Nda : En grande habituée de l’émission, Nina Van Horn livre une interview à Route66 (que ce soit chez elle, sur un lieu de concert ou dans le studio d’RDL) à chaque fois qu’elle sort un album. Le dernier en date « Seven Deadly Sins » (Cristal Records, 2013) ne pouvait déroger à la règle. Aussi, c’est avec une joie difficilement dissimulable que je l’ai retrouvée pour un nouvel entretien à l’issue de ses balances… avant, qu’avec son groupe, elle ne livre un nouveau show haut en couleur. La soprano colorature a répondu à mes quelques questions avec cœur, générosité et avec toute l’authenticité qui la caractérise…
Nina, notre dernière interview remonte à ton album « Hell Of A Woman » (Cristal Records, 2009) et à la sortie de ton livre du même nom (Société des Ecrivains, 2010). Aujourd’hui que te reste-t-il de cette aventure dédiée aux grandes voix féminines du blues, en quoi ces femmes t’ont-elles le plus marquée ?
Cela a été une superbe aventure car j’avais, au départ, fait ce CD comme un « entre deux ». C’était un « tribute », quelque chose de différent pour moi qui n’avais, jusqu’alors, pas l’habitude de faire beaucoup de reprises. Ces femmes m’ont habitée et m’ont permis de visiter 18 pays différents. Je me suis même rendue en Chine avec ce concept. Lors d’un « workshop », un traducteur était présent afin que les chinois puissent suivre ma narration. Ces femmes m’ont ouvert un grand nombre de portes et je ne pensais pas que la portée de cette action serait aussi importante. Je croyais en effet que j’allais rapidement me consacrer à un nouveau disque mais, au final, au moment de passer à autre chose je me suis sentie complètement « vidée ». Je ne pensais qu’à elles et n’arrivais pas à trouver d’autres idées. Ceci, jusqu’au moment où j’ai pensé aux 7 péchés capitaux. A partir de là, tout s’est enclenché…
Ceci-dit, cette aventure n’est pas terminée car j’interprèterai encore des chansons issues de « Hell Of A Woman » lors de mes prochains concerts en Corée et au Vietnam. Dans ces pays, je donnerai également des « workshops » consacrés aux femmes du blues.Je leur dit merci car elles m’ont vraiment largement rendu ce que je leur ai donné…
Après ce disque tu as sorti un CD/DVD live (« Ashima India Tour », Wolf Productions 2010), enregistré en Inde, puis un nouvel album studio édité en avril 2013. Il se nomme « Seven Deadly Sins » consacré, comme tu le disais, aux 7 péchés capitaux. Pourquoi as-tu fait ce choix ?
Cette idée est venue à moi assez soudainement. Peut-être à force de regarder la télévision et d’y voir tout ce qui se passe sur la planète. De plus, le fait de beaucoup voyager m’a fait remarquer le mépris commun que nous portent tous nos dirigeants généraux. Qu’ils soient de gauche ou de droite, ils se ressemblent tous sensiblement. Partout où je vais, je vois des gens qui souffrent et constate que l’on retrouve les mêmes problèmes d’un pays à l’autre. Cela m’a fait penser aux 7 péchés capitaux qui, finalement, sont présents tout autour de nous. Ils m’ont servi de « fil directeur » et je me suis même permise d’en rajouter quelques-uns. Sur mon disque, il y a donc plus que 7 péchés… j’ai fait un petit « update ». J’ai donc simplement évoqué ce que je vois au quotidien, sans essayer de donner des leçons. Mon but étant simplement de me placer comme témoin de notre société…
Quels sont, à titre personnel, les péchés pour lesquels tu as le plus de tolérance ?
Voilà une question à laquelle il m’est bien difficile de répondre, car je suis une grande pécheresse devant l’éternel (rires) !Je dirais que j’ai beaucoup de tolérance pour la gourmandise… J’en ai aussi beaucoup pour la luxure car, comme je le dis sur scène, on peut aujourd’hui aller avec qui on veut, à combien on veut et dans le sens qu’on veut… peu importe (rires) !
C’est pour cela que, pour la luxure, j’ai choisi de parler de la pédophilie qui n’a rien à voir avec la luxure telle qu’on l’entend à l’origine. Pour moi, la vraie luxure c’est la déviance extrême qui fait beaucoup de mal. Sinon, je pourrais aussi citer la jalousie et je n’ai pas de tolérance pour la colère et pour l’avarice. J’ai également ajouté l’indifférence à ma liste ainsi que la misère. Aujourd’hui cela ne devrait plus exister…
Ce disque a été réalisé avec l’étroite complicité de John H. Schiessler. Ce dernier est assez peu connu en France, pourrais-tu me le présenter ?
J’ai connu John Schiessler via un réseau social… comme quoi cela peut servir (rires) ! Lorsque l’on me demande en amie j’ai pour habitude, lorsqu’il s’agit de musiciens, de voir ce qu’ils font. Je suis donc tombée sur ce gars qui est un véritable OVNI. C’est un surdoué de toutes les guitares (dobro, slide, National…) et, de plus, c’est un superbe chanteur avec une voix à la Bob Seger. Je me suis dit qu’un bon chanteur tel que lui doit forcément savoir écrire de belles mélodies. Je suis donc tombée amoureuse de sa musique. Ce garçon ne tourne pas beaucoup car il se consacre beaucoup à la composition et travaille avec le cinéma (notamment hollywoodien). Parallèlement à cette activité, il se fait plaisir en écrivant pour lui-même et en s’enregistrant. Il ne tourne pas alors que c’est un « monstre ». Il ferait un « tabac » partout où il se produirait mais ce n’est pas sa priorité.
Je lui ai donc parlé de mon projet sur les 7 péchés capitaux et je lui ai raconté mon histoire, en lui transmettant des liens me concernant. Le deal étant qu’il propose des musiques pour mes textes. Il m’a dit qu’il allait m’envoyer deux ou trois « petits trucs » qui se sont, en fait, avérés être des maquettes totalement réalisées (rires). Je m’attendais juste à entendre une voix sur une guitare alors que c’était extrêmement chiadé. De plus il a été très réactif… ce thème des 7 péchés capitaux l’a particulièrement motivé.
Sans nous connaitre, nous nous sommes donc retrouvés sur la même ligne et, six mois plus tard, je me rendais à Munich afin d’enregistrer les voix. Ce travail a eu lieu dans un studio « monstrueux » avec un sonorisateur nommé Bobby Altvater, qui a eu l’occasion d’enregistrer le groupe Scorpions. C’est donc un mec qui vient plutôt du hard rock, ce qui tombe bien car ce CD à une connotation Blues-rock très affirmée. Il a donc vraiment ajouté la touche qu’il fallait au mastering et aux prises de son en elles-mêmes. Quand la réalisation de ce disque a touché à sa fin, nous nous sommes regardés avec John Schiessler et nous nous sommes dit qu’il s’agissait là d’une « putain » d’aventure, car nous ne nous connaissions pas six mois plus tôt. Nous étions très fiers que tout ai si bien marché.
Lorsque je me suis rendue à Munich pour la première fois, j’ignorais si la sauce allait prendre ou pas. Nous étions tous les deux pleins d’anxiété et il ne savait pas si j’allais arriver au terme de cette entreprise, car beaucoup d’artistes ont tendance à modifier leur projet en cours de route. Il était donc sur ses gardes, ce que je comprends parfaitement. Au final, nous ne pouvons tous les deux que nous féliciter de notre rencontre !
En quoi sa touche personnelle se reconnait-elle le plus dans ce disque ?
Il a un sens des mélodies que j’aime beaucoup. Il a su trouver l’atmosphère qu’il fallait pour chaque thème. J’avais aussi des idées de mélodies pour quelques textes mais je lui ai laissé beaucoup de liberté afin qu’il puisse choisir ce qu’il désirait (s’inspirer de ma mélodie ou en proposer une lui-même). Quoiqu’il décide, je savais que le résultat final serait bien. Nous avons juste eu quelques égarements sur certains morceaux. Sinon, la plupart du temps, ce qu’il me transmettait correspondait exactement à ce que je pensais. Encore une fois, nous étions sur la même longueur d’ondes.
Il attache beaucoup d’importance aux textes et il a su capter mes désirs musicaux. La première chanson que je lui ai envoyée était « For The Ones » et il m’a répondu 4 heures plus tard. Sa réaction a été immédiate et correspondait à mes attentes. A ce moment précis, je me suis dit que ça démarrait vraiment bien !
Les méthodes de travail allemandes sont-elles très différentes de celles que tu as pu connaitre dans le passé ?
Non, pas vraiment, car les allemands travaillent à l’américaine en fait… Sinon, j’ai pu constater que John est très ponctuel. Lorsqu’il me promettait une chose, j’étais sûre de la recevoir à la date promise. Nous avions huit jours pour enregistrer toutes les voix et pour inclure à l’enregistrement l’intégralité des solos que mon guitariste, Masahiro Todani, avait réalisé de son côté. Au bout de cinq jours tout était fini et nous pouvions déjà passer au début du mixage.
John est rigoureux mais, comme je le suis également, tout s’est très bien passé.Si un producteur me demande d’être présente dès 9h00 du matin au studio, tu peux être sûr que je suis déjà devant un quart d’heure plus tôt. La rigueur ne me gêne absolument pas… John a aussi beaucoup de patience, à l’instar de Bobby Altvater qui a aussi apporté des idées. Ces deux personnes se sont impliquées autant que moi. Je ne conserve aucun souvenir d’un quelconque problème, qui aurait pu intervenir durant ces sessions. Tout était très « zen »…
Sur ce disque, tu as su te montrer sous un aspect assez introspectif comme l’atteste la chanson « Secret swimming pool ». Avais-tu des choses à exorciser ?
Oui, peut être…En parlant des péchés capitaux j’avais aussi envie de montrer que je n’étais pas « blanc bleu ». En aucun cas, je ne cherche à donner des leçons et dans « Secret swimming pool » je me suis un peu révélée. J’ai maintenant 60 ans et je pense pouvoir me permettre d’évoquer des choses et de me pencher sur mon passé. Je voulais dire « regardez-moi, ce que je suis aujourd’hui est aussi ce que j’étais par le passé… toutes mes erreurs les voilà ». C’est une chanson très intime, mais j’avais vraiment envie de partager ce que j’appelle ma « petite piscine secrète d’altitude ».
Tu t’y montres aussi, comme toujours, très à l’écoute des gens. Plus particulièrement vis-à-vis de ceux qui mènent une existence difficile. Une chose que l’on ressent plus particulièrement sur le titre « Bum man »…
Oui, quand je voyage j’aime regarder les gens. Même en France, j’apprécie le fait de m’assoir à une terrasse de café et de regarder les passants tout en observant leurs attitudes. C’est ma façon d’être, mais je n’en suis pas pour autant un clone de Sœur Sourire. Dans mes périples, je remarque souvent des faits qui me choquent et ces derniers déclenchent mon écriture. C’est un aspect de ma personnalité que je ne renie absolument pas, je l’assume totalement.
On t’attendait moins sur le terrain de « l’écologie ». Au quotidien te soucies-tu beaucoup de l’avenir de notre planète ?
C’est une chose qui me touche, comme cela devrait toucher beaucoup de gens. Nous constatons tous une dégradation de notre planète. L’année dernière nous avons donné des concerts en Chine pendant trois semaines. Durant cette période nous avons seulement vu le soleil pendant trois jours, tant le ciel y est plombé et pollué. Il n’y a jamais de soleil… je me demande comment les gens peuvent vivre dans de telles conditions. Cette grisaille au quotidien doit vraiment être terrible pour le moral...L’écologie nous touche et elle ne se limite pas au fait de trier ses sacs en plastique et ses bouteilles, c’est aussi pointer du doigt les problèmes météorologiques et constater que tout le monde sera un jour appelé à souffrir de cela.
Mon CD n’a pas de portée écologique mais il est vrai qu’on y trouve « Let’s kill the war », un morceau contre la guerre et inspiré du péché de la colère. Pour moi, la colère se traduit aujourd’hui par la guerre. On la voit partout et tous les jours, il suffit pour cela d’allumer sa télévision ou son poste de radio. Je me suis donc dit « tuons la guerre » !Ce doit être mon vieux côté « baba cool » qui est remonté à la surface, lui aussi je ne le renie pas… J’avais 15 ans en pleine période « flower power » et j’y ai cru, je l’ai pris dans la figure « force 10 ».Il y a toujours des valeurs auxquelles je crois même si, parfois, je désespère de l’humanité. Cela fait partie de moi et on m’aimera ou on me détestera pour cette raison… je m’en fous. Je peux me regarder tranquillement dans la glace en ayant envie de défendre des valeurs par le biais de ma musique. Cette dernière est mon échappatoire, ma thérapie… cela me fait du bien.
Baba cool peut être mais baba cool révoltée… Tu faisais référence à ce que l’on voit à la télévision, je pense personnellement à ce qui s’est passé en Thaïlande ou actuellement en Ukraine. Cherches-tu à faire véhiculer un message poussant les gens à faire valoir leurs droits ?
Non, je ne me considère pas comme une chanteuse engagée. Si je l’étais vraiment, j’écrirais des choses plus méchantes mais il faut aussi que je travaille (rires) ! On ne peut pas dire tout et n’importe quoi partout. Ceci dit, en Chine, je n’ai subi aucune censure sur mes textes et les chinois reprenaient en chœur « Let’s kill the war », même s’ils ne comprenaient peut être pas parfaitement le texte. Si je peux mettre ma petite goutte d’eau dans la mer, j’en suis contente. Je dis ce que je pense et j’ai toujours été assez révoltée. Nous sommes vivants tant que nous sommes encore capables de nous révolter. Le jour où on, accepte tout, on est mort…
S’il y a un péché capital qui t’es vraiment inconnu, c’est bien l’avarice puisque tu es très généreuse vis-à-vis de tes admirateurs. Cela se traduit, entre autres, par tous les concerts que tu donnes à travers le monde. Tu seras, très bientôt, en Corée et dans plusieurs pays d’Asie. Prends-tu ces futurs voyages comme de nouveaux défis ?
N’importe quel concert, même si c’est dans une boite devant 30 personnes, je le prends comme un nouveau challenge et m’y consacre comme si j’étais devant 3000 spectateurs. Si on aime ce métier, c’est comme cela qu’il faut le faire. Lors de chaque passage dans de nouvelles contrées, on ne sait pas à quoi s’attendre. On attend tout et n’importe quoi et il faut savoir s’adapter à chaque situation. La Chine, l’an passé, a été une grande et belle surprise. Nous y retournons prochainement et savons à quoi nous attendre. En ce qui concerne la Corée et le Vietnam c’est encore l’interrogation. Nous allons, peut-être, aussi nous rendre au Japon. J’en suis très heureuse pour Masahiro Todani qui est japonais. Beaucoup de gens de ce pays me suivent, comme seuls eux savent le faire lorsqu’ils sont afficionados de quelqu’un. A titre d’exemple l’année dernière, lors de concerts en Malaisie, un groupe de soixante japonais avait fait le déplacement pour suivre mes prestations dans ce pays. Dès la première chanson, ils étaient complètement déchainés. Lorsque je suis allée à leur rencontre, j’ai réalisé qu’ils me suivaient intensément via mes vidéos que l’on trouve sur internet et par le biais de mon website. Il y a des nations qui sont vraiment surprenantes…
Ceci dit, il en manque encore quelques-unes à mon palmarès. Par exemple, j’ai très envie de découvrir de nouveaux pays de l’est. La Russie, pour ne citer qu’elle, où j’aimerais beaucoup chanter « Let’s kill the war » (rires). L’Australie est aussi un endroit qui m’attire beaucoup…
Outre ces projets de concerts, as-tu déjà un œil rivé vers l’avenir… des envies de nouvelles collaborations ou des idées de chansons en tête ?
Je commence à penser à mon prochain CD… C’est une chose assez difficile car lorsqu’on est plongé dans une histoire (comme, actuellement, celle des 7 péchés capitaux) il n’est pas aisé d’en sortir. D’autant plus que je tiens encore à me rendre dans plusieurs pays afin d’y présenter ce concept. Il est difficile de se détacher d’une histoire pour se dire « quelle sera ma prochaine aventure ? ». Je pense, peut-être, faire une « rétrospective de Nina Van Horn » même si de prime abord cela peut paraitre prétentieux. J’aimerais raconter ma vie en interprétant des chansons marquantes, illustrant chacune de mes périodes. J’ai vécu tant de choses différentes, que ce soit au Texas, à La Nouvelle-Orléans… J’ai été junkie, danseuse, chanteuse de country music… Au final, il n’y a que la pute que je n’ai pas faite (rires) !
Cela pourrait être intéressant à traiter sous la forme d’un spectacle. Je prendrais en références des chansons, d’autres artistes, qui correspondent à chaque époque. Il faudrait qu’elles soient connues sans qu’il s’agisse de « grands classiques mille fois entendus ». Je fouille actuellement dans les années 1960/70. Cela s’arrêtera aux années 1980, lorsque j’ai débuté ma carrière dans le blues. J’ai envie, par exemple, de parler de ce que je vivais dans les années 70 en l’illustrant par une chanson que l’on entendait alors sur les ondes. J’ai, par exemple, très envie de jouer « The pusher » (du groupe Steppenwolf, nda) issu de la bande originale du film « Easy Rider ». Des morceaux via lesquels le public, qui a grandi dans ces années-là, pourra s’identifier. Tout cela pourrait faire un truc… « Les neuf vies de Nina Van Horn » ou quelque chose dans cet esprit. Mais, d’ici-là, j’aurais peut-être une autreidée brillante. Une fois que tu as le déclic, l’écriture suit naturellement…
Pour anecdote, lorsque je fouillais dans mes cahiers, au moment de la phase d’écriture de « Seven Deadly Sins », j’ai découvert six titres qui étaient parfaits pour illustrer ce concept des 7 péchés capitaux. C’était comme si, sans le savoir, j’avais écrit cet album à travers les années. C’était très troublant, je me suis dit « mais putain, j’ai déjà six chansons de prêtes… je n’ai pas à chercher, elles correspondent parfaitement à ce que je souhaite réaliser ».J’espère que pour cette éventuelle « Nina Van Horn Life », tout se fera aussi facilement…
Souhaites-tu ajouter une conclusion à ce nouvel entretien ?
La conclusion sera la même que la dernière fois… Aimez-vous putain ! Aimons-nous, soyons cools et continuons à faire vivre le blues et les artistes qui le font. Puis supportez aussi les musiciens français de temps en temps, cela nous fera du bien (rires)… Merci David !
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