Pokey Lafarge
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : C’est quelques minutes après son premier concert en France que Pokey Lafarge (de son vrai nom Drew Heissler) m’a accordé cet entretien.
Avant l’enregistrement, nous avons évoqué ensemble ses origines françaises (et plus particulièrement alsaciennes, puisque sa famille est issue de Wissembourg).
Un pays qu’il ne connaissait que par quelques visites touristiques antérieures… qui lui ont permis de cultiver un goût prononcé pour les escargots, la tarte flambée et le gewurztraminer.
Ce personnage, qui semble tout droit sorti d’une bande dessinée de Robert Crumb, est aujourd’hui l’un des plus dignes héritiers de la musique populaire américaine d’avant guerre.
Alors, en sa compagnie, retournons à la source d’un style qui ne pouvait rêver d’un meilleur ambassadeur… afin de retrouver une nouvelle jeunesse.

 Pour débuter cet entretien, pourrais-tu me présenter le groupe qui t’accompagne, à savoir The South City Three ?
Hello, je suis Pokey Lafarge et les garçons qui jouent à mes côtés sont The South City Three (Joey Glynn à la contrebasse, Adam Hoskins à la guitare et Ryan Koenig au washboard). Nous venons de Saint-Louis, Missouri, aux Etats-Unis d’Amérique… un endroit situé le long du fleuve Mississippi.

De quelle manière as-tu commencé à jouer de la musique. Y’avait-il de nombreux musiciens dans ta famille ?
Je suppose, en effet, que cette passion provient de mon environnement familial.
Ce sont mes grands pères qui m’ont, en particulier, transmis l’amour des vieilles musiques traditionnelles… ils m’ont beaucoup inspiré.
C’est vrai sur un point de vue musical mais également sur un point de vue historique et culturel.
Ma famille m’a beaucoup soutenu dans mon développement artistique.

Plus précisément, qu’est-ce qui t’a fait tomber amoureux du bluegrass et de toutes les vieilles musiques traditionnelles américaines ?
Cela est probablement lié au côté acoustique de cette musique.
C’est l’origine de tout instrument, une chose que j’apprécie beaucoup.
Il s’agit de sons authentiques, une musique vraie faite par des gens pour d’autres gens.
Il n’y a pas d’esbroufe, c’est simple, direct et efficace… cela tpokeye va droit au cœur.

 

Mais, à titre personnel, qu’est-ce qui te touche le plus dans ces genres musicaux. Est-ce davantage les textes que le tempo… ou l’inverse ?
La mélodie est une chose très importante pour moi. Je pense que les meilleures chansons… en tout cas que mes chansons préférées sont toutes pourvues d’une formidable mélodie.
C’est elle qui permet aussi de donner une certaine résonance aux textes et de mettre en exergue leur authenticité.
Quand la mélodie est forte… elle s’empare complètement de toi !
Son élaboration est tributaire des musiciens… leur talent est une chose essentielle.
Dans la musique moderne, tu n’as plus l’obligation d’avoir des solistes de qualité pour t’accompagner ou un groupe qui soit capable de faire de la bonne musique.
Maintenant tout est dominé par les ordinateurs…
Aussi paradoxale que cela puisse paraître, la musique n’a plus besoin de bons musiciens.
Un groupe de talent, qui offre une qualité musicale irréprochable, reste pour moi la chose la plus importante.

Quelles sont, en détails, tes influences en la matière ?
La liste est vraiment très longue mais je pourrais, spontanément, te citer : Bob Wills, Milton Brown, Hank Penny, Bind Blake, Robert Wilkins, Tommy Duncan, Jimmie Rodgers, Roy Newman, Mississippi Sheiks…et tant d’autres…
Tu sais, malgré tout ces goûts, je ne vis pas dans le passé. Je vis avec mon époque et suis très influencé par tout ce qui se passe autour de moi. Je reste à l’écoute de ma propre vie et de celles de mes contemporains, des gens qui m’entourent. Je m’inspire de ce que je vois et de mes expériences personnelles, jour après jour…

Quand as-tu débuté ta carrière professionnelle ?
J’ai commencé à jouer de manière professionnelle à l’âge de 18 ans…

Actuellement ressens-tu, concernant toutes ces musiques qui font partie de leur histoire, un réel intérêt de la part des américains ?
Il y a un intérêt qui est encore plus marqué en Europe, notamment au Royaume Uni, en Irlande et en Hollande. Beaucoup de personnes y sont complètement plongés dans ces musiques.
L’Allemagne est également un pays très ouvert à ces genres.
Ce n’est pas encore le cas en France, comme j’ai pu le constater. Je n’y ai croisé que peu de gens qui, comme toi, s’investissent dans le but d’y sensibiliser un maximum de personnes… ou qui semblent s‘y connaitre un minimum.
Dans le milieu musical, tout va très vite. Les choses évoluent rapidement et les goûts changent à grande vitesse. Cependant, les gens reviennent toujours à leur origines, à leurs racines musicales.
Depuis ces dix dernières années, c’est une chose qui se fait beaucoup ressentir.
C’est une vraie résurrection pour les vieilles musiques américaines. Elles sont actuellement très respectées et ont même tendance à redevenir populaires.

Hier le groupe Carolina Chocolate Drops s’est produit ici même. As-tu de bons contacts avec eux,  ainsi qu’avec des artistes tels que C.W. Stoneking, qui se produisent dans un registre proche du tien ?
Oui, les membres du groupe Carolina Chocolate Drops sont de bons amis. J’ai énormément de respect pour eux…
En ce qui concerne C.W. Stoneking, j’ai eu l’occasion de le croiser ces dernières années et j’ai beaucoup de considération pour sa carrière. Je lui souhaite beaucoup de succès…

De quoi parles-tu dans tes chansons ?
J’évoque le ressenti des gens, en m’inspirant de ce qu’ils disent. J’essaye de réinterpréter tout cela à ma façon…

pokey

Peux-tu revenir sur tes relations avec Jack White, qui a produit l’un de tes 45 tours pour son label Third Man Records. De quelle manière l’as-tu rencontré ?
Il y a une station de radio, à Nashville, qui se nomme WSM-650 AM. C’est une radio vraiment légendaire qui était reconnue pour diffuser les spectacles du Grand Ole Opry. Elle a été la première à le faire…
Jack vivant à Nashville, il a entendu l’une de mes chansons sur cette station.
Puis il m’a contacté, deux ans plus tard, afin de me proposer d’enregistrer ce 45 tours pour son label Third Man Records.
J’ai continué à enregistrer avec lui sur d’autres projets, y compris pour l’un de ses albums (à savoir « Blunderbuss » paru en 2012 et, plus particulièrement, sur la chanson «I guess I should go to sleep », nda).
Il m’a aussi proposé de partir en tournée avec lui et son groupe (en l‘occurrence en 2011 avec The Raconteurs, nda). Ainsi, je me suis retrouvé à Tulsa dans l’Oklahoma où j‘ai eu l‘honneur de me produire au Cain‘s Ballroom qui est la véritable cathédrale de la musique western. On considère cette salle comme la maison de Bob Wills car il y a beaucoup joué.
J’ai pu vivre de nombreuses expériences grâce à cet artiste…
J’avais déjà beaucoup de respect pour lui, mais le fait de partir en tournée en sa compagnie m’en a encore donné davantage. J’ai, ainsi, pu me rendre compte de toute l’étendue de son talent…

Je crois que tu as aussi eu la possibilité, pour la première fois, de fouler la scène du Ryman Auditorium (haut lieu de la country music à Nashville, popularisé par l’émission radiophonique Grand Ole Opry qui y était enregistrée, nda) lors de cette tournée. Te retrouver à cet endroit a dû être comme la réalisation d’un rêve pour toi…
Oui, j’y ai également joué…
Nous avons donc fait le Ryman l’an dernier et, comme je te le disais, le Cain‘s Ballroom…
Le Ryman est la cathédrale de la musique country alors que le Cain’s Ballroom est la cathédrale du western swing. Jack possède une véritable culture qui lui fait respecter ces lieux chargés d’histoire.
J’ai donc eu la l’opportunité de me produire dans de formidables salles au Etats-Unis comme au Canada… J’ai vraiment eu beaucoup de chance !

Pourrais-tu me parler de ta production discographique à ce jour ?
J’ai réalisé deux albums en solo avant de me produire en étant accompagné par un groupe, avec lequel j’ai également enregistré deux disques.
A l’instar de C.W. Stoneking et Blind Boy Paxton j’ai enregistré un single pour le label Evangelist Records (fondé en 2009 par Lewis Durham et Joe Walters, il est spécialisé dans les enregistrements analogiques distribués sous forme de vinyles 45 et 78 tours, nda).
Puis il y a ce 45 tours, dont nous parlions précédemment, produit par Jack (avec les chansons « Chittlin’ cookin’ time in Cheatham County » et « Pack it up », nda).
Je m’apprête à sortir un album live qui se nommera « Live In Holland » puisqu’il a été enregistré à Amsterdam. Enfin, je prépare un nouveau disque pour le printemps 2013... Je suis déjà très excité à cette idée !

Peux-tu m’en dire davantage sur ce label, spécialisé dans les 45 et 78 tours, Evangelist Records ?
Oui, c’est un nouveau label…
Il n’est pas distribué et il ne produit que des disques en formats 45 et 78 tours.
On ne peut pas trouver ces disques chez les disquaires traditionnels car il sont uniquement vendus sur internet via le site du label ou via le mien, en ce qui concerne mes propres enregistrements.

As-tu déjà pensé à la manière dont tu pourrais faire évoluer ton style à l’avenir ?
Oh, c’est une bonne question…
Je tiens simplement à continuer d’écrire. Mes chansons évoluerons d’elles-mêmes au fur et à mesure. Ma progression musicale et mon son changerons tout aussi naturellement.
Je vais, quoiqu’il en soit, continuer à faire des chansons qui sont tirées d’une combinaison entre les expériences de ma vie et la musique traditionnelle.
Comme je te le disais, je vais simplement continuer à écrire et me laisser guidé par mon inspiration du moment.
Il va, très prochainement, y avoir un changement dans mon groupe puisqu’un nouveau musicien va nous rejoindre. Il s’agit de quelqu’un qui joue de la lap steel guitar et du cornet. Il sera avec nous pour l’enregistrement du prochain disque.
Il va apporter du changement dans notre son !

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Tu viens tout juste de donner ton tout premier concert en France. Que cela représente-t-il pour toi, sachant que tu as des origines françaises ?
Oui mais il n’y a pas que cela…
Il y a tant de musiques formidables qui viennent de France et ce depuis très longtemps !
Quand on pense à la France, on pense au jazz puisque ce pays a une grande responsabilité dans l’existence des sections de cuivres. Cela est, par exemple, démontré à la Nouvelle-Orléans où l’impact de la culture française est très conséquent.
Pour moi, c’est toujours un plaisir de revenir en Europe et d’y jouer. En même temps c’est assez paradoxal d’y présenter les musiques roots américaines qui, elles-mêmes, ont des influences européennes.
Ainsi les allemands ont introduit la polka aux USA, un genre qui a largement été reproduit dans le western swing. C’est pareil pour la France, l’Irlande, l’Angleterre , l’Ecosse… ce sont des pays dont le terroir musical a alimenté une bonne partie des musiques roots américaines.
Des artistes tels que Django Reinhardt, Stéphane Grappelli et Edith Piaf ont beaucoup fait pour la renommée de la France aux USA.
J’adore ce pays qui est très beau. Il y a des gens formidables, une belle architecture, de la bonne nourriture… une culture très riche !

Actuellement, à Paris, il y a une grande exposition sur Django Reinhardt (à la Cité de la Musique entre le 6 octobre 2012 et le 23 janvier 2013). Ce guitariste représente-t-il quelque chose de particulier pour toi ?
Django est célèbre à travers le monde entier. Beaucoup de gens le connaissent…
Il a inspiré de nombreux guitaristes de toutes les générations et tous styles confondus… il est l’un des meilleurs de tous les temps !
Ceci dit, à titre personnel, ce n’est pas par lui que j’ai été le plus touché.
Si tu écoutes le guitariste Eddie Lang et le violoniste Joe Venuti, qui ont commencé avant leurs homologues français Django Reinhardt et Stéphane Grappelli, tu te rendras compte qu’ils étaient des sources d’inspirations majeures pour ces derniers.
En règle générale, je suis très intéressé par tous ces sons, c’est formidable !
Il y a tellement de bonnes choses à écouter…

As-tu une conclusion à ajouter ?
Non, pas spécialement…
Je tiens simplement à dire que j’espère que le public a apprécié mon concert de tout à l’heure… et qu’il appréciera aussi mes disques !
J’espère que c’est de cette manière que les français apprendrons davantage à me connaitre dans l’avenir…

Remerciements : Stéphanie Collard et Caroline Hollard du service de presse du Nancy Jazz Pulsations.

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Interview réalisée au
Nancy Jazz Pulsations
Chapiteau du Parc de la Pépinière
le 14 octobre 2012

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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