Nda : Qualifiée « d’ouragan » par les uns ou de « diva punk » par les autres, la chanteuse et pianiste américaine Sarah McCoy dénote, en effet, de par sa personnalité fantasque. Il reste, cependant, aisé de constater que la jeune femme a bâti sa réputation afin de masquer un passé douloureux, dont il est encore facile de trouver certains stigmates lorsque l’on passe outre son grand sourire…et sa joie de vivre apparente. Après une enfance marquée par le deuil, la religion et la drogue, elle parcourt les routes et traverses les états avant de trouver refuge en Louisiane. Là, elle poursuit sa carrière d’artiste dans un environnement qui lui sied à merveille et où son maquillage, ses tatouages et ses piercings ne font qu’amplifier la force de son blues. Si on la compare encore à Janis Joplin ou à Big Mama Thorton, Sarah MCoy m’a démontré, à l’occasion de l’entretien qui suit, qu’elle est avant tout un être unique. Une personnalité artistique dotée d’une incroyable richesse…
Sarah, afin de débuter cet entretien, peux-tu revenir sur tes origines exactes ?
(Sarah répond à cette première question en français, nda) Je m’appelle Sarah McCoy et j’habite à la Nouvelle-Orléans. Je suis, cependant, originaire de Caroline du Sud.
Te souviens-tu de la manière dont la musique s’est immiscée dans ta vie ?
Je m’en souviens, en effet… C’était lors de l’anniversaire d’un cousin, alors qu’était diffusée la chanson « (Bye Bye miss) American pie » (titre créé par Don McLean en 1971, nda) dont je suis devenue une grande fanatique. Je me souviens être restée assise sur mon cul sur la piste de danse. Je me remuais tellement que j’ai, littéralement, du la nettoyer. Cela reste l’une des plus grandes sensations de ma vie et je me suis dit (Sarah se met à hurler, nda) : « Mais c’est ça le rock’n’roll ! ».
C’était, vraiment, un grand moment qui m’a totalement libérée.
De quelle manière as-tu appris le piano ?
Je vivais, alors, en Caroline du Nord et c’est une histoire intéressante…
Mes deux parents étaient chez les alcooliques anonymes et ils avaient un ami, originaire du Maryland, qu’ils étaient souvent amenés à rencontrer. Ce dernier était forain et voyageait sur toute la côte est (jusqu’en Floride), son prénom était Jay. Lorsque la femme de ce dernier est décédée, il nous a donné le piano qu’elle possédait. Mes parents m’ont poussée pour que j’en joue et j’ai, ainsi, commencé à prendre des leçons auprès d’une très gentille femme d’église, qui doit être décédée aujourd’hui. J’observais toujours ses mains lorsqu’elle jouait. Je me suis donc prise au jeu et j’en ai beaucoup pratiqué, surtout dans un registre classique. Nous jouions, régulièrement, l’une pour l’autre. Grâce à elle, j’ai pu intégrer une école d’arts.
Quelles étaient, alors tes influences musicales ?
C’est une question à laquelle il m’est difficile de répondre car j’ai été influencée par certaines musiques avant que j’en joue moi-même et que je commence à chanter. Il s’agit de celles que j’entendais à la maison, à travers les disques familiaux. Mes premières réelles influences sont liées à la musique classique, j’appréciais des compositeurs tels que Mozart, Chopin, Beethoven etc. Plus tard, j’ai découvert la musique qui a changé ma vie…un registre bien plus moderne.
Pour quelle raison as-tu décidé de déménager à La Nouvelle-Orléans, en Louisiane ?
C’est, à la fois, une histoire amusante et une histoire qui l’est beaucoup moins. Je vais donc me montrer sous un côté particulièrement introspectif... Alors que j’avais une vingtaine d’années, j’étais en train de vivre une très mauvaise journée. Pourtant, ce jour là, j’ai rencontré un auto-stoppeur dans un café. Ce dernier connaissait l’un de mes meilleurs amis qui jouait dans mon groupe et qui est un formidable chanteur-songwriter. J’étais, comme je te le disais, dans une mauvaise passe et je pleurais. Il est donc venu à ma rencontre et savais, plus ou moins, qui j’étais. Il m’a demandé si je m’appelais bien Sarah McCoy, ce à quoi j’ai répondu par l’affirmative. Il m’a demandé si je pleurais et, là aussi, ma réponse a été positive. Pour me réconforter, il m’a chanté une chanson qui devait s’appeler « Give me a life ». Cette dernière m’a fait prendre conscience de certaines choses et m’a donné la force de vivre de nouvelles aventures. En discutant, il m’a annoncé qu’il s’apprêtait à partir pour la Nouvelle-Orléans et je lui ai dit que j’y irai aussi un jour. A ce moment-là, je vivais en Californie avec mon groupe. Cependant, plus les jours défilaient, plus je pensais à cette ville de Louisiane.
Un jour, alors que je me promenais seule dans un parc cet que mon moral était au plus bas, le nom Nouvelle-Orléans ne cessait de me revenir en tête. Mon esprit m’a alors poussé à franchir le pas, je savais que je devais m’y rendre. J’ai pris mon van et ma meilleure amie m’a suivie dans cette aventure. Nous étions, simplement, accompagnées par nos chiens. C’était une période de ma vie particulièrement difficile mais la chose positive est le fait que nous soyons arrivées dans cette ville en pleine période de Mardi Gras. C’était deux jours avant cette fête et j’étais totalement surprise par l’ambiance qui y régnait. Je marchais dans Royal Street et il y avait de la musique partout. Il n’y avait pas un seul local d’où ne s’échappait un son de guitare. Je me suis, alors, dit « waouh, regarde ce que tu as trouvé ». On peut dire que c’est là que mon histoire a vraiment commencé…
Qu’est-ce qui t’a le plus touchée dans l’état d’esprit que tu as trouvé à La Nouvelle-Orléans ?
Je pense que c’est cet état d’esprit lié à la survie. Cette joie qui confronte la mort. Les gens ne se résignent jamais là-bas et ils sont très solidaires entre eux. C’est une vraie communauté, il y a une réelle connexion entre les gens.
De quelle manière ta musique vient-elle à toi ?
C’est comme une transmission radio. Je n’ai pas, vraiment, d’autre manière de traduire la chose. Je me nourris des ce que je ressens et j’essaye de le transmettre en musique.
Dans quel état d’esprit aimes-tu écrire ?
Cela est variable… Parfois, je me sens vraiment mal, parfois je suis déboussolée, parfois je suis aspirée par une journée complètement folle. De manière générale, je ne suis jamais dans un état d’esprit très joyeux lorsque je compose. Quand je me sens très heureuse, je peux faire des choses vraiment folles. Je me sens alors comme dans le long métrage animé « An American Tail » (traduit en français par le titre « Fievel et le Nouveau Monde », nda) datant de 1986. On y trouve cette petite souris russe (et juive), Fievel Mousekewitz, qui part à la conquête de l’Amérique avec sa famille, car elle est persécutée par les chats dans son pays. Malheureusement, durant le voyage, elle tombe à l’eau puis se retrouve seule à New-York. Elle part alors à la recherche de sa famille et il lui arrive des aventures incroyables. Je peux être complètement électrisée comme elle, ou alors impressionnée, effrayée et bégayante. Dans ces moments-là, je me laisse aller en produisant des extraits de sons aléatoires, ou en formulant des extraits de phrases. Puis, je construis mes chansons à partir de cela…
Depuis ta participation au festival itinérant « Les Nuits de l’Alligator », tu t’es trouvé un public français. A ton avis, en quoi a-t-il été séduit par ton registre ?
C’est une chose assez étrange car ma musique est relativement absente d’internet actuellement. Je ne possède pas de vrai profil musical sur la toile et il est assez difficile de découvrir ce que je fais par ce biais. Je pense que chaque personne qui est connectée avec ma musique ou mes prestations doit être en phase avec mon état d’esprit. Peut-être en ayant connu le même ressenti dans une ancienne vie. Sinon le fait de me découvrir peut être, dans un premier temps, inconfortable pour certains. Ce doit être comme découvrir un monstre qui, petit à petit, se transforme en super-héros et que l’on prend du plaisir à voir. Les gens que je rencontre et qui m’apprécient doivent être séduits et impressionnés par ma manière de me maquiller, pour ne pas dire de me peindre le visage. Je dois leur apporter une forme d’échappatoire et leur permettre d’oublier la réalité du quotidien. C’est une chose très compliquée à expliquer, ce ne doit être qu’une part du processus…une pièce du puzzle.
Peux-tu revenir sur ta rencontre et sur ta collaboration avec le groupe The Liminanas, qui a aboutit à l’enregistrement de la chanson « Beautiful stranger » ?
Oui, nous nous sommes rencontrés lors de ma première tournée en France. Lionel Liminana s’est montré très gentil à mon égard, il n’a pas hésité à prolonger ce moment en me proposant de travailler sur ce morceau. C’était vraiment très touchant et je suis fière d’être arrivée à un tel résultat…
Pourriez-vous envisager de travailler sur un album ensemble ?
Pour le moment, il n’existe que cette chanson comme trace de notre collaboration. Pour être honnête avec toi, je ne pense pas que cela puisse aller plus loin dans le futur…
As-tu, malgré tout, un disque en préparation ?
Je ne sais pas, je n’ai pas d’information à divulguer à ce sujet pour le moment…
Mais as-tu des projets ?
Il n’y a que moi pour le moment… Sais-tu que tu ressembles à un bébé (rires) !
Souhaites-tu ajouter quelque chose à l’attention de ton public français ?
Aimez-vous pour ce que vous êtes et n’abandonnez jamais !
Remerciements : Coralie Arnould et Stéphanie Collard du Nancy Jazz Pulsations
http://www.sarahmccoymusic.com
https://www.facebook.com/SingerSarahMcCoy
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