Reverend Beat-Man
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Reverend Beat-Man est de ces artistes qui privilégient le sens du show à celui de Business. S’il est à la tête de son propre label devenu mythique, Voodoo Rhythm Records, c’est avant tout par amour de la musique et pour venir en aide à ses comparses…dont les œuvres sont souvent trop éloignées des standards dictés par les majors. Contre modes, vents et marées, Beat-Man s’est forgé une stature à part, faisant fi des tabous et des règlements…au risque d’abîmer son corps et sa santé sous les spotlights des scènes internationales. Revenu maintes fois des morts, notre homme pourrait goûter à une paisible retraite au bon air des alpages suisses. Au contraire, inlassablement, il continue d’arpenter salles, clubs et festivals dans le seul but d’y prêcher la bonne parole. Celle d’une musique brute de décoffrage, suante et qui ne connait pas le sens du mot concession. Continuons de nous en délecter en attendant que le rock’n’roll lui érige la statue qu’il mérite au cœur de son Panthéon musical. Une allégorie qui, obligatoirement, ne ressemblera à aucune autre…

A quand remonte ton addiction aux disques ?66
Cela est venu assez tôt, durant mes jeunes années. J’ai commencé à écouter de la musique, de manière obsessive, alors que je devais être âgé de 12 ou 13 ans. J’ai, alors, acheté mes premiers disques qui étaient plutôt des enregistrements de merde. Je peux ainsi citer des albums de Boney M, de Bay City Rollers (un groupe écossais de pop, actif entre 1969 et 1981, nda) ou des choses comme cela… Cela n’était pas très bon mais j’écoutais aussi Matchbox bien sûr. Ce combo était un excellent ensemble britannique de rockabilly, qui sévissait durant les années 1970. C’est lui qui a, en partie, contribué à mon amour du rock’n’roll.

D’ailleurs, te souviens-tu des premiers sons qui ont vraiment changé ta perception de la musique ?
Cela remonte à un concert d’Elvis Presley qui a été diffusé en 1973. Nous l’avions regardé avec toute ma famille et j’ai été totalement scotché par ce que j’entendais à ce moment-là. Je me suis alors rendu compte que la musique était vraiment une chose importante. Pour moi, Elvis a fait de la musique quelque chose de vraiment spécial. Cette retransmission mondiale par satellite en est la preuve !

Ta famille était-elle amatrice de musique ?
Pas de manière obsessionnelle, même si mon père possédait une petite collection de disques. Mon arrière grand-père jouait, quant à lui, dans un orchestre en tant que mandoliniste. Ceci dit, dans son ensemble, ma famille n’était vraiment pas portée sur cet art. J’étais donc, en quelque sorte, le « mouton noire » de cette dernière.

Te souviens-tu avoir été touché par un one-man band en particulier avant de te lancer dans cette formule ?
Oh, c’est vraiment dur à dire… Il n’y avait pas vraiment de one-man band que je connaissais lorsque j’ai commencé. Ceci-dit, le premier qui m’a vraiment passionné est Hasil Adkins. C’était par l’intermédiaire des Cramps qui m’ont fait découvrir sa musique. J’ai immédiatement souhaité en savoir davantage sur ce type qui chantait ces chansons particulières. Pour moi, Hasil Adkins était à part et c’est lui qui m’a fait entrer dans l’univers du one-man band que j’ai exploré après l’avoir connu. Il m’a tourné la tête, c’était incroyable ! Par la suite, je suis allé aux USA. C’était aux alentours de 1989 je crois… Je souhaitais lui rendre visite et j’ai organisé la chose. Ce n’était pas aisé car nous ne disposions pas encore de nos moyens de communication actuels, comme internet par exemple…Je ne connaissais pas son adresse et, en arrivant, je n’avais absolument aucun élémentpour rentrer en contact avec lui. J’ai essayé de le trouveret j’y suis parvenu. J’ai donc pu rentrer en relation avec l’une de mes idoles !

Qu’as-tu ressenti la première fois que tu t’es rendu aux Etats-Unis ?
J’étais particulièrement effrayé car nous étions au milieu des années 1980. J’y suis allé avec mon ancienne fiancée et nous n’étions pas rassurés, car nous nous étions rendus à New York... Je venais de Suisse où tout est très calme, très rassurant. C’est un pays très paisible où il n’y a pas beaucoup de violence et où on ne voit pas beaucoup de policiers. Là, à New York, des chiens trainaient dans les rues, des voitures brulaient. En nous promenant dans Harlem, il y avait beaucoup de personnes qui déambulaient et qui faisaient preuve d’agressivité. Nous étions vraiment super effrayés (rires) ! Les trois premiers jours, nous n’osions même pas sortir de l’hôtel et à chaque fois que nous mettions un pied dehors c’était pour nous faire malmener, c’était très inhospitalier (rires) ! C’était une période complètement folle là-bas. Je crois que les années 80 à New York, et en Amérique de manière générale, étaient plus dangereuses qu’actuellement. Maintenant, c’est plus calme mais à l’époque…c’était vraiment le règne de la super-violence !

Cette expérience a-t-elle changé ta perception de la vie ?
Oui ! J’ai toujours aimé la part la plus dangereuse de l’existence mais je reste définitivement quelqu’un d’aimant. J’apprécie le respect et je n’ai jamais compris la violence gratuite et le fait que des gens peuvent en violenter voire en tuer d’autres. Ceci, juste par intérêt personnel ou pour se croire supérieur… J’ai, toute ma vie, essayé de respecter certains principes. C’est pour cette raison, qu’arrivé aux USA, j’ai été particulièrement choqué par le comportement de certains autochtones. Comparativement, en Suisse, tout semble très pur. Les êtres humains peuvent vraiment se montrer ignobles…

De quelle manière as-tu créé le personne de Lightning Beat-Man avec lequel tu as commencé à te faire connaitre en solo ?
J’ai commencé une carrière musicale, au milieu des années 1980, avec le groupe The Monsters. Il s’agissait d’un combo se produisant dans une veine punk-rock. Nous avions établi une véritable démocratie et chacun d’entre nous avait son mot à dire. Nous n’y trouvions pas la notion de leader ou de chef de bande. De mon côté, je croulais sous les idées, dont celle de me produire dans une autre configuration. Je suis donc allé aux Etats-Unis et c’est à Los Angeles que j’ai découvert la lucha libre (lutte libre, aussi appelée lutte mexicaine au Québec, nda). Ce catch mexicain est incroyable. Les catcheurs sont masqués et l’ambiance est totalement folle durant les combats. Les spectateurs sont impliqués au maximum et ne cessent de s’exprimer tout au long des compétitions. Ils exhortent les sportifs en employant, souvent, des termes injurieux comme « Kill him ! » ou « Fuck him ! ». Je me suis, alors, dit que je pourrais exploiter cela dans ma musique. C’est-à-dire mélanger l’énergie que l’on trouve dans la lucha libre au rock’n’roll. J’ai donc acheté un match de catcheur dans un sex shop de Los Angeles. Je l’ai ramené en Suisse et j’ai commencé à me produire en one-man band sous le nom de Lightning Beat-Man. L’idée de départ était de faire surgir toute la créativité que j’avais en tête. Ainsi, je jouais 5 titres de mon répertoire sur scène mais, en tout, je devais en interpréter une quinzaine. J’en inventais donc une dizaine, sur le vif, durant chaque concert. C’était un très gros challenge !

Pour créer ce personnage, t’es-tu également inspiré de vieilles bandes dessinées, de films de série Z et, bien sûr, des films mexicains des années 1950-1960 qui mettaient en scène des héros tels que El Santo ?
Oui, j’ai été très inspiré par les bandes dessinées, car je suis un très grand fan du 9ème art. Idem pour les vieux films, la littérature et, bien sûr, pour la musique dont j’explore toutes les ficelles. Je cherche à m’inspirer de tous les courants… Par exemple, je suis un grand admirateur de l’auteur français de bandes dessinées Yves Chaland. J’aime aussi beaucoup The Freak Brothers de Gilbert Shelton et le travail de Robert Crumb…

Pourquoi, par la suite, as-tu décidé de devenir Reverend Beat-Man. Quelles sont, d’ailleurs, les différences fondamentales entre Lightning Beat-Man et Reverend Beat-Man ?
Le fait d’interpréter Lightning Beat-Man était une chose très destructive. J’ai donc eu l’idée de me tuer moi-mêmelorsque j’ai eu 30 ans. Mon idée était de mourir sur scène car ce personnage avait mis à mal mon organisme. Mes concerts étaient d’une telle intensité que je pense m’être cassé presque tous les os de mon corps. Ma voix a, également, été mise à très rude épreuve. Par accident, vers l’âge de 29 ans, j’ai vu la lumière. C’était une chose très étrange mais j’ai bien vu quelque chose qui a changé ma vie. C’est à ce moment précis que j’ai pris la décision de devenir Reverend Beat-Man.

En tant que musicien, quel est l’objectif que tu cherches à atteindre aujourd’hui ?
Je veux changer la vie des gens pour l’éternité. C’est tout simplement cela…

Tu apprécies de nombreux registres musicaux très différents les uns des autres. Quel est, cependant, celui que tu détestes le plus ?
Le jazz fusion (éclats de rires) !!! Sinon, je crois définitivement que j’aime tout ! Tu sais, j’ai toujours dit que 99% de chaque style musical (y compris le rock’n’roll et le blues) est de la merde alors que seulement 1% de chaque registre est vraiment bon. J’écoute aussi bien de la musique harcore que du punk, de la country, de la musique folk, de la musique classique…bref de tout ! Pour moi, la musique est un miroir qui reflète le monde. On peut y voir beaucoup de choses et ressentir la conscience des musiciens, deviner où ils vont aller. Quand j’écoute de la soul music ou un bluesman tel que Howlin’ Wolf, je peux ne pas écouter attentivement la musique mais voir la personne. Je ressens qui il est vraiment…Cela me touche d’une manière extrême. La musique est, pour moi, une expérience humaine qui te touche au plus profond…quelque soit le style que tu écoutes.

Aujourd’hui, Voodoo Rhythm Records fait véritablement office de légende dans le monde du rock’n’roll. Comment l’idée de fonder ce label est-elle venue à toi ?
J’avais un problème, car personne ne voulait sortir mes disques. J’avais, de surcroit, de nombreux amis qui étaient dans la même situation que moi. C’était des groupes un peu « étranges » qu’aucun label ne souhaitait ajouter à son catalogue. Du coup, je leur ai dit : « Venez, le monde à besoin de voir des groupes tels que les vôtres ». C’était, par exemple, le cas de Roy & The Devil’s Motorcycle, Mama Rosin’ et de tant d’autres tellement talentueux. C’est cette idée de base qui m’a poussé à fonder le label. Ainsi j’ai pu produire et enregistrer mes propres disques. Je me suis dit que je pouvais très bien sortir les albums des artistes que j’aimais. De cette manière, je pouvais aussi facilement en garder des exemplaires pour mon propre plaisir…et élargir ma collection de disques (rires) !

Tu donnes énormément de concerts. Où puises-tu les ressources nécessaires afin d’être aussi souvent en tournée ?
Je ne sais pas… A un moment j’ai eu un problème et je ne me sentais pas à 100% de mes capacités... Je suis une personne très calme et normale mais, lorsque je me retrouve sur scène, je suis emparé par cette musique qui finit littéralement par sortir de mon corps. Elle s’échappe de mes bras et de mes jambes. C’est comme ouvrir un robinet d’eau et se faire asperger. En ce qui me concerne, je prends cela comme une forme de thérapie. J’offre au public tout se qui s’échappe de moi, afin qu’il puisse l’écouter.

Il y a donc deux personnalités différentes qui sommeillent en toi. Celle de l’homme au quotidien et celle du performer lorsque tu es sur scène…
Cela semble différent mais, pourtant, il y a des aspects très similaires entre ces deux personnalités. Je ne suis pas un homme qui envoie tout chier. Je suis quelqu’un de proche de sa famille, j’adore mes deux enfants et ma vie en est presque arrogante. J’ai de nombreux amis, mon magasin de disques dans lequel je travaille quand je ne suis pas en tournée etc.

En tant que musicien et producteur de disques, de quels faits marquants de ta carrière te sens-tu le plus fier ?
(hésitation)… Tout simplement du fait que les gens achètent mes disques (rires) ! S’ils ne le feraient pas je pourrais être aigri mais, au contraire, je me sens fier de pouvoir susciter de l’intérêt. Par exemple, je suis également très fier de mes concerts et de constater que de nombreuses personnes viennent écouter ma musique. Certains groupes trouvent cela tout à fait normal, mais ce n’est pas mon cas. Ma musique est très personnelle, ce n’est pas une copie de quelque chose qui existe déjà. J’y mets toute mon âme et elle reflète de cette dernière. Je suis donc très fier qu’elle puisse être attractive malgré toute son étrangeté. Il y a une personne bizarre en moi et je crois que chaque personne à un côté étrange en soit. Constater que le public paye pour me voir me surprends beaucoup. Je suis vraiment très fier de cela, c’est tellement étrange (rires) !

Aurais-tu, malgré tout, des regrets concernant ton parcours artistique ?
Oui… La vie d’un artiste de rock’n’roll est synonyme d’une vie faite de solitude. Tu joues pour tellement de gens, tu fais l’amour avec eux…puis tu rentres seul chez toi. Cette sensation de solitude est vraiment triste. Il n’y a pas assez de sexe dans ma vie et c’est un gros problème que je vis là (rires) !

Quels sont tes projets les plus immédiats ?
Il y en a tellement….Je vais continuer à tourner de manière assez intensive, notamment dans les pays de l’est et en Scandinavie. Reverend Beat-Man accompagné par The Monsters effectuera, également, une tournée dans le sud-est de l’Asie (Vietnam, Thaïlande, Japon…) très prochainement. J’ai aussi une commande pour un film, pour lequel je dois enregistrer de la musique en live. Cela se déroulera en Suisse, à la Chaux-de-Fonds. Enfin, je travaille sur un projet avec un groupe américain évoluant dans un registre freak show.

Aurais-tu quelque chose à ajouter à l’attention de tes admirateurs français ?
Oui, Je sais que le public français est un vrai public. Je me produis dans ce pays et, dans une ville telle que Paris, depuis au moins 35 ou 40 ans. Ici, les gens sont très sincères et apprécient le rock’n’roll pour ce qu’il est…ce qui est, également, le cas en Allemagne. J’espère pouvoir continuer à me produire en France, car j’adore jouer ici. Puis, la nourriture y est tellement bonne…sans parler des filles qui sont si jolies (rires) !

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Interview réalisée à
Swamp Fest – Thise
le 6 septembre 2019

Propos recueillis par

David BAERST

En exclusivité !


 

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