Nda : C’est en revenant d’un concert, qu’il venait de donner en Suisse, que Franz Robert Wild a décidé de faire un petit crochet afin de sonner à ma porte. Une première rencontre, quasi improvisée, qui s’est rapidement transformée en une longue discussion portant sur nos idiomes de prédilection : le rock’n’roll, le blues et la musique folk. Une « joute verbale » qui s’est, bien sûr, poursuivie devant mon micro. A cette occasion, l’attachant chanteur-guitariste toulousain a évoqué son passé, son avenir, son album « The French House » et, bien sûr, sa collaboration avec Oli le Baron…pierre angulaire de la scène rock française. Des paroles, à déguster comme du petit lait, qui laissent entrevoir l’organisation de futures « péripéties musicales » entre l’artiste et l’émission Route 66…
Franz, on connait finalement assez peu ton parcours en amont de la sortir de l’album « The French House ». Peux-tu, de ce fait, revenir sur tes faits et gestes principaux avant la sortie de celui-ci ?
Je me consacrais, principalement, à l’écriture de chansons. Pendant dix ans, je n’ai composé qu’en français. J’ai, par exemple,été sélectionné par Francis Cabrel afin de participer aux sessions des Rencontres d’Astaffort. Cette manifestation est organisée par Voix du Sud et son principe réside sur l’écriture de chansons en groupes. Lorsque j’y ai participé (en 2006), nous étions 10 ou 15 à avoir pour mission de créer une quarantaine de titres en 3 ou 4 jours. Ces derniers ont, par la suite, été sélectionnés dans le cadre d’un spectacle final. Avec les membres de ma session, nous étions parrainés par Magyd Cherfi et Joël Saurin qui sont deux membres du groupe Zebda. Cette expérience était l’une de celles qui précédaient l’album « The French House ».
C’est dans ce cadre que j’ai rencontré quelqu’un qui allait devenir l’un de mes amis. Il s’agit de Cary T. Brown (du groupe Ill River), un américain que tu connais bien et qui s’est installé en Alsace. Après cette aventure, j’ai continué à écrire en français, notamment dans le cadre d’un projet en compagnie de l’écrivain Stéphane Guibourgé qui signait des textes que je mettais en musique. Il est chéri par les éditeurs parisiens et j’ai continué à collaborer avec lui. Il n’est donc pas impossible que nous retravaillions ensemble dans un avenir plus ou moins proche. Ce n’est donc que vers 2008 ou 2009 que j’ai commencé à me focaliser sur des chansons en anglais. C’est à cette période que ma route a croisé celle d’Oli le Baron, qui est devenu le producteur de « The French House ». Il était alors en tournée avec le chanteur Raphaël. C’est entre deux dates que nous avons débuté la production du disque, qui est devenu « The French House ».
Avant de parler plus en détails de cette collaboration et de l’album qui en a découlé, je souhaiterais explorer tes racines. De quelle manière as-tu commencé la pratique de la musique ?
Enfant, on se moquait gentiment de moi à la maison. En effet, je chantais continuellement …c’est une chose qui est venue naturellement en ce qui me concerne. De plus, à cette époque, je vénérais tous les gens qui pratiquaient d’un instrument. C’était un autre monde pour moi… Malheureusement, personne dans mon entourage ne jouait de la musique. De ce fait, je ne pouvais me raccrocher qu’au chant et je m’enregistrais en interprétant des morceaux a capella. Un jour, j’ai rencontré un brocanteur qui était également musicien. Je l’admirais beaucoup… Il vivait en Alsace et m’a invité chez lui. Il m’a enseigné quelques rudiments et, avant de partir, je lui ai acheté une guitare classique ¾. Je me suis mis à m’exercer et, dès que j’ai su jouer 3 accords, j’ai commencé à composer ma première chanson (rires).
Aujourd’hui on t’assimile, principalement, au mouvement folk. Est-ce une chose que tu revendiques, de quelle manière as-tu découvert ce registre musical ?
Cela a été progressif. Ce sont les premiers titres d’artistes tels que Tracy Chapman, Michelle Shocked ou Tanita Tikaram (à la fin des années 1980) qui ont été les déclencheurs. Ce sont ces chanteuses qui m’ont prédisposé au folk. Puis, je me suis intéressé à d’autres personnalités plus anciennes par l’intermédiaire de vinyles trouvés chez des copains. C’est ainsi que j’ai découvert l’album « Nebraska » de Springsteen qui est, pour moi, un must. A l’époque il n’y avait pas internet donc, sans potes qui possèdent des albums cools, il n’y avait pas grand-chose à se mettre sous la dent (rires) ! Par la suite, j’allais très souvent chez les disquaires afin d’acheter les nouveautés. Je me suis fait une oreille petit à petit…
Qu’est-ce qui te touche le plus au sein des registres américains. Est-ce la teneur des textes ou les mélodies ?
Dans un premier temps c’était les mélodies, car il faut du temps pour devenir bilingue (à l’époque je ne l’étais pas du tout). J’étais très intéressé par l’anglais et c’est par l’intermédiaire de la musique que je me suis plongé dans son apprentissage. C’est la simplicité de la musique folk qui m’a touché dans un premier temps. C’est aussi, au départ, son authenticité qui m’a fait forte impression. Elle est chargée de culture car il y a la folk music, mais aussi tout ce qui tourne autour. Ce qui est assimilé à la country music ou au western swing par exemple. Les américains utilisent le terme americana pour évoquer cela. C’est un assemblage complet de diverses inspirations, qu’il s’agisse du gospel, du blues, du jazz, du rock etc.
Si je suis, aujourd’hui, catalogué comme artiste folk c’est parce que je joue très souvent en formule acoustique et que je ne me suis pas encore suffisamment affirmé à l’électrique. Mon inspiration est ambivalente, je peux aussi bien me montrer sous une facette folk que sous une facette rock. Certains de mes titres sont, en effet, totalement inspirés par la scène rock des seventies. J’aime beaucoup, par exemple, Neil Young & Crazy Horse… Il y a toute cette hargne qui appartient au rock et que j’aime distiller dans mes chansons.
Tu évoquais l’album « Nebraska » de Springsteen ainsi que Neil Young. Ils sont, comme les artistes qui les ont inspirés, de véritables raconteurs d’histoires. A travers tes chansons, cherches-tu également à en devenir un ?
Sur l’album « The French House », il y a deux titres sur lesquels que peux me positionner comme un véritable raconteur d’histoires. Je pense, par exemple, à « Free (The ballad of John Dillinger) » qui évoque le célèbre ennemi public numéro 1 des années 1930. Il a été abattu, par le F.B.I, dans la rue… Il y a, également, « The lonely stranger (Cynthia Ann Parker’s lament) » qui évoque Cynthia Ann Parker. Elle était la mère du premier et dernier chef comanche, Quanah Parker. Le titre évoque le drame qu’elle a vécu. Je ne suis pas, uniquement, venu à ce genre de chansons par l’intermédiaire de gens tels que Neil Young, Bruce Springsteen ou Bob Dylan. En effet, l’écossais Al Stewart a aussi eu une grande influence sur moi. Il vient de la folk music et, dans ses album les plus connus (« Past, Present And Future » 1973, « Modern Times » 1975, « Year Of The Cat » 1976) il évoque des faits historiques comme, par exemple, la bataille de Moscou qui s’est déroulée durant la seconde guerre mondiale. La chanson est « Roads to Moscow », elle s’étale sur plus de 8 minutes. A l’époque, son label Janus Records lui avait même demandé si 8 minutes pour la seule bataille de Moscou n’était pas un peu trop long (rires) ! J’adore cette idée de raconter des histoires à travers des chansons.
C’est comme Neil Young qui, à propos de « Cortez the killer » (album « Zuma », 1975) dit qu’il s’est simplement inspiré de cours appris en classe. Je lis beaucoup et cela m’aide énormément à écrire. J’apprécie ce travail historique, même si on fait toujours des erreurs. Au final, ce n’est pas très grave…tant que la chanson est là (rires) !
Non seulement tu parles parfaitement l’anglais mais, en plus, tu t’imprègnes totalement de la culture américaine et de son histoire…
Oui, je ne connais pas tout mais j’aime beaucoup la culture américaine. Des artistes anglophones m’ont déjà demandé pourquoi je n’écris pas en français. Je pense que c’est en raison de mon attrait pour l’histoire américaine. Elle me touche énormément car elle est propice au rêve, certainement bien plus que notre culture française…
J’appartiens à une génération qui a, aussi, été fortement marquée par la country music. On ne revient jamais là-dessus. On porte toujours en nous ce que nous avons aimé alors que nous étions gamin.
L’album « The French House » a été produit par le guitariste Oli le Baron. Dans quelles circonstances l’as-tu rencontré ?
C’est par l’intermédiaire d’un ingénieur du son, avec lequel il travaillait, que je l’ai rencontré (Franz me précise qu’il a suivi une formation sur le son, en compagnie de ce technicien, à Toulouse, nda). Au début, je n’étais qu’un qu’un contact en plus pour lui, même si nous avions sympathisé. Un jour je lui ai envoyé un titre en lui disait que je pensais qu’il l’aimerait. Je n’avais, absolument, aucune arrière-pensée. Cette chanson augurait, simplement, une nouvelle période d’écriture pour moi. Je lui ai rendu visite une semaine plus tard et il m’a demandé de m’assoir car il voulait me faire écouter quelque chose. Je lui avais envoyé le morceau dans une structure guitare-voix et il me l’a fait découvrir totalement produit. J’étais là, dans ce studio, complètement estomaqué…
Il est devenu mon premier vrai producteur… j’en avais la larme à l’œil. La qualité de cette chanson, « Gone, gone, gone » était telle qu’on la retrouve en l’état en deuxième position sur l’album. En l’espace de 3 jours de travail, il a fait ressortir cette mélopée de terre !
Avant de commencer l’enregistrement de cette interview, nous évoquions ensemble l’un de ses anciens groupes, à savoir Ici Paris. Connaissais-tu bien le parcours d’Oli avant de le rencontrer ?
J’avoue que non (rires) ! Je savais simplement que c’était un excellent guitariste qui accompagnait, alors, le chanteur Raphaël. Je connaissais, également, l’un de ses autres groupes qu’il avait formé avec le batteur Richard Kolinka…à savoir Le Cercle. C’était un sacré groupe de rock qui aurait, vraiment, mérité d’avoir sa place dans le « Panthéon du rock français ». C’est donc en toute naïveté et en toute simplicité que j’ai commencé à avoir des discussions avec Oli…
Tu me parlais de l’émotion ressentie la première fois que tu as entendu la chanson « Gone, gone, gone » produite. Quelle a été, selon toi, la touche qu’il a apportée à tes compositions ? Comment se matérialise-t-elle sur l’album ?
Beaucoup de sensibilité, beaucoup de finesse… Je décris toujours le travail d’Oli comme un musée. On y trouve des brides de son par-ci par-là… Il a amené la tension, il a amené la vivance.C’est un musicien qui ne laisse pas indifférent. Beaucoup de gens me disent qu’ils aimeraient le rencontrer, car ils le trouvent incroyable. Il m’a aussi apporté le rock que je ne pouvais pas mettre par manque d’expérience, alors que je l’avais au fond de moi. Oli m’a aidé à le faire sortir. Comme je te le disais, j’ai beaucoup écouté Neil Young. J’aime toute son œuvre, aussi bien en solo qu’avec le Crazy Horse ou Pearl Jam. Il peut passer de la country au hard rock via la folk…et il est toujours bon. Il forme un tout. Il fait partie de la musique que j’ai intégrée. Celle que j’ai dans le cerveau et dans mes oreilles. On y trouve toujours de la hargne. Oli est un traducteur de cela. Il a compris que nous pouvions aller vers là ensemble. Il ne s’en est pas privé !
Outre Oli le Baron, trouve-t-on beaucoup d’intervenants sur ce disque ?
J’y ai invité des musiciens croisés sur la route, comme Eric Cousin qui vit à Fribourg (Allemagne) et qui joue de la mandoline sur le premier titre (« Only one shot »). Il y a, aussi, deux joueurs de pedal steel guitar car je suis un véritable amateur de slide. J’ai même créé une association, à Toulouse, pour promouvoir cette technique « guitaristique ». Je connais donc parfaitement ce petit réseau… Sinon, Oli a fait pas mal de percussions alors qu’un batteur toulousain avait posé les bases de batterie auparavant. Mathilde Vrech joue du violon sur la plupart des titres. Enfin, nous y comptons un invité surprise venu de l’autre bout du monde. Il s’agit de Cye Wood, qui joue le violon final sur le morceau « Your body’s image ». Ce dernier est vraiment un musicien incroyable, j’ai rarement entendu des gens jouer du violon comme il le fait. Son style est enrichi par une grande finesse et une précision exemplaire. Il a, notamment, travaillé avec la chanteuse de Dead Can Dance (Lisa Gerrard, nda) dans le passé. Nous avons enregistré un peu partout. Par exemple, la batterie de « Unluckies » a été captée dans une église baptiste du Missouri. Cet album a donc été enregistré à la maison, mais aussi sur la route. Oli récupérait les bandes guitare-voix et il les habillait. Pour les morceaux rock, il se chargeait de toutes les parties. Je n’avais qu’à y ajouter mon harmonica et ma voix.
Lorsque j’ai rencontré Oli le Baron, en 2012, il m’avait parlé d’une église qu’il avait achetée et réhabilitée aux USA. Est-ce dans celle-ci que se sont déroulées ces fameuses prises de batterie ?
Oui c’est là-bas ! Il s’agit d’une église de forme circulaire, avec des absides tout autour. Elle possède une grande salle en bois, en légère pente, qui a la forme d’un amphithéâtre. Le plafond est à une hauteur de 8 mètres, je te laisse donc imaginer le son que l’on peut y produire. Les vitraux, intacts, y sont magnifiques…c’était vraiment sympa ! Le côté négatif est que cette église est située dans un endroit paumé du Missouri, à deux heures de Kansas City et de Louisville. Nous y sommes restés 3 semaines et c’était vraiment classe !
As-tu des attentes particulières concernant ce disque qui est le premier qui fait, vraiment, parler de toi ?
Mon attente principale est de pouvoir jouer partout où cela est possible afin de présenter ces chansons qui sont, complètement, entrées dans ma peau. Elles font partie de ma vie depuis que l’album est sorti. Elles ont pris de la maturité et ont changé au fil du temps. J’espère pouvoir tourner au maximum et rencontrer des gens, que ce soit dans un café, dans un festival ou à l’Olympia (Franz a fait la première partie de Dick Rivers, dans cette célèbre salle parisienne, enmars 2012). C’est, à chaque fois, une espèce de communion avec la musique…ainsi qu’une célébration de la vie.
Cela pourrait être une belle conclusion, mais nous n’allons pas nous arrêter en si bon chemin. Pour l’avenir, souhaites-tu poursuivre cette collaboration avec Oli le Baron et, pourquoi-pas, enregistrer la totalité d’un disque aux Etats-Unis…en t’imprégnant totalement de l’atmosphère locale ?
Nous continuons, effectivement, notre collaboration. Je pense qu’Oli en est très content…Quant à m’imprégner de l’ambiance américaine, je ne le sais pas encore. Les nouvelles compositions prennent, en fait, une tournure différente par rapport à celles du premier album. Mes premiers titres sont assez surprenants. L’actuelle période d’écriture flirte avec le rock alternatif, la pop anglaise et un petit peu de folk. L’an passé, j’ai été contraint de poser un pied à terre pour raisons de santé. Je remets donc en place un processus d’écriture.
Pour le prochain album, aucun voyage aux Etats-Unis n’est prévu pour le moment…
Quand on lit ta fiche biographique, on s’aperçoit que tes goûts lorgnent aussi bien du côté de David Bowie que de Bob Dylan. La pop anglaise ne t’est donc pas tout à fait étrangère…
Non, ce registre ne m’est pas étranger. C’est Oli qui m’a amené un côté Bowie, comme on peut le constater sur le morceau « Counting colors ». En toute sincérité, au moment de l’enregistrement, je n’étais pas encore familiarisé avec l’œuvre de Bowie. Depuis, je me suis beaucoup rattrapé car nous en avant énormément parlé avec Oli, qui est un vrai fan de cet artiste anglais. Je me suis documenté, je l’ai écouté et je me suis rendu compte à quel point son écriture est incroyable ! En termes de pop anglaise j’aime aussi les Beatles, un groupe que j’écoute depuis très longtemps. J’apprécie la période du début des années 1970, lorsque le groupe est sur le point de se séparer. Je suis, de surcroit, très admiratif de l’œuvre de George Harrison en solo. Il me touche de par ses mélodies…
En ce qui concerne le début des seventies, je suis aussi marqué par l’émergence d’un style pop-country que John Lennon a également pratiqué…c’est très intéressant !Une posture post Byrds et post Faces qui évoque une musique à la fois rock et country. C’est vivant… Ce mode de vie de l’époque reflète d’une certaine insouciance et j’adorerais refaire de genre de musique et la partager avec toute une équipe. D’ailleurs, j’en forme une actuellement avec des musiciens…je veux avoir mon propre groupe car, sur « The French House » c’est Oli qui joue la plupart des instruments.
Tu es, musicalement, très ouvert et je sens que tu es aussi quelqu’un de très axé sur une certaine forme de spiritualité… En tenant compte de tout cela, comment pouvons-nous définir ton style ?
C’est une bonne question… A une période je disais que je faisais du folk-rock. En même temps je me rends compte que ma manière de chanter est inspirée par des vocalistes tels qu’Otis Redding (de par son héritage culturel qui va du gospel au rhythm and blues) ou Jim Morrison pour lequel j’ai un gros faible. Je ne sais pas à quoi ressemble le résultat final. En tout cas, je suis incapable de le qualifier (rires) ! C’est très dur de se labéliser soi-même !
Souhaites-tu ajouter une conclusion à cet entretien qui touche à sa fin ?
Je te remercie beaucoup de m’avoir accueilli chez toi. C’est agréable d’avoir pu échanger sur « The French House » et sur tous ces gens que nous aimons, comme Oli le Baron. Il est un artiste majeur du rock français et le fait de le voir plus souvent dans les médias nous ferait du bien. En privé nous évoquions aussi Dick Rivers qui mérite aussi, largement, une plus grande exposition médiatique. Dans l’avenir, j’espère rencontrer mon public le plus souvent possible. Chaque fois que nous jouons en groupe, le retour des gens est plus que positif. Je souhaite donc que les programmateurs prennent davantage le « risque » de nous faire jouer.
Pour moi, la musique est une expérience qui doit se vivre… De plus, les chansons prennent une autre dimension sur scène.
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