The 1234
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Note : Cette interview a été réalisée avec un seul membre du groupe The 1234, Nano Ramolli. Irréductible défenseur de la presse indépendante il a, héroïquement, répondu à mes questions pendant que ses trois frères semaient la terreur dans tout l’ouest parisien. Qu’il en soit remercié…

Nano, dans un premier temps, peux-tu me présenter cette famille Ramolli qui constitue The 1234 ?
Nous sommes quatre frères, dans l’ordre : Jésus, Bernardo alias Nardo, Jacky et moi-même Nano…
Nous avons été élevés par notre père, « Lucky » Luciano Sr Ramolli… quel triste nom…
Il était poète à ses heures mais surtout maçon, puisque immigré italien. Tes auditeurs comprendront…

Il a toujours vécu dans le culte du rock’n’roll et s’est passionné pour les Ramones. C’est lui qui nous a fait découvrir ce groupe. Nous avons grandi avec dès leur tout premier album et jusqu‘à leur tout dernier. Je ne sais même pas si nous avons décidé de faire ce que nous réalisons actuellement de notre propre chef. C’est surtout pour faire plaisir à papa…

Drivés par ce père charismatique, « Lucky », paix à son âme…
(Nano me coupe) Il est toujours vivant ! Il a eu quelques petits problèmes de santé mais maintenant il nous « lâche » un peu…

Quoiqu’il en soit, cette fratrie s’apparente-t-elle, quelque part, à la famille Corleone (personnages de fiction, créés par Mario Puzo dans son roman « Le Parrrain », portés à l’écran par Francis Ford Coppola dans un film réalisé en 1972, nda) voire avec cette fameuse bande de braqueurs (Mr White, Mr Blonde, Mr Orange, Mr Pink, Mr Brown & Mr Blue) que l’on a pu découvrir à travers le film « Reservoir Dogs » de Quentin Tarantino en 1992 ?
Je vois où tu veux en venir…
Non, non, non… Le rock’n’roll a sauvé notre vie et aucun de nous n’a de casier judiciaire. Papa non plus d’ailleurs, enfin c’est-à-dire qu’il l’a laissé en Italie…
Nous sommes vierges de toute condamnation.

Il est, cependant, vrai que l’on peut trouver une forme de « cousinage » par l’intermédiaire des relations que nous entretenons avec de nombreux fans des Ramones. Cela constitue une grande « famille », un peu particulière…
Encore une fois, je pense que nous sommes des gens très respectables. Vous pouvez nous inviter à table et vous remarquerez que l’on se tient bien. Nous sommes très polis, gentils et nous ne piquons pas l’argenterie.

Votre manière de « piller » est, en fait, très louable puisque vous vous contentez de reprendre le répertoire des Ramones. Pourquoi ce choix ?
Nous ne pillons pas, nous rendons hommage aux Ramones !
Il y a plusieurs raisons à cela...
A titre personnel, j’y vois le dernier avatar du pop art. Je crois que les Ramones sont la réussite musicale de ce que Andy Warhol n’est pas parvenu à faire avec le Velvet Underground. Appliquer tout son travail à la musique. Il n’a pas pu y parvenir avec des gens comme Lou Reed et John Cale qui sont, pourtant, de vrais artistes…

L’intelligence des Ramones, puisque derrière leurs chansons considérées par certains comme stupides se cachent des trésors de culture, est d’avoir réussi à faire du groupe un produit : la dernière grande œuvre d’art pop…
D’un autre côté je ne vois pas ce que tu veux que nous reprenions d’autre. Qu’est-ce qui est au dessus de tout ? Il n’y a pas mieux que les Ramones !
Troisième raison, nous tenions à prouver au monde entier que les Ramones savaient écrire des chansons. Ils avaient, peut être, inventé le punk rock mais ils savaient faire des chansons !

Ils avaient en eux un très fort héritage de la musique populaire américaine.
C’était donc incontournable et nous n’interprèterons que les Ramones jusqu’à la fin de notre vie, voila !

En mêlant ce répertoire à un genre antérieur, c’est-à-dire le doo-wop qui était très cher aux Ramones, vous créez un style original. Pourrais-tu me parler, plus spécifiquement, de ce style qui n’appartient qu’à vous ?
C’est gentil de ta part mais il n’appartient pas qu’à nous…
Pour être franc, comme Nardo et moi qui travaillons dans la musique, tu dois être au courant que le marché du disque s'écroule et qu'il n'y a plus que les grandes vedettes qui tournent. Nous avons donc passé un petit moment à nous ennuyer. Nous qui avions fait notre premier groupe à l’âge de 14 ans…

Il faut savoir que nous sommes nés le même jour, la même année et que nous sommes des jumeaux parfaits, nous n’avons cependant pas la même mère…
Bref, quand nous nous ennuyions à la terrasse des troquets en nous demandant « qu’allons nous faire, de quoi allons nous vivre demain ? », on commençait à chanter l’album live des Ramones en faisant « 1,2,3,4 etc… » puis à dérouler les morceaux dans l’ordre. Etant aussi fans des musiques des années 1950 et 1960, nous claquions des doigts en même temps. C’est ainsi que nous nous sommes aperçus que certaines chansons des Ramones s’adaptaient vraiment au style doo-wop. 

Nous nous sommes dit : « Oh non on ne peut pas faire ça, c’est grave ça, c’est bête on ne va pas chanter les Ramones en doo-wop, non arrête, euh.. pas cap’… ». Puis voila, les deux autres frangins sont venus nous aider en nous disant : « vous êtes vraiment trop cons, mais c’est une belle connerie et nous voulons en être ! » (rires).
Tout vient naturellement, bien que certaines chansons s’y prêtent peu. Par exemple quand il n’y a que deux strophes avec un gros riff au milieu, ça devient très difficile…

Beaucoup d’autres s’y prêtent bien. Nous avons donc fait cela pour nous amuser. Ça a commencé par faire rigoler quelques copains. Nous avons commencé nos premiers concerts dans des bistrots. Même les spectateurs qui ne connaissaient pas les Ramones nous disaient : « c’est vachement bien ce que vous faites, puis c’est agréable, ça ne fait pas trop de bruit et ce côté années 40... ». C’est là que nous les coupions pour dire « non, années 50 et vous avez compris, nous ne chantons que les Ramones, connaissez-vous ce groupe ? ».

Bref nous prêchons la bonne parole afin de faire connaître les Ramones au plus grand nombre de gens possible.
De surcroît, nous faisons bien rigoler les fans du groupe new-yorkais... ils se marrent vraiment quand il viennent!

En matière de doo-wop quels sont vos groupes de référence et, d’une manière plus large puisque vous êtes des amateurs de sons des années 1950-60, vos artistes de prédilection ?
Cela dépend des gars…
Jacky est plutôt proche de la soul music, côté blue-eyed soul…
Jésus aime beaucoup Dion & The Belmonts, The Rascals, Dino Valente etc…
Moi (Nano prend un air honteux) j’avoue écouter beaucoup de rockabilly, je sais ce n’est pas bien…
Bref ça n’a jamais fait de mal à qui que ce soit...

J’écoute aussi des groupes de doo-wop comme The Orioles, The Flamingos et surtout The Rivingtons qui étaient sacrément rigolos. C’est ce qui se rapproche le plus de ce que l’on fait. Il y a toujours ce côté humoristique dans les Rivingstons, « Papa Oom Mow Mow », « Birds The Word » etc…

Le premier concert que j’ai vu, avec maman, c’était The Golden Gate Quartet. D’ailleurs nous avons été à deux doigts de nommer notre groupe The Rotten  Fake Quartet car on ne leur arrive absolument pas à la cheville, il faut bien le reconnaître (rires) !
Dommage que mes frères ne soient pas ici car ils aiment encore beaucoup d‘autres choses…

De quelle manière avez-vous réarrangé ces morceaux ? Cela a-t-il demandé un grand travail d’adaptation ou est-ce que, au contraire, ça a été très rapide ?
Pour certains morceaux, ça a été relativement facile. Il suffisait d’y inclure tous nos « réflexes » liés à cette culture indispensable de la musique noire américaine.

Pour d’autres, la symbiose était plus difficile à réaliser. Chacun de nous s’est approprié l’arrangement qu’il devait faire sur le morceau qu’il avait choisi. Par exemple Nardo interprète « Needles And Pins », écrit par Sonny Bono et Jack Nitzsche et avait une idée précise pour la faire « sonner ». 

Quand Jésus est arrivé avec « Daytime Dilemma », je ne voyais pas comment y arriver. Il voulait la tourner d’une certaine manière et ça a marché, même si ça a été difficile…
Le titre « Blitzkrieg Bop » s’est imposé de lui-même, c’est venu et le résultat ressemble aux 7 nains « Hey ho, hey ho, your commen zur die boulot » (rires)  !
En général, sur scène, on se marre bien avec ça !

La sélection des titres a-t-elle été un « crève-coeur ». Des morceaux que vous vouliez retenir sont-ils « passés à la trappe » ?
Les morceaux n’étaient pas définis à l’avance. Nous avons fait de nombreuses tentatives et il a été difficile d’en traiter quelques uns pour l’album. Ces chansons ne sont, cependant, pas abandonnées et il est probable que nous les inclurons au sein de nos concerts.
Pour le disque nous avons fait le tri. C’est un bel exercice et il faut reconnaître que c’est du travail. Je rêvais de faire certains titres sans trouver l’idée musicale pour réaliser mes souhaits. Mais on ne sait jamais…

Compte tenu de ce que tu m’as dit au début de l’entretien je pense connaître la réponse mais je voulais savoir si, par le passé, vous aviez déjà fait des reprises d’autres artistes dans un registre doo-wop ?
Non mais Bernado et moi avions créé, sous l’égide du bar-tabac du coin « Le Ballu », une sorte de jeu qui était un “anti Star Academy”. Pour cela nous étions poussés par Alex Rossi (chanteur et auteur) ainsi que par Arnaud Viviant (journaliste et écrivain).

Partant du principe qu’il y avait des jeunes gens qui reprenaient des chansons existantes, d’artistes connus, nous avons décidé d’ouvrir un autre concours. Ce dernier consistait, à partir d’un simple texte, de demander aux participants de créer une musique dans le style de leur choix. Puis de le chanter dans l’ordre qu’ils voulaient et, s’ils le souhaitaient, en allemand, serbo-croate, javanais etc… Tout était possible…

Nous en sommes arrivés à 54 versions différentes, même du reggae chanté créole, du cajun, de la techno, de la musique indus, du disco…
Des artistes confirmés se sont prêtés au jeu et y ont participé, comme Dick Rivers…
Nardo et moi avions fait une version du texte en doo-wop…

C’est là que nous nous sommes aperçus qu’il s’agissait d’une musique vers laquelle nous allions naturellement.
Au départ nous n’osions pas toucher aux Ramones, à Dieu, notre Saint Graal mais finalement…
Le but était de le faire bien et de respecter cette musique que nous aimons.
Voilà, je suis bien content que ça te plaise (rires) !

En tant que fratrie, complètement vouée à la bonne cause, celle des Ramones et du rock’n’roll…Vous sentez-vous chargés d’une mission sacrée ?
(rires) Oui d’ailleurs c’est moi le plus mystique, le plus idolâtre du rock’n’roll, de la bande. Je me sens chargé de faire découvrir les Ramones et le rock’n’roll… toute leur œuvre devant laquelle je me prosterne. Mes chers Saint Dee Dee et Saint Joey…

La deuxième mission est de nous faire plaisir, nous amuser et chanter. Nous sommes 4 dans ce groupe et nos boulots respectifs habituels sont, plutôt, d’écrire des chansons et de signer des arrangements pour d’autres artistes. Nous avons passé l’âge de faire la Star Academy et ce genre d’émissions. De toute façon on ne nous y prendra pas, trop vieux…
De plus, je préfère chanter les Ramones plutôt qu’Herbert Léonard !

Se marrer en amusant les gens c’est, également, un très bon challenge en cette triste période. C’est vraiment, pour moi et mes frères, un exutoire qui nous permet de nous concentrer par ailleurs sur des choses moins drôles. Cela nous donne un équilibre (Nano exécute alors un splendide mouvement des bras afin d’illustrer ses propos, nda).

De quelles scènes vous sentez-vous les plus proches. La scène rockabilly, la scène punk… je n’ose pas dire la scène doo-wop car elle est très réduite en France ?
C’est une bonne question… Je ne sais pas si l’on se sent proche d’une quelconque scène…
Peut être d’une scène qui n’existe pas encore…

Qu’il s’agisse de musiciens de blues, de rock’n’roll, de soul etc… Si ces gens sourient et tapent du pied en nous voyant (et nous prennent en première partie par exemple), je pense que l’on se fera beaucoup de copains comme cela. Nous sommes proches de tous les gens indépendants qui continuent de croire qu’ils doivent transmettre aux autres la musique qu’ils aiment.

Il est probable qu’en septembre 2010, nous seront programmés dans un grand Festival de hardcore. C’est une chose qui ne me dérange pas et je serais, également, ravi de participer à des Festivals de blues ou de country music…
Ce que nous faisons est assez atypique, donc ça nous place en dehors des scènes habituelles…

En tout cas nous ne nous sentons pas proches des groupes vocaux actuels comme Zap Mama etc…
Nous faisons, avant tout, du rock !

Que pensez-vous du groupe¨Pow Wow qui vous a précédé au début des années 1990 ?
Par la force des choses il y en a un d’entre nous qui les a bien côtoyés. Personnellement je connais Alain Chennevière et, à un degré moindre, Ahmed Mouici et Pascal Periz. 

C’est surtout lorsqu’ils formaient le groupe de rockabilly Les Alligators que je connaissais Alain et Pascal. Aujourd’hui le premier cité, avec son groupe Rockspell, est sur le même label que nous (Rock Paradise).
On se connaît un peu et on s’apprécie. C’est des gens que j’aime bien mais j’avoue que je n’ai pas tout suivi. Ce n’était peut être pas assez rock’n’roll pour moi…mais « maximum respect » !

Si vous touchez le Saint Graal avec les Ramones seriez-vous, cependant, prêts à réitérer ce genre d’exploit avec un album consacré au répertoire d’un autre groupe de rock. Entre Herbert Léonard et les Ramones il y a peut être des artistes intéressants ?
Il n’y a rien d’autre que les Ramones !
Je sais que tu aimes donc ça va…

Ce n’est pas que les autres ne le mériteraient pas (rires), j’aime beaucoup de choses différentes !
Il faudrait étudier cette question avec les autres membres du groupe mais je t’avoue que, personnellement, ça ne m’intéresserait pas de faire autre chose.

Au cas où... le répertoire de Motörhead, ce pourrait être rigolo, mais je pense que ça ne ferait rire que nous.
Je ne crois pas que l’on puisse faire autre chose…

Tous vos fans ne pourraient se résoudre au fait que le groupe 1234 ne soit qu’un « one shot », ce n’est pas possible ! Le futur passerait-il par des compositions personnelles ?
Ah, ah, ah, ah, ah… ben non je ne le vois pas non plus…
De toute façon nous n’avons pas de fans, nous n’avons que des fans des Ramones.
Sérieusement, je ne pense pas que nous ayons des fans. L’affaire est très jeune (le premier album du groupe est sorti le 31 mai 2010, nda) et les gens ne savent même pas encore que nous existons. En dehors, peut être, des amateurs de rock’n’roll qui fouillent et cherchent toujours à tomber sur une nouveauté qui les interpelle…

L’avenir nous le dira mais l’avenir n’est pas très punk…
Enfin, je n’ai jamais cru au « no futur » puisque qu’il s’agit d’une mésinterprétation de ce que chantait Johnny Rotten dans « God save the Queen ». Il disait simplement « pas de futur pour elle, c’est fini, c’est du passé »…
Nous sommes davantage dans l’instant présent et l’esprit du groupe Eddie & The Hot Rods avec « Do anything you wanna do »…

Les plans de carrière nous verrons. Nous avons déjà ce disque à défendre…
Le répertoire des Ramones est un trésor, donc si ça devait fonctionner pour les 12 titres qui sont sur ce premier album « The 1234 Sing Ramones » ça pourrait fonctionner pour d’autres…
De là à faire un deuxième CD, pour le moment je ne sais pas, nous n’en sommes pas là…

Quels sont donc les projets de la famille Ramolli ?
La famille Ramolli a des projets mais chacun des frères à des choses à faire de son côté.
En plus le p’pa, il m’a d’mandé de l’aider à remonter le mur du fond juste derrière la grange. Mon pauv’ vieux, c’est que je n’ai pas que ça à faire parce que les autres ils sont fainéants… tu ne peux même pas t’imaginer !

Il y a aussi un intellectuel chez nous. Jacky a hérité du côté poète de papa, Nardo a toujours un truc à faire par ci par là. Le vrai musicien c’est Jésus mais il est toujours absent…

Donc c’est moi qui doit aider le père. Tu me parles d’avenir et de trucs comme ça mais, pour l’instant, aïe aïe aïe (rires) !

Donc même Jésus ne multiplie pas les plans de carrière ?
C’est qu’il en est capable !
Mais il est très occupé, d’ailleurs c’est pour cela qu’il n’est pas présent aujourd’hui. Il est très bien à interviewer Jésus !

Sa présence aurait été miraculeuse…
(rires) Oui, un petit peu !
Il n’arrive pas à multiplier les moments de liberté le pauvre !

As-tu une conclusion à ajouter à cet entretien ?
Il faut que j’arrête de dire des bêtises alors...
La seule conclusion valable serait « Hey, hey ho, let’s doo-wop, now ! ».

Remerciements : à Nadia Sarraï Desseigne, au label Rock Paradise et à Nano Ramolli pour sa leçon de mélodica.

www.myspace.com/the1234sss

 

 

 

 

 

 

 
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Les liens :

myspace.com/the1234sss

Interview réalisée au
QG de la Famille Ramolli »
Paris le 26 juin 2010

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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