Mountain Men
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Rien n’arrête Mountain Men, même pas les températures caniculaires. Une chance car il faisait particulièrement chaud à Colmar, en ce 7 juin 2014. C’est donc dans la fraicheur (toute relative) d’un parc municipal, à l’ombre d’un château d’eau, que le talentueux duo franco-australien (composé du chanteur-guitariste Mr Mat et de l’harmoniciste-chanteur Barefoot Iano) m’a accordé ce nouvel entretien. Il y revient sur la conception de son nouvel album « Mountain Men Chante Georges Brassens » (Echo Prod/Pias) et sur ses projets. Le tout avant de faire encore monter la température de plusieurs crans, lors d’un concert alliant avec réussite prouesses musicales et fines couleurs théâtrales.

Les gens qui vous fréquentent depuis un certain temps connaissent le respect que Mat voue à Georges Brassens. Pouvez-vous, malgré tout, me dire ce qui vous a poussé à sortir cet album entièrement consacré à ce poète-auteur-compositeur et interprète sétois ?66
Mat : C’est avant tout par plaisir que nous avons fait ce disque qui, finalement, s’est réalisé sur un coup de tête. Nous jouions à Rennes puis, le lendemain, à radio Sing Sing du côté de Saint-Malo (plus précisément à St Coulomb). Aux abords de cette ville, dans le bus, nous nous sommes dit que nous avions tout le matériel pour enregistrer quelque chose et que, de ce fait, nous allions capter le concert du soir même. Comme j’ai toujours eu en tête l’idée d’enregistrer un album en hommage à Brassens (qui constitue un pan de ma vie toute entière), nous avons décidé de faire ce live sur le vif.
Le lendemain, en écoutant les bandes, j’y ai découvert un truc incroyable. Une grande énergie toute en rugosité, dont le côté « imparfait » ajoute de l’âme à cette prestation. De plus, il y a eu un échange exceptionnel avec le public. L’organisateur nous a même appelés dans la foulée pour nous dire que c’était un moment énorme. Nous sommes donc allés voir notre producteur pour lui dire que nous voulions éditer la chose, même s’il n’était pas d’accord. Avec son équipe, il a écouté le résultat et il a immédiatement percuté. Il nous a donné son aval et le disque a pu sortir.

Peux-tu revenir sur ce qui te touche le plus dans le répertoire de Brassens et revenir sur la manière dont tu l’as découvert (puisque ce personnage est vraiment lié à ta propre vie) ?
Mat : Brassens est lié à la vie de pas mal de gens. A titre personnel, c’est très simple… En effet, j’ai appris la tendresse avec lui. Cette tendresse que je n’ai pas connue dans mon enfance, je suis allé la chercher dans ses chansons. C’est lorsque j’ai eu 15 ou 16 que je me suis vraiment plongé dans son répertoire. Je l’ai lu, écouté et c’est en jouant ses titres que j’ai commencé la pratique de la guitare. C’était un besoin que j’avais en moi et, maintenant, j’ai l’impression que son ombre plane toujours au-dessus de ma personne. Lorsque j’ai un souci, je me replonge systématiquement dans son œuvre. On y trouve beaucoup de réponses...

Tu apprécies, bien sûr, le poète. Cependant, as-tu également été touché par son côté « anarchiste » ?
Mat : Oui, forcément !
Sa philosophie personnelle, sans jugement de valeur, me parle beaucoup. Aussi bien ce côté poète, auquel on ne peut rester insensible, que ce côté plus libertaire qu’anarchiste. Comme lui, je suis libertaire dans ma manière de penser et dans mes actions. Tout cela me cause, complètement...

Il y a quelques années, lors d’une discussion privée, nous avions évoqué ensemble l’album « mis en chantier » sous la houlette du batteur Moustache. Ce disque de jazz se nomme « Brassens-Moustache Jouent Brassens En Jazz » (paru en 1979 cet album a été réédité en CD en 1989 sous le titre « Giants Of Jazz Play Brassens »). A votre manière, avez-vous également essayé de revisiter les morceaux sélectionnés ?
Mat : Tout s’est vraiment réalisé dans le « speed ». Nous avons fait cela alors que nous étions au plus fort de notre tournée « Hope ». Je me suis replongé dans les textes de Brassens et, comme je ne chante pas comme lui, je me suis approprié ses chansons à ma manière. Il en résulte une musique propre à Mountain Men. Beaucoup de gens nous disent que le résultat final ne dénature pas les œuvres de Brassens, tout en possédant les caractéristiques musicales de notre duo. Nous l’avons fait à notre sauce, sans avoir établi de plan au préalable. Nous avons pris les choses comme elles venaient…

Iano, toi qui est australien, de quelle manière as-tu abordé ce répertoire. Le connaissais-tu déjà avant l’élaboration de ce projet ?
Iano : Non, je ne le connaissais pas du tout. A 95%, j’ai découvert cette musique lorsque nous avons enregistré cet album en public. J’avais la chance de pouvoir m’appuyer sur un chanteur-guitariste qui savait exactement où il allait. J’ai fait de mon mieux afin d’être à la hauteur de ses attentes.

En tant qu’harmoniciste, comment as-tu travaillé pour coller des arrangements à l’univers de Brassens. Etait-ce un exercice compliqué ou est-ce venu naturellement, en suivant les consignes de Mat ?
Iano : Il n’y avait pas de consignes…Encore aujourd’hui, lorsque je joue des titres de Brassens, je le fais avec les yeux fermés. Ceci, afin de mieux entendre ce qui se passe autour de moi…

Avec Mat, nous évoquions l’album de jazz de Brassens. En découvrant l’œuvre de ce dernier, l’as-tu considéré comme un vrai jazzman ou estimes-tu qu’il est avant tout un chanteur traditionnel français ?
Iano : Il est les deux. C’est un poète mais aussi un musicien et, lorsqu’on écoute l’album auquel tu fais référence, c’est du jazz manouche mélangé avec du jazz new-orleans. Des univers qui sont très proches. D’ailleurs, la Nouvelle-Orléans était habitée par des français à l’époque. Il y a donc, forcément, un lien qui uni ces différents univers.

«Mountain men Chante Georges Brassens » a donc été enregistré en public. Avec le recul est-ce un avantage pour le disque qui gagnerait, ainsi, en spontanéité ?
Mat : Oui, d’ailleurs j’ai écrit dans les crédits que ce disque est loin d’être parfait… alors que nous aimons les choses assez léchées et que nous sommes pointilleux sur les détails. Cependant, l’énergie y est vraiment forte, notamment grâce à ce public incroyable et très réactif.
Il y avait 450 personnes qui remplissaient un chapiteau…C’est donc imparfait et rugueux mais il se dégage une grande puissance. Ceci est lié à cette interaction avec les gens. C’est un vrai concert de Mountain Men avec le « merdier » qui va avec (les gens qui gueulent, hurlent et dansent).
Nous avions une vraie appréhension en montant sur scène. Je me suis dit « Wouah, comment les gens vont se comporter alors que nous n’allons pas interpréter notre répertoire habituel ? ». En fait, dès la première chanson ils étaient au taquet… c’était plein d’amour. De ce fait, cela était suffisant. Pas la peine d’aller planquer des violons dans des placards, ce qui est brut est plus beau. C’est d’ailleurs ce côté direct, brut et rugueux qui fait notre force lorsque nous sommes sur scène. 66

Le public qui était présent au concert savait-il que vous alliez vous frotter, pour la circonstance, au répertoire de Brassens ?
Mat : Oui, il le savait. Nous avions déjà joué deux fois pour la radio militante Sing Sing qui programme beaucoup de concerts et fait les choses très bien. Comme nos prestations attiraient le public, nous avons été sollicités pour en faire un troisième. C’était un mercredi soir et les gens ont débarqué de partout. C’était archi-complet… au point que nous avons dû retarder notre montée sur scène car, à chaque fois que nous voulions commencer, on nous disait que des voitures arrivaient encore. Ce n’est donc pas nous qui les avons pris par surprise mais l’inverse (rires) !

J’évoquais avec Iano, la « complexité » de greffer un harmonica sur la musique de Brassens. Pour toi Mat, le fait de devoir chanter en français a-t-il été un exercice particulier ?
Mat : Oui, même si cela a probablement été moins compliqué que si ça avait été mes propres textes. C’est une autre histoire, mais nous venons de passer neuf mois à travailler sur notre prochain album qui sortira en 2015. Il sera, également, constitué de quelques chansons en français. C’est peut être Brassens qui, inconsciemment, m’a aidé à franchir ce cap. Je ne sais pas…

Comment considérez-vous cet album au sein de votre discographie. Est-ce une parenthèse ou un disque à part entière de Mountain Men ?
Iano : C’est un disque à part entière et, pour nous, un point de repère. Il y a plein d’histoires qui, maintenant, accompagnent la création de cet enregistrement. Depuis la sortie de cet album, je ne joue plus de la même façon car j’ai trouvé des schémas plus « raffinés ».
Mat : Je pense que, avant tout, c’est du plaisir. Nous avons déjà donné 6 ou 7 spectacles consacrés à Brassens et nous allons continuer à faire tourner ce concept en France et au Québec. C’est formidable à jouer et je ne demande pas à Iano de se coller aux morceaux originaux. Il doit simplement être lui-même. En fait je ne lui demande rien… Nous jouons pour nous faire plaisir, pour partager un moment avec les gens. Ce projet se résume à cela…

N’est-ce pas trop compliqué de continuer à défendre votre album « Hope » (sorti en octobre 2012) sur scène, tout en donnant des concerts autour de l’œuvre de Georges Brassens. Au contraire, est-ce pour vous une « bulle d’oxygène » qui apporte une certaine complémentarité dans vos travaux ?
Mat : A titre personnel, c’est un exercice un peu difficile. D’un soir à l’autre, je dois m’adapter à un répertoire différent. De plus, nous venons de travailler sur notre prochain album et il n’a pas toujours été aisé de devoir passer d’une chose à l’autre. Cela vient, enfin, de se ranger dans ma tête… C’est aussi complémentaire car des gens ont découvert le groupe en assistant à un spectacle consacré à Brassens, alors que d’autres ont appris à apprécier le répertoire de ce dernier en allant voir un concert de Mountain Men. C’est très positif !

Votre prochain album, contenant des textes en français, sortira donc en 2015. Musicalement parlant, sera-t-il différent de ce que vous avez pu faire dans le passé. Vous aviez déjà joué avec d’autres musiciens sur le disque « Hope ». Est-ce que ce sera encore le cas cette fois-ci ?
Iano : Nous y avons incorporé une pianiste qui fait également les chœurs. Il y aura aussi un batteur qui… tape fort sur certains morceaux (rires) !
Mat : Ce sera notre musique faite d’une manière assez différente. Nous ne voulons pas coller à un style en particulier mais, simplement, faire ce que nous souhaitons à l’instant t. Ce disque évoquera deux ans de notre évolution car c’est le temps qui s’est passé entre l’écriture des chansons jusqu’à la fin de l’enregistrement. Ce sera un album différent possédant, à la fois, un côté plus roots et un côté plus moderne. Ce sera très musical, nous ne nous sommes pas fixés de limites…
Iano : Ce disque nous conduit encore plus loin sur la route de notre évolution. Le but était d’aller vers l’essentiel, en étant très à l’écoute les uns des autres. Notre mot d’ordre était : efficacité !

Cela fait, maintenant, longtemps que vous tournez ensemble. Votre tandem ne cesse de prendre de l’ampleur sur la scène musicale en général (et non seulement dans le circuit blues). Sur un point de vue humain, comment définiriez-vous le duo que vous constituez ?
Mat : En 2015, cela fera 10 ans que nous nous connaissons. Même si nous tournons sous le nom de Mountain Men que depuis 2009. Au-delà de cette aventure musicale (qui nous a emmenés et nous emmènera encore dans plein d’endroits différents) c’est une « putain » d’aventure humaine. Nous sommes 5 sur la route et avons la chance d’avoir pas mal de boulot et de jouer au sein de plusieurs circuits, car nous ne nous considérons pas comme un groupe de blues pur et dur. Notre barre est située très haut et il y a, en permanence, 7 à 1à personnes qui travaillent sur notre groupe. Ce dernier devient une machine conséquente.
Où que nous allions, les salles sont pleines. Même lors de nos concerts en Italie, les gens chantaient nos chansons… c’est incroyable…
Iano : Pour ajouter une chose sur notre complicité et sur cette aventure humaine. J’ai l’impression que la soudure qui nous uni est de plus en plus solide. La communication entre nous est permanente…Avant de jouer avec Mat, je me produisais au sein de beaucoup d’autres formations (surtout des duos). De plus, préalablement à mon arrivée en France, je voyageais beaucoup vers la musique. Aujourd’huije voyage avec la musique et, cette fois-ci, on me paie pour le faire. Je trouve énorme la manière dont la roue tourne (rires) !
Mat : Nos disques se vendent bien mais, au final, ce n’est pas le plus important pour nous. Ce qui compte, c’est la valeur des gens qui nous entourent.Nous avons une boite de production formidable et un excellent attaché de presse. De surcroît, nous avons forgé notre réputation grâce à nos spectacles. Le fait d’avoir pu fidéliser notre public est une chose très importante à mes yeux. Nous ne faisons pas une musique à la mode et des sommes mirobolantes ne sont pas engagées pour nous faire connaitre auprès du plus grand nombre. Ce n’est pas comme pour toute la soupe que l’on nous sert à longueur de journées, via les grands médias et tout un tas de publicités.
Nous sommes sur la route et nous tournons. Nous faisons notre truc à l’ancienne.C’est plus fatiguant et plus difficile, car nous sommes éloignés de nos familles. Cependant, chaque soir, nous essayons d’offrir la meilleure prestation possible. C’est une source de plaisir inépuisable…

Souhaitez-vous ajouter une conclusion à ce nouvel entretien pour Route 66 ?
Iano : Sûrement (rires) ! Mat : Oui… à la prochaine (rires) !

Remerciements : Cédric Chazaud (Echo Productions) et Damien « Dams » Luçon

www.mountain-men.fr

 fr-fr.facebook.com/mountain.men.officiel

 
Interviews:
Les photos
Les vidéos
Les reportages
 

mountain-men.fr

facebook.com/mountain.men

Interview réalisée au
Festival Musiques Métisses
Colmar le 7 juin 2014

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

Le
Blog
de
David
BAERST
radio RDL