Roy Roberts
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Roy Roberts est un artiste discret et particulièrement humble. Sa carrière, pourtant très dense, est riche d’une multitude de collaborations. Ainsi, elle l’a conduit à travailler avec des figures importantes du rhythm and blues (Otis Redding, Eddie Floyd, Little Stevie Wonder, Solomon Burke…) avant d’échapper à la vague disco, en le confrontant au milieu de la musique country. Revenu au blues au début des années 1990, Roy ne cesse de faire preuve de créativité et continue de nous offrir des enregistrements de grande qualité (que ce soit pour son propre compte ou pour celui d’autres artistes qui bénéficient, ainsi, de son incroyable expérience). Pour nous, il revient avec pudeur sur son parcours…

Roy, dans quelles circonstances s’est déroulée ton enfance dans le Tennessee ?
Je m’appelle Roy Roberts et je suis né à Livingston dans le Tennessee, le 22 février 1943. Dans les années 1960, j’ai déménagé en Caroline du Nord où j’ai commencé à jouer de la musique et à développer cet art dans tous les sens (rires) !

Je crois que la radio a eu un impact significatif en ce qui concerne la manière dont tu as découvert la musique…66
Oh oui. J’écoutais énormément la radio et, suite à cela,c’est mon grand-père qui m’a offert les premiers disques que j’ai eu en ma possession. Il s’agissait d’enregistrements de John Lee Hooker, Jimmy Reed d’autres anciens bluesmen. Je n’étais qu’un petit garçon et cela m’a rendu complètement fou. Il a fait beaucoup pour moi et c’est par ce biais que j’ai décidé de commencer l’apprentissage de la musique. Bien qu’enfant, j’étais complètement imprégné par ces vieilles chansons.

Quand as-tu, exactement, décidé de t’installer en Caroline du Nord ?
C’était en 1960 et j’avais alors 17 ou 18 ans.

En tant que musicien, quels y ont été tes premiers emplois ?
C’est en 1961 que tout a commencé et que j’ai commencé à devenir guitariste professionnel. Dès 1962 je suis devenu un accompagnateur pour des artistes tels que Solomon Burke et Stevie Wonder. Je partais en tournées avec eux…

Peux-tu me parler plus en détails de ces premières et prestigieuses collaborations ?
Je faisais partie de leurs groupes respectifs et, de ce fait, voyageais dans tous les Etats-Unis…

Conserves-tu des souvenirs précis de cette période ?
Oh oui ! Beaucoup de choses me reviennent à la mémoire quand je pense à ce moment précis de ma vie (rires). Bien sûr, beaucoup d’anecdotes sont liées à la vie sur la route. Nous jouions un peu au bon, à la brute et au truand (rires) !

Je crois que tu as également travaillé avec Otis Redding, quand était-ce ?
Oui, j’ai travaillé avec Otis Redding. C’était en 1966…

Tu as d’ailleurs écrit une chanson, pour lui rendre hommage, lorsqu’il est décédé. Peux-tu m’en dire plus sur cette composition ?
Oui, mais comment sais-tu tout cela (rires) !Il s’est tout simplement passé qu’Otis Redding a voulu que je prenne la route à ses côtés. A cette période, je tournais avec Eddie Floyd qui venait de sortir son hit « Knock on wood ». Un soir, Otis m’a vu et m’a demandé de le rejoindre au sein de son groupe. Cependant, j’avais déjà ce job et lorsqu’il m’a demandé avec qui je travaillais alors, je lui ai dit que c’était avec Eddie Floyd. Il m’a donc dit « ok, mais si tu as besoin de faire des concerts, je te propose de m’appeler ». Malheureusement, six mois plus tard il a été victime de ce triste accident d’avion. Si je n’avais pas travaillé dans le groupe d’Eddie Floyd, j’aurais probablement été dans le même bimoteur…

Quelle est l’histoire de cette chanson sur Otis Redding?
La chanson que j’ai faite, évoquant Otis Redding, a donc vu le jour après qu’il ait été tué dans cet accident d’avion. C’est avec l’un de mes amis, qui est devenu mon manager (Curt Moore, nda),que nous avons ressenti le besoin de l’écrire. J’ai, tout de suite, été d’accord et nous l’avons faite, elle se nomme « The legend of Otis Redding ». Ce disque (enregistré pour le compte du label Ninandy appartenant à Nina Simone, nda) reste très particulier pour moi et il est étroitement lié à ma carrière. Ceci est, notamment, le cas en raison de sa face B qui se nomme « Got to have your love ». C’est, paradoxalement, ce titre qui est devenu un hit et qui a beaucoup été diffusé en Angleterre. Ce qui est incroyable, c’est que c’est encore le cas actuellement… cette chanson continue d’être diffusée ! Pourtant, elle a été enregistrée en 1967 (rires) !

Après cette période, tu as fondé The Roy Roberts Experience avec lequel tu as enregistré jusqu’à la fin des années 1970. Puis, tu as rejoint un groupe de country music. Pourquoi as-tu pris cette décision ?
A la fin des années 1970, le disco a envahi la planète et a mis hors-circuit tous les groupes de soul et de blues. Il n’y avait, à ce moment-là, presque plus de place pour eux dans le business musical. J’avais un bon ami, qui était un musicien de bluegrass, qui m’a suggéré de m’aventurer dans la country music. Je lui ai dit ok, d’autant plus qu’il me fallait avoir un travail. Il m’a dit qu’il était prêt à étudier certaines compositions que je lui proposerais, afin qu’il puisse les enregistrer. Son nom était Arthur Smith et il était un immense artiste de bluegrass, originaire de Caroline du Nord. J’ai donc écrit quelques chansons qu’il a produites. Il y avait 52 stations qui diffusaient ses émissions de radio. C’est d’ailleurs un média qui lui a permis de se faire connaitre très tôt, alors qu’il rentrait du service militaire. C’est donc par cette entremise que j’ai débuté dans la country music, car les clubs musicaux dédiés à ce registre étaient peu enclins à accueillir un guitariste noir à cette époque-là (surtout en Caroline du Nord). J’ai dû faire mes preuves par moi-même. D’ailleurs, un jour, je me suis rendu dans un endroit où Ernest Tubb (surnommé The Texas Troubadour, figure emblématique et pionnier de la country music, nda) se produisait. La patronne du lieu m’a fait entrer en se demandant, probablement, comment cela allait se passer. Quand j’ai franchi la porte, il y avait 500 spectateurs qui remplissaient le lieu. Parmi eux, nous n’étions que deux noirs, tous les autres étaient des blancs. L’autre gars était complètement effrayé…
Dans le groupe qui se produisait sur scène à ce moment-là, certaines personnes me connaissaient déjà et avaient suivi ma carrière dans le milieu du rhythm and blues. Ils m’ont accueilli à bras ouverts et sont venus me rejoindre dans la salle. Ils me disaient à quel point il était bon pour eux de me revoir. Les spectateurs, méfiants, se demandaient vraiment qui était ce Roy Roberts (rires) !

Tu as, par ailleurs, joué avec O.B. McClinton (célèbre chanteur et musicien noir de country music, qui a débuté sa carrière au début des années 1970, nda) par la suite. Cet artiste est peu connu du public français. Peux-tu revenir sur cette expérience ?
O.B. McClinton était un très bon ami. Je l’ai aidé à se produire en Caroline du Nord et lui ai assuré un minimum de promotion. Quand je faisais de la country music, je me rendais régulièrement à Nashville et c’est dans cette ville que je l’ai rencontré. Nous avons commencé à parler ensemble et sommes, rapidement, devenus amis. Nous avons travaillé ensemble quelques années, grâce aux concerts que j’ai pu lui dénicher en Caroline du Nord et en Virginie. Quand il est mort, en 1987 (à l’âge de 47 ans, nda), je me suis installé en Virginie où j’ai décidé d’ouvrir mon propre studio d’enregistrement. J’y ai produit des enregistrements de gospel. Cette expérience a duré trois ans, jusqu’au jour où j’ai entendu Robert Cray à la radio. Son style correspondait parfaitement à la musique que je préférais. Je me suis dit « waouh, ce gars sonne exactement comme il faut pour gagner beaucoup d’argent » !
Je me suis donc enfermé dans mon studio et j’ai commencé à écrire de nouvelles chansons dans un registre blues. L’un de mes amis, à Nashville, les a écoutées et m’a proposé de les enregistrer pour le compte de son propre label. C’est ainsi que j’ai vraiment débuté dans le blues, après avoir fait du rhythm and blues et de la country music (rires) !

Tu es un chanteur, un guitariste, un auteur-compositeur et tu es un producteur. La dernière activité citée continue-t-elle de représenter une part importante de ton travail ?
Oh oui, c’est une chose très importante. Je me connais,je sais où je veux aller et ce que je veux faire. Quand j’écris mes chansons, j’aime les produire moi-même par la suite. J’ai également travaillé pour d’autres artistes dont j’ai réalisé des enregistrements (Lou Pride, Chick Willis…). D’ailleurs, je garde un grand souvenir de mon travail avec Chick Willis, il était un très bon ami…

Tu as aussi fondé ton propre label…
Oui, il s’agit de Rock House Records que j’ai fondé à Greensboro, en Caroline du Nord, où je suis revenu m’installer au début des années 1990…

Après t’être aventuré dans des registres musicaux différents (rhythm and blues, country music, blues…), en quels termes pourrais-tu présenter ton propre son ?
Le son que je possède est assez différent de ceux que l’on peut entendre ailleurs. Mon blues est constitué d’une touche de celui de BB King, d’une touche de celui de Robert Cray et puise dans le vivier d’une soul music revendiquée par des artistes tels que Solomon Burke, ou de gens qui produisent une musique dans le même esprit. C’est une combinaison qui représente parfaitement qui je suis et d’où je viens.

Après toutes ces années sur la route, de quoi es-tu le plus fier dans ta carrière ?
Je suis, justement, fier de pouvoir voyager. Depuis que je suis enfant, je m’intéresse à l’histoire et à la géographie. Ce sont des matières dont j’étais féru à l’école et j’en parlais souvent à mon grand-père. Ce dernier, sachant que je voulais faire de la musique, souhaitais de tout son cœur que je puisse me forger un nom. Il savait que, de cette manière, je pourrais exaucer tous mes rêves et vivre totalement mes différentes passions. Je le remercie pour tous les encouragements qu’il a prodigués à mon encontre, il croyait vraiment en moi et me le répétait sans cesse. J’ai donc eu la chance incroyable de pouvoir voir tous ces endroits, que je ne connaissais qu’en photos à travers les livres que je parcourais.

Aurais-tu, malgré tout, un rêve pour le futur ?
Je commence à devenir un vieil homme. Mon rêve serait donc de pouvoir continuer à jouer et à m’épanouir aussi longtemps que je le pourrai (rires) !

Quels sont tes projets les plus immédiats ?
Je vais retourner en studio afin de produire un gars qui se nomme Dwight Williams. En fait, au départ, il est mon médecin. Mais il est aussi un excellent pianiste et un bon chanteur. Cependant, il n’a jamais rien fait dans le milieu artistique. Un jour, sa femme est venue assister à l’un de mes concerts et elle était très enthousiaste en sortant de la salle. Six mois plus tard, j’ai reçu une carte où Dwight m’écrivait qu’il se sentait prêt à entrer en studio. Sa femme l’avait décidé à franchir le pas, afin que je lui produise un disque. Au début, ce ne devait être qu’une chanson mais cela va aboutir à un CD complet (rires) !

Que souhaites-tu ajouter à l’attention de ton public français ?
Je conserve d’excellents souvenirs du public français. Je me souviens, notamment, de concerts à Paris où j’ai dû me produire à cinq reprises. C’était au Jazz Club de l’hôtel Méridien ainsi qu’au Maxwell Café. J’espère revenir très vite (rires) !

Remerciements : Aurélie Roquet (& On The RoaD Again staff), Gwenaëlle Tranchant, Lisa Bécasse et tout le service de presse du Cognac Blues Passions.

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Interview réalisée au
Cognac Blues Passions
Colmar le 3 juillet 2014

Propos recueillis par
David BAERST

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