Popa Chubby
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : A quelques encablures du coup d’envoi de sa nouvelle tournée européenne, c’est un Popa Chubby (né Theodore Joseph Horowitz le 31 mars 1960 à New York), en pleine forme qui s’est présenté au Grillen de Colmar. Plaisantant avec ses musiciens, le chanteur-guitariste a fait durer le plaisir le temps d’un soundcheck de plus de 90 minutes…qui lui a permis d’affiner d’ultimes arrangements. L’heure du diner venue, le new-yorkais m’a reçu dans sa loge afin d’évoquer son dernier album en date, « Two Dogs » (label Verycords). Une interview sans concession, menée tambour battant…et, bien sûr, le majeur tendu !

Ted, la première interview que tu as enregistrée pour Route 66 remonte au 9 mai 1997. Près de vingt et un ans plus tard, ton statut de vedette continue de s’affirmer de ce côté de l’Atlantique. Comment expliques-tu un tel succès ?
Mon succès… J’aime à penser qu’il est lié à ma personnalité, car je suis quelqu’un de spécial. C’est un peu comme le fromage qui est produit en France. Plus il est fermenté, plus il peut être apprécié par des amateurs. Avec moi, c’est un peu pareil. Ma musique n’est pas faite pour tout le monde mais, apparemment, la France aime bien ce que produit Popa Chubby. Après, en ce qui concerne le véritable intérêt que l’on me porte…je n’en ai aucune putain d’idée ! Je ne sais, au fond, pas pourquoi les gens m’apprécient mais je suis heureux d’être ici !66

Tu ne cesses d’enregistrer et tu effectues des tournées tous les ans. Où trouves-tu ton inspiration et comment parviens-tu à puiser toutes ces ressources ?
Je puise mon inspiration dans la stupidité qui émane de la plupart des personnes qui nous entourent. Ce monde est devenu complètement stupide, quand on ne tue pas les gens on les baise. Cette terre est vraiment bizarre, complètement folle… Si tu es un artiste ou un écrivain, tu peux voir ce monde sous différentes formes…et son reflet à travers divers miroirs. Les gens, dans leur majorité, ne pensent plus qu’à eux. Ils ne se soucient que de leurs vêtements ou de leurs coupes de cheveux. Ceci, dans le seul but de pouvoir se placer sous les meilleures perspectives et de briller à l’extérieur.

Tu es actuellement en tournée européenne afin de présenter l’album « Two Dogs » (Verycords), paru le 27 octobre 2017. Ce dernier est inspiré par une fable américaine. Peux-tu m’en dire davantage à son sujet ?
Chaque culture possède sa propre histoire qui est, à chaque fois, une variante de la fable américaine « Deux chiens - deux loups ». C’est l’histoire du bon et du diable…Il y a le bon chien et le mauvais chien. Le bon chien est celui qui me dirait « Popa Chubby, ne bois pas de vin » (Popa avait un verre de rouge à la main durant l’entretien, nda) alors que le mauvais chien me dirait « Popa Chubby, baise le bon chien ». Parfois tu dois donner un os à ronger au mauvais chien, ainsi tu peux faire ce que tu veux…

Sur ce disque, on ressent une certaine amertume vis-à-vis de l’action politique engagée aux Etats-Unis…
Oui, il y a définitivement une grande amertume…la situation est désastreuse ! Ce qui est amusant, c’est qu’un livre vient de paraitre aux Etats-Unis. Ce dernier, qui s’intitule « Fire and Fury : Inside the
Trump White House », évoque Donald Trump. Ce bouquin a été écrit par Michael Wolff, qui a interrogé de nombreuses personnes évoluant autour du président américain. Le constat est aberrant, effrayant…il a vraiment de quoi faire peur. On se rend compte que Trump s’est présenté aux plus hautes fonctions de l’état comme s’il se rendait à un jeu. Il pensait perdre mais il a gagné ! Cette élection a provoqué une instabilité dans le monde entier. Finalement, cela rejoint le titre de mon disque, mais c’est malheureusement le mauvais chien qui a pris le dessus. Le mauvais chien doit, vraiment, être très heureux…

As-tu conçu ce disque comme un album contestataire ?
Oui, absolument ! Je pense qu’il est de la responsabilité des artistes de commenter la société dans laquelle nous vivons. Sur mon album « Peace, Love & Respect » (paru en 2004 sur le label Dixiefrog, nda), je m’opposais déjà à l’administration de George W. Bush. Ceci dit, je ne crois pas que la protestation soit l’arme la plus efficace. Malheureusement, cela peut entrainer des amalgames et faire en sorte que les gens se montent tous les uns contre les autres. J’en reviens à mon concept de bon et de mauvais chien. Il faut toujours donner un os à ronger à un mauvais chien. Si tu lui donnes un os, il devient silencieux. C’est comme cela qu’il faut faire…

A ton avis, est-il malgré tout possible de changer la mentalité des gens ?
C’est une grande question… Quels gens ? Quelles mentalités ? C’est peut-être possible…mais ça le sera plus facilement, lorsque les gens arrêteront de vouloir avoir toujours raison. Ils estiment systématiquement que leurs arguments sont les bons, sans prendre en compte ceux des autres. Quelqu’un qui est raciste ou ultra conservateur ne fera jamais l’effort d’aller au contact des autres.
Pour ma part, je me considère comme un libéral (le libéralisme n’a pas le même sens aux Etats-Unis qu’en France, il est synonyme de progressisme et de liberté individuelle sur le continent américain, nda) car j’estime qu’il faut être à l’écoute de l’autre et que chacun doit s’épanouir de la manière dont il le souhaite. Il n’est jamais bon de dresser des constats négatifs à l’encontre de ses contemporains et d’avoir, continuellement, peur de l’autre. C’est la meilleure méthode pour envenimer certaines situations…

En quoi cet album est-il, à ton sens, différents de ses prédécesseurs ?
Il est constitué de chansons différentes, de musiques différentes, de textes différents, sa pochette est différente…bref, il est différent (rires) ! Tu sais mec, chaque disque est nouveau. Je n’aime pas aborder les mêmes choses d’un album à l’autre. Mon inspiration change, j’essaye de me renouveler et je ne me vois pas recycler, à chaque fois, la même « merde ».

A la fin de « Two Dogs » figurent deux reprises en bonus. Des chansons de Leonard Cohen (« Hallelujah ») et des Rollings Stones (« Sympathy for the Devil »). Pourquoi ton choix s’est-il porté sur celles-ci en particulier ?
Parce qu’il s’agit de chansons que tout le monde attend que j’interprète sur scène. Lorsque je pose la question à mon public, ce sont les deux titres qui reviennent le plus souvent. « Sympathy for the Devil » figurait déjà sur mon album live « Big, Bad and Beautiful » (paru en 2015 sur le label Dixiefrog, nda). Je souhaitais, à nouveau, l’inclure sur ce disque en tant que bonus track.

Tu es définitivement devenu un artiste de blues-rock particulièrement demandé en Europe. Cela te laisse-t-il le temps de continuer à être actif sur la scène new-yorkaise, en es-tu toujours aussi proche ?
Elle a beaucoup changé… La scène de New York City, au sein de laquelle j’ai débuté dans les années 1990, n’est plus la même. New York est devenue une ville très différente…

Conserves-tu, malgré tout, des attaches avec des artistes que tu nous a permis de découvrir, comme Big Ed Sullivan, Arthur Neilson, Mason Casey… ?
Oui ! J’ai encore vu Arthur Neilson il y a peu. Nous avons joué ensemble et nous essayons de maintenir ce contact en nous produisant 2 ou 3 fois par an ensemble. C’est pareil pour Big Ed Sullivan, mais plus difficile en ce qui concerne Mason Casey. En effet, ce dernier s’est installé à Los Angeles car la consommation de marijuana y est davantage autorisée…

Comment vois-tu l’avenir du blues ?
Je pense que le blues n’a pas d’avenir…c’est fini. Il n’y a plus que des blancs qui jouent les mêmes 5 notes, c’est vraiment terminé. Ce genre est mort avec B.B. King, c’est fini. Les gens te font croire en un nouveau blues, en essayant de te refourguer une musique qui existait il y a 40 ans. A la longue, cela n’est pas attrayant… Dans ce qui se produit actuellement, rien ne m’intéresse. Ce n’est pas mon truc…

Aimerais-tu, alors, collaborer avec des artistes issus d’autres milieux musicaux ?
J’aimerais faire des choses très différentes mec ! J’aimerais collaborer avec des gens issus du milieu de la musique électronique. J’aimerais aussi faire du punk rock, du rhythm and blues et, pourquoi pas, du jazz. Je ne suis plus intéressé par le fait de jouer systématiquement la même chose (Popa se met alors à fredonner les premières mesures de « Hoochie Coochie Man » de Muddy Waters, nda).

De ce fait, quels sont tes projets les plus immédiats ?
Je pense que le prochain objectif sera de sortir une anthologie qui résume toute ma carrière…un nouveau best of. Je vais également continuer à jouer sur les disques d’autres artistes. D’ailleurs, on me retrouvera sur le prochain album de Manu Lanvin… Bref, il y a du travail à venir !

Souhaites-tu ajouter quelque chose à l’attention de ton public français ?
Je suis toujours heureux de venir en France mec ! J’aime les gens, le pays, la nourriture etc. Le fait d’être en tournée en France est toujours un plaisir !

Remerciements : Sophie Louvet

https://www.popachubby.com
https://www.facebook.com/popachubbyband

 
Interviews:
Les photos
Les vidéos
Les reportages
 

popachubby.com
facebook.com/popachubbyband

Interview réalisée au
Le Grillen - Colmar
le 25 janvier 2018

Propos recueillis par David BAERST

En exclusivité !


 

Le
Blog
de
David
BAERST
radio RDL