Mathis Haug
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Mathis, de quelle manière la musique (et le blues en particulier) est-elle entrée dans ta vie ?
J’ai toujours voulu devenir un musicien… c’est d’ailleurs ce que m’a confirmé ma grand-mère !
Même à l’âge de deux ans, lorsqu’on me demandait ce que je voulais faire plus tard (alors que mes petits camarades rêvaient d’être pompiers), je répondais « musicien ! ». mathis
Quatre ans plus tard, j’ai déménagé en Ardèche (Mathis est allemand, né en juin 1976 dans la Forêt Noire, nda) avec ma mère.
A la maison c’est la musique classique qui était prédominante. Ce style me « gonflait » un petit peu.
Heureusement, j’ai alors trouvé quelques cassettes audio sur lesquelles le terme « blues » était inscrit. A ce moment là, je ne savais pas du tout de quoi il s’agissait…
J’ai donc commencé à écouter cette musique et à y coller mes propres images. Ma mère m’a probablement dit qu’il s’agissait d’artistes noirs américains mais je ne connaissais rien à leur culture, à leur passé, à l’esclavagisme etc…
De ce fait, j’ai créé mon propre monde autour de ces sons…
De cette histoire d’enfant résulte un amour qui m’a profondément marqué.

A partir de quand as-tu décidé de te lancer, à ton tour, dans l’apprentissage de la guitare. Était-ce en tant qu’autodidacte ?
J’ai commencé à l’âge de 15 ans et j’étais complètement autodidacte…
J’ai acheté ma première guitare en Ardèche. Une région où il est assez difficile de rencontrer d’autres gens qui jouent de la musique. J’ai donc débuté tout seul…

Avant de fonder Mathis & The Mathematiks, le groupe qui t’a fait connaitre dans le milieu du blues, étais-tu membre d’autres combos ou avais-tu déjà eu l’occasion de te produire en solo ?
J’ai fait des choses en Allemagne avec des petits groupes de rock. Il s’agissait de musiques un petit peu plus expérimentales. A chaque fois cela durait quelques mois puis je faisais autre chose. Je fréquentais aussi, par ailleurs, de nombreuses jam-sessions.

Tu as donc toujours gardé un pied en Allemagne…
Je m’y produisais un peu lorsque j’avais entre 18 et 25 ans. Cependant, je n’y ai jamais effectué de grandes tournées. Depuis cette période, je ne m’y suis quasiment plus rendu pour y jouer de la musique. Ceci est lié au fait de ne pas y avoir trouvé d’agent. Comme tu le sais, il est très difficile de monter des tournées dans un pays où on a peu de contacts. J’ai donc canalisé mon énergie ailleurs…

As-tu, malgré tout, été influencé par des artistes allemands. Y-a-t-il une scène rock et blues importante ?
Il parait que oui…
Par contre je ne connais presque pas cette scène. J’aime bien un gars de Hambourg qui se nomme Abi Wallenstein. Il est actif depuis les années 1960 mais je ne l’ai jamais rencontré.
Sinon je suis assez fan d’artistes tels que Nina Hagen mais, là, on s’éloigne un peu du blues au sens strict du terme…

Qu’est-ce qui t’a poussé à enregistrer ton premier album en solo ?
Cette idée m’est venue à la suite d’une tournée avec les Mathematiks. J’ai alors donné beaucoup de concerts en solo, dans le cadre de premières parties que j’effectuais pour d’autres artistes.
Cela s’est fait très naturellement, ça n’a pas été réfléchi. Je jouais beaucoup de guitare acoustique et le fait d’être tout seul m’a donné une certaine liberté.
Je me suis retrouvé avec moi-même et ça m’a obligé à sortir ce que j’avais vraiment en moi.
C’était une bonne opportunité pour savoir où j’en étais et ce que je pouvais vraiment faire comme musique.
Ce dernier album (« Playing My Dues », label Dixiefrog, nda), je l’ai écrit, composé et arrangé moi-même. Je le maitrise de A à Z…
Je n’y ai pas joué les parties de batterie et de basse mais sinon, cela a été une bonne occasion pour me fixer un nouveau challenge.

Pourrais-tu, justement, me présenter ton univers musical ?
Mes influences sont si diversifiées que je risque de t’embrouiller (rires) !

Et au niveau de ta propre musique, comment la définirais-tu ?
Je parlerais davantage de mes musiques (rires) !
Je me considère un peu comme un jazzman. J’aime, par exemple, beaucoup le guitariste Marc Ribot même si je ne partage pas vraiment sa couleur musicale.
Le jazz est un milieu où les gens acceptent, plus facilement, que les musiciens abordent des projets très différents les uns des autres. Les mélanges et les expériences sonores y sont plus fréquentes qu’ailleurs. Il n’y a pas d’a priori…
C’est une chose dont je me sens proche…
Cela dépend aussi des périodes et du fait de se produire seul ou avec d’autres musiciens.
Par exemple, je joue beaucoup de jazz manouche, notamment avec des alsaciens et des lorrains. Je fais aussi du rock et travaille avec ma compagne qui fait de la chanson.

Quels sont les sujets, chers à ton cœur, que tu abordes dans ce CD ?
C’est très personnel puisque j’y parle, par exemple, de chômage…
En tant que musicien, on le vit parfois…
J’y évoque la vie d’artiste, l’amour…
J’y parle aussi d’une chose qui me concerne moins, à savoir l’isolement que peuvent connaitre des personnes âgées…
Il y a un peu un caractère social dans cet album…

Est-ce lié à un trait de ta personnalité, es-tu militant dans un domaine plus privé ?
Je ne le suis pas vraiment dans le sens où je ne suis pas syndiqué…
Cependant je crois que je deviens de plus en plus engagé avec l’âge…
Je suis assez fan d’un mec qui s’appelle Pierre Rabhi (agriculteur, philosophe et essayiste français d’origine algérienne, né en 1938, nda) et qui a créé un mouvement qui se nomme Colibris.
Il milite actuellement pour la campagne « Tous candidats en 2012 »…

Y aurait-il un mot qui collerait parfaitement à ton univers que nous venons d’aborder ?
C’est difficile à dire…mathis
Le mot le plus juste reste « musique » tout simplement.
Mon but est de faire une musique qui me ressemble, qui soit européenne.
Sans pour autant renier mes influences afro-américaines, j’aimerais aller vers un style qui représente de plus en plus le continent sur lequel je vis.

Cette volonté est-elle, en partie, liée au fait qu’il demeure difficile de s’imposer dans le blues en Europe… lorsqu’on est un musicien européen ?
Il est vrai que c’est difficile, que ce soit dans le blues, le reggae, le flamenco etc…
Je pense que le public, ou les amateurs, vont souvent davantage à la « source ». On écoute plus facilement un flamenquiste sud espagnol qu’un norvégien qui, pourtant, pourrait aussi s’avérer très bon.
Comme je te le disais au début de cet entretien, mes images du blues sont celles que je me suis imaginées lorsque j’étais enfant. Il s’agit de mon propre « western spaghetti », il m’appartient et il m’est très personnel. Je ne suis pas du tout à la recherche d’une soit disant authenticité…
La conquête de l’ouest ne me fait pas tant rêver que cela. Même si j’avais l’occasion d’aller vivre dans le Mississippi ou la Nouvelle-Orléans, je pense que je ne le ferais pas.

Quels sont, dans la sphère musicale européenne, les artistes dont tu te sens le plus proche ?
Même si leurs musiques ne ressemblent pas à celle que je fait, je me sens proche (dans le désordre) d’Arno, de Jacques Higelin, de Camille, de Bernard Lubat, de Pascal Comelade etc…
En blues j’aime bien Jeff Zima, Nicolas Cassagneau qui jouait avec les Flyin & The Tox…
Le dénominateur commun de tous ces gens est une identité empreinte d’un caractère local.
Je suis touché par les gens qui sont imprégnés de leurs pays, de leurs langues, de leurs régions…
Tous les noms ne me reviennent pas dans l’immédiat mais tu retiendras que j’apprécie beaucoup d’artistes, dans des registres très diversifiés !

La page Mathis & The Mathematiks est-elle définitivement tournée ou as-tu encore des projets avec ce groupe ?
C’était une bonne expérience mais je tiens à suivre ma propre voie.
Le fait d’être musicien professionnel, et de devoir faire vivre ma famille avec, implique certaines contraintes (notamment au niveau des tournées). Avec les Mathematiks nous avons réalisé un album assez produit. En concert nous ne pouvions faire qu’une musique plus « légère ». De ce fait le public ne s’y retrouvait pas toujours… Je n’ai pas envie de revivre cette frustration. Je reviendrai à des arrangements plus élaborés le jour où j’aurai davantage les moyens de les présenter sur scène. mathis

Pourrais-tu, alors, évoquer tes projets en solo ?
Je suis en pleine écriture de mon deuxième album. Mes chansons risquent, en partie, de nous faire voyager en Afrique. Il s’agit d’un continent que je ne connais pas du tout mais le résultat en sera ma vision.
Ce sera mon Afrique…
Ce disque devrait être réalisé par quelqu’un de renommé mais dont je ne peux pas encore révéler le nom, dans la mesure où la chose n’est pas encore officialisée (pour avoir vu l’enthousiasme de la personnalité en question, lors du concert, le soir même.. il semble que cette collaboration soit en bonne voie, nda).
J’ai également, des concerts de programmés dans les prochains mois…

Ecris-tu beaucoup et passes-tu beaucoup de temps à chercher des mélodies et des textes, en privé, avec ta guitare ?
Je me consacre beaucoup moins aux textes qu’aux mélodies…
Ma vie familiale est, également, très chargée mais dès que je le peux, je joue de la guitare. Je suis capable de consacrer 4 à 5 heures par jour à cette passion.
Je ne fais pas cela pour devenir le meilleur. C’est uniquement par goût et par passion de cet instrument. J’étudie aussi beaucoup. Par exemple, j’ai passé une longue période à vouloir comprendre la musique de Django Reinhardt. Je ne voulais pas spécialement la reproduire mais son lyrisme dans la mélodie m’intéressait beaucoup. Même si cela ne se ressent pas directement, je l’ai utilisé dans ma musique…
Dernièrement j’ai beaucoup bossé le western swing et je continue à m’exercer dans des choses plus expérimentales. Pour le moment, tout cela ne sort pas de ma chambre…

As-tu une conclusion à ajouter ?
Rester un enfant….

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Remerciements : Yohann (Nueva Onda), David & Philippe (Dixiefrog).

 

 

 

 
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Interview réalisée
au Théâtre 13
(Festival Blues au 13)

le 18 février 2012

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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