L'émission "blues"
de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST
Mudcat (Daniel "Mudcat" Dudeck)
Daniel, peux-tu me dire quelles sont les origines
du nom Mudcat ?
Mudcat et un terme d'argot qui désigne le poisson chat (en anglais
"Catfish", qui est un symbole du Mississippi, souvent évoqué
dans des titres de Blues, Nda). C'est une espèce de poisson
que l'on retrouve beaucoup dans les eaux boueuses des rivières.
D'où viens-tu et à quand remontent
tes débuts musicaux ?
C'est le bon moment pour tout clarifier. Dans ma biographie, il est dit
depuis des années et des années que je suis né sur
les rives du Mississippi. En fait, je suis né à Saint Paul,
Minnesota.
Il est vrai que c'est là que commence le Mississippi ! Mais cela
ne veut pas dire, comme le prétend ma biographie, que je suis né
dans le Mississippi (rires).
Je suis né dans le Minnesota avant de déménager en
Georgie sur les bords de l'océan Atlantique, dans une petite île
nommée Tybee Island. Je suis donc, en fait, réellement originaire
du sud de cette petite île.
J'ai commencé à jouer de la musique assez tard quand j'avais
17 ans. Lorsque j'étais plus jeune, je préférais
passer mon temps à la plage afin de chanter aux oiseaux et aux
cigales.
Quelles sont tes influences musicales ?
J'ai tellement d'influences
Je pense que la plus directe provient du fait qu'il y avait beaucoup de
bars et de clubs sur les bords des plages de Tybee Island, afin de répondre
aux demandes des nombreux touristes. Comme il y avait un port, beaucoup
de marins venaient aussi y passer leur soirée et y boire toute
la nuit. Dans ces endroits, il y avait souvent beaucoup de musiciens qui
m'ont fait vivre de nombreuses expériences.
Parmi eux, il y avait un trompettiste de Dixieland. Souvent les gens
pensent que le Dixieland est originaire de Louisiane. Il faut savoir que
cette musique a aussi des racines ancrées à Savannah. Cette
ville est très similaire à La Nouvelle Orléans d'un
point de vue architectural et également au niveau de la mentalité
des gens.
Bref, Sam, ce trompettiste, était un artiste très réputé
dans les années 20 et 30. Je l'ai rencontré en 1970 et dans
les années 80. C'est lui qui, le premier, m'a offert la possibilité
de jouer.
Tes débuts professionnels remontent-ils
à cette période ?
J'ai quitté mon dernier boulot il y a peut être 10 ans
Il m'arrivait de jouer avant ; mais mon dernier travail non musical, je
ne l'ai quitté qu'il y a 10 ans.
Quand as-tu décidé de fonder Mudcat
et quelle est l'histoire de ce groupe ?
J'ai voyagé tout autour de Savannah où j'ai beaucoup joué
dans les rues à partir de mes 17 ans.
Il n'y avait pas beaucoup d'opportunités pour moi dans cette ville.
Pour trouver un bon engagement, il fallait d'abord avoir eu un titre qui
figure au Top 40 et qui soit populaire à la radio.
Donc, pour me produire, il ne me restait que la rue.
J'ai fait cela à New-York, à La Nouvelle Orléans,
à Austin etc.
Puis je suis allé à Atlanta qui est un peu la capitale du
sud de la Georgie. J'ai décidé d'aller dans cette ville
car beaucoup d'amis de Savannah y habitaient. De plus, c'est une ville
formidable avec une grosse économie. J'y ai commencé en
solo sous le nom de Mudcat.
J'ai joué dans un grand Festival qui y existe depuis des années.
Puis un ami a voulu me rejoindre afin de jouer de la batterie à
mes côtés. Son kit de batterie était très petit
Après la première chanson que nous avons jouée ensemble,
je me suis tourné et je lui ai dit " Nous sommes Mudcat
" (rires).
Mudcat est donc le nom du groupe mais est aussi mon propre nom d'artiste.
Cela peut créer de la confusion mais, à titre personnel,
je ne me pose aucune question !
Pour toi, quelle est la définition de ton
style ?
(Après une brève hésitation) Oh, Rock'n'roll
Gumbo!
Professor Longhair m'en a donné l'idée en déclarant
"Le Rock'n'roll c'est un Gumbo" (le Gumbo est un plat
traditionnel de Louisiane, Nda).
Tout ça car le Rock'n'roll est un mélange de plusieurs musiques
comme le Blues. Tout cela, en plus, fait danser les gens
Quels sont les sujets de tes chansons ?
Les plus populaires, celles qui sont le plus appréciées
sur mes disques et que je dois absolument chanter dans mes concerts sont
celles qui parlent de whisky et de femmes. Sinon, je créé
des chansons de façon assez aléatoire en fonction de ce
qui passe par ma tête, où je suis, où je vais, qui
je rencontre etc.
Tout m'inspire
Cependant les chansons qui plaisent le plus aux gens et que je me dois
d'enregistrer sont celles qui apportent de la joie au public.
Comment as-tu rencontré Tim Duffy, le fondateur
de la Fondation Music Maker ?
Atlanta est une ville qui regorge de nombreux musiciens qui sont, tous,
pourvus d'un immense talent.
Ils sont fantastiques
Parmi eux il y en a des Stars énormes, des moins connus et types
complètement inconnus.
C'est vraiment rempli de musiciens formidables, dont certains sont très
âgés
Alors que je jouais dans les rues d'Atlanta et parfois dans les clubs
de cette ville - mais sans trop de succès - j'ai eu l'idée
de monter des concerts qui réuniraient certains de ces vieux musiciens.
C'était une sorte de Festival. Parmi ces gens certains sont, maintenant,
des artistes Music Maker.
Celle qui m'est le plus chère est Cora Mae Bryant. Son père
était Curley Weaver, qui a beaucoup enregistré des
années 1920 à 1940. C'était un grand ami de Blind
Willie Mc Tell
Quand tu écoutes les vieux enregistrements de Blind Willie Mc Tell,
tu peux entendre deux musiciens. Celui qui joue les parties de guitare
slide et qui fait les harmonies vocales est, presque toujours, Curley
Weaver. Un jour, nous avons fait une session d'enregistrement avec Cora.
Nous faisions des morceaux au banjo et certains titres de son père
dont je n'avais jamais entendu les originaux. Elle chante comme son père
- c'est très intéressant
Par la suite, Tim Duffy a fait un disque, pour sa compagnie Music Maker,
qui se nomme " Sisters of the South " avec uniquement
des chanteuses de Blues.
Il s'était procuré une cassette de mes enregistrements avec
Cora. Il m'a contacté afin que je le fasse rentrer en contact avec
elle pour ce projet de disque.
Il avait déjà signé de nombreux artistes noirs. Pour
eux, la vie est particulièrement difficile, sur un point de vue
politique et racial, dans le sud des USA. Le fait que je soit blanc lui
permettait de démontrer qu'il y a aussi des blancs qui galèrent
et qui ont de bonnes connaissances des racines des musiques américaines.
De plus Tim avait déjà, dans sa compagnie, 20 ou 25 artistes
qui me connaissaient et qui m'appréciaient. Une relation sincère
tissée de confiance et de respect s'est, immédiatement,
installée entre nous.
Peux-tu me parler de ta discographie ?
Bien sûr !
En 1994 j'ai commencé l'enregistrement de mon premier CD. Cela
m'a pris deux ans car je n'avais pas beaucoup d'argent. Je l'enregistrais
petit à petit au fil de mes concerts dans la rue. C'était
très difficile. A chaque fois que j'écrivais une bonne chanson,
je devais attendre longtemps avant de pouvoir la graver (rires). A ce
jour j'ai enregistré 8 CD.
Comment expliques-tu le fait que tu fasses autant
de concerts en France ?
En 1996, j'ai été invité à jouer au Festival
" Blues to Bop " de Lugano en Suisse. C'était
une expérience formidable
J'ai un ami, René Miller, qui est originaire de La Nouvelle
Orléans. Il est allé vivre 5 ans à Paris où
il jouait dans la rue, ce qu'on appelle faire du " busking ".
Il m'a dit que si je venais en Europe, je devais passer le voir à
Paris. J'ai, donc, tenté ma chance en 1996.
Je participais à un Festival et après ce Festival je suis
allé à Paris où je jouais sur les terrasses, sur
la Place des Vosges et à d'autres endroits
Petit à petit je suis passé des terrasses aux petits cafés.
J'ai continué, tout doucement, à tracer ma voie
5 ans plus tard, j'ai rencontré Katerina qui est devenue ma manager
en Europe et qui m'aide à trouver de nombreux engagements sur ce
continent.
Connais-tu de nombreux artistes français
?
Oui, j'en connais (longue hésitation) ..
Ca, ça veut dire que tu ne te souviens
pas des noms
(Rires) Mon préféré est . (Nouvelle hésitation) .
Je suis désolé je ne me souviens pas de son nom
Je crois que c'est David Rolland, c'est mon préféré
" my number one " !
Il vit à Paris et il à souvent joué avec moi quand
j'étais à Paris. Parfois à la basse, parfois à
l'harmonica
Quelles sont, à ce jour, les plus belles
rencontres que tu ais faites dans la musique ?
Le meilleur moment a été à Chicago, dans l'un des
meilleurs clubs de la ville " The Kingston Mines ".
C'est assez sale à l'intérieur mais c'est, vraiment, un
des meilleurs clubs de Blues.
Si Mudcat est un synonyme de catfish c'est aussi un hommage à Muddy
Waters qui est, pour moi, le numéro un !
Il y a un disque qui se nomme " Muddy Waters Live at Mr Kelly's
" qui est sorti dans les années 70.
Sur ce disque il y a le pianiste Pinetop Perkins, dont l'une des
plus fameuses chansons est " Chicken Shack " (Mudcat
fredonne alors l'air, Nda).
Ce soir là, j'ai eu la chance, d'accompagner Pinetop Perkins sur
scène. Nous avons fait une chanson, il y avait aussi Willie
" Big Eyes " Smith à la batterie et mon propre bassiste.
J'ai eu d'autres, très bonnes, expériences avec divers bluesmen
comme Chick Willis etc
Parfois cela se passe plus ou moins bien, sur scène, avec des gens
que l'on invite ou que l'on rejoint lors de concerts. Par contre avec
Pinetop et Willie, c'était complètement " organique
". Une alchimie parfaite
C'est vraiment mon expérience la plus marquante, ma préférée
mais j'en ai eu tant d'autres, avec beaucoup de gens. Je n'arrive pas
à me souvenir de tout immédiatement
Quels sont tes projets ?
Je suis en train de décider. J'aimerais faire un album live, enregistré
dans mon club préféré d'Atlanta "Northside
Tavern ", qui est un peu ma seconde maison.
Nous allons enregistrer 3 nuits, celle de nouvel an ainsi que le vendredi
et le samedi qui précèdent.
Je vais utiliser le même ingénieur que sur les 3 derniers
disques que j'ai fait. Ceux-ci ont été enregistré
en studio mais en conditions " live "., sans overdubs etc.
Cet homme viendra spécialement d'Alabama pour travailler sur ce
projet.
J'ai également un autre projet d'album studio avec de nouveaux
titres originaux.
As-tu une conclusion à ajouter ?
Vive la France ! (En français, Nda).
Je me sens très bien ici et je tiens à remercier tous les
gens en Europe et spécialement en France.
Les gens, ici, me supportent tant
Les français comprennent vraiment le Blues, ils ont un grand intérêt
et une réelle curiosité pour cette musique.