L'émission "blues"
de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST
Peux-tu revenir sur ta jeunesse aux USA et sur
la façon dont tu as découvert la musique ?
Je suis né dans une petite ville, Newton, qui se situe à
8 miles de Boston.
Bien que ma famille n'était pas, spécialement, riche il
faut avouer que Newton était plutôt un endroit " friqué
"
Ma famille était très sportive à l'image de mon père
qui pratiquait de nombreuses disciplines, dont il était presque
professionnel quand il était plus jeune.
J'ai, dans un premier temps, suivi cette voie mais au bout d'un moment
le sport m'a tapé sur les nerfs, même si je l'appréciais
beaucoup.
C'est à travers Jimi Hendrix que j'ai découvert ma faiblesse
qui est la guitare. J'ai, au fur et à mesure, délaissé
le sport pour la musique. Après l'école je ne traînais
pas avec les copains, je préférais rentrer chez moi, au
calme, afin de travailler l'instrument en repiquant des riffs sur les
disques.
Pour anecdote j'ai, un jour, directement branché ma guitare dans
la sono de mon père - ce qui a fait exploser les enceintes (rires)
Tu as commencé à l'âge de
12 ans, comment s'est passé ton apprentissage ?
De 12 à 14 ans j'ai pris des cours traditionnels qui consistaient,
à l'époque, à apprendre à maximum de chansons
de ces années. Au bout de 2 ans ça m'a gonflé, mes
parents ont donc essayé de me faire rentrer dans un genre de conservatoire.
Malheureusement, ils se sont fait arnaquer " grave " !
Le monsieur qui était venu leur vendre des cours de guitare est
parti de la maison en leur ayant vendu un accordéon et un an de
cours de cet instrument. Il leur avait dit que c'était la meilleure
manière d'apprendre la guitare (rires) !
J'ai donc passé une année à jouer de l'accordéon.
A l'âge de 15 ans, j'en ai eu marre et j'ai arrêté.
Vers mes 16 ans ça a été la grande découverte
de Hendrix j'avais même, comme lui, une Fender Stratocaster blanche
As-tu rapidement fondé ton premier groupe
?
Oui, j'avais quelques amis dont un bassiste qui était membre d'un
grand groupe, ayant réalisé plusieurs hits, de Boston et
un batteur qui travaille toujours dans la production.
C'était de la classe de 5ème à la classe de 3ème
J'ai vu qui tu as, aussi, été diplômé
d'une grande école musicale de Los Angeles. Cela t'a-t-il vraiment
appris quelque chose en tant que musicien ?
Oui car la manière d'apprendre le Blues aux USA est de se mettre
autour d'une platine avec des potes et d'écouter des disques. Le
but étant d'apprendre directement en piquant des riffs.
Un jour un ami a mis un disque du guitariste Charlie Christian,
c'était la première fois que je n'arrivais pas à
trouver les notes
Cela m'a vexé et m'a donné le désir d'étudier
la musique.
Tu es aussi un fin connaisseur en Jazz .
C'est vrai, d'ailleurs en privé je joue beaucoup de Jazz.
Tu as côtoyé Steve Lukather et Robben
Ford, dans quel cadre était-ce ?
C'était lors de cours, il nous arrivait, parfois, de faire des
" boeufs " dans les couloirs
Nous nous échangions nos plans, ces gens là nous aidaient
avec tout leur cur.
Il y a une rencontre très importante dans
ton cursus, celle avec Steve Jacobs (qui a longtemps accompagné
Carey Bell, Nda). Est-ce cette rencontre qui t'a dirigée vers le
Blues ?
C'est exactement ça, Steve était dans le groupe de jeunes
que je retrouvais pour écouter des disques et piquer des plans.
Il était un peu plus âgé que nous et était
déjà le bassiste du groupe de Tom Principato, "
the Power House Blues Band ". Il avait beau être un
grand bassiste, sa passion était réellement la guitare
Nous jouions, chez lui, pendant des heures. C'est lui qui m'a fait découvrir
Peter Green, Albert King et le côté Blues d'Hendrix.
Il m'a fait prendre conscience de l'importance du feeling dans cette musique
qui est, souvent, plus important que la technique.
A partir de quel moment as-tu commencé
à gagner de l'argent avec la musique ?
Principalement après l'Université, j'ai voulu arrêter
les cours pour pouvoir jouer. J'ai été pris, après
une audition, pour un groupe de Boston avec lequel je tournais 6 jours
sur 7. Nous avions un salaire
Je n'ai jamais joué sous mon propre nom aux USA, j'étais
toujours un " sideman".
C'est à cette période que tu as
pu partager la scène avec de grandes vedettes telles que John Lee
Hooker, James Cotton ?
Oui, nous avions un gig régulier tous les lundis soir dans le Club
de Bruce Springsteen à Ashbury Park. Il était souvent
là et nous étions, aussi, très amis avec le groupe
de Southside Johnny. D'ailleurs nous faisions souvent des bufs
avec leur section de cuivres.
En plus de cela, en dehors des lundis, il nous arrivait de nous y produire
pour faire des premières parties comme celles de John Lee Hooker,
James Cotton etc
Tu as donc côtoyé Bruce Springsteen
dans des conditions idéales, as-tu eu l'occasion de " jammer
" avec lui ?
Non et je le regrette beaucoup !
Tout cela à cause de notre chanteur qui avait peur de déranger
Bruce en lui demandant de chanter avec nous. J'étais très
fâché par cet "excès de politesse" !
T'es-tu installé en France après
cette expérience ?
J'ai d'abord joué en Californie où j'ai intégré
un groupe de blues qui jouait sur la côte.
Nous avions un deal pour un disque de 5 titres. Nous bénéficions
d'une grosse promo et une tournée était prévue au
Japon.
Malheureusement, un jour, le producteur a surgi dans le studio pour nous
dire que le comptable de notre maison de disques s'était tiré
une balle dans la tête la veille car il volait le label depuis 5
ans. Nous n'avions plus un rond, c'était fini
C'est, d'autant plus, regrettable que notre ingénieur du son était
une vraie pointure qui travaillait pour les Rolling Stones, Frank Zappa,
Pat Benatar etc
Est-ce pour des raisons musicales ou personnelles
que tu as décidé de venir vivre en France ?
J'étais marié à une française avec laquelle
j'étais retourné vivre à Boston. Avec la naissance
de notre premier enfant l'appel de sa famille a été très
fort. Comme, en tant que musicien, j'estimais que je pouvais bouger j'ai
décidé de m'installer en France.
As-tu pu, facilement, t'intégrer à
la scène française ?
Non, c'était très difficile. Ce doit être assez culturel
et, peut être, lié à la quantité de travail
qui existe ici. C'est assez fermé et cela n'a pas été
facile de s'imposer.
Si aux USA on joue bien et qu'on est relativement sympa, on peut aller
faire des bufs pendant une semaine qui te permettront d'avoir du
travail 2-3 semaines plus tard. Il y a moins de travail en France donc
c'était difficile
Quels sont les premiers amis que tu as pu te faire
parmi les artistes français ?
Dans un premier temps Jean-¨Patrick Capdevielle, puis un ex
clavier de 10cc, Alain Bashung et Philippe Dauga le bassiste
du groupe Bijou.
J'avais participé au disque solo de ce dernier
J'avais, aussi, quelques contacts dans les studios. Notamment avec Patrick
Abrial (père du guitariste Thibault Abrial, Nda) qui
m'avait " filé " quelques séances en studio
Tu as été élu meilleur guitariste
européen de Blues en 2005, c'est paradoxal pour un américain
Tu sais il n'y a plus vraiment de frontières de nos jours (rires)
!
Comment définis-tu ton style ?
Bâtard (rires) !
Il y a souvent des journalistes qui me disent " mais tu fais quoi
exactement ? "
Je suis très éclectique dans mon style de jeu car, intellectuellement,
j'aime plein de choses
Même la fusion dont j'aime la sensation qu'on a sous les doigts
quand on en joue
Je ne suis pas très " large " dans mes passions. J'aime
les choses qui sont sales, méchantes et qui ont un message. C'est
pour cela que, parfois, dans ma carrière je sors un peu du Blues.
Cependant j'y reviens toujours car la passion que j'éprouve pour
cette musique est énorme, aucun autre style ne me satisfait autant
Combien de disques as-tu enregistré depuis
ton arrivée en France ?
En 1994 j'ai reçu une offre d'un label allemand. J'ai aussi tourné
là-bas mais mes relations avec cette compagnie sont tombées
en ruine en raison de mésententes financières.
J'ai été un peu dégoûté du circuit donc
j'ai monté un trio av ec lequel je voulais faire de l'improvisation
avec une base de Blues. Nous tournions beaucoup et faisions des improvisations
chaque nuit.
Nous remportions un bon succès bien que j'étais ignoré
par le circuit Blues. J'ai tenu enregistré un disque qui reflète
de la fin de ma période fusion avec un gros son saturé.
Puis je suis retourné vers le Blues avec mes propres compos, deux
albums en découlent. Malheureusement j'ai eu un nouveau problème
avec ma maison de disques qui a arrêté la promotion et la
distribution après seulement 5 semaines
Cela m'a fait perdre de nombreuses dates de concert et je suis rentré
dans une période assez " noire "
J'ai alors été démonstrateur pour la marque Ibanez,
puis pour Fender .
J'ai décidé pour mon dernier album en date (le live "Urban
Blues", Mosaic) de faire quelque chose d'un peu fun et qui retrace
mon apprentissage de la musique
Quels sont tes projets ?
Nous commençons à parler du prochain disque. Il y a trois
choses qui me tentent
Un nouveau disque partant d'une base live, un CD solo acoustique à
la dobro ou un album avec une chanteuse Elizablue, avec laquelle je me
produits déjà dans un registre Jazz-Blues
Je ferai mon choix très prochainement
As-tu une conclusion à ajouter ?
Je supplie simplement les gens de moins télécharger, illégalement,
de la musique et de prendre le temps de sortir et d'aller acheter des
disques et d'assister aux concerts
Sans cela, dans 10 ans, les disques n'existeront plus et tous les artistes
que vous aimez, petits ou moyens, disparaîtront.
Il faut, aussi, soutenir les clubs afin qu'ils aient le courage de programmer
ce genre de musique