Mavis Staples
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Vous êtes une grande chanteuse de soul qui s'est aussi aventurée dans le gospel par le passé. Quel type de musique pratiquez-vous aujourd'hui sur scène ?
A la base, il est vrai que je suis une chanteuse de gospel.
Cependant j'ai fait une carrière dans la soul music, style dans lequel vous pouvez aussi entendre des réminiscences de gospel lorsque je le pratique.

Actuellement sur scène, nous refaisons des vieux titres des Staples Singers période Stax. Nous y ajoutons des nouveaux titres issus de mon album " Have a little faith " paru sur le label Alligator.

Refaites-vous également des titres parus initialement sur vos albums solos enregistrés pour la firme Stax ?
Je ne refais pas ces morceaux car je n'ai pas pu les répéter avec mon groupe. Par ailleurs, cela date de tellement longtemps que moi-même, je ne m'en souviens plus très bien. Je ne sais plus dans quelle tonalité les faire. Si je devais les chanter actuellement, je ne pourrai le faire qu'avec ma seule voix, sans le groupe.

Pouvez-vous nous parler de vos album de spirituals enregistré avec Lucky Peterson et avez vous un projet d'enregistrement dans un registre de gospel contemporain ?
L'idée d'enregistrer un album de chansons de Mahalia Jackson était la mienne car cette chanteuse a toujours été mon idole.
A l'époque je devais faire deux morceaux sur un album de Maria Muldaur et lors de cet enregistrement je n'arrêtais pas de parler de Mahalia Jackson entre chaque prise.

Cependant, à ce moment là, je ne savais pas à quelle compagnie m'adresser pour réaliser ce projet. C'est alors qu'un producteur de la session m'a parlé du label Verve sur lequel Lucky Peterson était déjà signé. J'ai donc voulu faire quelque chose qui soit le plus proche possible du style de Mahalia, au niveau du chant et de l'accompagnement, c'est à dire juste avec un piano ou un orgue. Je me suis même opposé à l'idée d'un producteur de chez Verve qui voulait ajouter une section rythmique.

En ce qui concerne un éventuel projet d'enregistrement d'un album de gospel contemporain, je pense que c'est déjà en partie réalisé sur mon dernier album " Have a little faith ".
Si toutes les chansons n'y sont pas des chansons " spiritual ", elles portent toutes des messages positifs et d'information qui vont dans le même sens.
Le prochain album que je ferai sera un mélange de gospel et de chansons à message.

Qu'a représenté pour vous l'événement Wattstax ?
C'était vraiment une expérience formidable, pleine de joie.
A cette époque les Staples Singers n'avaient jamais joué devant une telle foule. C'était un Festival de musiciens noirs, il n'y avait que des noirs dans le public du stade et nous avions tous l'impression de nous retrouver dans une réunion de famille, avec nos oncles et nos cousins.

De surcroît nous ne devions pas y participer, car nous avions un engagement à Las Vegas en première partie d'un spectacle de Sammy Davis Jr. Par chance au dernier moment ce dernier a décidé d'interrompre sa série de galas pour une ou deux journées pour aller à Washington féliciter le Président Nixon. Cela tombait juste au moment de Wattstax et nous a permis de nous y produire.

Il y avait tous les artistes et les amis de la firme Stax, c'était très chaleureux…. D'habitude lorsque un artiste interrompt un spectacle c'est toujours très frustrant, mais dans ce cas de figure nous étions très heureux. Nous sommes retournés à Las Vegas dès la fin de Wattstax pour continuer notre série de galas avec Sammy Davis Junior.

Je voulais aussi ajouter que je ne considère pas mon travail comme un fardeau. C'est un bonheur de chanter et le faire dans des conditions telles qu'à Wattstax devant une foule énorme et familiale fut une grande joie.

On vous voit aussi dans le DVD " Soul to Soul " qui retrace un grand concert au Ghana avec de nombreux artistes (Ike & Tina Turner, Wilson Pickett etc…., Nda), cela représente t-il un sentiment aussi fort pour vous ?
Oui, c'était en 1970 et il s'agissait d'une revue de Soul Music avec plusieurs artistes afro-américains.
Pour nous qui n'avions jamais vu l'Afrique, c'était comme un retour aux sources. Pendant le show, le public africain dansait et exultait, c'était très chaleureux.

Je garde aussi le souvenir d'une vieille femme qui mâchait une brindille, cela m'a beaucoup touché car c'était quelque chose que faisait toujours ma grand-mère.

Nous avons aussi été invités pour un dîner africain en dehors de la ville, dans la brousse. Lorsque j'ai vu la façon dont la table était dressée, j'ai remarqué que c'était exactement comme ma mère le faisait lors des grandes occasions familiales. J'ai vraiment ressenti cette sensation de retour aux sources….

Pouvez-vous nous parler des Dixie Hummingbirds qui sont invités sur votre dernier disque ?
Je les ai rencontré lorsque j'étais une enfant car mon père m'emmenait les voir en concert à ce moment là.
Par la suite nous avons parfois fait des tournées ensemble.

Cependant lorsque j'ai fais ce CD, cela faisait des années que je ne les avais plus vu et il n'était pas prévu qu'ils y participent. C'est lorsque je mixais un titre de cet album que je les ai croisé dans le même studio où ils enregistraient aussi. Ira Tucker (leader charismatique du groupe depuis 1938, Nda) m'a dit qu'il faudrait y ajouter des chœurs et c'est donc eux-même qui s'en sont chargés.

C'est ainsi que les Dixie Hummingbirds figurent sur le disque.
Me retrouver en studio avec les Dixie Hummingbirds dont j'étais une fan dans mon enfance, pour moi ce n'est pas un hasard, c'est la volonté de Dieu.

Sur un titre on entend aussi la guitare de votre père, Pop Staples, décédé il y a quelques temps, pouvez vous nous expliquer la chose ?
Alors que mon père, Pops Staples, était déjà malade nous avions décidé d'enregistrer un nouvel album des Staples Singers. Nous avons commencé par ses parties de guitare, nous pensions enregistrer les voix par la suite. Malheureusement ma sœur Cleotha a été frappé à son tour par la maladie d'Halzeimer et de ce fait l'album du groupe ne pouvait plus voir le jour.

C'est pourquoi nous allons sortir uniquement un album de Pop Staples avant la fin de l'année. Après le décès de mon père j'ai décidé de retirer deux titres de son album pour les inclure dans le mien, c'est pourquoi vous pouvez l'entendre à mes côtés.

A quelle époque ces enregistrements de votre père ont été réalisés ?
Cela date de 1997, c'est lui qui voulait que les Staples Singers refassent un nouveau CD. Nous avons commencé à enregistrer à Memphis et c'est moi qui produisais. Mais comme il était malade, les enregistrements étaient entrecoupés par ses séjours à l'hôpital. En tant que productrice j'ai insisté pour qu'il n'y ait que lui et sa guitare sur l'enregistrement.

Je ne voulais pas d'autres musiciens. Il a été d'accord et aujourd'hui je peux vous promettre que vous entendrez la voix de Pop Staples au 21ème siècle.
Il est possible que le disque sorte sur le label Alligator car Bruce Iglauer adore les bandes qu'il a en sa possession. Je vais un peu le faire languir avant de lui donner mon feu vert (rires).

Comment s'est passé l'enregistrement avec Doctor John sur son dernier album ?
Cela s'est superbement passé, il m'a appelé un jour en me disant : " Mavis baby, je te veux sur mon album " (Mavis imite alors la voix de Doctor John, Nda). Comme j'étais à Chicago et lui à La Nouvelle Orléans, nous avons chacun enregistré de notre côté sans nous voir.

L'année dernière était incroyable pour moi car j'ai enregistré avec pratiquement tous mes amis ; Bob Dylan, Doctor John, Los Lobos, The Blind Boys of Alabama etc….

Est-ce vrai qu'il y a quelques années Bob Dylan a voulu vous épouser ?
(Rires) Ce n'était pas il y a quelques années, c'était il y a très longtemps !
A l'époque, Bob était considéré comme un chanteur de folk. Comme les musiques afro-américaines l'étaient aussi (dans le sens folklore, Nda), nous nous produisions souvent dans les mêmes Festivals et avons souvent voyager ensemble.
Lors de notre première rencontre, il avait 15 ans et moi j'en avais 16. Un jour après être devenu amis, nous nous sommes regardé et nous nous sommes rendu compte que nous nous plaisions beaucoup….

Nous avons vécu 7 ans ensemble. Un jour Bob a dit à mon père qu'il voulait m'épouser, ce à quoi Pops a répondu : " Mais ne dis pas ça à moi, dis lui à elle ! " (Rires).

Nous sommes encore de très bon amis. À titre d'exemple, avec ma sœur Yvonne, nous réalisons actuellement un documentaire sur la vie des Staples Singers.

Je voulais que Bob fasse un témoignage dans ce film comme il connaît bien la famille. Son manager m'a dit que Bob Dylan ne fera pas ça. Je lui ai donc demandé directement et il m'a dit que bien sûr il le fera (Mavis à ce moment là imite la voix de Bob Dylan de façon hilarante, Nda), il y racontera donc son expérience auprès de nous.

Un jour lors d'un concert, le groupe qui faisait ma première partie était le groupe du fils de Bob Dylan, Jacob.
A la fin de son set, Jacob est venu me voir en me disant : " Mademoiselle Mavis, Mademoiselle Mavis, seriez vous d'accord pour faire une chanson avec nous ? ". Je lui ai dit d'accord et demandé ce qu'il voulait chanter, à ce moment là ma sœur Yvonne est allé voir Jacob et lui a dit : " Mais Jacob, est-ce que tu sais que tu est le fils de Mavis ? ", il m'a demandé si c'était vrai et je lui ai dit que oui (rires)….

Tous mes remerciements à Tim Banks et à toute l'équipe de la société Remy Martin pour leur sympathique accueil.

 
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Interview réalisée au Cognac Blues Passions le 31 Juillet 2005

Propos recueillis par David BAERST

 

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