Steven De Bruyn
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST


Nda : Egalement constitué par le bassiste Jasper Hautekiet et le batteur Tony Gyselinck, le groupe The Rythm Junks peut se targuer d’être porté par un leader aussi charismatique que talentueux. Son nom est Steven De Bruyn (harmonica, chant et guitare).Un musicien qui n’hésite pas à secouer le monde du blues, en revisitant les trois accords d’une manière résolument contemporaine et novatrice. Rencontre avec cet « extra-harmoniciste » qui garde les pieds sur terre…

Steven, pourrais-tu te présenter succinctement à ton public français, quelles sont tes origines exactes ?
 Je suis, à la base, un sociologue belge originaire de la région d’Hasselt. J’ai fait mes études en Angleterre où je suis « tombé amoureux » de l’harmonica. Par la suite j’ai travaillé, durant deux années, en tant que sociologue avant de me décider à devenir un musicien professionnel. Cela fait, maintenant, plus de 18 ans que j’ai pris cette décision et je ne l’ai jamais regrettée…

Existe-t-il des points communs entre la musique et la sociologie. Cette spécialité t’a-t-elle aidé en ce qui concerne ton approche et ta connaissance du blues ?
Oui, ces études (tout comme l’anthropologie) te permettent de voir le monde avec des « lunettes différentes ». Elles m’ont aidé à comprendre certaines choses en ce qui concerne la musique. Par exemple, afin de mener à bien certaines collaborations avec des musiciens venus d’autres pays que le mien. De plus, lorsque j’écris des textes, je me sers toujours de ce que j’ai pu apprendre. Je vois le monde comme un sociologue…

Durant tes études, outre-Manche, as-tu eu l’occasion de te frotter à la scène musicale anglaise et de fréquenter les clubs locaux ?
En effet… Un jour, on m’avait indiqué un club en me disant qu’il valait mieux que je n’y mette pas les pieds. Ce dernier avait, en effet, une réputation sulfureuse et passait pour être dangereux à l’encontre des jeunes étudiants. Bien sûr, en entendant cela, la première chose qui m’est venue à l’idée était de le tester (rires) ! Je me suis rendu compte qu’on y pratiquait du très bon blues et j’ai formulé une demande, afin de pouvoir m’y produire, à l’occasion de mon anniversaire. Un ami guitariste avait dit aux gérants de l’endroit que je jouais de l’harmonica et m’a, ainsi, permis d’effectuer mon premier concert anglais. Le résultat a été si probant que j’ai pu intégrer le groupe attitré de ce club. 66

A quand remonte exactement ta découverte de l’harmonica ?
C’est antérieur à mon départ pour l’Angleterre... En Belgique, j’avais vu un garçon jouer dans un bar. Il était saoul mais le son qu’il produisait était incroyable. Dès le lendemain, j’ai souhaité aller dans un magasin de musique dans le but de m’acheter un harmonica. J’ai rapidement compris que ce petit objet pouvait devenir mon « passeport », afin de pouvoir travailler et voyager à travers le monde.

Quand on parle de Belgique et d’harmonica, on pense immédiatement à Toots Thielemans. Que représente cet artiste à tes yeux ?
De bons souvenirs reviennent à moi à chaque fois que je l’évoque… En effet, un jour je me suis rendu à un « workshop » qu’il animait. J’ai alors interprété le thème musical (d’un dessin-animé) qu’il avait créé à l’origine. Il a, alors, décidé de m’accompagner à la guitare… c’était magique (Steven sort alors l’un de ses harmonicas et interprète ce morceau, nda) ! Je peux aussi dire de cet homme que, plus on sait bien jouer de l’harmonica, plus on comprend à quel point son talent est immense. Il est, incontestablement, l’un des meilleurs harmonicistes (dans le domaine de l’harmonica chromatique) que je connaisse.

As-tu fréquenté beaucoup de groupes avant que l’on te découvre vraiment au sein d’El Fish (groupe de blues devenu mythique au Bénélux) ?
Au départ, je me produisais au sein de trois groupes différents dont The Change Collectors avec lequel j’ai joué dans les rues de Toulouse, Montpellier etc… (rires) ! C’était un trio également constitué d’un violoniste et d’un guitariste folk. Il y avait aussi The Killen Harp & Band (Killen du nom du musicien irlandais qui le constituait aux côtés de Steven, nda) dont le registre était plus orienté vers le funk et bien sûr le groupe de Roland Van Campenhout. Ce dernier est un vieux bluesman belge qui m’avait demandé de l’accompagner. Parallèlement à cette dernière expérience, j’ai souhaité fondé un combo très roots dont le but était de trouver son registre au cœur même du blues. Notre but étant de donner la chair de poule aux gens qui nous écoutaient…Ce groupe est devenu El Fish.

Comment expliques-tu, sur un point de vue musical, la démarche novatrice de la Belgique ?
Ce pays a été parmi les premiers à proposer des artistes ambitieux, dont le but était de faire avancer le blues dans sa forme. Partir d’un son traditionnel, afin de lui faire côtoyer des sonorités plus modernes…La Belgique est un pays très petit où trois langues sont couramment utilisées (l’allemand, le français et le flamand). Pour y survivre, il est nécessaire de pratiquer ces trois langues et d’absorber un maximum de choses différentes. Si tu es issu d’un grand pays, tu peux te contenter de ne jouer que sur son territoire. Nous, au contraire, nous sommes contraints de nous exporter si nous voulons vivre de notre art. De ce fait, nous devons être très à l’écoute de ce qui se fait ailleurs. Dans le monde du rock, c’est une chose que le chanteur Arno a bien compris par exemple. Nous avions la même attitude avec El Fish, en ce qui concerne le blues.
La Belgique comptait, en même temps que nous, des groupes de blues très traditionnels. Nous, nous avons décidé de nous lancer dans la modernité. Les grands maitres du genre (Little Walter, Sonny Boy Williamson, Muddy Waters, Howlin’ Wolf etc…) étaient, en leur temps, des pionniers et des gens d’une modernité incroyable. Le plus bel hommage qu’on puisse leur rendre est de continuer leur action en s’inspirant de notre propre époque et d’être en phase avec ce qui se fait de plus actuel.

Puisque tu viens d’évoquer le chanteur Arno, on constate que le dernier album de The Rhythm & Junks a été produit par l’un de ses collaborateurs, à savoir le guitariste Geoffrey Burton (membre du groupe Hong-Kong qui a également, entre autres, joué aux côtés d’Alain Bashung). Peux-tu me parler de son travail avec vous et de la manière dont il a œuvré pour faire évoluer le son du groupe ?
Geoffrey est un ami de longue date et il est un véritable maitre du son. Il peut faire sonner sa guitare comme s’il s’agissait de n’importe quel autre instrument au monde. Il est plus qu’un guitariste, il est un créateur de son. Il était important pour nous de trouver notre voie. Je ne chantais pas au sein du groupe El Fish et lui m’a aidé à me lancer dans ce registre et il m’a permis de trouver ma voix. Dans un studio d’enregistrement, il est ouvert à toutes les formes d’expérimentations. Par exemple, sur notre dernier album, les lignes de basses sont jouées à l’aide de quatre amplis distincts qui sont positionnés de manières différentes. Le résultat est incroyable. Nous avons beaucoup appris avec lui, ce travail était très intéressant…

Peux-tu me présenter, plus en détail, ce dernier album « Beaten Borders » ?
Il y a un morceau « Offline land »qui évoque la période durant laquelle les smartphones n’existaient pas encore. Aujourd’hui, nous bénéficions de toutes ces technologies mais aimerions revenir à une époque durant laquelle elles n’étaient pas si développées. Aujourd’hui, les gens sont complètement rivés sur leurs écrans...Ce disque met en exergue beaucoup d’interrogations qui poussent les gens à réfléchir. Mon frère (Dries De Bruyn, nda), qui a signé l’artwork du disque, dit que ce dernier est comme une promenade durant laquelle on se pose tout un tas de questions. Il fait venir bien des idées à l’esprit.66

C’est un album que vous défendez à merveille sur scène mais également à travers d’autres moyens de diffusion. Je pense, essentiellement, à la vidéo. Vos clips évoquent vraiment le cinéma belge actuel. Avec qui travaillez-vous dans ce registre et quels sont les messages que vous cherchez à véhiculer par le biais de la vidéo ?
En ce qui concerne les vidéos, nous avons eu de la chance… Nous cherchions des talents pour nous aider dans ce domaine, sans bénéficier de gros budgets. Nous avons donc contacté des jeunes étudiants et avons trouvé un type qui, après avoir réalisé notre premier clip, a remporté la médaille de bronze du court-métrage pour son film « Crossroads» (dont le titre original flamand est « Tweesprong ») lors des « Student Academy Awards 2013 », à Los Angeles. Il s’agit de Walter Bouvijn… Finalement, nous avons fait trois clips avec lui, tant nous avons été touchés par son talent. A chaque fois c’est de mieux en mieux…Il a essayé des choses, il ne voulait pas se contenter de nous faire jouer des situations banales, il voulait vraiment quelque chose de spécial. Nous lui avons donné « carte blanche », le résultat est vraiment « fun »…

Dans le sens inverse, votre musique collerait parfaitement à bien des univers cinématographiques. Avez-vous déjà eu l’occasion de proposer des chansons pour des films et de participer à des bandes-originales ?
Au début de l’existence du groupe, nous avons participé à des ciné-concerts. Nous jouions, entre autres, sur des vieux films de Buster Keaton. L’été dernier, Jasper et moi, avons signé la bande originale du film « Los Flamencos », une comédie belge dont les héros sont trois frères octogénaires qui veulent réaliser un braquage de banque. C’était un travail très intéressant et nous espérons pouvoir renouveler cette expérience. Il est vrai que, comme toi, pas mal de gens nous disent que notre musique serait parfaite pour intégrer des « soundtracks ».

A l’écoute de votre dernier album, on se rend compte qu’il est difficile de vous positionner dans un registre musical précis. A ton avis, The Rythm Junks est-il un groupe de blues, de rock, de pop ou pensez-vous avoir une identité complètement personnelle ?
Nous cherchons vraiment notre propre identité. D’ailleurs, nous commençons toujours nos disques par un morceau qui bénéficie d’un texte fort et d’une musique qui puisse être jouée dans divers styles (blues, pop, rock etc…). Au final, nous conservons le genre qui lui convient le mieux. Dans notre musique, il y a des influences venues du blues, du jazz, du rock et même des musiques du monde. Pour nous, le plus important est d’écrire des chansons fortes… Avant de les enregistrer, nous les testons toutes avec l’appui d’une seule guitare acoustique…

Tu as également une forte personnalité sur scène. Que ressens-tu lorsque tu te trouves devant un public ?
J’essaye, maintenant, d’être un peu plus calme…Ceci-dit, lorsqu’on me met sur une scène devant un public, il y a toujours des petites explosions d’énergie qui naissent dans mon cœur et dans mon corps. C’est une chose que je ne peux pas freiner (rires) !Pour te rassurer, j’arrive actuellement à faire des choses plus calmes… mais je garde toujours en tête qu’il est important de dégager de l’énergie lorsque l’on donne un concert.

Peux-tu évoquer les projets du groupe ?
Pour le moment, nous tournons principalement en Allemagne, en Autriche et en Suisse car le disque vient de sortir dans ces pays. Nous souhaitons vraiment traverser les frontières et commençons à y parvenir. Nous avons déjà joué deux fois au Japon et deux fois en Chine. J’aime beaucoup aller en Asie afin d’y faire de la musique. J’espère que nous y retournerons très bientôt !

As-tu une conclusion à ajouter à l’attention de tes admirateurs français ?
Je leur demande de me pardonner pour mon mauvais français, ce n’est que ma troisième langue (rires) ! Sinon, je voudrais leur dire qu’il y a deux miracles dans la vie… l’amour et la musique.

Remerciements : Robert « Sunnyside » Koch

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Interview réalisée
Le Badhus (Festiblues) -
Kaysersberg
le 19 novembre 2013

Propos recueillis par
David BAERST

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