Mike Zito
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Originaire du Missouri mais texan d’adoption, le chanteur-guitariste Mike Zito mène rondement une carrière déjà riche en succès. On lui doit notamment la création du groupe Royal Southern Brotherhood, qui demeure l’une des grandes sensations de la scène américaine de ces dernières années. De plus, ses talents de producteur et songwriter le conduisent à collaborer avec d’autres musiciens, tous séduits par ses nombreux talents. Des activités qui n’empêchent pas Mike Zito de voir s’étendre sa propre carrière. Cette dernière l’a, d’ailleurs,mené pour la première fois en France (en tout cas sous son propre nom) durant le mois de novembre 2017. C’est à cette occasion que je suis allé à sa rencontre, afin de constater par moi-même que cet artiste garde résolument la tête bien ancrée sur les épaules.

Mike, afin de débuter cet entretien, peux-tu revenir sur ton enfance qui s’est déroulée dans le Missouri ?
J’ai, en effet, grandi à St. Louis dans le Missouri. Mon père était brasseur et travaillait pour l’usine Budweiser. Ma mère, quant à elle, était femme au foyer. Nous étions une famille normale, issue de la classe moyenne américaine. Des gens normaux qui n’étaient ni riches, ni pauvres. Personne ne jouait de la musique à la maison. J’ai reçu ma première guitare alors que j’étais âgé de 8 ans. Cela m’a rendu complètement fou (rires) !66

A partir de ce moment-là, as-tu suivi une éducation musicale ?
Je n’ai pas eu d’éducation musicale formelle. Je m’inspirais de ce qu’écoutait mon père, à savoir des big bands et du swing. C’est ce que j’entendais lorsque j’étais enfant, avant de me tourner vers le rock’n’roll. Je me suis, alors, plongé dans les univers d’artistes tels que Led Zeppelin, Van Halen et (plus globalement) la musique des années 1970 et 1980. J’ai ressenti mes plus grands chocs en écoutant Jimi Hendrix, Stevie Ray Vaughan, Johnny Winter etc. Puis il y a eu le blues avec Muddy Waters, B.B. King, Albert King… J’ai, par la suite, travaillé durant 10 ans dans un magasin de musique à St. Louis. C’était entre mes 18 et 28 ans… C’est là que mon éducation a vraiment eu lieu.

Quand as-tu, alors, débuté en tant que musicien professionnel ?
C’est pendant que je travaillais dans cette boutique que je me suis perfectionné. J’ai pris conscience que je voulais vivre de la musique. Je suis devenu guitariste pour un groupe de musique soul. Nous reprenions des titres de la firme Motown et, de manière plus générale, de la musique des années 1960. J’avais 19 ans et je faisais cela en parallèle de mon travail. Puis c’est en formant mon propre groupe que la question de vivre de la musique est venue à moi. J’avais une vingtaine d’année et je jouais du rock’n’roll et du blues inspiré par celui que pratiquait Jimi Hendrix. A partir de là, j’ai commencé à écrire mes propres chansons et à me produire en interprétant ma propre musique.

En tant qu’auteur-compositeur, peux-tu me dire où tu puises ton inspiration ?
Dans toute la musique que j’ai pu écouter en grandissant ! Je me nourrissais de l’œuvre de Led Zeppelin, de Stevie Ray Vaughan, de Van Halen… Bien sûr, l’art de B.B. King a, aussi, été très important au même titre que celui de Prince. J’écoutais beaucoup de musiques différentes et toutes m’ont influencé. Mon registre s’est étendu et navigue actuellement entre titres funky, blues, rock, rock’n’roll, country etc.

Avec ces goûts aussi diversifiés, comment définirais-tu ce qui est devenu ton propre style ?
Dans l’absolu, c’est de la musique américaine. Ceci car il s’agit de la combinaison que je citais précédemment. Je peux même y apporter une touche jazzy car j’aime, également, beaucoup de musiciens de jazz.

Que ressens-tu réellement lorsque tu écris une chanson ?
Quand j’écris, il faut qu’un bon feeling passe entre l’idée de base et le matériel employé. C’est alors que cet amalgame donne ce que je considère être une bonne chanson. Si je ne ressens pas ce feeling, c’est que la chanson n’est pas si bonne que je l’imaginais. En principe, j’essaye d’écrire très tôt le matin…avant que le jour se lève. C’est à ce moment-là que je suis le plus ouvert et que l’inspiration vient à moi. C’est quelque chose de très spirituel.

Comment l’idée de fonder le groupe Royal Southern Brotherhood est-elle venue à toi ?
J’ai écrit une chanson, en 2010, avec Cyril Neville. Cette dernière était titrée « Pearl river ». Elle nous a permis, par ailleurs, de remporter un Blues Music Award à Memphis, Tennessee.Nous sommes devenus de très bons amis et l’idée nous est venue de fonder un groupe ensemble. Devon Allman, le fils de Greg Allman, qui était l’un de mes amis m’a contacté et s’est joint au projet. Dès lors, nous avons écrit des chansons tous les trois. Nous avons aimé le résultat, puis avons commencé à donner des concerts ensemble au bout de 3 mois. Naturellement, nous avons souhaité poursuivre cette aventure en enregistrant un disque. C’est là que le groupe est, naturellement, né.

A-t-il été aisé de faire cohabiter vos registres qui, à la base, sont assez différents ?
Cela a été très facile car nous étions tous très ouverts et chacun était à l’écoute des autres. C’est par la suite que tout est devenu un peu plus difficile. Au début, tout s’est très bien passé…

Pourquoi as-tu décidé de quitter le groupe ?
J’étais dans ce groupe, que j’ai formé et dont j’ai débuté l’histoire. J’y suis resté jusqu’au début du mois d’octobre 2014 et je ne pensais pas qu’il serait amené à poursuivre son chemin pendant de nombreuses années. J’ai donc, parallèlement, monté une autre formation qui puisse me permettre d’exprimer ma propre personnalité (Mike Zito & The Wheel, nda). Je pense que j’ai quitté Royal Southern Brotherhood au bon moment, alors que ce groupe était à son sommet. Il n’est, cependant, pas exclu, que nous nous retrouvions dans le futur afin de créer un nouveau concept original. C’est une chose que j’espère sincèrement…

A ce jour, tu as déjà enregistré de nombreux albums. Peux-tu me parler du dernier en date, « Make Blues Not War », paru en 2016 sur le label Ruf Records ?
L’idée que j’avais en tête, après avoir été membre du Royal Southern Brotherhood et avoir été à la tête de The Wheel (qui était un grand groupe, avec section rythmique, cuivres, piano) était de revenir à un blues rock plus dépouillé. Je voulais obtenir une formule dynamique, où la guitare serait mise en avant. Le tout en déployant une énergie positive. Je suis très ami avec Tom Hambridge, un producteur de blues très connu qui a travaillé avec des artistes tels que Buddy Guy, B.B. King, James Cotton ou encore Susan Tedeschi. Je lui ai parlé de cette idée et nous sommes partis à Nashville où nous avons enregistré avec les musiciens qui avaient participé aux sessions d’un album qu’il avait produit pour Buddy Guy. Tout s’est fait en live, en deux jours. Le résultat sonne très brut… Nous avons, également, écrit les chansons ensemble. C’est une démarche complètement axée sur l’humain et nous y allons à l’encontre de toute cette masse d’informations qui est déversée sur Twitter ou Facebook. Nous voulons y sensibiliser les gens, afin qu’ils reviennent à l’essentiel et qu’ils sortent de ce monde constellé de fausses nouvelles. J’aime beaucoup ce disque qui était très amusant à produire.

Il s’agit donc d’un disque que l’on pourrait qualifier de contestataire…
Oui, dans la mesure où nous protestons contre les médias sociaux…qui sont régulièrement utilisés de manière abusive. Ils sont le reflet du monde dans lequel nous vivons. Je ne suis pas contre, dans la mesure où je m’en sers également…afin de promouvoir mes concerts par exemple. Cependant, le vrai monde ne doit pas se résumer aux réseaux sociaux. Le vrai monde est la vie et « Make Blues Not War » est une invitation au fait de revenir aux choses essentielles et à des rapports physiques, non virtuels. Ecouter et acheter de la musique est un acte humain. Bien sûr je suis contre la guerre mais, sur cet album, je mets principalement en exergue celle qui sévit sur la toile avec toutes les conneries que l’on peut lire sur des sujets très diversifiés, comme la politique. C’est contre cela que je proteste. Tu vois…nous sommes bien mieux là, à discuter autour d’une table, que derrière un ordinateur à écrire des aberrations (rires).

Et c’est, de ce fait, en partie pour cela qu’il t’est si important de faire vivre tes chansons sur scène…
Oui, c’est très important pour moi. D’ailleurs, il m’est nécessaire d’écrire mes propres chansons car je ne suis pas très bon dans l’exercice de la copie. Je suis incapable de faire du note à note et de reproduire à l’identique des titres de Stevie Ray Vaughan, de Johnny Winter ou de Jimi Hendrix. Je créé mes propres riffs et j’apprends de ma propre guitare. Je me sens plus en paix lorsque j’interprète ma musique, je trouve cela plus honnête…plutôt que d’essayer de jouer comme quelqu’un d’autre.

Tu es musicien, chanteur, auteur-compositeur mais, moins de gens le savent, tu es aussi producteur. Qu’apprécies-tu le plus dans cette activité ?
Je prends vraiment du plaisir à produire des disques, j’aime en « fabriquer ». Lorsque j’ai commencé à écrire mes propres chansons, alors que je devais être âgé de 15 ou 16 ans, je m’amusais à m’enregistrer tous les week-ends. J’avais une boite à rythmes sur laquelle je jouais de la guitare et je chantais. Je créais ainsi ma propre musique. J’essayais de reproduire certains sons que j’entendais sur des disques de ma collection. Aujourd’hui, à une échelle plus importante, j’essaye de faire la même chose, de créer le meilleur son qu’il soit. J’aime quand la batterie sonne bien, quand la guitare est affutée et quand les textes collent bien à la musique. Savoir faire un disque est la chose la plus importante. C’est ce que je dis souvent à mes enfants. Jouer en live est amusant mais enregistrer de la musique est essentiel…car c’est ce que tu laisseras derrière toi. Beaucoup de grands artistes sont morts mais leurs musiques, elles, sont toujours là. Je prends cela comme une grande responsabilité et je le fais toujours très sérieusement, tout en donnant la part belle au feeling. Travailler avec d’autres artistes, et plus particulièrement des jeunes, est très intéressant. J’adore les voir progresser et les observer pendant que leur musique devient un album. C’est vraiment formidable !

Aimerais-tu produire quelqu’un en particulier ?
Oh, bien sûr (rires) ! J’ai déjà eu l’honneur de produire Samantha Fish, qui connait de plus en plus de succès. J’ai également travaillé avec Albert Castiglia qui est un chanteur-guitariste américain de blues. J’aimerais, bien sûr, pouvoir travailler avec des nombreux autres artistes et j’avais un rêve en particulier... Il est maintenant trop tard mais j’aurais adoré produire Johnny Winter (qui lui-même avait été un excellent producteur pour Muddy Waters). J’étais devenu très ami avec lui et je reste un grand fan de son jeu de guitare. Je pense que nous aurions pu écrire de bonnes chansons ensemble. Si la vie n’en n’avait pas décidé autrement, nous aurions probablement collaboré. C’est un rêve qui, malheureusement, ne deviendra jamais réalité. Nous verrons qui sera le prochain et j’espère qu’il y en aura beaucoup dans l’avenir !

As-tu, malgré tout, eu l’occasion de jouer sur scène avec Johnny Winter ?
Oui, j’ai eu cet honneur et cela s’est réalisé à plusieurs occasions, 5 ou 6 je pense. Il m’est arrivé de faire sa première partie puis de le rejoindre sur scène afin d’interpréter des morceaux à ses côtés. Jouer et parler avec lui sont des faits qui restent gravés comme quelques uns de mes meilleurs souvenirs. Il y a 15 ans, j’ai quitté St. Louis dans le Missouri pour Beaumont, au Texas, d’où ma femme est originaire. C’est la ville d’origine de Johnny Winter et j’ai, ainsi, pu me rapprocher de son univers.

Comment vois-tu l’avenir du blues ?
Cette musique n’est jamais partie, il y a toujours eu des gens qui ont joué du blues. Chacun y a apporté sa touché et l’a fait évoluer. Ce registre est à la base du rock’n’rollet il continue de changer. Il y a eu des hauts et des bas mais, aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il y a un nouvel intérêt pour le blues. Il n’est plus aussi populaire que dans les années 1950 ou les années 1980-90 mais toute une nouvelle garde le met en avant auprès du grand public. Je pense à Joe Bonamassa, Gary Clark Jr. ou encore à Samantha Fish. Les gens y reviennent car on ne retrouve pas forcément beaucoup de musique jouée avec de vrais instruments par ailleurs. Les musiques actuelles les plus populaires sont, en effet,réalisées à base d’ordinateurs et de claviers… Le blues change au fil des générations, ce n’est jamais la même chose et c’est tant mieux. On peut retrouver des éléments de ce que faisait Muddy Waters ou Robert Johnson, tout en restant différent. Je pense que le blues moderne tend à devenir de plus en plus populaire. Il y a de cela 10 ans en arrière ce n’était pas du tout le cas, le blues était au plus bas. Aujourd’hui, le public revient car il sent une vraie régénération du genre…

Que penses-tu du blues qui est revisité à la sauce hip-hop ou electro, est-ce une évolution naturelle ?
Je pense que cela est formidable (rires) ! Je ne suis pas un puriste et si j’adore cette musique dans sa forme la plus pure, j’aime la manière dont certains artistes parviennent à la bousculer. Comme je te le disais, je ne sais pas jouer comme Muddy Waters. Je sais simplement jouer comme Mike Zito et je ne suis pas un homme noir originaire du Mississippi, qui travaillait dur dans le delta. Je suis un homme blanc, qui a grandi à St. Louis dans les années 1970 et 80. A ce titre, je possède d’autres influences qui agissent dans le blues que je pratique. Ce dernier peut donc être teinté de rock ou de country music… Si le blues parvient à devenir encore plus populaire via un apport de la scène hip-hop ce sera parfait ! Les choses changent et il ne sert à rien de rester figer dans une tradition dont nous ne serions que des copistes. Lorsque Muddy Waters est passé du blues traditionnel acoustique à un blues électrique, certains ont pensé que c’était la pire chose qui puisse arriver. On connait le résultat. Puis, il est allé jouer en Angleterre avec des musiciens anglais et à encore permis au blues de s’étendre par ce biais. Il a toujours pu compter sur l’appui d’admirateurs, comme The Rolling Stones, qui dès leur débuts ont repris son répertoire à leur manière. Ils y ont ajouté une dose de rock’n’roll est ont, ainsi, fait évoluer cette musique. C’est une véritable boucle et ce que fait, aujourd’hui, la nouvelle génération est vraiment fantastique. D’ailleurs, le hip-hop et le blues ne sont pas si éloignés que cela…

Quels sont tes rêves pour l’avenir ?
Je me considère comme quelqu’un de très chanceux. Je suis marié à une femme formidable et j’ai 5 enfants qui chantent, dansent, jouent de la guitare. Ma vie est fabuleuse et je fais ce que j’ai toujours espéré faire (rires). Depuis 25 ans, je mène ma carrière d’artiste et mon rêve serait donc que cela se poursuive le plus longtemps possible. Je ne veux pas m’arrêter, je veux continuer à jouer de la guitare et à interpréter mes chansons. Ma grande chance est, aussi, de pouvoir me rendre dans de jolis pays comme la France. D’y déguster de très bons plats et d’y rencontrer des gens. C’est vraiment incroyable et je ne tiens pas à ce que cela s’arrête. Je suis fier de ce succès car il m’aide dans mes responsabilités familiales. J’espère continuer à enregistrer des disques, travailler avec d’autres artistes et écrire d’autres chansons. Mon fils ainé, Zach Zito, est âgé de 23 ans et il joue sur mon dernier album en date. C’est un musicien, doté d’un grand talent, qui fait sa propre musique. Cette dernière est teintée de blues, de jazz et de funk. Elle est, cependant, résolument moderne. J’aimerais continuer à le voir évoluer et l’aider dans sa carrière. Il veut faire cela et j’espère pouvoir lui apporter mon soutien, mon expérience et mes conseils car la route est longue. Je souhaiterais qu’il puisse, à son tour, vivre de cette passion.

Aurais-tu quelque chose à ajouter à l’attention de ton public français ?
J’avais déjà eu l’occasion de me produire ici avec Royal Southern Brotherhood. C’était à l’occasion de quelques festivals. Je trouve que la France est un très joli pays et j’y effectue, actuellement, ma première vraie tournée sous mon propre nom. J’y croise de nombreux fans de blues et cela m’inspire beaucoup. J’espère que j’aurai l’occasion de revenir en 2018, afin de continuer d’y rencontrer mon public et, surtout, de le voir s’agrandir. Faire une carrière en France est une chose très importante, car le blues y a toujours été très bien considéré. Merci beaucoup !

https://www.mikezito.com
https://www.facebook.com/mikezitomusic

 
Interviews:
Les photos
Les vidéos
Les reportages
 

mikezito.com
facebook.com/mikezitomusic

Interview réalisée à l'
Espace Pluriel - Sigolsheim
le 17 novembre 2017

Propos recueillis par David BAERST

En exclusivité !

 

Le
Blog
de
David
BAERST
radio RDL