Michel Carras
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST
Comment en est-tu arrivé à la musique ?
Pour en venir à la musique, je suis né tout simplement. Mon père était musicien, comme toute ma famille d'ailleurs. J'ai suivi un long chemin pour en arriver au blues. Du rock, de la musique africaine et tout ce qu'on peut imaginer, sauf de la variété. Je dois dire que je ne suis pas très doué pour ça !

Quelles ont été tes influences ?
J'ai découvert le blues assez vite. Vers onze, douze ans : à l'époque on entendais encore beaucoup d'émissions de jazz et de blues à la radio. Boris Vian faisait un travail exceptionnel dans les maisons de disques. Il sortait des 45 tours de blues. Je me rappelle avoir acheté des 45 tours de Lighting Hopkins. J'ai découvert Ray Charles quand il faisait encore du blues. j'ai toujours aimé le blues et le jazz autant l'un que l'autre depuis que je suis tout petit.

Comment s'est passée votre rencontre avec Luther Allison ?
Ca remonte à 1980, je pense. A l'époque, je jouais dans un groupe de rock un peu mythique " la Ray Martin Factory ". On a fait toute une tournée en première partie de Luther, jammant ensemble tous les soirs. Quelques mois après comme il se retrouvait sans piano, il m'a demandé de faire le reste de la tournée avec lui. De retour aux Etats-Unis, il m'a proposé de venir y jouer avec lui. C'est parti comme ça pour quinze ans.

Au long de ces quinze années, quels ont été tes souvenirs les plus marquants ?
Chez Luther, j'ai surtout retenu sa générosité vis-à-vis du public. Quelquefois ça nous fatiguait un peu, spécialement lors des longues tournées. Il était capable de concerts de trois, quatre heures, sans break, quatre ou cinq jours par semaine. Il fallait qu'il donne, qu'il donne toujours. Tout pour le public.

Une histoire marquante ?
Un soir, je ne sais où. On revenait au concert après avoir été dîner en ville. J'essaye de passer la porte quand le service d'ordre me refuse l'accès. Quand j'explique que je suis le pianiste de Luther Allison, il me réplique qu'il est déjà entré ! J'ai dû appeler Luther et sa femme et manageuse, Rockie.

Tu t'es pas mal investi dans l'album de Zach Prather. Comment est-ce arrivé ?
C'est une autoproduction qui sort sur le label d'un vieil ami nommé Jacques " Upin ". Il possède ce club incroyable à Rouan, l'Exocet. Aucune major n'a voulu de nous, ce qui dans ses temps troublés peut se comprendre. Personne ne veut toucher au blues. On a décidé de s'y mettre tous seuls et voilà !

Comment peux-tu expliquer cette désaffection vis-à-vis du blues ?
Ce n'est pas vraiment une désaffection. Le truc le plus troublant est que notre public habituel dans les concerts, même les jeunes, est absolument ravi. Il faut seulement trouver le moyen de leur faire rencontrer cette musique. Ça ne peut pas se passer par les médias traditionnels. On est dans la marge ; on y est même très bien. Mais il faut que les gens sachent qu'on existe et que des choses intéressantes s'y passent. C'est assez frappant de voir venir des jeunes de quatorze, quinze ans dans les concerts en accompagnant leurs parents. Ils sont tout à fait scotchés par la musique.

Quels conseils donnerais-tu à des débutants ?
Bien sûr, ça marche au feeling et à l'instinct. La première chose est qu'il faut écouter les anciens. Il faut être certain d'avoir quelque chose à dire. C'est pas facile en Province de trouver des musiciens pour cette musique. Il faut être persévérant et avoir beaucoup de chance, je dirais. Si je n'avais pas eu la chance de rencontrer Luther, je ne sais pas quelle aurait été ma carrière par la suite. La chance, il faut aussi la chercher quand elle se présente.


 
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Interview réalisée au Cylindre de Larnod le 16 mai 2003

Propos recueillis par David BAERST et Jean-Luc
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