Nda : C’est immédiatement à sa sortie du van de tournée, après un concert anglais particulièrement dense (ainsi qu’une nuit passée dans un ferry et une longue journée de route) que le one-man band américain Scott H. Biram a répondu aux quelques questions qui suivent. Sa fatigue ne pouvait pas masquer ce fameux enthousiasme que l’on retrouve souvent chez les artistes texans. Affable, il n’a pas failli à sa réputation et m’a prouvé qu’il est vraiment un personnage d’une grande sympathie et un homme hors du commun. Au bout d’une vingtaine de minutes d’entretien, il a enfin pu goûter à un minimum de repos…avant de faire exploser les sonomètres lors d’une nouvelle extravagance live.
Scott, pour commencer cette discussion, peux-tu me parler de l’environnement dans lequel tu évoluais lorsque que tu étais enfant au Texas ?
Quand j’étais enfant, je vivais dans une petite ville dans laquelle devaient résider environ 150 personnes. Mon père jouait beaucoup de musique et je m’en nourrissais jour après jour. C’est vers l’âge de 12 ans que j’ai commencé la pratique de la guitare mais je m’y suis mis plus sérieusement vers mes 14 ou 15 ans. Je suppose que mon père est à l’origine de mes influences musicales, car il abordait différents registres qui ne me laissaient pas insensible. Ainsi, il m’a permis de me familiariser avec les répertoire de Lightnin’ Hopkins, Leadbelly, Doc Watson, Merle Haggard et tous ces grands noms du blues et de la country music. Il interprétait aussi des morceaux de grands groupes de rock tels que The Eagles, Crosby, Stills & Nash etc. Je ne sais pas ce que je serais devenu sans lui (rires) !
A tes débuts, tu as abordé différents styles (le punk rock au sein de The Thangs, le bluegrass avec Scott H. Biram & The Salt Peter Boys ainsi que Bluegrass Drive-By). Pour toi, quelles sont les similarités que l’on retrouve entre le punk rock, le bluegrass, la country et le blues ?
Entre le blues et le punk rock, je pense qu’il s’agit définitivement d’un besoin de cracher tes problèmes et d’aborder, en chanson, les misères que l’on te fait et les difficultés que tu retrouves au quotidien. La musique country est liée au blues car elle aborde les mêmes thèmes, traités d’une manière musicale différente. En ce qui concerne ma musique, j’ai commencé par le blues lorsque j’étais enfant. C’est au lycée que je me suis intéressé au punk rock et au metal. J’ai capté l’énergie de ces sons afin de forger ma propre relecture du blues, du bluegrass et de la country. J’ai toujours adoré ces trois derniers registres, même si je me suis permis de les transformer à ma manière. J’ai toujours souhaité y rester fidèle.
Finalement, comment définirais-tu cette musique dont tu es à l’origine ?
C’est quelque chose de difficile à définir. Parfois je dis que c’est du heavy metal dépressif (rires), ce qui est un peu un gag. D’autres fois je la qualifie davantage de punk blues. C’est, cependant, compliquer à expliquer car je continue aussi à aborder la country. En général, lorsqu’on me demande quelle est la musique que je joue, je réponds que c’est du punk blues metal country (rires) ! A ce moment-là, je vois systématiquement un sourire amusé sur le visage des gens (rires).
Ressens-tu une grande différence entre la scène musicale texane datant de ton adolescence et celle d’aujourd’hui ?
Oui, elle a définitivement changée. Quand j’étais enfant, du côté d’Austin, je profitais de la venue de grands artistes. Ainsi, il n’était pas rare de pouvoir assister à des spectacles de Muddy Waters, Ray Charles, Bill Monroe, The Talking Heads, AC/DC etc. Tout le monde y donnait des concerts. Dans les années 1970 et 1980, la scène faisait la part belle aux rednecks et aux hippies qui côtoyaient les vieux cowboys qui fumaient dans leur coin. Puis, Austin est devenue une ville de hipsters qui apprécient une culture qui, à grands coups de bulldozers, a contribué à détruire certaines traditions. En devenant plus grande, l’esprit de cette ville a été englouti par le progrès (Scott appui sur le terme progrès avant de partir dans un éclat de rires, nda).
Es-tu sensible aux nouveaux artistes qui émergent sur la scène blues actuelle ?
Nous avons, à nouveau, à subir certains techniciens au lyrisme exacerbé. J’aime quand les jeunes musiciens suivent une démarche qui se rapproche de celle qui a été la mienne. C’est-à-dire de revenir aux origines des sons roots, en leur faisant subir un traitement trash. Par exemple j’apprécie, le metalhead qui est une forme de sous-culture du metal. Surtout lorsque les gens qui en sont adeptes se revendiquent tout autant du blues et en jouent. Je suis fier d’avoir été l’investigateur d’une lutte si acharnée (rires) ! Il faut continuer à être soit même et, surtout, ne pas tomber dans l’aspect commercial de la chose.
Trouves-tu une sorte de vérité dans le blues ?
Oh oui… La plus formidable des vérités ! La musique que j’aime le plus au monde est certainement celle qui a été enregistrée, à l’époque, par John et Alan Lomax dans les pénitenciers américains. Pour moi, cela représente la fondation des sons roots américains et de l’âme humaine. Ce sont des gens qui souffraient car ils étaient en prisons et contraints aux travaux forcés. Ils se servaient de leurs marteaux et de leurs haches pour ponctuer leur musique, tout en chantant. C’est le paroxysme de l’émotion et cela me parle vraiment. J’essaye de faire en sorte que l’âme qui transparait dans ma musique reste connectée à ce genre de choses…
Pour quelles raisons continues-tu à te produire seul sur scène ?
C’est une chose que je ne décide pas. Comme tu le disais, j’ai eu des groupes de punk rock et de bluegrass dans les années 1990. Les membres de ces groupes ont, de plus en plus, été sollicités sur d’autres projets auprès de divers artistes. J’ai donc continué à tourner et à trouver des concerts pour moi. Je me suis comporté comme ces anciens chanteurs de folk qui partaient seuls sur les routes avec leurs guitares. Puis, je me suis à nouveau retrouvé dans le circuit des clubs de rock et j’ai décidé de jouer ma musique de plus en plus fort. J’ai cherché à faire quelque chose de différent en m’équipant d’un foot drums et en amplifiant de plus en plus mon son. Je ne voulais plus être assis tout seul avec une guitare acoustique sur les genoux.
Tu as eu l’occasion de croiser de grands artistes tout au long de tes tournées (T-Model Ford, Pinetop Perkins…). Quelles sont les rencontres qui te laissent les meilleurs souvenirs ?
T-Model Ford est venu chez moi, à la maison, un jour et c’était vraiment cool. Nous avons fait un barbecue et joué de la musique ensemble. Je me souviens aussi de moments passés, dans les coulisses, avec Honeboy Edwards il y a bien longtemps…avant qu’il ne décède. J’avais beaucoup parlé de delta blues, et de la vie sur la route, avec lui. Rencontrer Billy Gibbons de ZZ Top reste aussi un grand moment, car il est l’un de mes guitaristes préférés. Il m’est difficile de me souvenir de tout car je garde en moi tant de grands souvenirs. J’ai eu le plaisir de partager la scène de grands shows avec beaucoup de personnalités différentes… Ma mémoire me joue des tours !
Tu écris beaucoup, d’où te viennent toutes tes idées de chansons ?
Beaucoup de mes chansons me viennent la nuit et sont issues de mes rêves. Quand je me lève le matin, j’essaye de réunir toutes cesimages et d’en faire des chansons. Ces dernières ressemblent un peu à des peintures et ne racontent pas d’histoires en particulier. Je ne suis pas très amateurs des histoires mises en musique. Je préfère laisser les gens deviner de quoi elles parlent et faire leur propre interprétation de la chose. A chacun de se forger sa propre idée…
Chaque année, tu donnes de très nombreux concerts (200 en moyenne). Où puises-tu ta motivation ?
Tu sais, c’est difficile à dire… Quand je reste trop longtemps à la maison, je ne pense qu’au fait d’être sur la route. Lorsque je suis parti depuis une longue période, je rêve d’être chez moi. Il y a donc, en permanence, ce conflit dans ma tête. J’aime vraiment beaucoup voyager et jouer… J’aime brancher mon micro et me produire le plus fort possible. Cela me déstresse, car je suis quelqu’un de très stressé (rires) ! C’est ma raison de vivre… De plus, si tu passes trop de temps à enregistrer des disques, tu peux rapidement te faire oublier. J’aime faire des albums mais cela représente, surtout, pour moi l’opportunité de pouvoir faire de nouvelles tournées. C’est un cercle répétitif qui ne s’arrête jamais. C’est comme un tourbillon…
Comment expliques-tu l’intérêt que te portent de nombreux admirateurs européens ?
C’est une chose que je remarque, en effet, depuis quelques années… Je crois que cette tournée est la dix-huitième que je fais en Europe en 9 ans. J’avais commencé par des petites dates et des festivals. Auparavant j’avais déjà beaucoup tourné aux USA, donc j’étais bien intégré sur cette scène. De ce fait, la première fois que je suis venu de ce côté-ci de l’Atlantique, j’ai été un peu déçu car j’ai eu l’impression de devoir tout recommencer depuis le début. Maintenant, je peux offrir des prestations aussi fortes que celles que je donne en Amérique. Plus de gens viennent assister à mes concerts et cela se termine souvent par des ambiances survoltées et magiques. Ici aussi, l’ambiance est très rock’n’roll et je passe d’excellents moments à chaque fois.
Quels sont tes projets les plus immédiats ?
Je travaille actuellement sur un nouveau disque et je suis très motivé car j’ai fait l’acquisition de matériel neuf pour mon studio. Je suis donc impatient de le retrouver afin de pouvoir m’amuser avec mes nouveaux jouets. Je viens, également, de terminer un gros travail en ce qui concerne la prochaine sortie en vinyles de mes albums « Graveyard Shift » (2006) et « The Dirty Old One Man Band » (2004)…qui étaient les premiers disques que j’ai enregistrés sur le label Bloodshot Records (les disques précédents de Scott étaient sortis sur son propre label, KnuckleSandwich Records, nda). Ils sortiront en juillet 2015 et j’en suis très excité ! Pour mon prochain disque, il m’est difficile de trouver le temps nécessaire à l’enregistrement car je suis continuellement sur la route et ne peux passer du temps chez moi que durant de courtes séquences de deux semaines. Je serai de retour au Texas en juillet et août prochain. Je compte bien profiter de ce laps de temps afin de rester chez moi et enregistrer. Les mois de décembre et janvier sont aussi propices à ce travail car il fait trop froid pour sortir. C’est une période idéale pour enregistrer ! Il me faut parfois du temps pour venir à bout d’un nouveau projet discographique, car je dois le réaliser sur une assez longue (et éparpillée) période en raison de mes nombreux concerts.
Tiens-tu à ajouter quelque chose à l’attention de tes admirateurs français ?
(Scott parle alors en français, nda) On fait le teuf (rires) !!!!
Remerciements : Julien (Road To Yell), Gijs Cals (Sedate Bookings), Nicolas Miliani (Normandeep Blues)
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