Steve Verbeke
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST


Steve, pourrais-tu revenir sur les différents ingrédients qui composent ton nouveau CD " PARANO " ?
Avec plaisir !
En plus d'être mon album c'est aussi celui du " Roots Trio ", à savoir Stan Noubard Pacha à la guitare, Fabrice Millérioux à la batterie et Jean-Marc Labbé au saxophone baryton.
Quand nous avons fini de tourner afin de promouvoir notre précédent album " Montreuil Boogaloo ", nous nous sommes retrouvés, par un concours de circonstances, à jouer à trois (batterie, guitare, harmonica). Nous avons décidé de mettre cela en place en live et au bout d'un moment ça a commencé à prendre une forme qui me plaisait vraiment.

J'ai donc réfléchi à des chansons qui pourraient être axées sur cette formule qui est à la fois hyper pratique mais malgré tout contraignante par certains côtés. Par exemple, Stan se retrouve tout seul pour assumer le rôle de basse, guitare rythmique et guitare soliste…
J'ai donc fait des chansons dans cette optique-là.

Par la suite nous avons rencontré le saxophoniste Jean-Marc Labbé qui nous a apporté du " bas " ainsi que le côté hyper mélodique que peut parfois offrir le saxophone.
Essayer de mélanger cela à l'harmonica était, à la fois, une envie et un challenge qui nous plaisait à tous.

Pourquoi as-tu décidé de donner à l'album l'un des titres phares de celui-ci, " Parano ". Est-ce le grand mal du siècle ou plus spécifiquement celui des bluesmen actuellement ?
Je ne crois pas que ce soit celui des bluesmen en particulier.
J'ai, dans un premier temps, donné ce titre à l'album car un morceau le composant était nommé de la sorte. Puis, en travaillant sur la pochette (superbes illustrations signées par Jeff Pourquié, Nda), nous nous sommes retrouvés avec des dessins et ce titre correspondait justement très bien à ceux-ci.

Le morceau en lui-même, et sans aucune prétention de ma part, met en évidence le fait que nous sommes tous, actuellement, montés les uns contre les autres. Dès qu'il y a un problème " ils " ont tous tendance à montrer l'autre du doigt. Bien que je prenne le maximum de recul là-dessus il m'arrive aussi parfois, lorsque je prends ma voiture pour rouler dans Paris, de me dire " Qu'est-ce qu'ils vont bien pouvoir trouver, je vais bien avoir fait quelque chose qui ne va pas ! ".
C'était plus un jeu, en fait, de faire cette chanson.

Du temps est passé depuis ton précédent opus. Est-ce un choix délibéré, voulais-tu prendre du recul par rapport à ce que tu avais déjà fait, ou as-tu aussi été victime de la crise actuelle qui touche les musiques roots ?
J'ai envie de dire les deux car, contrairement à mes deux précédents disques où les chansons étaient écrites, puis répétées, puis enregistrées, puis jouées sur scène, j'avais envie de prendre le " truc " à l'envers.
Je voulais faire les morceaux puis les jouer sur scène afin qu'ils acquièrent déjà un certain vécu avant de rentrer en studio.

Honnêtement il y a déjà une bonne année que je voulais enregistrer ce disque mais il fallait trouver les moyens pour cela et, en ce moment, ce n'est pas évident.
La meilleure façon, pour moi, d'y arriver était de me débrouiller tout seul. Une fois qu'on a mis la main à la pâte on trouve toujours des gens pour nous aider à essayer de faire mieux…

Penses-tu t'être forgé une nouvelle personnalité à travers ces récentes compositions ?
La seule chose que j'ai peut-être forgée est le fait d'être moi-même et de l'assumer mieux.
Sinon je suis toujours le même et j'aime toujours les mêmes choses. Je le fais juste, peut-être, avec un peu plus d'aplomb, de vécu et d'expérience tout simplement.

Sur ce disque tu utilises ton groupe avec, en plus, une chanteuse (Corinne Thuy Thy, Nda) sur quelques morceaux. Sinon on ne retrouve pas d'invités, comme on pouvait s'y attendre. Est-ce pour garder la cohésion et le son que vous vous êtes octroyé à force de parcourir les scènes ?
Exactement pour ça !
Je voulais faire NOTRE disque sans fioritures. Je voulais qu'il sorte d'un jet et c'est ce que nous avons réussi à faire en restant, volontairement, peu de temps en studio.
Je voulais de l'énergie et beaucoup de spontanéité.
Je suis content du résultat…

De quelle façon travailles-tu tes textes ? Te revendiques-tu plus d'une tradition de la chanson française ou t'inspires-tu plus, toi qui es connaisseur des Blues traditionnels, de ses vieilles chansons afro-américaines ?
Je m'inspire énormément des thèmes évoqués dans le Blues chanté en anglais. De plus en plus, nous nous rendons compte que certains artistes préfèrent chanter en français comme le faisaient il y a déjà très longtemps des gens comme Benoit Blue Boy et mon père (Patrick Verbeke, Nda) qui défendent toujours cela et prouvent que ce n'est pas incompatible.

Je me situe dans cette ligne et souhaite perpétuer cette tradition sans me poser de questions.
De toute façon ma culture musicale est Blues !
Après si nous en sortons un peu, cela se fera de façon naturelle et dans le but d'apporter quelque chose en plus à la chanson. Je sais que ma culture et mon passif sont dans cette musique, donc je ne me pose plus de questions…

Il est normal pour moi de chanter en français et de jouer du Blues car c'est ce que j'ai toujours fait.

Sur scène, par contre, tu chantes souvent en anglais. Le fait d'enregistrer en français est-il pour toi un handicap ou, au contraire, un avantage car cela te permet de te démarquer de la plupart des autres groupes ?
Je n'aborde pas la chose sous cet angle-là.
Pour moi c'est une normalité, je réfléchis et pense en français. Comme tu le disais, sur scène j'adore chanter des titres en anglais en reprenant Muddy Waters, Junior Wells, les Fabulous Thunderbirds etc…

Cela me suffit, si j'ai besoin de chanter en anglais j'ai suffisamment de morceaux dans lesquels piocher pour les faire à ma manière. Si je veux amener mes propres idées il m'est plus naturel, pour le moment, de le faire en français.

Depuis toutes ces années tu as acquis une solide expérience. Cependant, puisque tu les évoquais tout à l'heure, es-tu toujours sensible aux avis de tes aînés Benoit Blue Boy et Patrick Verbeke ?
Obligatoire !
J'espère que je continuerai à le faire encore longtemps.
Ce qui est bien c'est que nous arrivons tous à prendre du recul par rapport à ça.

Ça devient du conseil, leur influence est évidente et je ne peux pas la renier. Comme je ne peux pas renier l'influence des grands harmonicistes. Tout cela est indéniable et je ne peux pas me passer de demander des conseils à des gens que j'apprécie. Le contraire serait idiot de ma part même si, au final, je suis seul à prendre la décision en fonction de ce que je ressens. C'était moins le cas il y a quelques années encore.

Aujourd'hui j'écoute, je prends et je compose avec mes ressentis.
C'est dans ce sens-là que j'essaye d'évoluer en tout cas.

Tu m'avais dit, il y à quelques années, que tu avais eu un choc dans ton enfance en assistant à un concert de Junior Wells. Aujourd'hui, dans la nouvelle génération d'harmonicistes, quels sont les spécialistes du genre qui te procurent des frissons et, le cas échéant, t'inspirent ?
C'est dur à dire…
Junior Wells m'a marqué car c'est tombé à un moment de ma vie qui était décisif car j'étais adolescent. A cette période de ta vie les choses restent et ça je ne pourrai jamais l'oublier.
Quand je vais, aujourd'hui, écouter des gens comme Vincent Bucher ou Youssef Remadna je me prends des grands moments de frissons et de bonheur…

Celui qui m'inspire, peut-être, le plus est James Harman tout comme Jimmie Vaughan qui lui n'est pas un harmoniciste. Cependant ce dernier a une manière si contemporaine de voir le Blues tout en restant fidèle à la culture de cette musique. Il amène vraiment quelque chose, à travers son jeu et sa manière d'écrire des chansons.

Dans une vision globale de la musique ce sont ces deux artistes qui me plaisent le plus.
Sinon en ce moment j'écoute beaucoup Earl King….

Quand on parle de Jimmie Vaughan on pense aussi, tout de suite, au chanteur - harmoniciste Kim Wilson…
Oui, d'ailleurs je l'aime beaucoup, il a un jeu phénoménal. Il a assimilé énormément de styles et il a une façon incomparable de jouer du Little Walter…
En plus c'est un vrai chanteur !

Ne crains-tu pas que la surabondance de groupes de qualité, en France, puisse nuire à leur succès et à la popularité de cette musique car il est de plus en plus difficile de se démarquer aujourd'hui ?
Non, je pense que cela ne peut faire que du bien et faire évoluer le Blues dans le bons sens.
Il y a énormément de très bons groupes en France et en Europe. Des gens de ma génération qui ont très bien assimilé cette musique. Pour eux cette musique est normale, il est normal de l'écouter et de la jouer…

Il y a encore quelques temps, c'était une démarche, il fallait y aller, c'était plus compliqué. Aujourd'hui nous pouvons bénéficier de tous les enregistrements, nous avons vu tous les grands artistes en tournée avec souvent, à la clé, la possibilité de les aborder facilement. De ce fait, le niveau monte. Cette musique va se pérenniser et continuer d'évoluer.

Le seul risque est qu'elle se fige, je n'aimerais pas que le fait de faire du Blues devienne un folklore…

Heureusement, je constate au contraire que ce genre continue de s'ouvrir même si nous avons tous une forte tendance à rester fidèles à ce que nous ont légué les créateurs.
Avec ça les choses vont évoluer et, du coup, cette musique va rester. Maintenant c'est sûr !

Tu crois que cela pourrait aller jusqu'à un nouvel essor populaire ?
Je pense que c'est évident. Je ne sais pas quand mais…
C'est une musique vraie et spontanée qui parle directement aux gens. Il faut juste franchir le cap entre jouer, en étant très respectueux de la tradition, et assimiler puis amener et donner. C'est là que ça va se jouer…

Cette musique va revenir, c'est sûr…
Il y a trop de qualités en France, en Europe et aux USA pour qu'elle reste confidentielle encore longtemps.

Quand tu te produis à la même affiche que des artistes américains, viennent-ils te voir et, si oui, que pensent-ils du Blues en français ?
Ils trouvent cela génial car ils se rendent compte que cela amène un plus à leur musique !

Avant de terminer cet entretien, pourrais-tu me dire quel est le mot qui définirait le mieux ton nouvel album ?
Original !
Car j'espère avoir fait un disque original et qui me ressemble. Le disque que nous devions faire, avec mon groupe, à cet instant T.
C'est une réunion de musiciens qui avaient envie de faire la même chose au même moment et d'avancer dans le même sens.

Après je peux te sortir d'autres qualificatifs comme la spontanéité, l'authenticité etc…
En tout cas c'est ce que je revendique, après les gens l'entendrons comme ils auront envie…

As-tu une conclusion à ajouter ?
Je voulais te remercier d'être venu m'interviewer, d'avoir accueilli l'album de la sorte…
J'espère que ce disque aura une longue vie et que nous pourrons le défendre longtemps en allant jouer le plus possible.

Ce disque est fait pour être joué sur scène avec des musiciens qui le méritent. Ce sera un grand plaisir pour moi de le faire avec eux.

www.steve-verbeke.com
www.myspace.com/steveverbekelerootstrio
www.myspace.com/parano2007


Remerciements: Nadia & Dom, Steve & Family...

 
Interviews:
Les photos
Les vidéos
Les reportages
 

Les liens :

steve-verbeke.com
myspace.com/steveverbekelerootstrio
myspace.com/parano2007

Interview réalisée à Montreuil le 29 Avril 2007

Propos recueillis par David BAERST

En exclusivité !

Interview de Steve Verbeke

Clic gauche pour écouter
Clic droit pour télécharger

 

 

Le
Blog
de
David
BAERST
radio RDL