Philippe Grancher
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Peux-tu citer tes influences ?

A la guitare, mes influences sont Albert King, Otis Rush et Fenton Robinson. Ils se complètent assez bien car ils ont des sons différents et une manière de voir l'instrument très différente aussi. Tandis qu'au piano j'admire plus particulièrement Professor Longhair et Jerry Lee Lewis.

Est ce que ça correspond à tes premiers goûts musicaux ou bien écoutais-tu un autre style de musique auparavant ?

Au début j'étais rock'n'roll, donc mon idole était Jerry Lee Lewis. A l'époque j'avais douze ans et je ne jouais que du piano. A l'âge de seize ans, je suis allé aux USA et j'ai écouté B.B. King que je ne connaissais pas alors. J'ai eu un choc terrible !

J'ai décidé de suite d'apprendre la guitare, j'en ai acheté une, depuis je joue indifféremment des deux instruments.

Quand as tu commencé à tourner avec des groupes ?

J'ai commencé vers 18-19 ans en tant que pianiste avec Vince Taylor, juste avant sa mort. J'ai également joué avec tous les mecs de mon âge, Milteau, Verbeke, Vincent Bucher , Alain Giroux etc.

Petit à petit la tendance s'est inversé, je suis devenu de plus en plus guitariste. Actuellement je joue du piano uniquement sur mes disques.

Peux tu nous parler de ta période psychédélique, avec Didier Lockwood notamment ?

Quand j'avais 20 ans j'ai eu ma période baba cool. C'était dans les années 1975, avec fumette et compagnie.

J'ai donc fais deux albums de musique planante avec des synthétiseurs et tout le bordel, avec Didier Lockwood et d'autres musiciens. Ce qui est marrant, c'est qu'il y a un marché énorme pour tous ces disques aussi bien au Japon, qu'en Italie et dans plusieurs pays d'Europe.

De ce fait, ces deux disques sont constamment réédités par des compagnies étrangères. Il paraît qu'au Japon je suis très connu. Ce qui est drôle, c'est que c'est pour de la musique que je ne fais plus et qui date de 25 ans !

Revenons en à Vince Taylor, peux tu nous parler du personnage ?

Je l'ai accompagné environ un an avant sa mort. Il était complètement fou à lier. On le soutenait à bout de bras jusqu'au concert. Là il faisait ce qu'il pouvait, puis voilà. C'était devenu une loque. Il avait encore quelques restes, mais c'était vraiment dur.

Y a-t-il une vraie famille blues en France ?

Moi, je n'en ai jamais fait partie. Je suis très indépendant, ce qui est un vrai défaut chez moi. On ne peut pas dire que j'ai des amis dans le blues, des gens que je verrais en dehors de la musique. Pourtant je les connais tous. Nous nous estimons, mais je ne trouve pas qu'il y a une vraie famille, il y a plutôt des clans. Par exemple Vincent Bucher est avec Tao Ravao, ce sont deux amis fidèles. Guillaume Petite est un grand ami de Verbeke etc.

La mode en France est aux groupes portés par un blues très roots (Bo Weavil etc.). Qu'en penses tu ?

Je respecte beaucoup et comprend leur démarche, mais ce n'est pas mon truc. Je fais du blues moderne, sur scène par exemple où j'intègre des morceaux funky. Quand j'avais 25 ans, on était 10 ou 15 à faire du blues dans toute la France. C'était un problème insurmontable pour avoir un bon batteur ou un bon bassiste. De nos jours il y a profusion de groupes, et de très bons. C'est un changement radical par rapport à il y a quelques années.

Penses tu que ce soit à cause de cette prolifération qu'il est de plus en plus difficile pour un groupe de sortir un disque ?

C'est parce que le marché est trop petit. Il n'y a quasiment plus de gens qui jouent cette musique, que de gens qui l'écoutent. Cela se voit quand tu joue quelque part. Tu remarques que la moitié des mecs dans la salle sont des musiciens. Ce n'est pas bon, il n'y a pas de renouvellement du public. En revanche comme les jeunes écoutent beaucoup de merde, il y en a parmi eux qui veulent revenir aux vrais valeurs de la musique, avec des mecs qui suent sur leurs instruments.. Si tu veux écouter de la guitare électrique, à part dans le blues, il n'y en a quasiment plus nulle part.

Il y a également de moins en moins d'endroits où jouer de la musique live, quel est ton avis sur la question ?

Dans un premier temps, c'est l'éternel problème du bruit. Dans les villes c'est très difficile avec le voisinage. De ce fait les salles ferment l'une après l'autre. Je crois d'avantage aux festivals. Plus ça va , plus il y en a. Ce sont de bons moyens d'ouvrir le blues à des gens qui ne connaissent rien à cette musique et qui souvent viennent en famille

Peux tu nous parler de ton dernier album " Attack of the atomic guitar " ?

Il y a quasiment que des compos personnelles et deux reprises, un medley rock'n'roll et " Last night ". J'essaie au maximum de faire des choses nouvelles. Reprendre " Rock me baby " n'a pas d'intérêt, BB KING le fait mieux que moi.

Je l'ai fait avec de nouveaux musiciens, Fred Clayton à la basse par exemple ou encore Nico Wayne Toussaint à l'harmonica. Je crois que c'est mon album le plus aboutit. Il sonne bien parce que j'ai trouvé un très bon studio. Je pense que c'est un bon disque et j'ai essayé de faire comme d'habitude, c'est à dire des choses variées. Le plus important pour moi est de trouver des musiciens qui jouent dans plusieurs styles différents. Sur ce disque j'ai pu leur demander n'importe quoi, ils suivaient toujours.

Je voulais ajouter un mot sur Nico, car je l'ai rencontré dans des circonstances incroyables. Il y a quelques années mon meilleur ami est malheureusement décédé. Je suis allé à son enterrement à Arcachon en plein hiver, il n'y avait personne dans la ville. Le soir même, très triste j'ai rencontré Nico qui jouait dans un endroit perdu dans cette ville déserte, en pleine semaine. Je me demandais ce qu'il foutait là, d'ailleurs je n'ai toujours pas compris. J'ai joué deux morceaux avec lui. J'étais tellement mal que ça m'a fait un bien fou de jouer ce soir là. Je me suis juré que ferai un jour un disque avec lui. Je l'ai rappelé quelques années plus tard, il se souvenait parfaitement de moi et il est venu de suite jouer avec moi. Je l'en remercie.

 

 
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Paris Montparnasse le 25 septembre 2001
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Propos recueillis par David BAERST

 

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