Dans un premier temps, peux-tu me parler de tes origines, Moustique?
Je viens de la Bastille, je suis né à l'hôpital St Antoine. A l'âge de 16 ans, j'ai entendu lors d'une fête foraine à la Bastille des disques de Fats Domino, Little Richard et Gene Vincent. Je suis, dès lors, devenu un véritable " drogué " de cette musique.

De quelle façon as-tu intégré le milieu du Rock'n'Roll français, faisais-tu parti d'un clan en particulier?
Cela s'est passé un samedi soir, il était 21h30 et j'écoutais " Long Tall Sally " de Little Richard. Je suis devenu complètement fou et je me suis mis à danser tout seul. Il y avait 4 ou 5 personnes qui me regardaient, puis 8, puis 10, puis 15, puis 20, puis 25, puis 40 etc…
J'ai regardé les gens et j'ai senti qu'ils avaient besoin que je sois là pour eux. Cela a démarré comme ça!

Par la suite le Journal France-Soir a organisé un concours, " La Guitare d'Or ", à l'Olympia.
L'inscription était de 20 francs, il y avait 158 chanteurs et je suis arrivé deuxième. Ils m'ont volé le concours parce que c'était moi le meilleur, en dehors d'un black américain qui a terminé quatrième.
Après la presse a titré " Un dénommé Moustique menace la gloire d'Hallyday "…

Puis on m'a fait des misères pendant 40 ans, j'étais interdit de chanter à Paris, interdit de radio, interdit d'interviews…
Maintenant que j'ai passé les 60 ans j'espère qu'ils vont me laisser…

Mais avais-tu intégré une bande, comme la bande de la Trinité par exemple?
Je faisais parti de la bande de La Bastille avec toute la jeunesse d'alors…

Peux-tu me parler de tes premiers pas discographiques, quel était ton label?
Après la " Guitare d'Or " 17 maisons de disques m'ont fait des propositions et Doudou, le régisseur de l'Olympia, m'a branché avec Barclay. Je regrette d'avoir signé chez lui car il m'a fait beaucoup de mal, il protégeait le show-biz d'alors. Pour ces gens là, j'étais une punaise…

Tu parles beaucoup d'animosité mais avais-tu des amis dans le métier?
Moi je n'ai jamais eu d'animosité avec qui que ce soit. On m'a mis en guerre avec Hallyday alors que nous avions l'un et l'autre notre public. Ceci dit la " Mafia Hallyday " a vraiment eu peur de moi.

A titre d'exemple lors de la soirée de la Nation (Premier grand rassemblement humain de l'histoire du Rock, place de la Nation à Paris en 1963, Nda) où il y avait 300.000 personnes, Lucien Morrisse (directeur des programmes d'Europe1 alors, Nda) avec son hypocrisie m'a dit " Ton numéro est trop puissant, on a peur des bagarres et nous n'avons pas assez de gardes du corps ".

En fait il ne voulait simplement pas voir Moustique et Hallyday sur la même scène. Johnny Hallyday est un grand ami à moi et je l'aime beaucoup, il n'a rien à voir là dedans…

Tout n'est qu'une histoire de pognon, y'en a marre!

Est-ce que tu gardes des contacts avec lui?
La dernière fois que je l'ai vu c'était à l'enterrement d'Eddie Barclay, on s'est fait la bise. Il vit sa vie et je vis la mienne. C'est un garçon qui mérite comme personne ne mérite…
Il amène de la joie aux gens, j'ai le même pouvoir…
On m'a mis en "prison" pendant 30 ans alors que j'ai un pouvoir car je suis le fils spirituel de Little Richard.

Pour ceux qui ne le savent pas, j'ai chanté avec lui à l'Olympia en 1965. J'ai aussi chanté plusieurs fois en duo avec lui, pour mes 50 ans, à " Swing in Deauville ", aux Arènes de Bayonne, au Forest National et lors de ses deux derniers concerts à l'Olympia.

D'ailleurs Hallyday et Mitchell vont bientôt sortir un trio avec lui, qu'ils arrêtent de me piquer mes plans!

D'après toi qu'est-ce qui te différenciait musicalement d'eux?
Eux ils ont retourné leur veste et virer leur cuti. Ils se sont commercialisés et je les admire dans ce sens là. Moi je suis un vrai con car j'en suis resté au Rock'n'Roll, quand on fait cette musique et qu'on est un tricard on ne peut pas aller loin.

As-tu gardé un pied dans la musique après cette première "cassure" dans ta carrière?
J'ai composé des chefs d'oeuvre en tant qu'auteur-compositeur, les gens ne le savent pas et j'attends qu'on me laisse les chanter.

J'ai composé un morceau pour Little Richard, "Travellin' Man". Tout le monde me dit que ce titre est une véritable "baffe dans la gueule".

C'est un morceau qui est à 105% Rock'n'Roll et qui porte la vraie âme de cette musique. Je pense que le Rock'n'Roll ne redeviendra jamais numéro 1 comme à l'époque et, pourtant, un ami m'a dit que " Travellin' Man" est le dernier Rock'n'Roll international de l'histoire.

Est-ce que Little Richard a chanté ce morceau?
Il va normalement l'enregistrer. Il ne connaît pas la chanson mais je l'ai donné à son manager il y a deux mois en Bretagne. Il a prit la cassette mais il ne lui a pas montré....
Ce soir, lors du concert, en exclusivité pour ton émission je te demande de l'enregistrer.

As-tu une conclusion à ajouter?
Je tiens à dire que pendant ce concert "Génération Rock'nRoll", auquel je participe ce soir à l'Olympia, je dédierai la chanson "Je suis comme ça" à Jojo, mon batteur, qui est décédé.

Je voulais aussi remercier Bruno Coquatrix qui est le seul à m'avoir tendu la main avec honnêteté. Il m'avait, à l'époque, proposé une tournée en vedette à travers la France. Comme un con, après 43 ans je m'en excuse encore, j'ai préféré être en vedette américaine du concert de mon idole Gene Vincent. J'avais 20 ans, j'ai fait ce choix et c'est une erreur qui me fait encore "morfler" maintenant.

Pour terminer je voudrais faire un hommage à Darry Cowl et Raymond Devos.

J'étais très ami avec ce dernier et à chaque fois que je le voyais, je lui disais (Moustique imite alors la voix de Raymond Devos) "Je me marre comme ça mais dans le fond je suis triste. Les Huns ils étaient deux quand ils ont attaqué Troyes et l'aut' fois, oh tu vas pas me croire j'me marre mais dans l'fond j'suis triste, j'vais au café et j'demande un demi. J'en bois la moitié, ben tu vas pas me croire il en restait plus. Oh j'me marre comme ça mais dans le fond j'suis triste..." (rires).
C'est un sketch que je lui avais écrit...