Peter Nathanson
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST


Peux-tu revenir sur ta jeunesse aux USA et sur la façon dont tu as découvert la musique ?
Je suis né dans une petite ville, Newton, qui se situe à 8 miles de Boston.
Bien que ma famille n'était pas, spécialement, riche il faut avouer que Newton était plutôt un endroit " friqué "…
Ma famille était très sportive à l'image de mon père qui pratiquait de nombreuses disciplines, dont il était presque professionnel quand il était plus jeune.

J'ai, dans un premier temps, suivi cette voie mais au bout d'un moment le sport m'a tapé sur les nerfs, même si je l'appréciais beaucoup.
C'est à travers Jimi Hendrix que j'ai découvert ma faiblesse qui est la guitare. J'ai, au fur et à mesure, délaissé le sport pour la musique. Après l'école je ne traînais pas avec les copains, je préférais rentrer chez moi, au calme, afin de travailler l'instrument en repiquant des riffs sur les disques.

Pour anecdote j'ai, un jour, directement branché ma guitare dans la sono de mon père - ce qui a fait exploser les enceintes (rires)…

Tu as commencé à l'âge de 12 ans, comment s'est passé ton apprentissage ?
De 12 à 14 ans j'ai pris des cours traditionnels qui consistaient, à l'époque, à apprendre à maximum de chansons de ces années. Au bout de 2 ans ça m'a gonflé, mes parents ont donc essayé de me faire rentrer dans un genre de conservatoire. Malheureusement, ils se sont fait arnaquer " grave " !

Le monsieur qui était venu leur vendre des cours de guitare est parti de la maison en leur ayant vendu un accordéon et un an de cours de cet instrument. Il leur avait dit que c'était la meilleure manière d'apprendre la guitare (rires) !
J'ai donc passé une année à jouer de l'accordéon. A l'âge de 15 ans, j'en ai eu marre et j'ai arrêté.

Vers mes 16 ans ça a été la grande découverte de Hendrix j'avais même, comme lui, une Fender Stratocaster blanche …

As-tu rapidement fondé ton premier groupe ?
Oui, j'avais quelques amis dont un bassiste qui était membre d'un grand groupe, ayant réalisé plusieurs hits, de Boston et un batteur qui travaille toujours dans la production.
C'était de la classe de 5ème à la classe de 3ème…

J'ai vu qui tu as, aussi, été diplômé d'une grande école musicale de Los Angeles. Cela t'a-t-il vraiment appris quelque chose en tant que musicien ?
Oui car la manière d'apprendre le Blues aux USA est de se mettre autour d'une platine avec des potes et d'écouter des disques. Le but étant d'apprendre directement en piquant des riffs.

Un jour un ami a mis un disque du guitariste Charlie Christian, c'était la première fois que je n'arrivais pas à trouver les notes…
Cela m'a vexé et m'a donné le désir d'étudier la musique.

Tu es aussi un fin connaisseur en Jazz….
C'est vrai, d'ailleurs en privé je joue beaucoup de Jazz.

Tu as côtoyé Steve Lukather et Robben Ford, dans quel cadre était-ce ?
C'était lors de cours, il nous arrivait, parfois, de faire des " boeufs " dans les couloirs…
Nous nous échangions nos plans, ces gens là nous aidaient avec tout leur cœur.

Il y a une rencontre très importante dans ton cursus, celle avec Steve Jacobs (qui a longtemps accompagné Carey Bell, Nda). Est-ce cette rencontre qui t'a dirigée vers le Blues ?
C'est exactement ça, Steve était dans le groupe de jeunes que je retrouvais pour écouter des disques et piquer des plans. Il était un peu plus âgé que nous et était déjà le bassiste du groupe de Tom Principato, " the Power House Blues Band ". Il avait beau être un grand bassiste, sa passion était réellement la guitare…
Nous jouions, chez lui, pendant des heures. C'est lui qui m'a fait découvrir Peter Green, Albert King et le côté Blues d'Hendrix. Il m'a fait prendre conscience de l'importance du feeling dans cette musique qui est, souvent, plus important que la technique.

A partir de quel moment as-tu commencé à gagner de l'argent avec la musique ?
Principalement après l'Université, j'ai voulu arrêter les cours pour pouvoir jouer. J'ai été pris, après une audition, pour un groupe de Boston avec lequel je tournais 6 jours sur 7. Nous avions un salaire…
Je n'ai jamais joué sous mon propre nom aux USA, j'étais toujours un " sideman".

C'est à cette période que tu as pu partager la scène avec de grandes vedettes telles que John Lee Hooker, James Cotton… ?
Oui, nous avions un gig régulier tous les lundis soir dans le Club de Bruce Springsteen à Ashbury Park. Il était souvent là et nous étions, aussi, très amis avec le groupe de Southside Johnny. D'ailleurs nous faisions souvent des bœufs avec leur section de cuivres.

En plus de cela, en dehors des lundis, il nous arrivait de nous y produire pour faire des premières parties comme celles de John Lee Hooker, James Cotton etc…

Tu as donc côtoyé Bruce Springsteen dans des conditions idéales, as-tu eu l'occasion de " jammer " avec lui ?
Non et je le regrette beaucoup !

Tout cela à cause de notre chanteur qui avait peur de déranger Bruce en lui demandant de chanter avec nous. J'étais très fâché par cet "excès de politesse" !

T'es-tu installé en France après cette expérience ?
J'ai d'abord joué en Californie où j'ai intégré un groupe de blues qui jouait sur la côte.
Nous avions un deal pour un disque de 5 titres. Nous bénéficions d'une grosse promo et une tournée était prévue au Japon.
Malheureusement, un jour, le producteur a surgi dans le studio pour nous dire que le comptable de notre maison de disques s'était tiré une balle dans la tête la veille car il volait le label depuis 5 ans. Nous n'avions plus un rond, c'était fini…

C'est, d'autant plus, regrettable que notre ingénieur du son était une vraie pointure qui travaillait pour les Rolling Stones, Frank Zappa, Pat Benatar etc…

Est-ce pour des raisons musicales ou personnelles que tu as décidé de venir vivre en France ?
J'étais marié à une française avec laquelle j'étais retourné vivre à Boston. Avec la naissance de notre premier enfant l'appel de sa famille a été très fort. Comme, en tant que musicien, j'estimais que je pouvais bouger j'ai décidé de m'installer en France.

As-tu pu, facilement, t'intégrer à la scène française ?
Non, c'était très difficile. Ce doit être assez culturel et, peut être, lié à la quantité de travail qui existe ici. C'est assez fermé et cela n'a pas été facile de s'imposer.

Si aux USA on joue bien et qu'on est relativement sympa, on peut aller faire des bœufs pendant une semaine qui te permettront d'avoir du travail 2-3 semaines plus tard. Il y a moins de travail en France donc c'était difficile…

Quels sont les premiers amis que tu as pu te faire parmi les artistes français ?
Dans un premier temps Jean-¨Patrick Capdevielle, puis un ex clavier de 10cc, Alain Bashung et Philippe Dauga le bassiste du groupe Bijou.
J'avais participé au disque solo de ce dernier…
J'avais, aussi, quelques contacts dans les studios. Notamment avec Patrick Abrial (père du guitariste Thibault Abrial, Nda) qui m'avait " filé " quelques séances en studio…

Tu as été élu meilleur guitariste européen de Blues en 2005, c'est paradoxal pour un américain…
Tu sais il n'y a plus vraiment de frontières de nos jours (rires) !

Comment définis-tu ton style ?
Bâtard (rires) !
Il y a souvent des journalistes qui me disent " mais tu fais quoi exactement ? "…
Je suis très éclectique dans mon style de jeu car, intellectuellement, j'aime plein de choses…
Même la fusion dont j'aime la sensation qu'on a sous les doigts quand on en joue…

Je ne suis pas très " large " dans mes passions. J'aime les choses qui sont sales, méchantes et qui ont un message. C'est pour cela que, parfois, dans ma carrière je sors un peu du Blues.
Cependant j'y reviens toujours car la passion que j'éprouve pour cette musique est énorme, aucun autre style ne me satisfait autant…

Combien de disques as-tu enregistré depuis ton arrivée en France ?
En 1994 j'ai reçu une offre d'un label allemand. J'ai aussi tourné là-bas mais mes relations avec cette compagnie sont tombées en ruine en raison de mésententes financières.
J'ai été un peu dégoûté du circuit donc j'ai monté un trio av ec lequel je voulais faire de l'improvisation avec une base de Blues. Nous tournions beaucoup et faisions des improvisations chaque nuit.
Nous remportions un bon succès bien que j'étais ignoré par le circuit Blues. J'ai tenu enregistré un disque qui reflète de la fin de ma période fusion avec un gros son saturé.

Puis je suis retourné vers le Blues avec mes propres compos, deux albums en découlent. Malheureusement j'ai eu un nouveau problème avec ma maison de disques qui a arrêté la promotion et la distribution après seulement 5 semaines…
Cela m'a fait perdre de nombreuses dates de concert et je suis rentré dans une période assez " noire "…
J'ai alors été démonstrateur pour la marque Ibanez, puis pour Fender….
J'ai décidé pour mon dernier album en date (le live "Urban Blues", Mosaic) de faire quelque chose d'un peu fun et qui retrace mon apprentissage de la musique…

Quels sont tes projets ?
Nous commençons à parler du prochain disque. Il y a trois choses qui me tentent…
Un nouveau disque partant d'une base live, un CD solo acoustique à la dobro ou un album avec une chanteuse Elizablue, avec laquelle je me produits déjà dans un registre Jazz-Blues…
Je ferai mon choix très prochainement…

As-tu une conclusion à ajouter ?
Je supplie simplement les gens de moins télécharger, illégalement, de la musique et de prendre le temps de sortir et d'aller acheter des disques et d'assister aux concerts…
Sans cela, dans 10 ans, les disques n'existeront plus et tous les artistes que vous aimez, petits ou moyens, disparaîtront.
Il faut, aussi, soutenir les clubs afin qu'ils aient le courage de programmer ce genre de musique…

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Interview réalisée au
Studio RDL Colmar -
le 22 septembre 2007

Propos recueillis
par David BAERST

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