Solaris Great Confusion
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Stephan Nieser, le leader-chanteur-guitariste du groupe Solaris Great Confusion,se dit cryptique dans son écriture. Adepte des doubles sens et des énigmes musicales, cet ex musicien des groupes Buggy et Original Folks (et toujours membre de Bang Bang Cock Cock), a eu la bonne idée de se lancer dans un projet plus personnel. Avec Solaris Great Confusion, il a sorti (en octobre 2016) l’album « Some Are Flies », chargé de mélodies entêtantes et d’humilité…
Une humilité partagée par le guitariste du groupe, Aurel King, également présent lors de l’enregistrement de cette émission…
Une heure d’écoute et de partages, offerte par des gens qui ont l’habitude de tout donner (Stephan est, par ailleurs, éducateur dans un centre d’hébergement pour SDF).
Un état d’esprit qui sublime encore davantage l’art d’un combo, qui fait preuve d’une intégrité exemplaire.

Stephan, tu sembles avoir vécu une enfance « aventureuse » et riche en voyages. Est-ce vrai et, si oui, peux-tu revenir sur cette dernière ?
Stephan Nieser : Mon enfance s’est déroulée, en grande majorité, au Gabon. Mes parents travaillaient dans les travaux publics, dans le cadre de la construction d’une voie pour les lignes de chemin de fer (au milieu de la forêt africaine). Nous vivions dans des bases et des campements qui suivaient les chantiers.66

Je suppose qu’à cette époque, il devait vous être difficile d’avoir accès à la musique. De ce fait, comment l’appréciation de cet art est-elle venue à toi ?
Stephan Nieser : Je pense que ma mère, qui devait avoir certains scrupules à me laissait dans cette situation, faisait des allers-retours en France…d’où elle revenait avec quelques disques. Elle demandait aux disquaires ce qui était le plus écouté à ce moment-là en Europe. De ce fait elle revenait avec des enregistrements de Bob Marley, de Police (période « Synchronicity », en 1983) et ce genre de choses…

A partir de quel moment des goûts plus personnels ont-ils commencé à émerger et quels étaient-ils?
Stephan Nieser : Au départ, mes choix musicaux personnels étaient très clairement ancrés dans les sons noirs américains. Plus tard, lorsque mes parents se sont installés en France, je me suis mis à écouter certaines émissions de radio…qui m’ont permis de découvrir ce qui se faisait alors.Au détour d’échanges, avec mes camarades lycéens, mes goûts se sont affinés…

Le registre folk était-il inclus dans les musiques que tu écoutais alors ?
Stephan Nieser : Oui, d’ailleurs la musique de Bob Dylan était clairement intégrée dans mes goûts. Mes parents écoutaient déjà, très régulièrement, cet artiste…
Ceci dit, lorsque je suis arrivé en France, ce style était déjà considéré comme étant « ancien ». Il ne correspondait pas forcément aux jeunes de ma génération, même si moi…il me touchait beaucoup. C’est, d’ailleurs, toujours le cas…

L’aspect littéraire de l’écriture de Dylan (on en parle beaucoup actuellement, puisqu’il a obtenu le Prix Nobel de Littérature en 2017) t-a-t-il touché ?
Stephan Nieser : En le découvrant, je ne maitrisais pas encore très bien l’anglais mais j’étudiais, malgré tout, ses textes de près. Je suis plutôt germanophone (mon père étant allemand) mais, dès mon adolescence, l’écriture me touchait déjà.
A cette époque, Leonard Cohen était l’une de mes autres grandes références dans ce domaine. Sans, forcément, en comprendre le sens…je me sentais porté par la puissance de ses textes. Cela me suffisait pour me donner envie d’approfondir mes connaissances en la matière. Armé d’un bon dictionnaire, j’arrivais à m’en sortir !

Des gens tels que Leonard Cohen et Bob Dylan ont-ils pu, également, te sensibiliser à l’art de la poésie ?
Stephan Nieser : Pour moi la réception d’un auteur, tel que Leonard Cohen, est immédiatement poétique.
A mon sens, sans aucun doute possible, la poésie c’est ça…au même titre que ce que je peux lire ou entendre ailleurs. Chez les paroliers francophones, je suis très influencé par Jacques Brel chez lequel j’ai retrouvé une forme de classicisme dans l’écriture. Cette dernière n’est, pas forcément, très folk mais elle est là. D’un autre côté, je me délecte toujours des poètes venus de tous les horizons…qu’ils soient anglophones ou non.66

Quand as-tu décidé de devenir musicien ?
Stephan Nieser : J’ai, réellement, commencé par l’intermédiaire d’un projet avec le groupe The Aircraftbusters…au sein duquel j’ai débuté en compagnie de Rodolphe Weishaar. En fait, je n’ai jamais ressenti une très forte envie pour m’aventurer dans ce milieu. Tout s’est mis en place au fur et à mesure de la construction de chansons et, bien sûr, au fil de mes nouvelles influences. Les choses ont pris forme de proche en proche…

On peut suivre ton parcours à travers divers groupes (Buggy, Original Folks…). T’est-il, cependant, arrivé de te produire en solo ?
Stephan Nieser : Non, je n’ai jamais joué seul. Les formations les plus réduites que j’ai eu à soutenir étaient des duos (avec Jacques Speyser) ou des trios (avec Jacques Speyser et Aurel King).

Peux-tu revenir sur tes participations au sein de ces groupes, Buggy et Original Folks ?
Stephan Nieser : Buggy était le projet de Renaud Sachet. Je suis entré par la « petite porte » dans ce groupe, en disant que je savais jouer du clavier. Ce n’était absolument pas le cas, mais je voulais absolument rencontrer les membres de ce combo…j’avais acheté un clavier pour l’occasion. Lors de la première répétition, j’ai fait semblant de « pianoter » mais je suis malgré tout resté (passant très vite à la guitare). Nous avons fait un joli parcours ensemble. Ces concerts et ces enregistrements ont été très formateurs. L’approche musicale de Renaud Sachet (qui est, également, à la base du label Antimatière, devenu Herzfeld) est très intéressante. Cette étape de mon parcours reste très importante à mes yeux…
En ce qui concerne Original Folks, j’ai été très impressionné par Jacques Speyser (que je connaissais « discographiquement », via un album du groupe Grand Hôtel, avant de le connaitre personnellement) qui en est le fondateur. Jacques possède une écriture très ciselée, sa musique est particulièrement « assise » et j’ai été extrêmement honoré de pouvoir apporter mon humble contribution (à la guitare) à ce groupe. Jacques m’a beaucoup soutenu sur mon propre projet et c’est avec son soutien que j’ai pu abandonner Original Folks pour me consacrer à Solaris Great Confusion.

Aujourd’hui, les étiquettes ne manquent pas pour qualifier les musiques. On parle de d’indie folk pour celle de Solaris Great Confusion, cela te convient-il ?
Stephan Nieser : Le terme indie folk me convient très bien… Tout simplement parce qu’on y trouve cette idée d’indépendance. Ce n’est pas qu’une étiquette musicale car il y a, à priori, un vrai état d’esprit derrière. En plus, cela fait référence à d’autres artistes que j’aime beaucoup (dont Bill Callahan qui est, pour moi, l’un des plus libres et audacieux). Des gens que j’apprécie pour cet état d’esprit lié à l’indépendance.

Nous l’avons déjà évoqué, mais peux-tu me parler plus longuement de Jacques Speyser avec lequel tu constitues un duo vocal absolument étonnant ?
Stephan Nieser : J’ai commencé à jouer dans son groupe Original Folks alors que je connaissais déjà, comme je te le disais, sa musique (pour laquelle j’avais beaucoup d’admiration). Il m’a soutenu lors de l’écriture de mes propres morceaux et nous nous sommes retrouvés à travers de nombreux goûts communs. Notre amitié est née des doutes et des certitudes que nous partagions…

Le fait de chanter à deux voix constitue-t-il un exercice particulier ? On trouve très peu de références à des duos vocaux lorsqu’on lit des articles qui te sont consacrés, pourtant votre travail (avec Jacques Speyser) peut aussi (en certains points) évoquer The Everly Brothers ou Simon & Garfunkel… Ces ensembles ont-ils pu vous inspirer en ce qui concerne votre approche du chant ?
Stephan Nieser : Oui, complètement… C’est, d’ailleurs, Jacques qui m’a ouvert à cet univers.Ce travail sur les doubles voix et les harmonisations ne m’était pas naturel au départ. A ses côtés, j’ai pu rentrer dans cet exercice et c’est devenu une passion. A partir du moment où on commence à donner forme à ces textures et à créer cette fameuse « troisième voix » (qui découle des deux autres) on se considère plus comme un instrument de musique à part entière et moins comme « expression d’un chant »…

L’album « Some Are Flies » frappe, dans un premier temps, de par sa pochette. Qu’évoque-t-elle ?
Stephan Nieser : La photo, prise par mon père qui était géomètre, est tirée d’une diapositive datant des années 1960 (1968 pour être plus précis). On y voit l’un de ses collègues…avec lequel il faisait, alors, des repérages au Tchad. A cette époque, les entreprises les « larguaient » au milieu de la forêt…ils devaient chasser eux-mêmes et enrôler des forestiers locaux, afin de pouvoir avancer dans la forêt.
Nous avons choisi cette photo car nous la trouvions forte, malgré son côté cocasse. Le côté décalé nous plaisait beaucoup. Il faut savoir que la personne, qui est sur la photo, est quelqu’un que mon père n’appréciait pas particulièrement. En effet,il a abattu le singe que mon père a mis des semaines à apprivoiser. Il lui a tiré dessus, un matin, alors qu’il était dans un arbre… Je trouvais que le fait de le faire apparaitre sur cette pochette était une « pirouette marrante »…

En combien de temps ce disque a-t-il été réalisé ?
Stephan Nieser : Sa réalisation a duré une bonne année. J’ai fait intervenir un certain nombre de personnes pour des plans que je n’avais pas la capacité de faire seul (batterie, certains claviers, voix…). Il s’agit d’un va et vient entre des choses enregistrées chez moi et des choses faites dans un studio d’enregistrement.

Le guitariste Aurel King vient de se greffer au projet Solaris Great Confusion (Roots Noise, SF and the Ladyboys, Lisa Doby, ILL River…). Aurélien, quelle est ton approche de la musique de Stephan…qui est légèrement différente de celle que tu as l’habitude de jouer ?
Aurel King : Je trouve, en fait, que nos musiques sont entièrement liées. Tous les sons que j’affectionne sont issus du même terreau…même si on m’associe davantage au blues.

On connait bien ton amour pour la musique folk traditionnelle mais tu es, également, un fin connaisseur en folk indépendant…
Aurel King : Oui et, le fait d’intégrer ce groupe, me donne l’occasion de me plonger davantage dans cet univers. Stephan m’a permis de découvrir de nouveaux musiciens et j’apprécie, particulièrement, nos échanges. Nous nous prêtons des disques et nos évoquons pléthore d’artistes durant nos discussions.

Un côté « libertaire » se dégage du groupe. Ressens-tu cela en accompagnant Stephan, te laisse-t-il jouer à ta guise ?
Aurel King : Entièrement ! A la base du processus, il y a ce disque que nous écoutons aujourd’hui. Il faut le défendre sur scène et nous le faisons à 3, à 5 ou à 7…
En fonction de ces configurations, nous modifions nos arrangements tout en restant fidèles à l’essence même du groupe et à ses schémas. L’approche n’est jamais la même, tout évolue... Nous faisons cela en toute liberté, dans la meilleure des ambiances. De plus, je tiens à ajouter qu’avant d’être musicien, je suis un grand fan de Stephan et je pars de ce point de vue. C’est un plaisir de jouer pour Stephan et Jacques et de défendre cette musique…

Avez-vous une conclusion à ajouter ?
Stephan Nieser : Merci pour cette invitation et pour l’éclairage qu’elle nous a apporté. Je suis très heureux de ce qui est fait, de cette liberté. Je ne me vois pas donner de consignes à quelqu’un comme Aurel King… tout est très bien…

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Interview réalisée au
Studio RDL - Colmar
le 26 avril 2017

Propos recueillis par
David BAERST

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