Mike Shannon
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Pour commencer, Mike, pouvez-vous me parler de la situation du Rock'n'Roll, à Toulouse, durant votre enfance?
Ce sera vite fait d'en parler car il n'y avait rien…
En dehors de la fête du 14 Juillet, sur la Place du Capitole, avec un accordéon!

A la radio on entendait des chanteurs aux noms hispanisants comme Dario Moreno, Louis Mariano ou encore Gloria Lasso, ainsi que tout un tas de trucs qui ne me satisfaisaient pas…

Un jour j'ai capté par hasard, sur le gros poste de radio familial, une station anglaise qui était "Radio Luxembourg ". C'est à ce moment là, que pour la première fois de ma vie, j'ai compris qu'il existait une musique qui changerait ma vie. En tombant sur cette radio, je me suis immédiatement dit " Mais ce n'est pas possible, c'est ça! ".

Avez-vous, par la suite, commencé à fonder des groupes sur place ou avez-vous attendu de " monter " à Paris pour cela?
Il faut comprendre que cela n'existait pas à l'époque, il n'y avait même pas de guitares électriques. Nous considérions cet instrument comme un objet extra-terrestre, qu'on voyait de temps en temps dans une revue.

A Toulouse il n'y avait rien, d'ailleurs, pour électrifier nos guitares. Nous branchions des micros sur nos modèles espagnols tout en les connectant à une prise " pick-up " sur le poste de radio, ceci nous servait d'ampli. Nous nous débrouillions comme cela, c'était la préhistoire totale…

Pouvez-vous me parler plus spécifiquement de votre départ sur Paris. Etait-ce lié uniquement à l'audition afin d'intégrer les Chats Sauvages ou bien était-ce un souhait clairement défini car vous souhaitiez tenter votre chance " tout court "?
Je suis monté à Paris parce que je n'en pouvais plus de vivre à Toulouse où il ne se passait rien.
Cependant entre le " rien " dont je parle et mon départ à Paris, il y a eu quelques expériences avec des copains, nous jouions dans les surboums. Ce n'était pas suffisant et je suis parti…

Arrivé dans la Capitale j'ai entendu parler d'une audition pour les Chats Sauvages, dont le chanteur (Dick Rivers, Nda) venait de partir. J'y suis allé sans conviction mais les choses se sont bien passées…

J'ai intégré le groupe en 1962. Ceci n'était pas aisé car les Chats Sauvages étaient fortement marqués par le passage de Dick Rivers. Heureusement il y a eu cette formidable chanson qui était " Derniers baisers " (adaptation française de " Sealed with a kiss ", Nda) qui a fonctionné très rapidement.

Ceci a permis au groupe de continuer à exister pendant quelques mois (le groupe était alors managé par l'ami toulousain de Mike, à savoir Ticky Holgado, Nda). Malheureusement la mode a changé et nous nous sommes retrouvés à bout de souffle face à la " British Invasion " et à ces musiciens d'outre Manche, avec leurs coupes de cheveux complètement démentes pour l'époque. En 1964 nous étions complètement cuits…

C'est à ce moment là que vous avez décidé de partir pour le Canada ou avez-vous eu d'autres aventures avant cela?
J'ai fait quelques disques pour le label Vogue avant de partir en tournée au Québec avec la tournée " Antoine et les Problèmes ". Avec ce plateau nous y avons fait beaucoup de concerts.
Sur place j'ai fait la rencontre d'une maison de production qui m'a signé et, de ce fait, je me suis installé à Montréal, Canada.

Combien de temps êtes-vous resté sur place et pouvez-vous me parler de la scène musicale que vous y avez trouvé?
Je suis resté deux ans et demi, la scène musicale y était de très bonne qualité. Il y avait des tas de chanteurs qui faisaient très bien leur métier. La façon de travailler au Québec n'a rien à voir avec celle qui n'existe toujours pas, d'ailleurs, en France.

Il y a des endroits pour jouer partout et les musiciens s'y produisent 2 à 3 fois par jour. Ce sont des Clubs dans lesquels on peut vraiment apprendre son métier.

Donc aujourd'hui il ne faut pas s'étonner quand on voit arriver des gens du Québec qui sont absolument parfaits. Cela veut dire qu'ils ont derrière eux plusieurs années de travail effectif devant un public, il n'y a pas de miracle…ils savent le faire!

Vous êtes aussi un " songwriter " de talent puisque des artistes tels que Johnny Mathis et Shirley Basset ont interprété vos morceaux…
Après m'être fait " jeté " du Québec, car la politique d'immigration y est très sélective et que je n'avais aucun intérêt pour eux étant artiste, je suis rentré en France contre mes envies.
A Paris il ne se passait pas grand-chose donc je me suis réfugié dans ma ville de Toulouse où j'ai commencé à écrire des chansons et à faire des choses très intéressantes.
C'était une époque formidable…

J'ai surtout commencé à écrire pour Dick Rivers en compagnie de Serge Koolen du groupe " Il était une fois ". Entre temps certaines chansons sont parties à droite et à gauche, ce qui est une bonne chose.

Aujourd'hui, ce que je préfère faire dans le métier, c'est écrire des morceaux, même s'il est vrai que je chante toujours avec plaisir.

Puisque vous l'avez évoqué, comment se passait votre relation avec Dick Rivers. C'était paradoxal puisque vous étiez les deux anciens chanteurs du même groupe?
Nous n'étions pas du tout en situation de rivalité, nous étions très copains. Les choses se passaient très bien. Je lui proposais des chansons : si elles lui plaisaient il les faisait, sinon je les montrais à un autre artiste. Il n'y a jamais eu de problème…

Est-ce aussi à ce moment là que vous avez décidé de vous plonger davantage dans la Country Music?
Je suis toujours en train d'écouter de la musique; des Thèmes de Films, des Comédies Musicales, même du Classique. Petit à petit je me suis rapproché de la Country Music parce qu'on trouve de tout dans cette musique.

On en a une mauvaise image en France car on estime que c'est toujours des chansons de scouts, au coin du feu, avec du banjo. La New Country Music est aujourd'hui la musique la plus jouée sur la planète. C'est un style formidable car il y a du rythme et des harmonies extraordinaires. C'est ce que je préfère…

Quels sont les artistes que vous préférez dans ce genre?
Il y en a beaucoup…
J'ai un petit penchant pour la Bluegrass avec des artistes tels que Alison Krauss, Dwight Yoakam que je trouve fabuleux et il y en a tant d'autres. Je pourrais en parler des heures, d'ailleurs j'anime une émission de radio spécialisée sur une station locale.

Ma vie se passe de façon plutôt agréable, surtout quand mes titres sont réenregistrés 45 ans après comme cela vient d'être le cas avec Laurent Voulzy et sa reprise de " Derniers Baisers ".
Cela a été une grande surprise, merci et bravo Laurent, quel bonheur…

C'était à l'époque une chanson pour laquelle je m'étais battu car Les Chats Sauvages n'en voulaient pas. Finalement il fallait équilibrer le disque et comme nous avions déjà trois Rocks, j'ai obtenu gain de cause avec cette Ballade. La chanson a fait un carton et voir le succès de ce titre aujourd'hui, c'est fabuleux!

Aviez-vous été informé à l'avance de cette reprise ou l'avez-vous entendue, un jour, par hasard à la radio ?
Je savais que Laurent voulait faire un album de chansons qu'il aime bien et que " Derniers Baisers " était dans la liste. Cependant j'étais à des années lumière de penser que ce morceau serait le titre phare de son album.

Nous parlions de Country Music, sachant que votre nom est aussi attaché au Festival de Mirande, pouvez-vous me parler de cette expérience dans le monde des Festivals Country?
Le Festival de Mirande a lieu dans le Gers, donc pas très loin de Toulouse. Il y avait une équipe formidable qui avait envie de créer un Festival. C'est, dans un premier temps, Jean Sarrus des Charlots qui m'en a parlé. Nous nous sommes attelés à faire de la Country Music au milieu du Gers et les choses continuent à bien se passer car le Festival existe maintenant depuis une douzaine d'années.

Je ne m'en occupe plus activement mais c'est un bel exemple réussite et je suis très heureux d'avoir participé à sa naissance et à sa pérennité.

Actuellement, combien de disques de vous pouvons-nous trouver dans le commerce et continuez-vous à enregistrer régulièrement?
Cela n'a jamais arrêté, il y a continuellement des rééditions de choses faites avec Les Chats Sauvages. A titre personnel, j'ai toujours des disques qui sortent. Il y a d'ailleurs une anthologie de ma carrière, de 1962 à aujourd'hui, qui vient d'être éditée (label Magic Records, Nda).

J'ai aussi plein de projets que je fais en prenant mon temps car je fais tout absolument seul. Des chansons " mijotent " actuellement dans ma tête…

Comment qualifier votre musique aujourd'hui en 2006? Quand on pense à vous on pense aussi un peu à Cliff Richard
La musique qui sort de ma tête fait partie intégrante de moi. C'est un mélange de Rock'n'Roll, de Country Music et de toutes les choses que j'aime bien. Si on a quelques tendances à me comparer à Cliff, cela me fait un plaisir fou. J'ai un respect considérable pour lui et que je le considère comme le plus grand, le plus fort. C'est un homme fabuleux et j'engage les auditeurs à s'en rapprocher afin de savoir ce qu'il fait aujourd'hui et d'écouter la qualité de son travail.
C'est très bien, j'essaye d'atteindre la cheville de mon maître (rires).

Auriez-vous autre chose à ajouter, peut être par rapport à la situation de la musique en France actuellement?
La musique en France actuellement est exclusivement réservée aux jeunes générations. C'est très bien mais il y des gens qui ont mon âge qui ne trouvent pas leur bonheur parmi ce qu'on leur présente. Ils n'ont pas accès aux médias.

Ceci peut être préjudiciable car la génération que je représente a un pouvoir d'achat important et ne demande qu'à s'éclater et à vivre.

On n'est plus vieux à 60 ans aujourd'hui…

Le spectacle auquel je participe ce soir (Génération Rock'n'Roll, Nda) est la preuve qu'il y a une demande pour la nostalgie et pour faire plaisir à beaucoup de gens.

 
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Les liens :

Interview réalisée à l'Olympia de Paris le 2 Septembre 2006

Propos receuillis par David BAERST

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