"Monster" Mike Welch
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nous parlions de Bob Dylan hors antenne, Peux tu en guise d'introduction décrire en un mot ta passion pour cet artiste ?
Impossible de tout dire en un mot ! Avec le temps, Bob Dylan m'influence de plus en plus au niveau de l'écriture. Pas que je me mette à écrire des chansons comme lui, mais on pourrait plutôt dire que je me rapproche de l'usage qu'il fait du vocabulaire. Cela a grandement joué dans ma façon de composer.

D'où te vient ce surnom de " Monster ", quand on te connait tu n'a rien d'un monstre (rires) ?
Le choix ne vient pas de moi. Quand j'étais très jeune (13 ans), j'ai joué lors de l'ouverture du premier club " House of Blues " à Cambridge, Massachusetts. Il se trouve tout prêt de ma maison. C'était un grand spectacle avec beaucoup d'artistes de blues et de rock. Junior Wells était présent, ainsi que Eddie Floyd, Charlie Musselwhite, Joe Walsh. Un tas de gens très différents dont la tête d'affiche était les Blues Brothers.

Dan Aykroyd y figurait en tant que " Elwood Blues " et présentait l'ensemble du spectacle. Je crois bien qu'il a décidé que j'avais besoin d'un nom de scène : " Monster " en la circonstance. J'ai été présenté sur scène sous ce nom et le lendemain, je faisais les titres des journaux. Bon dieu, j'étais si jeune ! Dan Aykroyd surnomme notre guitariste local : " Monster Mike " ! Je n'avais jamais figuré dans les journaux auparavant. Je n'avais encore jamais bénéficié d'une telle publicité. Donc, j'en ai conclu que je devais faire avec.

En fait, dans mon nouvel album, une chanson est intitulée : " They call me Monster Mike " (ils m'appelent Monster Mike). Comme je l'y explique, c'est mon surnom, qu'il me plaise ou pas. Durant quelques années, j'ai essayé de me débarrasser de " Monster " pour m'appeler uniquement Mike Welch. Et le public ne savait plus qui j'étais ! Les gens ne venaient plus me voir en concert. Quand j'ai rencontré ma femme et qu'elle parlait à ses amis de Mike Welch, son petit ami musicien, ils disaient tous : n'est-ce pas " Monster " Mike ? C'est pourquoi je suis revenu à Monster Mike parce qu'au moins, on me reconnaît.
La manière dont fonctionne l'industrie du disque de nos jours est telle que j'ai besoin de toute l'aide que je peux réunir.

Quelle est l'histoire ce cette chanson " My father's son " ?
J'ai toujours rêvé de composer un blues comme par exemple : " Hoochie Coochie Man " ou " Rolling Stones ", " I am the seventh son ". Une de ces chansons puissantes où le chanteur explique à quel point il est fort et plein d'un pouvoir magique. En même temps, je me dis que je suis un blanc du Massachusetts qui ne connaît rien au vaudou. Par contre, je suis bien doté d'un sens de l'honneur et du désir de protéger les miens, comme me l'a appris mon père. Je suis donc parti de cette idée - je suis le fils de mon père - pour construire ma chanson autour.

Plus tôt, nous avons parlé de Bob Dylan. Parmi plusieurs chansons de son album " Love & Theft " se trouve " Bye and Bye " qui je crois, est un chant d'amour. En plein milieu, il déclare : " je vais te baptiser par le feu pour que tu ne puisse plus pécher, je vais imposer de nouvelles règles par la guerre civile et je vais te prouver à quel point un homme peut se montrer loyal et honnête ".

J'ai trouvé ce passage si drôle, absurde et inattendu que j'ai voulu tenter la même chose dans mes chansons à mon tour. " Avec mes ennemis à mes côtés, je les enchaînerai à ma volonté - Jamais je ne provoquerai un combat car j'ai juré de ne pas tuer " - une phrase telle obéit à ce même mécanisme de décalage. C'est un moyen très intéressant à utiliser dans une chanson, cette façon de surprendre l'auditeur en rendant le chanteur fort et sûr de lui. Voilà en quoi Dylan m'a influencé.

Très jeune tu as joué avec des grands du blues : peux-tu m'en parler ?
J'ai participé à quelques gigs en compagnie de James Cotton. J'ai fait cinq ou six spectacles en tant que membre de son groupe. Des festivals et des clubs par ci par là, ce n'était pas une grande tournée. Quant à la plupart des grands noms que j'ai accompagné, je les ai surtout rencontré dans les premières années de ma carrière.
J'étais alors très jeune et suite à l'ouverture du " House of Blues " beaucoup d'évènements se sont enchaînés. La liste de ces personnalités peut facilement impressionner, mais les choses ne sont pas allées plus loin. Je connais d'autres artistes qui cherchent à monter sur scène avec leurs héros. Personnellement, j'aurais préféré rester assis à les écouter jouer.

Si je devais aller voir Hubert Sumlin en concert, je n'aurais aucune envie d'entendre le solo d'un autre guitariste. Franchement, même si c'est excitant de jouer avec ces gens, je n'ai jamais essayé de m'imposer. Certains musiciens deviennent amis avec eux.

Par exemple, j'étais très copain avec Johnny Copeland, avec qui j'ai joué quelques fois. Je connais très bien sa fille Shemekia. Ronnie Earl et Duke Robillard viennent du même coin que moi. Je connais également Sugar Ray, car j'ai fait partie des Blue Thumbs.

Quel est ton meilleur souvenir avec l'un d'entre eux ?
Je devais avoir quinze ans quand c'est arrivé. Johnny Copeland m'avait invité sur scène pour l'accompagner sur un titre et tout allait bien. Puis il s'est adressé au public : " J'ai parié avec mes amis 50 dollars que ce gars peut me suivre quoique je fasse ".
Je l'observe en me demandant ce qu'il allait faire devant tout ce public. La salle était bondée ; la foule énorme. Il commence à lancer des notes et je devais lui répondre. Ce n'est pas qu'il jouait de façon très complexe, mais c'était si profond et puissant. Il affichait ce sourire sur son visage - il n'essayait pas de me planter.

C'était un encouragement : tu es un bon et tu peux suivre dans le ton. Tu dois atteindre ce niveau de jeu. Et c'était fait d'une façon si gracieuse et chaleureuse. Je suis parvenu à le suivre, en donnant le meilleur de moi-même.
Une fois encore, j'aurais préféré rester à l'écouter. J'avais tant de choses à apprendre de lui. En même temps, je n'avais pas envie de perdre 50 dollars !

Peux tu me parler de ce nouvel album " Cryin' Hey ! " paru sur le label Dixiefrog ?
J'ai toujours voulu enregistrer un album de blues au sens strict. Mes deux premiers disques sont blues sans conteste, mais dans un blues contemporain. Depuis tout jeune, j'ai toujours été attiré par le son West Side de Chicago : Magic Sam, Buddy Guy, Otis Rush. Egalement par tout ce que BB King et Muddy Waters ont pu faire. J'avais envie d'enregistrer un album dans ce genre, mais j'avais quasiment oublié cette idée. Mes propres chansons reflétaient plutôt ce que j'écoutais : Elvis Costello, les Beatles et d'autres guitaristes.

J'ai enregistré un disque aux Etats-Unis appelé " Adding insight to injury " sur un minuscule label. Il n'a pas marché du tout. Les gens l'appréciaient sans aller jusqu'à l'acheter. Je me posais des questions sur mon avenir. Trouver des concerts aux Etats-Unis devient de plus en plus ardu en cette période.

J'ai reçu un coup de fil pour m'engager à accompagner en tournée française Nico Wayne Toussaint. Me retrouver sur la route avec Nico à jouer du blues pur et dur, m'a inspiré. Je me suis rappelé pourquoi j'avais choisi ce métier. De plus, à la fin de la tournée, Philippe Langlois de Dixiefrog est venu assister à notre concert final. C'est là qu'il est venu me proposer d'enregistrer pour lui un album de blues traditionnel. Je n'allais pas lui donner une réponse immédiatement, car nous étions encore sur la route. Je voulais y réfléchir et j'en ai parlé à ma femme cette nuit-même.

Avais-je vraiment envie de faire un retour aux sources du blues avec un des meilleurs labels européens ? Elle m'a encouragé à le faire et à cesser de me casser la tête. J'ai donc pensé à mon approche du concept d'album de blues. Est-ce que je voulais faire un disque de reprises, reprendre les sons d'autres musiciens ou bien au contraire, dois-je créer un style spécifique pour cet album ? Je me suis finalement décidé à construire le disque autour d'un style commun à toutes les chansons.

On retrouve le même groupe, la même guitare dans tout le disque. Nous avons tout enregistré en une seule journée, la voix et le reste. Beaucoup est du aux musiciens que j'ai engagé. J'ai pris mes bluesmen préférés : Michael "Mudcat" Ward, à la basse, Anthony Geraci au piano. Nous faisons tous les deux partie du groupe de Sugar Ray, les Bluetones et de celui de Ronnie Earl entre autres. Ce sont d'excellents amis depuis des années. Je ne pouvais que penser à eux pour tenir leur partie. Je les aimerai jusqu'à leur mort.

Enfin, Warren Grant, le batteur, fait partie de mon propre groupe depuis 10 ans environ. Je savais qu'avec lui à la batterie, je n'aurais pas besoin de réfléchir à ce que j'allais jouer. Je saurais immédiatement d'instinct comment tout se mettrait en place.
La dernière personne qui ne m'était pas familière était Nick Moss, le second guitariste qui vient de Chicago. Je savais qu'il fait partie du fleuron des guitaristes de style de Chicago.

J'avais besoin d'un groupe capable de jouer sans instructions préalables. Tous connaissaient le blues si bien qu'il leur suffisait de jouer à leur manière. Je les ai engagé pour leurs capacités respectives. Au finish, tout s'est passé très facilement. Une session d'un jour, les chanson étaient déjà composées et terminée auparavant. Je suis convaincu d'avoir enregistré mon meilleur album à ce jour. C'est marrant que tout se soit enchaîné si naturellement.

Pour terminer, souhaite tu ajouter quelque chose ?
Achetez mon album ! Non, je plaisante ! Que dire sinon que j'ai été ravi d'avoir été approché par Dixiefrog pour enregistrer cet album. Le public en France et dans le reste de l'Europe est le meilleur du monde, dans cette époque maudite qu'est la notre.

Qu'on me permette de jouer ma musique préférée, le blues - pour des gens qui l'aimaient et s'y intéressent - voilà une bénédiction comme je n'en ai jamais reçue.

Remerciements: Francis Campello !

 
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Interview réalisée aux Studios de RDL le 17 janvier 2006

Propos recueillis par David BAERST

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