the New-York Dolls (Sylvain Sylvain)
Sylvain pour commencer peux-tu me dire ce qu'il
reste, 35 ans après, de l'exubérance des New-York Dolls
du début ?
Il y a beaucoup de choses qui restent !
Tu sais, nous avons des nouveaux musiciens dans le groupe qui sont formidables,
ils sont vraiment des New-York Dolls et, de ce fait, nous conservons une
certaine continuité avec ce que nous faisions lorsque nous avons
commencé.
La musique est vraiment du Rock'n'Roll, la musique de nos origines. Lorsque
tu enlèves aux New-York Dolls leur rouge à lèvres
et leurs chaussures à talons compensés, il reste le Blues.
Nous sommes vraiment un " Blues Band " et nous faisons
nos chansons à partir des 3 mêmes cordes. Ces titres sont
" sexy " et nous les écrivons en étant guidés
par nos âmes.
C'est facile d'écrire une chanson, tout le monde peut le faire,
mais pour écrire une bonne chanson, il faut vraiment que tu la
vives.
Qu'est-ce qui vous a poussés, avec David
Johansen, à remonter le groupe ?
C'était en 2004, Morrissey nous a contactés car il
était impliqué dans un Festival, à Londres (Le
Meltdown Festival, Nda) auquel participait aussi Jane Birkin,
qui travaillait avec Serge Gainsbourg dans le passé. Sachant qu'elle
y était, j'ai absolument souhaité jouer lors de cette manifestation
(rires).
C'était quelque chose de formidable, surtout pour notre bassiste
Arthur " Killer " Kane qui a attendu toute sa vie de
refaire de la musique avec les New-York Dolls et qui est décédé
deux semaines après le show, le pauvre
Il était très malade mais c'était comme s'il avait
mis sa maladie de côté le temps des répétitions
et du show. Il était très bien pendant le spectacle, cela
tient pour moi du miracle. Nous avons fait un DVD sur cela, sur sa vie
Ce film s'appelle " New-York Doll ", c'est un documentaire
qui évoque Arthur Kane qui a fait une chose dans sa vie
les
New-York Dolls. Le metteur en scène est Greg Whiteley, son
travail est formidable.
Est-ce aussi une façon de rendre hommage
à tous les disparus du groupe que de refonder les New-York Dolls
?
Oui mais tu sais lorsque nous avons reformé le groupe il n'était
pas question pour nous de remplacer Johnny Thunders, Jerry Nolan,
Billy Murcia ou Arthur Kane. Nous avons simplement pris
des mecs que nous connaissions qui pour nous étaient déjà
des New-York Dolls dans leur âme.
Il suffit de voir l'un d'eux marcher dans la rue et tu diras " Tu
vois ce mec, c'est un New-York Dolls ". Nous n'avons jamais cherché
à remplacer quelqu'un mais juste cherché à refaire
notre musique. Une musique qui ne nous appartient pas puisqu'elle appartient
au monde entier. Ce sont les gens qui nous disent ce qu'ils veulent et
ce que nous devons faire.
Tu m'as dit quelque chose que j'ai beaucoup aimé
tout à l'heure. Tu m'as dit que derrière le maquillage des
New-York Dolls se cachait du vrai Blues. Peux-tu me parler de votre rapport
avec cette musique ?
Chaque membre des Dolls, à nos débuts, a apporté
quelque chose au groupe. Cependant la seule chose commune que nous avons
tous apportée c'est le Blues, vraiment !
Nous chantons une chanson de Bo Diddley " Pills "
et tout le monde pensait, à l'époque, que nous en étions
les auteurs.
Je pense que même si tu reprends une chanson, tu dois la retravailler
de façon à ce qu'elle t'appartienne vraiment.
Il ne faut pas la copier de façon identique, le but est d'ajouter
quelque chose
De plus le Blues est très important pour le Rock'n'Roll
Les groupes qui sont venus après les Dolls n'étaient plus
qualifiés de Rock'n'Roll mais appelés groupes de Rock. Entre
les deux il y a une grande différence. Le rock peut englober la
Pop etc
Quant au Rock'n'Roll il vient directement du Blues et le Blues en est
une des fondations. Il y a plein de groupes de Rock qui disent faire du
Rock'n'Roll mais ça n'en est pas.
Par contre, si tu entends du Blues, tu remarqueras tout de suite la connexion
avec le Rock'n'Roll. Le blues est aussi la première vraie musique
de scène, de performance, c'est cette musique qui t'apprend à
te comporter sur scène. Comme une mère apprendrait à
son fils à boutonner sa chemise. Si tu ne sais pas le faire, on
se moque de toi. Dans le cas de la musique, on te jette de la scène
Le Blues est une musique faite pour le spectacle et tant que le spectacle
est bon, on le continue. De plus chaque solo est différent
Je dis à tous les musiciens qu'ils doivent apprendre leur métier
en jouant sur scène, c'est la vraie école, là qu'on
apprend tout
Lorsque vous avez commencé, que pensait
de vous toute la " vieille garde " des Bluesmen traditionnels
qui étaient encore là ?
Il y avait plus de Blues que maintenant, mais pas tant que ça.
Je ne sais pas précisément ce qu'ils pensaient de nous
Lorsque nous avons enregistré notre nouvel album, j'ai dit à
David Johansen que notre mérite dans notre démarche aura
au moins été d'avoir fait un authentique disque de Rock'n'Roll.
Qui, aujourd'hui, fait encore de vrais disques de Rock'n'Roll ?
Peu de groupes en font, donc notre but aura simplement été
de montrer aux gens ce qu'est le vrai Rock'n'Roll.
Le Rock'n'Roll vu avec nos yeux.
Comment peut-on définir ce nouvel album.
Comme un véritable disque des New-York Dolls ou comme des retrouvailles
entre David Johansen et Sylvain Sylvain ?
Je crois sincèrement que c'est un nouveau disque des New-York Dolls.
Nous n'avons pas eu besoin de travailler très dur pour arriver
à ce résultat. Les nouveaux musiciens du groupe ont tout
compris à l'état d'esprit des Dolls.
D'ailleurs depuis 2004 le téléphone sonne sans cesse et
nous n'arrêtons pas de jouer.
Pour en revenir à notre re-formation ; si pendant les répétitions
les automatismes ne venaient pas tout de suite, David prenait son harmonica
et nous improvisions des Blues. Après, si cela nous plaisait, il
nous arrivait alors de refaire ces titres le soir-même sur scène.
Ce qui était incroyable c'est que, sans les connaître, les
spectateurs reprenaient en choeur ces morceaux.
Nous avons alors enregistré une démo que nous avons envoyée
à un Grand Festival au Texas, un Festival réservé
aux jeunes groupes qui débutent et qui veulent signer avec des
labels !
C'est grâce à cela que nous avons été signés,
à nos âges (rires) !
Tout le monde pensait que nous pouvions trouver une maison de disques
sans problème, mais ce n'est pas la vérité. Même
si on croit que je suis plus grand que Mick Jagger, je ne peux pas (rires).
A vos débuts vous avez influencé
de nombreux groupes tels que les Sex Pistols, les Ramones, Blondie, Kiss
etc
Est-ce que, à l'inverse, des groupes actuels vous auraient influencés
lors de votre re-formation ?
Non pas vraiment
Moi j'aime le " Old Jazz ", plus il est vieux, mieux
j'aime
Par exemple j'écoute des artistes tels que Ella Fitzgerald,
Louis Armstrong etc
Quand nous avons commencé il n'y avait personne, nous étions
les premiers et nous nous sommes cassés le cul (rires).
Il n'y avait rien, même pas des clubs dans lesquels nous pouvions
jouer en dehors de " Max's Kansas City " qui était
réservé au Velvet Underground, donc endroit tabou
pour les autres musiciens, impossible d'y entrer
. C'était
leur " Eglise "
Nous avons donc dû trouver notre propre endroit pour pouvoir nous
produire. Avant les New-York Dolls il y avait un mur devant chaque musicien.
Ce mur était de devoir vendre autant de disques que les Beatles
ou jouer de la guitare comme Jeff Beck, sinon personne ne voulait
te signer.
C'était les compagnies qui faisaient les groupes et non pas les
groupes qui faisaient la musique, c'était l'industrie.
C'est nous qui avons fait tomber ces murs et grâce à cela
nous avons eu des Patti Smith, les Talking Heads, Blondie
etc
Tout cela rien qu'à New-York !
Certaines personnes ont pensé que les New-York Dolls ne dureraient
que deux semaines mais il y avait des poches à travers le monde
entier. De ces poches sont sortis énormément d'artistes
comme les Sex Pistols qui sont venus bien après nous.
En ce qui concerne un groupe comme Kiss je n'ai jamais pu voir
quelle était la filiation entre eux et nous. Je trouve que nous
n'avons rien en commun. La seule influence est que nous avons écrit
une chanson nommée " Looking for a Kiss " qui
a donné naissance à leur nom. Je trouve que leur musique
est faite pour les enfants
.
Vous vous sentez plutôt comme les pères
spirituels de la scène Punk anglaise en fait
Oui car une fois ce mur cassé, il y a eu cette explosion Punk en
Angleterre et même ici en France.
Ce sont les New-York Dolls qui sont à l'origine de tout cela et
nous ne nous sommes jamais fait d'argent.
Les gens disent même que nous sommes à l'origine du mouvement
Punk et même du Heavy Metal, " The long hairs Band ".
Ce qui est drôle, tu sais, c'est qu'il s'agit de deux catégories
de musiciens et de gens qui ne peuvent pas se voir, qui se détestent.
Pour en revenir à votre dernier album on
y retrouve des invités de marque comme Iggy Pop. Comment s'est
passé le travail à ses côtés ?
C'est une initiative de notre label et de notre manager qui ne pensaient
pas que nous pouvions faire un disque sans la présence de grandes
Stars. Ils appellent cela le " Star Power ", cela permet
de vendre des disques.
De mon côté je pense que c'est à la chanson de dicter
ce dont elle a besoin. Il faut être avec elle et c'est elle qui
te dit ce dont elle a besoin, s'il faut rajouter un saxophone ou un harmonica
par exemple. En principe cela se passe toujours très bien.
Avec Iggy Pop nous sommes amis, David Johansen le nomme "
My cousin ". Quant à Michael Stipe (du groupe
R.E.M, Nda) il habite comme moi en Georgie car je suis marié
à une " Georgia Peach ", une pêche de Georgie
Il ne s'agit pas de Little Richard au moins
(rires)
(rires) Peut-être, d'autant plus qu'elle chante comme lui (rires).
En tout cas quand on fait l'amour " Waouuuuhhh !!!!!! "
(rires).
Tu en parlais un peu au début de notre
entretien, mais dans ce disque, quels sont les thèmes que vous
abordez ?
Tu sais dans ce nouveau disque tous les membres ont contribué à
l'écriture, ce n'est vraiment pas fermé
Je trouve que cela est une chose formidable, cela me permet d'envisager
le futur
Mais êtes-vous porteurs d'un message, vous
sentez-vous revendicatifs ?
Notre message est de dire aux gens qu'ils doivent vivre leur vie car nous
n'avons chacun d'entre nous qu'une vie.
On me dit que ce disque, qui est une nouveauté, aurait pu être
enregistré il y a 30 ans car nous n'avons pas changé. Cela
m'émeut beaucoup, j'adore l'entendre, c'est " beautiful
"
La première fois que j'ai entendu ce disque,
je me suis dit " C'est le meilleur disque des Rolling Stones depuis
35 ans ! ". Est-ce une allusion qui te plaît ou qui ne te plaît
pas ?
(Sylvain tombe alors à la renverse dans le canapé et éclate
de rires) J'adore ça, merci !
Pour moi les Stones sont des " Gods ", le bon Dieu du
Rock'n'Roll. Quelqu'un d'autre en Angleterre m'a dit cela.
On nous a aussi dit que nous avions la " Beatles Attitude
", là aussi, j'aime ça !
Ce genre de compliment me donne " Le bois dans le feu "
pour continuer à faire de la musique.
Alors nous pouvons avoir l'espoir de revoir, longtemps
encore, les New-York Dolls sur les scènes du Monde entier ?
Maintenant nous sommes vraiment sur la scène mondiale. A titre
personnel, même lors de notre séparation en 1975, je n'ai
jamais laissé les New-York Dolls. Ils ont toujours été
en moi
Si tu vois toute ma carrière, j'ai toujours eu un peu des New-York
Dolls en moi
J'ai fait deux ou trois disques qui ont bien marché ici en France
entre 1980 et 1983. Ils ont été très bien reçus
ici
A propos de la France, comment se fait-il que
tu sois aussi francophone ?
C'était ma première langue !
Je suis né en Egypte mais ma famille a été chassée
de ce pays en 1956 car nous étions juifs.
J'étais au Lycée français du Caire
Après l'Egypte nous avons vécu à Paris pendant quelques
années avant de partir à New-York.
As-tu des souvenirs de musique française
de cette période ?
Au début des années 60 j'aimais les " Chaussettes
Noires ", je les adorais !
Presque toutes les chansons en France étaient alors des adaptations
de titres américains comme " C'est ma fête je fais ce
qui me plaît " (incroyable, Sylvain Sylvain se met à
fredonner une chanson de
Richard Anthony! Nda) traduit de "
It's my party and I'll cry if I want you
" (Sylvain chante
alors et tape dans les mains sur cet air de 1963 de Lesley Gore, Nda).
Arrivé aux USA, je disais que ces chansons étaient françaises
en découvrant les versions américaines. En fait c'était
l'inverse (rires).
Ceci dit, c'était bien
Je me rappelle qu'un jour mon plus grand frère m'a emmené
dans un cinéma à Paris pour voir un film. Il s'agissait
de " King Creole " avec Elvis Presley
Tous les enfants dans la salle étaient venus avec des bongos et
des petites guitares et ils jouaient pendant le film comme un grand karaoké,
je n'ai jamais oublié cela
J'habitais à côté du Faubourg Montmartre, à
proximité de l'Olympia et j'étais à l'école
" La Victoire ".
J'adorais la France, j'ai vu tous les amoureux qui s'embrassaient. Si
en Egypte tu embrasses comme ça, tous les arabes vont te casser
la gueule (rires). Les salauds, ils n'aiment pas ça, il n'y a pas
de sexe avec eux (Sylvain dit évidemment cela sur le ton de
la plaisanterie, Nda)! Avec les musulmans en tout cas, ou alors ils
le cachent
Avant de conclure, peux-tu me parler des projets
du groupe ?
J'espère que nous allons faire un autre disque mais que nous ne
prendrons plus 32 ans pour le faire (rires).
Tu sais, nous écrivons des nouvelles chansons actuellement
Nous sommes des animaux et nous devons écrire, sinon nous allons
couler
Nous restons joyeux, à l'image de tous les nouveaux musiciens du
groupe comme Sami Yaffa à la basse qui vient des Hanoi Rocks,
Brian Delaney à la batterie, Steve Conte à
la deuxième guitare.
Nous avions aussi un autre Brian (Brian Koonin, Nda) mais il nous
a laissés, le salaud, alors je ne veux pas parler de lui (encore
une fois Sylvain emploie le ton de la plaisanterie, Nda), il est un
con (éclat de rires) !
Il nous a abandonné pour jouer avec Barbara Streisand
En fait c'était un peu notre professeur, il a travaillé
avec David pendant 20 ans.
C'est un pianiste génial mais il n'a jamais voulu rester avec
notre groupe, il avait toujours d'autres choses à faire, notamment
dans des grands orchestres de Broadway.
As-tu autre chose à ajouter en conclusion
?
Oui j'aime tout le monde alors que tout le monde vienne nous voir en France.
Achetez aussi notre disque car nous avons besoin des 2%
Quand vous viendrez nous voir, habillez-vous, emmenez vos petits amis,
votre père, votre mère, qui vous voulez
" Just come and have a good time and we're gonna make a Rock'n'Roll
party... a real Rock'n'Roll party!"
http://nydolls.org
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