvelous Pig Noise
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Pouvez-vous nous parler de votre histoire, de votre parcours musical ?

En fait, toute l'équipe-là, on se côtoie déjà depuis dix, douze ans. On se croise et recroise dans la région de Montpellier dans le domaine du blues. Il y a quatre ans, on a décidé de fonder les Marvelous Pig Noise, qui est un espèce de mélange entre le blues, le gospel et d'autres styles. Le blues est très vaste . Ce fameux style qu'est le skiffle, on a du mal a savoir d'où ça sort. C'est peut-être dans les années cinquante à Londres qu'il y avait ce style qui a une peu disparu finalement maintenant.

D'où vient ce nom, Marvelous Pig Noise ?

C'est partie de l'idée de jouer de la musique de rue. On avait fait un " blues club ", c'était au Sexaphone à Montpellier, il y avait un lieu où le lundi, il y avait des thèmes un peu improvisés qui étaient lancés. On avait pris des amplis à piles, qui s'appellent des " pig noises " et cela avait été vraiment chouette. On s'est dis : il y a une idée à creuser et on est partis de là. Mais après cela s'est développé, on a abandonné les amplis à piles très très vite. Après on a rencontré David, qui jouait de la contre bassine six mois plus tard. Cela a généré le son et les directions artistiques du projet. Mais l'inspiration reste la musique de rue, puis cela s'est métissé de tout un tas d'apports.

Vous jouez d'instruments assez artisanaux mélangés avec des guitares électriques, d'où est-ce que cela vient tout ça ?

La contre bassine s'appelle aux Etats-Unis la " washtub basse " et c'est fabriqué à partir des bassines avec lesquelles ils lavaient le linge. Cela a été fait dans plusieurs pays où les gens n'avaient pas trop de sous et ils prenaient ce qu'ils avaient sous la main.

Comment en es-tu arrivé à jouer de la contre bassine ?

Au départ, je suis guitariste. Ca ne m'intéressait pas forcément, j'ai fait ça tout à fait par hasard. En fait, cela a plût de suite, je m'y suis attelé et j'ai essayé d'améliorer le système.

Votre musique est un mélange de styles assez différents : du gospel au blues pur et dur de Mississippi Fred McDowell en passant par le western swing. Ceci est dû à des parcours différents de chacun d'entre vous ou était-ce déjà défini au départ ?

Ces musiques-là, on les rencontre à peu près toutes en Louisiane. En plus le cajun, le zydeco, tout ça vient du sud des Etats-Unis et du Mississippi. Effectivement Fred McDowell, c'est le blues que j'aime, celui du Mississippi. Je n'ai qu'une idée en tête, c'est m'inspirer de ça. Le faire exactement, j'ai renoncé parce que c'est vraiment quelque chose de profondément culturel. Ici en France, on en entends peu de ce blues-là, c'est réservé aux connaisseurs. Le blues du Mississippi est très typé, quasiment folklorique mais moi, c'est celui que j'aime. Au mieux, on peut arriver à les imiter. Mais l'intérêt, c'est prendre l'inspiration de cette musique, elle ouvre vraiment la voie à une découverte en profondeur comme toutes ces musiques qui sont très enracinées. Ce n'est pas juste chercher la technique, des techniques diverses à droite et à gauche, c'est plus approfondir à travers une démarche. C'est le fil conducteur, c'est l'âme du concept. Après, c'est comme en Louisiane, ce sont des pays très métissés parce qu'il y a eu beaucoup d'immigration. Musiques carribéennes, musiques locales, la country, le blues des esclaves africains, tout cela a donné toutes les musiques du XX° siècle. De toute façon, au départ c'est déjà une musique métissée.

Nous, on reprends cet espèce d'élan et on métisse avec d'autres choses, on personnalise. L'intérêt après, c'est de sortir de l'imitation et de réaliser ça.

Une chose m'a frappé en vous écoutant, se sont les performances vocales. Vous avez tous puisé ça dans le gospel ou en pratiquant cette musique ultérieurement ?

D'abord, on a commencé par le blues mais à Montpellier, il y a un pôle gospel extrêmement fort. Il y a un groupe de renommée nationale qui s'appelle " Black and White Gospel Singers " dont le leader est Manuel Job. Il a aussi monté une chorale de cinquante personnes dans laquelle pouvait rentrer qui voulait. Il y a plein de musiciens qui sont passés par là : Jérôme, moi (), Christian puis Jean Brice. Au contact de ce leader, ça nous a aussi influencé. Au départ du projet, on ne pensait pas arriver à chanter le gospel à ce point. C'est une musique très difficile, pointue qui nécessite un travail vocal proche de celui du chant lyrique. Finalement, on a développé cette technique, on l'utilise aussi comme métissage parce qu'il n'y pas tellement de connotations religieuses derrière. C'est une musique extrêmement forte comme le blues. De toutes façons, le gospel et le blues se sont développés à peu près en même temps. Le gospel, par sa racine negro-spirituals est même antérieur au blues dans la musique noire américaine.

Vous sortez de studio, je crois que pendant ce mois de mai vous avez préparé le nouvel opus du groupe. Est-ce que cela reste vraiment dans la lignée du premier album ?

C'est dans la lignée antérieur au premier album ! C'est à dire que c'est un album un peu spécial. Comme on a le temps d'en parler, c'est bien car il faut quand même le dire. Le nouvel album que l'on doit faire sera en français, il sortira à la rentrée avec des compositions exclusivement. Cet album-là est fait de reprises, en hommage. C'est un peu le plaisir à l'état brut où l'on reprends la musique qui nous a inspirée, tous les styles : du Chicago blues au skiffle, du gospel, de la soul, du blues du Mississippi ; toutes les composantes y sont. Il y a des morceaux qu'on avait déjà enregistrés il y a trois ans (la moitié) et cinq autres que l'on a enregistrés récemment qui sont un petit peu orientés gospel/blues. C'est vraiment un hommage aux musiques qu'on aime.

Vous avez donc accentué le côté " compositions " : il était présent dès le départ ?

Non, ça c'est récent. Il y en avait sur l'album " Homesickness ". C'est quand même important pour un groupe de faire ses propres compositions à un moment donné. La musique, la reprise des arrangements, la personnalisation des morceaux existants, ça permet de développer sa personnalité, de s'affirmer dans cette musique et puis après les compositions qui ont mûri en parallèle seront dans la lignée musicale de celles qui seront en anglais. Mais elles seront en français, donc cela va encore un peu plus aller vers notre culture qui est quand même la chanson française.

Comment se passe la composition, tu écris les textes, vous collaborez tous ensemble ?

Pour le moment, ce sont des compositions personnelles. J'en ai écris l'essentiel mais tout le monde a participé. Christian, le clavier a fait une chanson ; Jérôme en a fait une aussi ; Jean-Brice en a fait une. Dans l'avenir, j'espère que l'on pourra au moins en faire quelque unes en collaboration. C'est pas facile la collaboration mais c'est quelque chose qui marchera sûrement sur quelques morceaux.

Le premier disque a été un grand succès critique. Vous ne ressentez pas d'appréhension au moment de sortir de nouveaux disques ?

Je pense que l'appréhension, tu l'as tant que tu n'as pas fait de grosses ventes. Il y a deux choses : l'accueil des critiques a été très bien mais en même temps, on n'a pas vraiment fait de chiffres réels au niveau des ventes de disques. Je pense que tu es angoissé au moment de sortir un autre album.

Nous, à la limite, on peux être attendu au tournant par les critiques de blues qui est un cercle plutôt restreint mais par rapport au grand public, on a tout à prouver. Je dirais aussi  que les compositions sont suffisamment intéressantes et bonnes pour nous donner confiance. On aurais avoir plus de mal, se forcer à faire des compositions mais on le fait parce qu'on a vraiment matière à le faire. Je ne pense pas qu'il puisse y avoir de déception profonde. Peut-être que les puristes du blues trouveront que l'on s'en éloigne encore un peu plus. Par contre sur le disque les compositions françaises sont plus louisianaises que blues du Mississippi.

D'où est-ce que cela vient ? Une expérience vécue là-bas ou est-ce une musique qui vous plaît ?

C'est parce que cela suit notre évolution personnelle. La musique de la Louisiane, quand on écoute des gens comme Dr John, Professeur Longhair même Taj Mahal, il y en a plein qui viennent de la Louisiane. Ce sont des musiques aux rythmes riches, qui prennent le blues et le développent un petit peu plus. Nous, ça nous convient très bien parce que depuis qu'on a un clavier, ça nous permet aussi de faire cette musique. C'est même une musique très axée sur les riffs de piano, la musique de la Louisiane, donc s'est aussi profiter de l'instrument nouveau qui est dans le groupe depuis un an.

Vous êtes-vous posé la question de chanter en français ou en anglais, est-ce venu naturellement ?

A un moment donné, on se paume à chanter tout le temps en anglais. Ca a été super pour se faire les dents car quand tu aimes le blues, au départ, tu vas imiter quelques trucs et tu chantes en anglais. Evidemment au bout d'un moment, on est quand même français. Je pense que l'on auras une vraie crédibilité avec nos propres compositions et en les chantant en français. Cela me semble important au bout d'un moment ; ça fait dix, quinze ans qu'on fait ça et sinon, il n'y a pas d'avenir !

En même temps, je n'ai aucune référence, ni aucun exemple à donner parmi les groupes français qui ont chanté du blues en anglais. Aucun de fait de carrière intéressante. Ce n'est pas facile non plus de le faire en français, mais les exemples sont déjà plus nombreux. Bill Deraime, Paul Personne. Nous avons peut-être un son nouveau qui naturellement, est en train de se faire. J'y crois et on y crois tous à ce truc-là.

En parlant des autres groupes, il y a une dizaine d'années beaucoup de groupes prétendaient faire du blues en ce lançant dans des artilleries très rock. Maintenant que cette musique est moins à la mode, la qualité augmente car seuls les passionnés font cette musique. Quels sont les groupes français actuels dont vous suivez la carrière ?

Là, il faut réfléchir un peu. On en a croisé dans des festivals. Miguel M fait un beau parcours en ce moment, Bo Weavil, Sweet Mama Jug Band. Greg Slapzinski fait de très bons trucs à l'harmonica. Patrice Boudeaux Lamont, un guitariste souvent sidemen qui a fait un disque très intéressant avec de bonnes chansons. C'est plus intéressant car souvent le texte est problématique. Vouloir reprendre le blues et le traduire purement et simplement, ça ne fonctionne pas facilement. J'avais bien aimé Patrick Verbeke avec l'escalier de ma môme. Benoît Blue Boy écrivait pas mal en français aussi.

Pour moi, quand le blues filtre avec le rock, j'ai du mal à considérer le résultat comme du blues. Il n'y a pas énormément de groupes à faire du blues en France, mais ça se développe. Il faut laisser du temps pour aller vers le blues authentique. La démarche est longue, la visite ne s'appréhende pas en quelques années avec les trois accords Mi, La, Si.

Votre musique est très festive : est-ce dû à vos racines méditerranéennes ?

De toute façon, on fait un blues du Sud. Même aux Etats-Unis, le Sud est festif. Je rappelle que le deuxième plus gros carnaval du monde est le Mardi Gras de la Nouvelle Orléans. Les " marching bands " reproduisent toute une notion de musique festive, populaire. On ne fait pas un blues urbain, c'est-à-dire axé sur une espèce d'énergie plus agressive.

 

 
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le 22 juin 2001 au Caveau à Jazz de Guebwiller - En exclusivité !

Le jingle des Marvelous Pig Noise

Propos recueillis par Jean-Luc & David BAERST

 

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