Jipes (groupe Mojo New Line)
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Formé par les guitaristes Pierre Fanen et Mickey Baker, Jipes mène sereinement une carrière musicale parsemée de rencontres importantes. A mille lieues du business de la musique ou de toute chapelle vouée au blues, il continue pourtant de célébrer (avec une admirable abnégation) cette musique au sein du groupe Mojo (devenu Mojo New Line depuis), qui fête ses 20 ans d’existence en 2015. Un anniversaire célébré avec la sortie de l’album « Don’t Give Up », sur lequel14 invités (dont la section des cuivres des Soulmaniacs, autre formation du bonhomme) qui ont jalonnés l’existence du groupe (scène ou studio) viennent célébrer ces deux décennies consacrées à un blues pur et dur. Une démarche on ne peut plus sincère, qui ne l’empêche pas recevoir l’appui de Christian Décamps (du groupe Ange) pour un morceau en français, en hommage au regretté ami guitariste Claude Demet. Tous ces points ont été abordés durant l’entretien qui suit, réalisé à l’occasion d’une nouvelle venue de Jipes dans l’émission Route 66.

Jipes, peux-tu revenir sur ta rencontre avec le blues ?
Je l’ai rencontré complètement par hasard. A l’époque, je n’écoutais absolument pas de musique américaine. En fait, je me focalisais sur la flûte des Andes, sur la guitare classique et même sur de l’opérette ou de l’opéra. Puis, un jour, je suis passé par la station de métro Chatelet-Les Halles à Paris. On y trouve un immense corridor qui sert de correspondance entre les différentes lignes. J’étais, comme dirais l’autre, occupé par mes propres affaires (« I was just minding my own business ») et je suis tombé sur ce truc…comme s’il venait de l’espace. Il y avait, en effet, deux musiciens qui faisaient la manche. Il s’agissait du guitariste malgache Tao Ravao (fantastique interprète de blues et d’autres musiques) et de l’harmoniciste américain Andy J. Forest. Je me suis arrêté car j’ai été captivé de manière magique, comme si on m’avait jeté un sort. C’est, principalement, le son de l’harmonica qui m’a interpellé. Je suis resté là durant de nombreux morceaux et, lorsqu’ils ont fait une pause, ils m’ont regardé et m’ont dit « Et bien, ça a l’air de te plaire ». Je ne savais pas quoi leur répondre car je ne savais même pas ce que c’était. J’étais face à une musique que je n’avais jamais entendue, même pas à la radio. Mes sœurs écoutaient les yéyés de l’époque et, à titre personnel, j’ignorais tout du blues. J’ai donc discuté avec eux et Andy J. Forest m’a montré ce qu’était un harmonica. Dès le lendemain, je me suis rendu dans le magasin de ma ville de banlieue, Alfortville, afin d’acheter un Marine Band. Il n’y en avait qu’en do, j’en ai donc pris un avant de rentrer chez moi et de débuter mon apprentissage. C’est comme cela que j’ai découvert le blues alors que je devais avoir 18 ans, je n’étais pas un minot… Je jouais déjà, un petit peu, de guitare classique mais m’y prenais comme une truffe. C’est l’harmonica qui a capté mon attention et la voix de Tao Ravao qui était un truc magique, comme si des sorciers étaient là et concoctaient une espèce de transe. Je devais paraitre idiot aux yeux de tous les autres voyageurs qui cavalaient pour rattraper leur métro. J’étais l’un des rares à m’être arrêté et à rester scotché là.66

Je n’ai pas le souvenir de t’avoir entendu, un jour, jouer de l’harmonica. Est-ce que tu pratiques encore cet instrument ?
J’en ai pratiqué pendant 2 ou 3 ans, ce qui m’a permis de rencontrer ma femme…c’est toujours ça de pris (rires) ! Nous sommes sortis ensemble après mon premier concert. Comme quoi, tout mène à l’amour, surtout l’harmonica. Dans le premier groupe que j’ai fondé, il y avait un guitariste qui avait un frangin qui s’est mis à l’harmonica. Comme il se débrouillait vachement bien, je ne me suis plus que consacré à la guitare et au chant.

Les premiers disques de blues que tu t’es procuré étaient donc des albums d’harmonicistes…
Complètement… Mon premier disque était un Sonny Terry & Brownie McGhee, « Whoopin’ The Blues ». Puis il y a eu toute la série des Chess Masters que j’ai trouvée au Bon Marché ou aux Galeries Lafayette…où ces magnifiques doubles albums étaient en solde. J’ai donc pris un Sonny Boy Williamson, un Little Walter avant d’y retourner et d’y trouver un Howlin’ Wolf et un Muddy Waters. J’étais devenu un acheteur complètement « compulsif »…

Le passage à la guitare a-t-il été progressif…
Cela est venu progressivement en effet. Je crois que c’est Muddy Waters qui a été le premier à m’influencer en ce qui concerne la guitare. Notamment au niveau de toute la technique slide. Pendant les 3 ou 4 ans d’existence de ma première formation, Préface, je ne jouais pas de chorus. Je n’assurais que la rythmique et m’offrais un morceau à la slide. Nous reprenions, par exemple, « I’m ready ». Un de ces morceaux dont j’étais totalement « fondu » alors que mes comparses étaient davantage barrés sur les Blues Brothers et du rhythm & blues. De mon côté, j’étais déjà bien dans le roots…

Tu as pris quelques cours, dont certains avec un fameux professeur…
Au départ, j’ai pris des cours pour apprendre le solfège. C’était avec Pierre Fanen, un guitariste qui a joué avec toute la variété française et qui était membre de Triangle. Il habitait Alfortville et je me suis forgé à ses côtés en compagnie du guitariste soliste de mon groupe. Malheureusement, ce dernier a arrêté assez vite et, du coup, je n’ai pas continué. Sinon, je serais peut-être un lecteur à l’heure actuelle, ce que je ne suis toujours pas (rires). Quelques années plus tard, lorsque Préface s’est arrêté, j’avais en tête de continuer la musique. J’avais envie d’approfondir le blues et de devenir un guitariste soliste. Je ne sais pas comment je me suis débrouillé mais j’ai trouvé l’adresse de Mickey Baker que j’ai contacté. Il a, aussitôt, accepté de me donner des leçons. J’ai fait deux cours d’une heure avec lui mais nous avons dû jouer de la guitare 15 minutes. Le reste du temps, il me racontait des histoires et des anecdotes. En tout et pour tout, il m’a montré deux gammes pentatoniques. Ce sont celles que j’utilise toujours, 30 ans plus tard. C’était un personnage merveilleux…

C’est donc après cette rencontre avec Mickey Baker que tu as eu l’idée de former un nouveau groupe…
Oui, j’ai fondé un groupe de blues (Bon Son Blues Band) parce que je suis un peu monomaniaque (rires) ! C’était pas mal et nous avons fait pas mal de concerts au temps béni des MJC. Pour des raisons professionnelles, avec mon épouse, nous avons été contraints de déménager dans la région lyonnaise. Sur place, je me suis mis à la recherche de nouveaux musiciens. Il en a résulté le combo Highway 66. Nous avions une chanteuse parmi nous et notre répertoire était davantage axé sur le rhythm & blues (reprises d’Otis Redding, Aretha Franklin etc.). L’année 1990 marque notre arrivée en Alsace.

C’est là que débute une belle aventure avec le groupe Mojo. Comment est né cet ensemble, a-t-il connu de nombreux changements de musiciens ?
Il y a eu un peu de turn over. Ce groupe a vu le jour, de façon non officielle, en 1995. C’était à l’occasion d’une jam session au Café des Arts où le batteur Mitch et le bassiste Raphaël Bindler opéraient en tant que « house band ». Au bout d’un moment, ils m’ont demandé de fondé un trio avec eux. C’est de cette manière que tout a commencé et que nous avons commencé à faire nos premières dates avec Mojo. Raphaël est resté dans le groupe pendant 12 ans puis a été remplacé par Benoit Seiller. Michel Olivier, dit Mitch, est resté avec nous pendant presque 20 ans puisque nous avons encore eu l’occasion d’enregistre « Don’t Give Up » ensemble. Il a décidé de rejoindre un autre projet et c’est maintenant Pierrot Bauer qui l’a remplacé au sein de Mojo. C’est par respect pour les anciens que j’ai rebaptisé le groupe Mojo New Line…

Pourquoi as-tu décidé de privilégier les reprises sur « Don’t Give Up » ?
Nous voulions proposer davantage de compositions personnelles sur ce disque. Cependant, comme il s’agit de l’album qui marque nos 20 ans nous avons décidé de mettre en valeur des morceaux qui parsemaient nos setlists. Par exemple, nous jouions « Cold shot » ou « Just a little bit » au début, mais je n’avais plus joué ces chansons depuis des années. De plus, certains de ces titres étaient parfaits pour inviter des musiciens qui ont participé à notre aventure sur disque ou sur scène. Ce disque est donc une sorte de rétrospective qui accueille deux nouvelles compositions.

Sur ce disque figure, en bonus, le surprenant morceau « Spleenitude » qui tranche avec le restant de l’album. Quelle est l’histoire de cette chanson ?
Ce morceau a une raison bien particulière d’exister. Il s’agit d’un hommage à Claude « Chouchou » Demet (notamment guitariste du groupe Ange à compter de 1977 et de l’album « Guet-Apens » paru en 1978 chez Philips) qui avait enregistré notre premier album « Never Too late », chez lui dans son studio d’enregistrement à Gray (Haute-Saône). Il souffrait d’une hépatite depuis longtemps et il est, malheureusement, décédé dans l’intervalle qui sépare ces deux disques. Nous songions, en effet, faire « Don’t Give Up » avec lui… Nous avons donc décidé de lui rendre hommage à travers cette chanson qui nous a été écrite par Christian Décamps (fondateur et chanteur-leader du groupe de rock progressifs Ange depuis sa création, en 1970). Non seulement ce dernier a accepté d’écrire ce texte mais il nous en a, également, offert la musique. C’est donc un hommage à nos chers disparus…Claude Demet mais aussi quelques autres qui ont croisé notre route depuis ces 20 dernières années.

Musicalement parlant, pourrait-il s’agir d’une sorte d’ «ouverture » pour Mojo New Line. Seriez-vous prêts à produire ce type de musique à plus grande échelle sur un prochain album ?
Je ne le sais pas… Je ne peux pas répondre à cette question. Cela fait des années que j’écris des trucs en français et qu’ils restent dans le tiroir. Un jour je me mettrai, peut-être, à explorer cette piste. On m’avait déjà dit, à l’occasion de la sortie de l’album « Never Too Late » sur lequel j’avais repris un titre de Benoit Blue Boy (« J’marche doucement »), que ma voix sonne bien en français. Je suis ravi d’entendre cela et je laisse la porte ouverte. Ceci-dit, je ne sais pas si j’arriverai à surmonter mon inhibition en la matière.

Depuis quelques temps tu es organisateur de concerts mais aussi animateur de radio sur MNE à Mulhouse (émission Kind Of Blues, créée au début de l’année 2015). Peux-tu évoquer cette dernière expérience ?
Cette nouvelle vocation est liée au hasard et, encore une fois, à une rencontre. Un jour, je discutais avec Sylvain Freyburger qui est journaliste au quotidien L’Alsace. A cette occasion, il m’a parlé de cette nouvelle radio, MNE, et m’a suggéré de lui proposer du blues. Au départ, j’étais un peu dubitatif mais j’ai finalement envoyé une proposition d’émission. On m’y a accueilli les bras ouverts en me disant que j’étais le bienvenu dans la radio des jeunes cons et des vieux cons. Comme je suis un vieux con, je m’y trouve parfaitement à ma place (rires) ! Kind Of Blues est une émission bi-mensuelle et je prends beaucoup de plaisir à la faire ! Je n’y présente pas beaucoup de nouveautés car il y a, déjà, tant de chose à faire redécouvrir au sein du patrimoine du blues… Je fais encore des séquences consacrées aux vieux vinyles, donc c’est plutôt « way back » ! Je retourne aux vieilles galettes qui craquent !

Souhaites-tu ajouter un mot de la fin ?
Comme à chaque fois, c’était un plaisir d’être invité dans Route 66. C’est d’autant plus un plaisir que cette émission perdure dans le temps. Elle constitue un vrai point de repère pour nous autres qui faisons du blues… Je lui souhaite encore une longue existence !

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Interview réalisée au
Studio RDL - Colmar
le 7 octobre 2015

Propos recueillis par
David BAERST

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