Nico Duportal
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Découvert au sein du groupe Rosebud Blue Sauce, Nico Duportal bénéficie -à juste titre- d’une réputation qui lui permet de briller aussi bien sur le vieux continent, qu’en Angleterre ou (depuis peu) aux USA. Aujourd’hui accompagné par les Rhythm Dudes, le chanteur-guitariste « survitamine » le jump blues, sans pour autant lui imposer un lifting sanguinolent (qui pourrait dénaturer cette musique, le faisant ainsi passer pour un Docteur Frankenstein de l’up tempo). Artiste aussi subtil que racé, le bonhomme n’en demeure pas moins un véritable vecteur d’énergie pour les spectateurs qui viennent assister à ses shows. Nos chemins se sont enfin croisés et c’est avec un plaisir énorme que j’ai pu lui tendre mon micro. Une occasion de vérifier que sa gentillesse présumée n’est pas une légende. De ce fait, grâce à Nico Duportal, c’est bien un entretien amical (et tout en swing) qui me tendait les bras.

Nico, tu es devenu une pointure internationale du blues, du rock’n’roll et du jump. Quel apprentissage as-tu suivi pour cela. Bref, comment devient-on un Nico Duportal ?
J’ai écouté énormément de disques et j’ai vu beaucoup de concerts. C’est aussi simple que cela !

Te souviens-tu, justement, d’un concert ou d’un disque marquant qui aurait vraiment déclenché en toi l’envie d’en faire ton métier ?66
C’est un concert de Jimmie Vaughan, en 1996, qui m’a vraiment poussé à me lancer. Il était accompagné par un groupe impressionnant au sein duquel se détachaient, par exemple, d’excellents choristes. Il m’a vraiment mis la « beigne ». Puis, il y avait les disques de mon frère…
A l’époque, si j’habitais en région parisienne, je passais mes vacances à Cahors où il y avait un festival de blues. N’ayant jamais les moyens de me payer les billets d’entrée, j’écoutais les concerts derrière le mur de l’enceinte. J’ai pu y entendre des choses superbes, dont des prestations de Ray Charles ou de Matt « Guitar » Murphy.

As-tu appris en autodidacte ou as-tu pris des cours de guitare ?
Mon père avait cru bon de m’inscrire à des cours de guitare alors que j’avais sept ans. Cependant, ces derniers se déroulaient le mercredi matin. A l’âge que j’avais alors, je préférais rester chez moi et regarder des dessins-animés. De ce fait, cela ne m’a pas servi à grand-chose et l’expérience s’est arrêtée au bout de 8 ou 10 mois. L’envie m’est revenue vers mes 17 ou 18 ans.

Quels sont les premiers groupes que tu as, alors, fréquentés ?
Le tout premier se nommait Les Chamanes, c’était sur Paris. Nous faisions un genre de néo punk-rock alternatif. C’était rigolo et j’aimais bien. Plus tard, lorsque j’ai commencé à essayer de faire des vrais accords, j’ai rencontré des gars à Cahors (après un formidable concert de Luther Allison qui avait joué trois heures). J’étais à la buvette et j’ai commencé à discuter avec l’un de ces mecs qui était batteur. Nous avons émis l’idée de fonder un groupe qui reprendrait des standards du blues (même si, lui, était davantage branché pub-rock). Nous avons donc tenté de mélanger nos diverses influences et c’était un peu le bordel (rires) !
Cependant, cette expérience était marrante. Le groupe se nommait Mad Man Blues en l’honneur de John Lee Hooker et de sa chanson « Mad man blues » (qui avait été reprise par Dr Feelgood, ce qui tombait bien). Ce truc la n’a duré qu’un an et demi ou deux ans. Nous devions faire que 4 ou 5 concerts à l’année…
Ensuite (en 2001), j’ai rencontré le contrebassiste Abdel « B. Bop » Bouyousfi avec lequel j’ai fondé Rosebud Blue Sauce qui se nommait déjà Rosebud auparavant (à sa fondation, en 1999, avec d’autres membres).

Penses-tu que le fait d’avoir fait de la musique au sein d’un groupe de néo punk-rock alternatif t’a servi afin de te distinguer des artistes de rock’n’roll plus traditionnels ?
Non, je ne crois pas. Cette expérience ne m’a pas vraiment laissé de trace même si, par nostalgie, il m’arrive de réécouter certaines de mes influences de cette époque (Stooges, MC5…). Mon vrai background s’est établi en écoutant les disques de mon frère. Je lisais les crédits des pochettes où je voyais des noms tels que ceux d’Otis Rush, Junior Wells ou Don Robey…
C’est en cherchant à savoir qui étaient ces gens-là, que je me suis constitué une vraie culture musicale. Ce que j’écoutais, à mon adolescence, ne m’a pas servi à grand-chose.

A-t-il été facile, au début des années 2000, d’imposer un groupe de rock’n’roll au public français ?
Je n’ai jamais eu de tactique. Dans notre groupe, nous écoutons tous la même musique et possédons la même envie (lorsque nous montons sur scène, que nous entrons en studio ou que nous rencontrons des gens). Il n’y a pas de plan, je ne me suis jamais dit « il faudrait que nous jouions là ».
Quand nous parcourons 600 bornes au volant de notre camion, que nous faisons le bilan de notre concert de la veille et que nous nous disons que nous nous produirons dans tel ou tel festival le mois prochain (en Suède, Belgique ou en Allemagne), nous avons encore du mal à y croire. Nous n’avons jamais rien prévu dans ce sens et je n’ai jamais cherché à m’imposer en tant que musicien français de blues, de rhythm and blues, de jump, de black rock’n’roll ou de quoi que ce soit d’autre. Nous faisons simplement, à notre façon, la musique que nous avons envie de jouer.
Nous n’avons aucune perspective de carrière et faisons simplement la musique que nous avons envie de faire. Aujourd’hui, la chose importante et de conserver, au maximum, l’envie de continuer à enregistrer des disques et de jouer devant des gens. Pour l’instant, ça va…

Tu as, également, forgé ta réputation au fil des kilomètres qui se sont accumulés. Ceux-ci t’ont conduit à accompagner beaucoup d’artistes anglo-saxons. Peux-tu revenir sur quelques-unes de tes plus belles collaborations ?
Parmi les musiciens d’outre Atlantique, il y a Lynwood Slim. J’ai, musicalement parlant, beaucoup appris à ses côtés. C’est vraiment un mec marrant avec son passif, qui fait très « cliché à l’américaine » (les embrouilles, les coups de couteaux, les coups de feu…). J’ai beaucoup d’estime pour cet homme et je le considère comme un grand frère. J’étais chez lui au mois de février dernier et j’ai, à nouveau, passé debons moments en sa compagnie, même s’il n’a plus une grosse santé. Je lui dois beaucoup…
Chez les français, je tiens à citer Youssef Remadna qui est aussi un grand frère. J’adore jouer avec cet artiste. Avec lui, tout est toujours très simple et je pense que j’arrive à l’accompagner d’une façon qu’il apprécie. De manière plus « anecdotique », j’ai joué avec Big Jay McNeely que l’on peut considérer comme un inventeur du rock’n’roll. C’était marrant de se retrouver sur scène avec ce mec-là. Il a une vraie histoire derrière lui et il a tout vu.
De manière générale, j’essaye de toujours retenir le meilleur de ce que je fais avec d’autres artistes lors de sessions. Plus récemment, j’ai eu la chance d’enregistrer avec Jimi Bott, Kid Ramos, Kim Wilson et toute la fine équipe des Mannish Boys. Cela m’a vraiment laissé un souvenir indélébile même si je n’ai passé qu’une heure ou deux dans le studio. 66

Tu viens de faire référence au groupe The Mannish Boys, dont l’album « Wrapped Up & Ready » est tout juste paru sur le label Delta Groove. De quelle manière t’es-tu retrouvé à côté de ces prestigieux musiciens, afin de participer à l’enregistrement de l’une des chansons du disque (en l’occurrence « Everything’s alright », morceau créé par Roy Brown) ?
Je suis, depuis très longtemps, en contact avec Jeff Scott Fleenor qui est le producteur artistique du label Delta Groove. Il a toujours eu un œil sur mon travail, même à l’époque de Rosebud Blue Sauce. Il passait même nos disques, dans le cadre de son émission de radio à Los Angeles.
Ayant quelques connexions aux USA, j’ai pu y partir afin d’y effectuer une petite tournée. Je l’ai prévenu de la chose, en lui précisant à quelles dates je serai dans le sud de la Californie. Un message que j’ai également envoyé à Randy Chortkoff (harmoniciste et également producteur pour le label Delta Groove, nda). Ce dernier m’a répondu « super, qu’est-ce que tu fais entre le 10 et le 12 février 2014 car nous enregistrons le prochain album des Mannish Boys ? ». Je ne savais absolument pas ce qu’il voulait dire par là (qu’il ne serait pas disponible, qu’il souhaitait que je passe dire bonjour, qu’il voulait que je fasse un truc…). En fait, c’était bien pour faire une rythmique et un chorus de guitare sur l’un des morceaux de l’album. J’étais donc comme un gosse et j’ai pu revoir des potes tels que Kirk « Eli » Fletcher ou Monster Mike Welch.
Se retrouver au milieu de Fred Kaplan, Kim Wilson et les autres était vraiment impressionnant. De plus, lorsque j’ai demandé quel sera l’autre guitariste sur ce titre et que l’on m’a répondu Kid Ramos, j’ai juste eu envie de faire demi-tour (rires) !
Jeff m’a rassuré en me disant que la chanson sera parfaite pour nous deux et, effectivement, tout s’est très bien passé. C’était drôle de voir débarquer Kid Ramos qui est venu à ma rencontre en me disant humblement « Salut, moi c’est David ». J’ai juste pu lui répondre « mais oui, je sais qui tu es » et me présenter à mon tour (rires) !
Deux ou trois semaines après cette session, je n’en revenais toujours pas… avoir collaboré avec ces musiciens me semble toujours incroyable. De plus, tout s’est parfaitement « goupillé » sur place. Je me sentais chez moi, tant les gens étaient agréables avec moi. J’avais peur que tous ces mecs me voient débarquer comme un petit français qui vient bouffer leur pain mais, en fait, tout s’est bien déroulé. C’était génial !

Dans ce groupe américain, à géométrie variable, se trouve pourtant un guitariste français très bien implanté dans le milieu musical californien. Il s’agit de Franck Goldwasser. Le connais-tu bien, as-tu déjà eu l’occasion de jouer avec lui ?
Juste avant mon départ aux Etats-Unis, j’ai eu l’occasion de jouer avec lui à l’occasion d’un concert (dans le nord de la France) célébrant les 50 ans de batterie de Willy Maze (qui était, notamment, le batteur du mythique groupe belge de blues The Electric Kings, nda). Il y avait énormément de bons musiciens pour cette célébration. C’est à cette occasion que nous nous sommes rencontrés, avant de nous retrouver au studio d’enregistrement en Californie…

Tu évoquais Big Jay McNeely qui est l’un des grands saxophonistes de l’histoire du rhythm & blues. Y’a-t-il des instrumentistes, autres que des guitaristes, qui t’ont influencé dans ta manière de jouer ?
Beaucoup de saxophonistes et de pianistes m’ont inspiré. Quand tu écoutes les chorus de piano d’un mec comme Ray Charles (surtout lorsqu’il tournait en formule trio), tu te rends compte qu’il faisait des plans à la T-Bone Walker. C’est ce que je trouve génial dans ces musiques. Les guitaristes ont emprunté aux saxophonistes ou aux pianistes et inversement. J’écoute toujours beaucoup ces musiciens, ainsi que des chanteuses.

Tu peux t’appuyer sur un groupe de grand talent, The Rhythm Dudes. Peux-tu me le présenter ?
Ce sont mes copains, ma famille…Nous sommes six et arrivons tous à supporter les humeurs de chacun d’entre nous, même après plusieurs jours de tournée. Il y a Thibaut Chopin à la contrebasse (également au chant et qui cosigne la majorité des compositions originales de Nico, nda) qui est mon ami et avec lequel j’ai formé le groupe il y a près de cinq ans.
Pascal Mucci est à la batterie et n’est âgé que de 28 ans. Il vient du jazz traditionnel (donc très influencé par le blues). C’est un sacré musicien et, à chaque fois que je l’entends jouer, il me surprend. Olivier « Red » Cantrelle est notre pianiste. Ce dernier vient aussi du jazz, du swing et du blues. Arnaud Desprez tient le saxophone ténor, il est un grand spécialiste dans les domaines du jazz et du blues.
Au saxophone baryton, il y a un jeune dunkerquois qui réside à Bruxelles et qui se nomme Alex Bertin. C’est un spécialiste en son domaine et il ne joue que du saxophone baryton.C’est un grand fan de jazz ainsi que de rhythm and blues des années 1940 et 50.Nous possédons tous ce dénominateur commun, qui est le blues.

Outres les nombreuses sessions auxquelles tu as du participer, combien de disques as-tu sorti sous ton propre nom ?
Nous en avons sorti trois. Le premier « Meet Me In the Basement » (2009) est, volontairement, passé inaperçu. Il était agrémenté d’une petite pochette cartonnée et avait été tiré à 400 exemplaires. Ensuite, il y a eu « Goin’ Back to Ya » avec un groupe différent puisque seuls Thibaut Chopin et moi-même sommes présents sur ces enregistrements.C’est cet album qui nous a donné l’envie de continuer et d’aller plus loin dans notre démarche. Notre dernier disque en date « Real Rockin’ Papa » est sorti il y a un an et demi sur le label Crazy Times.
Il nous tarde maintenant de retourner en studio, au mois d’août prochain. Nous y enregistrerons notre prochain album constitué, grande partie, de titres originaux. Certains de ces morceaux seront cosignés par d’autres gars, mais je n’en dirai pas plus (rires) !

Il y a aussi une part d’humour et de dérision dans ton univers. Est-ce un aspect que tu aimes cultiver ?
On aime bien se marrer. On pourrait avoir l’air de faire notre truc au sérieux mais, en fait, il ne s’agit que de musique et d’histoires. C’est pour cette raison que nous apprécions le fait d’écrire nos propres morceaux car, de ce fait, nous évoquons ce que nous connaissons vraiment. Par exemple, notre clip « Real rockin’ papa » fait référence à un chanteur sûr de lui…qui pense être un vrai dur à cuire. Bref, il n’est pas un rigolo et compte bien le prouver à sa chérie. Le clip démontre, qu’en fait, il n’est qu’une petite frappe qui se fait éclater la tronche à longueur de journée. Ce sont des situations qui me font rire et nous nous sommes beaucoup amusés à tourner cette vidéo.
De même, l’enregistrement de l’album s’est fait dans la bonne humeur et, avec Thibaut, nous avons pris un plaisir énorme à écrire la chanson « Bottons up » qui est complètement « stupide ». De toute façon, dans l’hexagone, les trois quarts des gens n’en comprennent pas le sens. Situation qui, au final, nous fait encore plus marrer !Donc oui, nous aimons bien rigoler !

Un nouvel album est en préparation, de gros concerts arrivent cet été (en Belgique, en Espagne etc…). En dehors de ce programme chargé, as-tu de nouveaux projets de collaborations avec d’autres artistes ?

Oui… Au mois d’octobre, nous enregistrerons pour une chanteuse qui vient d’Austin au Texas. Nous en reparlerons un peu plus tard… (rires) !

Souhaites-tu ajouter une conclusion à cet entretien ?
Je suis très content d’être là et de te rencontrer. J’aimerais en profiter pour inciter les gens à aller aux concerts et à acheter des disques (ou à télécharger légalement). Il faut soutenir les artistes français et européens.Aussi, merci de ne pas râler lorsqu’il s’agit de payer une place de concert. D’autant plus que nous sommes toujours partants pour faire 600 kilomètres afin de nous rendre sur un festival ou dans une salle. Encore merci à toi car je suis toujours touché quand quelqu’un s’intéresse à des musiciens français ou européens.

Remerciements : Coco Das Vegas et Vince Van Vegas

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Interview réalisée
Elsass Rock & Jive Festival
le 30 mai 2014

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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