The Rythm Checkers
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Pour commencer cette entretien, est-ce que tu peux me parler de cette scène rock'n'roll française du début des années 60. Plus particulièrement de la scène alsacienne qui était prolifique - les gens ne le savent plus maintenant - mais il y avait énormément de groupes. Ça se comptait par centaines au début des années 60, des groupes qui ont été directement influencés par le phénomène rock'n'roll. Alors comment peux-tu l'expliquer ?
Dans les années 60, déjà, je pense qu'on a eu une grande chance en Alsace, c'est d'avoir les américains. Ils étaient basés là, à Strasbourg. Ils nous ont amené cette musique : le rock'n'roll. Au départ, nous n'écoutions pas de rock'n'roll. On écoutait "Salut les copains".

Puis grâce à ces gens-là, on a commencé à écouter Little Richard, Jerry Lee Lewis, Fats Domino… Pour moi, ça a été une révélation : je me suis dis "merde ! quand j'entends ces gens-là, j'aimerais bien chanter comme eux".
Je n'aurais jamais pensé que j'y arriverais un jour.

Je voulais être batteur ; je n'ai jamais voulu être chanteur ! Jusqu'au jour où le chanteur est tombé malade … on a découvert que le batteur chantait mieux que le chanteur ! Et là, je me suis mis à chanter, j'ai dit voilà, je vais chanter.

Est-ce que tu peux me parler de ton cursus musical avant les Rythm Checkers ? Est-ce que tu avais déjà un parcours assez défini ? Tu as fait partie d'autres groupes ?
Oui, j'ai appartenu à des groupes très connus, sur Strasbourg, comme par exemple Michel et les Jets, qui a été un des premiers à se former.
Il y a eu aussi Les Diables Rouges dont je ne faisais pas partie pas, bien qu'on joue souvent ensemble.

Dans ces années-là, tout le monde jouait le même répertoire. Michel et les Jets, c'était très bon. C'était du Beatles à la française, un avant-goût des Lionceaux, si on peut dire. Mais bon, ce n'était pas trop mon truc.

Moi je préférais la musique noire. C'est là où j'ai rencontré les copains, un deuxième groupe (pour moi c'était le meilleur où j'ai jamais joué) qui s'appelait les Skat Five. Ils étaient alors très renommés sur Mulhouse.
Les anciens de Mulhouse doivent reconnaître ce groupe où, d'après moi, se trouvaient les quatre meilleurs musiciens d'Alsace.

D'ailleurs, il y a une anecdote à travers une chanson d'Alain Bashung, à propos des Diables Rouges qui avaient l'habitude de se produire à la foire de Strasbourg sur un stand qui s'appelait "chez Wanda"…
On appelait ça " chez papa Legal" ! C'était un stand de strip-tease… Il s'est très vite rendu compte que les gens n'étaient pas tellement tournés vers ça, mais plutôt vers le rock'n'roll.
De là, il a commencé à prendre des groupes. C
'était plein tous les soirs... Alain Bashung a fait allusion aux sirènes de chez Wanda dans une de ses chansons.

La chanson est "Gaby, oh Gaby". Il a peut-être été spectateur de certains de ces concerts.
Je pense... Jacques Higelin y compris puisqu'à un moment, il habitait à Vendenheim.

Et ensuite, tu as intégré ce groupe les Rythm Checkers alors qu'il était déjà créé. Comment s'est passée cette intégration ? Dans la mesure où, au départ, le groupe était composé de trois allemands et d'un néerlandais ?
Eh bien, un des allemands les a quittés. Bon, c'est un groupe où tout le monde chantait. Mais ils voulaient un chanteur devant, un chanteur solo. Ils sont venus me voir, justement quand je jouait avec les Skat Five.

Quand ils ont entendu ce que je chantais, Little Richard et tout ça : ils en étaient dingues. Ils m'ont demandé tout de suite de venir avec eux. J'ai plié mes bagages et je suis parti avec eux. On est allé sur la Côte d'Azur où ça a marché du premier coup.

Et, à ce moment-là, tu n'étais plus batteur du tout, tu étais uniquement chanteur, chanteur-batteur ?
J'étais uniquement chanteur.

Et c'était en quelle année, fin 65-66 ?
Mai 66, exactement.

Et tu peux me parler un peu du répertoire ? Tu m'as parlé de tes influences, Little Richard, donc c'était déjà du rock'n'roll noir plutôt ?...
Du rock'n'roll mais c'était très varié. Nous reprenions aussi bien Jimmy Reed que John Lee Hooker... beaucoup de trucs américains, et aussi du british beat, les Merseybeats, les Hollies, Wayne Fontana... qui ont dû connaître les Beatles mais qui jouaient déjà avant que ce groupe de Liverpool ne soit créé.

Est-ce que tu peux revenir sur vos premiers concerts qui avaient lieu au Puce Palladium à Juan-les-Pins ? Il y a une petite anecdote, tu as dû transformer ton nom de scène en allemand, Bouboule est devenu Boulès
Voilà. À la Côte d'Azur, ce qui les intéressait toutes les boîtes, c'était les groupes anglais (ou alors allemands, hollandais à la rigueur). Les groupes allemands avaient la cote.
On appelait ça le Hard Beat ! Mais les groupes français ne passaient pas. Ils n'aimaient pas les groupes français. Je ne sais pas pourquoi, pourtant il y en avait de très bon.

À ce moment-là, on m'a dit "ne parle surtout pas français, parle en allemand". Alors on ne parlait qu'en allemand, il ne fallait surtout rien dire en français... Enfin à cette époque, c'était la honte d'avoir un groupe français.

C'est donc le propriétaire du lieu qui a carrément demandé ça ?
Oui, absolument.

Incroyable ! Et donc le succès à très vite démarré et vous vous êtes retrouvés, presque immédiatement, à l'Olympia pour une affiche prestigieuse. Vous partagiez la scène avec des gens tels que Vince Taylor et Jerry Lee Lewis.
Oui, il y avait aussi Jacky Edwards, si je ne me trompe pas. Après trois mois et demi à Juan-les-Pins, on a eu beaucoup de contacts avec des gens du métier. Michel Polnareff est venu notamment et beaucoup de gens comme ça.

Je pense qu'un des producteurs a dû nous voir. Il est très rare qu'on demande à un groupe de venir à l'Olympia. Souvent, il faut demander, il faut s'agenouiller, faire ce qu'ils vous demandent. Là, on nous a demandé de venir. Je ne pensais pas du tout que ça marcherait !

Donc ça fait un choc, juste après avoir intégré un groupe, qu'on te propose la scène de l'Olympia après quelques mois!
Pour tout le monde ! Pour eux aussi, parce qu'ils pensaient tourner dans les boites et gagner leur vie comme ça... Mais là, faire ça comme ça, surtout l'Olympia : c'est commencer par la meilleure salle ! C'est ce qui se fait de mieux, quoi.

Je crois que, lors de ce premier passage, il n'y a pas eu de captation de son. Par contre, c'est lors de votre deuxième passage que vous avez enregistré.
Oui, par l'équipe d'Europe n° 1.

Voilà. Il en résulte un super 45 tours, comme on disait à l'époque. C'était du délire et, c'est un avis personnel. Pour avoir écouté de nombreuses versions de "Long Tall Sally" de Little Richard, je dois dire que votre version est une des rares à pouvoir rivaliser avec l'original.
En fait, on a un peu calqué notre version sur celle des Beatles.

Après ce premier Olympia, est-ce que vous êtes revenus en Alsace ou avez-vous continué à graviter dans le milieu parisien ?
On est resté sur Paris. Après l'Olympia, on a fait connaissance de Monsieur Chauvières. C'était le directeur de la Locomotive où il nous a gardés pendant un mois tous les soirs. Il n'était jamais arrivé qu'un groupe reste pendant un mois tous les soirs à la Locomotive. En plus, nous avions comme première partie the Pretty Things et the Troggs . Je n'aurais jamais pensé cela…

C'est vrai, c'est fou, et pourtant ! Et quel était le contact avec les spectateurs parisiens, quand ils apprenaient que vous étiez un groupe provincial, alsacien qui de plus est ? Est-ce qu'ils étaient surpris ?
Non, pas du tout. Au départ un peu, mais dès qu'on commençait à jouer c'était fini. On était européens.

La Locomotive était le club à la mode, à l'époque. C'était l'endroit où il fallait se montrer. J'imagine que tu as eu l'occasion de rencontrer pas mal de gens du milieu musical à ce moment-là ?
Musical, artistique et tout... J'y ai rencontré José Arthur par exemple...

Tu as une anecdote qui te reviendrait sur cette période, quelque chose de rigolo qui vous serait arrivé sur scène à la Locomotive ou dans les coulisses ou dans le club ?
On ne voulait pas aller chercher le salaire, par exemple, parce que Monsieur Chauvières était... On disait "non, non, ce soir c'est toi qui va chercher..." "aaaahhh lui, je veux pas le voir, il est tout plein de poils" ! Bon mais c'était marrant, c'était gentil... C'était un garçon très gentil, il nous a beaucoup aidés.

Parce que rester sur Paris pendant trois mois et jouer tous les soirs, c'est très dur. Maintenant peut-être plus, mais à l'époque, c'était très dur. Et puis après on a fait le Bus Palladium, mais alors le vrai Bus Palladium !

J'y ai rencontré une personne qui nous a pris sur contrat et nous a proposé de faire les Jeux Olympiques en 68, malheureusement à cette date, les Checkers n'existaient plus. Mais je les ai faits quand même avec un autre groupe.

Oui, on en reparlera un peu plus tard. Après cette période de folie sur Paris, comment s'est passé le retour en Alsace. C'était dur, vous aviez un peu un casque de plomb sur la tête ?! Est-ce que vous avez eu un accueil particulier ? Est-ce que les gens en Alsace vous avaient suivis, la presse par exemple ?
Même pas. Comme je dis, je pense qu'on était plus connus à l'extérieur de l'Alsace qu'en Alsace même. Donc un retour tout à fait normal.

Donc, à ce moment-là, vous avez continué à jouer chez nous. Quels étaient les endroits dans lesquels vous aviez l'occasion de vous produire ? Il y avait le Kibitz je pense?
Le Kibitz, ensuite il y eu la Western Farm à Brumath, qui s'est appelé par la suite, le Stardust. Bon c'était plein mais ce n'était pas la même chose.

Nous, on préférait les petites caves où on était bien serré les uns contre les autres. De véritables salles, il n'y en avait pas, ou alors c'était des dancings. Il fallait passer en spectacle pendant une heure et après c'était le bal.

Et vous avez donc eu l'occasion de faire un deuxième Olympia, toujours accompagnés de grandes vedettes. Après Vince Taylor et Jerry Lee Lewis, vous avez eu l'occasion de passer sur la même scène que Chuck Berry. C'est à cette occasion qu'a été enregistré le 45 tours. Là, vous avez vraiment eu droit au louanges de toute la presse parisienne y compris de la presse spécialisée. J'ai noté une phrase de Jacques Barsamian, dans la revue Rock'n'folk de l'époque, qui t'a carrément comparé à Screaming Lord Sutch pour ton côté scénique.
Oui, c'était un peu ça, avec les cheveux, la tenue un peu, la voix cassée... Un peu la folie aussi, le spectacle. Nous, on aimait bien le spectacle...

Et comment ça se caractérisait sur scène ça, vous faisiez des choses un peu insolites, vous communiquiez avec le public ?
Non non, c'était inné, moi j'y pensais même pas à ces trucs-là. C'est après la fin du concert que les types ont dit "merde, t'es génial". Je disais "attends, moi je ne me rappelle même pas de ce que j'ai fait..." C'était inné, ça venait comme ça…
C'est le public aussi qui vous motive.

On est heureux de la captation sonore, mais qu'est-ce qu'on regrette qu'il n'y ait pas eu de captation vidéo à ce moment-là...
Oui c'est dommage. Je suis sûr qu'il y en a mais bon, d'après la télé, il n'y en a pas. Il parait qu'ils en auraient pris, ils filmaient au jour le jour, et puis... Enfin, ça m'étonnerait, ils ont des archives...

Il faudrait voir avec l'INA peut-être.
Parce qu'on a fait plein d'émissions, c'est impossible que ça n'existe plus.

Donc, à l'occasion de cet Olympia, tu as évidemment rencontré Chuck Berry.
Ah ça c'était mon rêve ! C'était merveilleux...

Rentrer dans les coulisses, s'asseoir au bar, et être assis à côté de Jerry Lee Lewis et boire un coup avec lui... Et qu'il vous considère comme un ami, ça c'est...

Pour lui, j'étais un rocker comme lui, je n'étais pas le petit français. Aussi bien lui que Chuck Berry, on faisait partie de la famille.

Et vous n'avez jamais eu de problème avec ces têtes d'affiches qui, parfois, pouvaient craindre les groupes de premières parties comme vous, qui faisaient un tabac ?
Monsieur Jerry Lee Lewis, par exemple, était très tatillon. Avant que l'on propose les morceaux, il les écoutait pour voir si on ne les faisait pas mieux que lui.

Donc, il y a avait toujours une méfiance.
Ah oui, oui. Chuck Berry, moins, lui c'était "allez-y, faites ce que vous voulez. Du moment que c'est du Chuck Berry" !

Donc, le grand souvenir, c'est surtout Chuck.
Pour moi c'est Chuck Berry. C'était le rêve de ma vie de le rencontrer un jour.

Et tu as eu l'occasion de le recroiser depuis ?
Plusieurs fois. On a fait plusieurs concerts avec lui après, sur Nancy, sur Metz, sur Strasbourg. Jerry Lee Lewis aussi d'ailleurs, à la Mutualité à Paris, Strasbourg, Nancy aussi, trois quatre fois. On était devenu presque des amis... On se rencontrait sur des tournées.

Autre rencontre à l'issue de cet Olympia, quelqu'un est venu te voir pour te féliciter après ta prestation scénique, c'était Eddy Mitchell.
Ah ! Eddy Mitchell, oui, un très grand nom, un grand bonhomme. Un très grand bonhomme qui aime le rock.

Il est tout de suite venu, il m'a serré la main et il a dit : "toi (claquement de langue), c'est du bon" !

J'ai récemment fait une interview d'un rockeur français que tu as bien connu, c'est Moustique avec qui tu avais bien sympathisé. Est-ce que tu peux me parler de lui ?
Moustique, je l'ai rencontré à l'Olympia, justement après ce passage avec Chuck Berry. Lui, il était fou ! C'était un fou de Little Richard, il était barjot !

Il a dit "je te ramène à la maison, on va à la Bastille, tu peux dormir chez moi, tu peux manger chez moi". J'ai dit "non attends, on va pas aller jusque là, on se connaît à peine" ! Un type extraordinaire, vraiment, il m'a emmené...
D'ailleurs, c'est lui qui m'a fait entrer au Bus Palladium.

Oui, c'est un personnage assez extravagant et qui mérite d'être connu ! Et là, chose un peu particulière, on te propose un contrat très intéressant mais en solo. On te veut, toi, mais pas avec le groupe.
(Dans un soupir) Oui...

Alors là, tu refuses...
Je me suis toujours considéré comme un membre du groupe. Mais ça, c'était, je crois, ma plus grande bêtise, je ne l'ai réalisé qu'après. Et c'est pour ça aussi que le groupe s'est un peu dissout vers la fin. J'ai eu plusieurs demandes, notamment des disques Flèches de Claude François...

J'ai toujours refusé, j'ai dit non, on reste un groupe, je ne suis pas un chanteur...

Et pourquoi ne voulaient-ils pas du groupe, c'était pour des raisons qualitatives ? Ils estimaient que ce n'était pas d'assez bons musiciens ? Ou est-ce qu'ils voulaient t'enregistrer avec des musiciens de studio et peut-être t'orienter différemment, musicalement parlant ?
Je pense que c'était plutôt ça. Connaissant Herbert Léonard (Bouboule prend l'exemple de son ancien camarade alsacien qui, lui, s'est détourné du Rythm and Blues pour faire une carrière plus commerciale, Nda) comme je le connais, c'est pas du tout son style de musique.

Il est fanatique de Rythm & Blues et de Rock'n'Roll, tout comme moi. Parce qu'on a commencé par faire du rock'n'roll, il aime les même rockers que moi. Je ne le voyais pas chanter, à l'époque, "Chateauvallon". Ce n'est pas son truc. Il pensait peut-être plutôt me faire tourner vers le British...

Et, malheureusement, en 67, c'est la séparation, donc peut-être double frustration pour toi. De ton côté, tu refuses des ponts en or pour faire carrière et dans la foulée, vous vous séparez. C'est quand même un mauvais concours de circonstances.
Chose encore plus bête, le jour où on s'est séparé, j'ai eu un coup de téléphone pour faire Bouton Rouge. C'était une super émission de télé et j'ai dit "reformez-vous au moins un jour pour faire cette émission". Je l'ai faite quand même avec un autre groupe.

Mais ce n'était pas ça, ce n'était plus les Rythm Checkers. Ils auraient bien aimé avoir les Rythm Checkers.

Et quel a été l'immédiat après Rythm Checkers ? J'ai noté que tu avais fait partie de groupes tel que Les Roots ou encore Urbain Tonon dans un style radicalement différent.
Oui, ça c'était plutôt pour manger parce que j'avais un gros trou, ce qui arrive à tout le monde et que faire si on veut rester musicien ? Et puis on m'a proposé de rentrer dans un orchestre de variété qui était quand même premier prix de Jazz à Antibes Juan-les-Pins, donc c'était pas n'importe quel groupe de variété. C'était quand même des musiciens au top. Mais c'était pas ma musique, quoi. Je n'y suis pas resté longtemps (rires).

D'ailleurs en 1969, tu fais une tentative, tu essayes de reformer les Rythm Checkers avec de nouveaux musiciens.
Oui, il y avait aussi Jimmy Bock qui faisait partie des derniers Rythm Checkers. On essaye mais sous une autre forme, c'est à dire plus Blues, plus Rythm & Blues... Et ça n'était plus ce son, les gens aimaient ce son, c'était plus le son des Rythm Checkers.

Vous aviez un son " garage " finalement à l'origine...
Finalement oui. Pour moi, quand j'écoute les groupes en ce moment, c'est ça... En mieux parce qu'ils ont de meilleurs instruments.

Et après cette ultime expérience avec les Rythm Checkers, tu as décidé de quitter le monde de la musique ou tu as continué ?
Pas du tout, j'ai continué. D'ailleurs le guitariste est parti avec moi, avec un organiste anglais Chris Hadfield. On est parti avec deux frères qui avaient un autre groupe sur Strasbourg et là, on est parti direct en Espagne. C'était en 68 et on s'est trouvé bloqué en Espagne parce qu'on n'avait plus d'essence pour rentrer.

En mai 68, tu étais en Espagne ?
Oui ! On s'est retrouvé au Macumba à Montpellier. Quand on a vu ce qui se passait, on s'est dit qu'on allait partir en Espagne, le temps que ça passe et qu'on reviendra après ! (rires)

Tu as continué la musique jusqu'à quand, finalement ?
Officiellement en 76. En fait j'ai joué jusque dans les années 80, mais en faisant une soirée par-ci une soirée par-là, soirée retrouvailles, soirées...

Mais c'est la musique à temps plein, finalement, jusqu'en 76 ? Et toujours dans l'esprit rock'n'roll, blues ?
Oui. Et toujours dans cet esprit Rythm Checkers, l'esprit Little Richard, Jerry Lee Lewis, Gene Vincent que j'adore. Qui n'aime pas Gene Vincent ?

Et tu te produisais où, alors ?
Dans la région de Chaumont, dans le région de Belfort, il y avait toujours des boites à faire. Il y avait une superbe boite à Audincourt qui s'appelait Le Moulin Rouge qui était extraordinaire.

Tu as continué à voir les anciens membres des Rythm Checkers ?
Un certain temps et puis après, on s'est perdu de vue. D'ailleurs le hollandais est reparti en Hollande, il a fait son magasin de vélos comme tous les hollandais (rires).
Le dernier allemand qui restait, je pense qu'il a ouvert une boite du côté de Saarlouis. Et le guitariste nous a quittés…

Aujourd'hui, on est en 2007, il y a encore plein de gens qui se souviennent de vous. Comment expliques-tu qu'il y ait un noyau d'irréductibles qui continue à admirer les Rythm Checkers, à les écouter, ou qui essaye, comme c'est mon cas, de se procurer les disques qui atteignent maintenant des prix quasiment inaccessibles puisque le 4 titres enregistré live à l'Olympia a une valeur de 800 € sur le marché, actuellement ?
Et le blanc, dans les 350 €. Il y a des collectionneurs qui achètent, qui se fixent un budget de tant et tant. J'en connais qui y passent leur paye.

Moi, je ne suis pas tellement pour ce genre de truc. Moi-même, j'ai dû racheter mes disques parce que je ne les avais plus. C'est aberrant !

On va passer encore un morceau de cet enregistrement de l'Olympia, du Rythm & Blues, "Land of a thousand dances". Tu peux me parler de ce morceau qui avait été également repris par Ike et Tina Turner de fort belle manière ?
Là, je préfère la version de James Brown qui est une version complètement différente. On a préféré cette version parce qu'il n'y a pas de cuivres dedans et pas d'orgue. Comme à l'époque, on n'avait pas ça, on a donc pris cette version.

Quand on entend votre version qui donne une pèche d'enfer, on comprend mieux qu'il y ait eu 300 fauteuils de cassés à l'Olympia ! Bouboule, de cette période, que te reste-t-il, finalement, comme bons et mauvais souvenirs ?
Toujours l'amour du Rock'n'Roll. Souvenirs... finalement, c'est deux ans de ma vie. C'est les Rythm Checkers, c'est le plus grand souvenir de ma vie, et rencontrer tous ces gens-là, ça !

Je pense qu'en deux ans, j'ai fait plus qu'en trente ans de musique. J'en ai 45 de musique parce qu'on a reformé un groupe, reformé un truc, malheureusement ça marche pas.

C'est peut-être la magie de cette époque où il y avait cette insouciance...? Est-ce que tu te rendais compte, à ce moment-là, de ce que tu vivais ?
Non non, on ne demandait même pas ce qu'on avait touché. On ne savait même pas combien on avait d'argent parce que c'est l'imprésario qui avait tout. Il nous fallait juste un peu d'argent et puis c'est bon, on demandait rien, on était nourris, logés, blanchis.

Est-ce que tu aurais une conclusion pour terminer cet entretien ?
Ben, les gamins, mettez-vous au Rock'n'Roll parce que je crois que c'est la musique qui restera toujours, éternellement. C'est un cycle éternel qui revient toujours. C'était le cas il y a 40 ans, il y 30 ans, il y a 20 ans, ce le sera encore dans 30 ans.

Tu as des jeunes autour de toi qui s'y intéressent, qui te posent des questions et cherchent des conseils ?
Oui, mais plutôt des conseils de batterie. J'étais quand même considéré comme un des meilleurs batteurs de l'époque.
Au niveau du chant, je crois qu'il n'y a personne qui ose se frotter à moi.

Je voulais déjà faire des duos mais personne n'a osé le faire parce que les gens ont peur de chanter avec moi. Je dis : "pourquoi tu as peur ?... tout le monde sait chanter, il faut juste travailler la voix, c'est tout". Parce que quand je parle, ma voix n'est pas terrible...

Mais alors quand tu chantes !!!
Plus elle est cassée, mieux elle est ! (rires)

Remerciements : Un grand merci à Monsieur Gérard Bickel, alias Rocky Gonzales qui m'a mis en contact avec Bouboule !

http://www.myspace.com/therhythmcheckers

 
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myspace.com/therhythmcheckers

Interview réalisée dans le
Studio de RDL Colmar
le 25 avril 2007

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

Interview de Bouboule

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