Pour commencer, Mike, pouvez-vous me parler de
la situation du Rock'n'Roll, à Toulouse, durant votre enfance?
Ce sera vite fait d'en parler car il n'y avait rien
En dehors de la fête du 14 Juillet, sur la Place du Capitole, avec
un accordéon!
A la radio on entendait des chanteurs aux noms hispanisants comme Dario
Moreno, Louis Mariano ou encore Gloria Lasso, ainsi que tout un tas de
trucs qui ne me satisfaisaient pas
Un jour j'ai capté par hasard, sur le gros poste de radio familial,
une station anglaise qui était "Radio Luxembourg ". C'est
à ce moment là, que pour la première fois de ma vie,
j'ai compris qu'il existait une musique qui changerait ma vie. En tombant
sur cette radio, je me suis immédiatement dit " Mais ce n'est
pas possible, c'est ça! ".
Avez-vous, par la suite, commencé à
fonder des groupes sur place ou avez-vous attendu de " monter "
à Paris pour cela?
Il faut comprendre que cela n'existait pas à l'époque, il
n'y avait même pas de guitares électriques. Nous considérions
cet instrument comme un objet extra-terrestre, qu'on voyait de temps en
temps dans une revue.
A Toulouse il n'y avait rien, d'ailleurs, pour électrifier nos
guitares. Nous branchions des micros sur nos modèles espagnols
tout en les connectant à une prise " pick-up " sur le
poste de radio, ceci nous servait d'ampli. Nous nous débrouillions
comme cela, c'était la préhistoire totale
Pouvez-vous me parler plus spécifiquement
de votre départ sur Paris. Etait-ce lié uniquement à
l'audition afin d'intégrer les Chats Sauvages ou bien était-ce
un souhait clairement défini car vous souhaitiez tenter votre chance
" tout court "?
Je suis monté à Paris parce que je n'en pouvais plus de
vivre à Toulouse où il ne se passait rien.
Cependant entre le " rien " dont je parle et mon départ
à Paris, il y a eu quelques expériences avec des copains,
nous jouions dans les surboums. Ce n'était pas suffisant et je
suis parti
Arrivé dans la Capitale j'ai entendu parler d'une audition pour
les Chats Sauvages, dont le chanteur (Dick Rivers, Nda) venait de partir.
J'y suis allé sans conviction mais les choses se sont bien passées
J'ai intégré le groupe en 1962. Ceci n'était pas
aisé car les Chats Sauvages étaient fortement marqués
par le passage de Dick Rivers. Heureusement il y a eu cette formidable
chanson qui était " Derniers baisers " (adaptation
française de " Sealed with a kiss ", Nda) qui a fonctionné
très rapidement.
Ceci a permis au groupe de continuer à exister pendant quelques
mois (le groupe était alors managé par l'ami toulousain
de Mike, à savoir Ticky Holgado, Nda). Malheureusement la mode
a changé et nous nous sommes retrouvés à bout de
souffle face à la " British Invasion " et à ces
musiciens d'outre Manche, avec leurs coupes de cheveux complètement
démentes pour l'époque. En 1964 nous étions complètement
cuits
C'est à ce moment là que vous avez
décidé de partir pour le Canada ou avez-vous eu d'autres
aventures avant cela?
J'ai fait quelques disques pour le label Vogue avant de partir en tournée
au Québec avec la tournée " Antoine et les Problèmes
". Avec ce plateau nous y avons fait beaucoup de concerts.
Sur place j'ai fait la rencontre d'une maison de production qui m'a signé
et, de ce fait, je me suis installé à Montréal, Canada.
Combien de temps êtes-vous resté
sur place et pouvez-vous me parler de la scène musicale que vous
y avez trouvé?
Je suis resté deux ans et demi, la scène musicale y était
de très bonne qualité. Il y avait des tas de chanteurs qui
faisaient très bien leur métier. La façon de travailler
au Québec n'a rien à voir avec celle qui n'existe toujours
pas, d'ailleurs, en France.
Il y a des endroits pour jouer partout et les musiciens s'y produisent
2 à 3 fois par jour. Ce sont des Clubs dans lesquels on peut vraiment
apprendre son métier.
Donc aujourd'hui il ne faut pas s'étonner quand on voit arriver
des gens du Québec qui sont absolument parfaits. Cela veut dire
qu'ils ont derrière eux plusieurs années de travail effectif
devant un public, il n'y a pas de miracle
ils savent le faire!
Vous êtes aussi un " songwriter "
de talent puisque des artistes tels que Johnny Mathis et Shirley Basset
ont interprété vos morceaux
Après m'être fait " jeté " du Québec,
car la politique d'immigration y est très sélective et que
je n'avais aucun intérêt pour eux étant artiste, je
suis rentré en France contre mes envies.
A Paris il ne se passait pas grand-chose donc je me suis réfugié
dans ma ville de Toulouse où j'ai commencé à écrire
des chansons et à faire des choses très intéressantes.
C'était une époque formidable
J'ai surtout commencé à écrire pour Dick Rivers en
compagnie de Serge Koolen du groupe " Il était une fois ".
Entre temps certaines chansons sont parties à droite et à
gauche, ce qui est une bonne chose.
Aujourd'hui, ce que je préfère faire dans le métier,
c'est écrire des morceaux, même s'il est vrai que je chante
toujours avec plaisir.
Puisque vous l'avez évoqué, comment
se passait votre relation avec Dick Rivers. C'était paradoxal puisque
vous étiez les deux anciens chanteurs du même groupe?
Nous n'étions pas du tout en situation de rivalité, nous
étions très copains. Les choses se passaient très
bien. Je lui proposais des chansons : si elles lui plaisaient il les faisait,
sinon je les montrais à un autre artiste. Il n'y a jamais eu de
problème
Est-ce aussi à ce moment là que
vous avez décidé de vous plonger davantage dans la Country
Music?
Je suis toujours en train d'écouter de la musique; des Thèmes
de Films, des Comédies Musicales, même du Classique. Petit
à petit je me suis rapproché de la Country Music parce qu'on
trouve de tout dans cette musique.
On en a une mauvaise image en France car on estime que c'est toujours
des chansons de scouts, au coin du feu, avec du banjo. La New Country
Music est aujourd'hui la musique la plus jouée sur la planète.
C'est un style formidable car il y a du rythme et des harmonies extraordinaires.
C'est ce que je préfère
Quels sont les artistes que vous préférez
dans ce genre?
Il y en a beaucoup
J'ai un petit penchant pour la Bluegrass avec des artistes tels que Alison
Krauss, Dwight Yoakam que je trouve fabuleux et il y en a tant d'autres.
Je pourrais en parler des heures, d'ailleurs j'anime une émission
de radio spécialisée sur une station locale.
Ma vie se passe de façon plutôt agréable, surtout
quand mes titres sont réenregistrés 45 ans après
comme cela vient d'être le cas avec Laurent Voulzy et sa reprise
de " Derniers Baisers ".
Cela a été une grande surprise, merci et bravo Laurent,
quel bonheur
C'était à l'époque une chanson pour laquelle je m'étais
battu car Les Chats Sauvages n'en voulaient pas. Finalement il fallait
équilibrer le disque et comme nous avions déjà trois
Rocks, j'ai obtenu gain de cause avec cette Ballade. La chanson a fait
un carton et voir le succès de ce titre aujourd'hui, c'est fabuleux!
Aviez-vous été informé à
l'avance de cette reprise ou l'avez-vous entendue, un jour, par hasard
à la radio ?
Je savais que Laurent voulait faire un album de chansons qu'il aime bien
et que " Derniers Baisers " était dans la liste. Cependant
j'étais à des années lumière de penser que
ce morceau serait le titre phare de son album.
Nous parlions de Country Music, sachant que votre
nom est aussi attaché au Festival de Mirande, pouvez-vous me parler
de cette expérience dans le monde des Festivals Country?
Le Festival de Mirande a lieu dans le Gers, donc pas très loin
de Toulouse. Il y avait une équipe formidable qui avait envie de
créer un Festival. C'est, dans un premier temps, Jean Sarrus des
Charlots qui m'en a parlé. Nous nous sommes attelés à
faire de la Country Music au milieu du Gers et les choses continuent à
bien se passer car le Festival existe maintenant depuis une douzaine d'années.
Je ne m'en occupe plus activement mais c'est un bel exemple réussite
et je suis très heureux d'avoir participé à sa naissance
et à sa pérennité.
Actuellement, combien de disques de vous pouvons-nous
trouver dans le commerce et continuez-vous à enregistrer régulièrement?
Cela n'a jamais arrêté, il y a continuellement des rééditions
de choses faites avec Les Chats Sauvages. A titre personnel, j'ai toujours
des disques qui sortent. Il y a d'ailleurs une anthologie de ma carrière,
de 1962 à aujourd'hui, qui vient d'être éditée
(label Magic Records, Nda).
J'ai aussi plein de projets que je fais en prenant mon temps car je
fais tout absolument seul. Des chansons " mijotent " actuellement
dans ma tête
Comment qualifier votre musique aujourd'hui en
2006? Quand on pense à vous on pense aussi un peu à Cliff
Richard
La musique qui sort de ma tête fait partie intégrante de
moi. C'est un mélange de Rock'n'Roll, de Country Music et de toutes
les choses que j'aime bien. Si on a quelques tendances à me comparer
à Cliff, cela me fait un plaisir fou. J'ai un respect considérable
pour lui et que je le considère comme le plus grand, le plus fort.
C'est un homme fabuleux et j'engage les auditeurs à s'en rapprocher
afin de savoir ce qu'il fait aujourd'hui et d'écouter la qualité
de son travail.
C'est très bien, j'essaye d'atteindre la cheville de mon maître
(rires).
Auriez-vous autre chose à ajouter, peut
être par rapport à la situation de la musique en France actuellement?
La musique en France actuellement est exclusivement réservée
aux jeunes générations. C'est très bien mais il y
des gens qui ont mon âge qui ne trouvent pas leur bonheur parmi
ce qu'on leur présente. Ils n'ont pas accès aux médias.
Ceci peut être préjudiciable car la génération
que je représente a un pouvoir d'achat important et ne demande
qu'à s'éclater et à vivre.
On n'est plus vieux à 60 ans aujourd'hui
Le spectacle auquel je participe ce soir (Génération
Rock'n'Roll, Nda) est la preuve qu'il y a une demande pour la nostalgie
et pour faire plaisir à beaucoup de gens.
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